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la feuille volante

LE VOYAGE DE M. RAMINET - Daniel Rocher

 

N°361– Aout 2009

LE VOYAGE DE M. RAMINET – Daniel Rocher – Éditions du Serpent à plumes..

 

D'emblée, au simple nom de ce qui devait être le héros de ce roman, j'ai craint le pire [Félix Raminet – Rat, minet, Félix le chat]. A la lecture des premières pages, je n'ai pas été plus motivé. Jugez plutôt : M. Raminet donc, tout juste retraité, célibataire, soixante six ans, un homme rangé « petit, rond, chauve, lustré, excité »... La faculté de droit où il a enseigné toute sa vie n'incite pas beaucoup aux extravagances, d'ailleurs il vient juste d'obtenir son permis de conduire! Il s'achète une voiture et fonce vers St Malo, où il souhaite finir ses jours ...à 90 km à l'heure, évidemment, mais sur l'autoroute. On imagine l'attitude des autres conducteurs!

 

Non seulement notre Raminet vit en dehors du temps [ce qui est plutôt étonnant de la part d'un professeur de droit civil], mais encore il semble en permanence à côté de la plaque [même quand il rêve on s'attend à croiser Alice dans son Pays des Merveilles], naïf et même franchement dépassé avec ses manières d'un autre âge [parfois fréquentes chez les vieux enseignants], mais quand il rencontre une jeune, jolie et blonde étudiante américaine, Jane, auto-stoppeuse de surcroît, au franc-parler et au comportement libéré, qu'il emmène avec lui à St Malo et qui le surnomme Pussy [c'est facile – poussah eût peut-être été possible], on se met franchement à craindre pour lui. Quand elle lui révèle qu'elle parcourt le monde et prépare une thèse sur la timidité masculine, on se dit que cela ne pouvait pas mieux tomber et que la hasard fait décidément bien les choses.

Il fait d'improbables rencontres, parfois sordides, parfois hautes en couleurs mais n'échappe pas [heureusement pour lui] à ce que d'aucuns imagineront être son destin immédiat. Une réelle et authentique complicité s'installe entre la jeune fille et lui et les circonstances de ce livre rendent ces deux personnages attachants. S'ensuivent des situations aussi scabreuses qu' ambigües qui sont dans le droit fil de l'humour du début.

Je ne sais pas pourquoi, mais au-delà de l'aspect distrayant du récit et malgré des discussions qui sont émaillées de philosophie existentielle du genre « Qui sommes-nous, d'où venons-nous, où allons-nous? », parfois passionnantes mais souvent superficielles et oiseuses, je retiendrai plus volontiers le personnage solitaire qu'est M.Raminet. Il aime à parler philosophie avec Jane [« Ce que les occidentaux appellent « philosophie » c'est la mise en commun de leurs langages pour se poser les mêmes questions. Mais plus les interrogations sont nombreuses plus les réponses sont rares »]et on sent qu'elle aime être avec lui, même si les thèmes abordés sont vieux comme le monde, la vie, l'amour, la mort. Il insiste sur la solitude qui a bien souvent fait partie de sa vie, mais aussi sur sa personne qu'il juge médiocre et ridicule tant sa vie se résume à peu de choses, la solitude, la peur, le quotidien et cela me paraît lui donner une autre dimension...

 

J'ai bien aimé le style d'écriture, alerte et enjoué, souligné par des tournures de phrases précieusement brodées et inspirées par une sincère urbanité quand elles sortent de la bouche de M. Raminet. J'ai aussi apprécié le sens consommé de la formule pour le commentaire et les descriptions où la poésie n'est heureusement pas absente [« Il pleuvait, la ville économisait ses bruits. L'air était doux comme un buvard offert à l'invasion silencieuse de la nuit »]. Les situations sont parfois un peu forcées, prévues et même prévisibles, mais qu'importe. L'humour et même la cocasserie sont évidemment au rendez-vous, mais je n'omettrai pas de privilégier la scène finale. Le tout m'a procuré un bon moment de lecture.

Au moins là, M. Raminet est le type de personnage qui n'échappe pas à son auteur, encore que....

 

 

©Hervé GAUTIER – Aout 2009.http://hervegautier.e-monsite.com

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