la feuille volante

La voix

La voix – Arnaldur Indridason – Métaillé.

Traduit de l’islandais par Eric Boury.

 

Si le commissaire Erlandur croyait encore au Père Noël, ce qu’il a vu dans ce débarras d’un grand hôtel de Reykjavikl en ce matin d’hiver a dû lui mettre un sacré coup. Le Bonhomme rouge assassiné d’un coup de couteau dans le cœur, dans un sous-sol, le pantalon sur les chevilles, un préservatif imbibé de salive pendouillant entre ses cuisses… Pour la magie de Noël, on repassera ! Plus prosaïquement, Gudlaugur, la victime, était depuis vingt ans portier, en instance de licenciement, dans cet établissement. L’enquête s’annonce plutôt mal pour le commissaire et Oli, son adjoint, ça part dans tous les sens, on parle de prostitution, de drogue, du passé prometteur de la victime, d’homosexualité, de pédophilie, de solitude, de deuil, de difficiles relations parents-enfants, d’enfance sacrifiée, de déceptions, de solitude, de « promesses de l’aube » qui se transforment en catastrophes du soir, de l’implacable destin... Il est surtout question de l’éternel problème des parents qui reportent sur leur enfant leurs velléités d’une réussite qui s’est dérobée à eux ou qu’ils avaient patiemment tissée et dont la faillite devient insupportable au point qu’ils se désintéressent de leur progéniture.

J’ai retrouvé le commissaire Erlandur, comme une vieille connaissance croisée il y a longtemps et un peu oubliée (« La femme en vert »). Il est toujours aussi gourmand, a toujours les même problèmes personnels avec sa fille droguée et son fils alcoolique mais fait ce qu’il peut, depuis son divorce déjà lointain et difficile qu’il se reproche, pour s’en rapprocher et les aider. C’est une homme honnête, déprimé et seul qui fait son métier du mieux qu’il peut, mène une recherche laborieuse, pleine de conjectures hasardeuses avec la découverte de magouilles, de secrets, de tabous, de mensonges, avec en arrière-plan une autre enquête qui traite aussi de problèmes familiaux. Il reste marqué par le traumatisme et la culpabilité nés de la mort de son frère alors qu’il était encore un enfant et cette enquête est aussi pour lui l’occasion de remonter le temps avec nostalgie. J’ai apprécié qu’il n’y ait pas trop de sang ni trop de sexe ce qui est souvent le cas dans ce genre de roman mais aussi que l’auteur insiste sur de nombreuses facettes de notre espèce humaine, décidément bien peu fréquentable.

Dans le paysage littéraire islandais, Arnaldur Indridason est reconnu comme l’auteur de polars. Ici, il y a certes un contexte policier avec cadavre, enquêteurs, investigations, ambiance triste avec neige et froid malgré des préparatifs festifs de Noël auxquels notre commissaire reste étranger et je l’ai plutôt lu comme un roman psychologique, certes noir, mais aussi une étude de personnages qui, comme celui d’Erlandur est devenu plus attachant que lors de ma lecture antérieure.

 

 
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