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la feuille volante

Crénom Baudelaire

N°1693 – Novembre 2022

 

Crénom, Baudelaire – Jean Teulé

 

C’est avec ce titre bien loin de ce nous avons appris pendant nos études sur Baudelaire que Jean Teulé qui malheureusement vient de nous quitter, nous invite à suivre la biographie de celui à qui la poésie française doit tant. C’est sans doute un peu iconoclaste mais tellement dans le style jubilatoire et baroque de ce biographe qui bouscula à l’envi tout ce que des générations de potaches ont dû apprendre et ce qu’ils ont dû disserter en s’inspirant parfois gauchement des pages du « Lagarde et Michard ». C’était un révolté par nature et ce n’est pas le remariage de sa mère avec un officier supérieur futur sénateur qui le réconcilia avec le genre humain et aussi avec la discipline. En se remariant, sa mère qu’il avait idolâtrée, lui échappa ; sa future attitude envers les femmes prend à ce moment sans doute sa source. Ses relations avec elles sont autant de rapports scabreux aux accents érotiques mais aussi de syphilitiques comme ceux qu’il eut avec Jeanne Duval, à la fois muse et compagne lascive et qui n’ont d’égal que son appétence au hachisch et autres paradis artificiels, vecteurs de poèmes ou d’attitudes étranges. Jeanne ne fut pas la seule. Il était certes très conscient de sa valeur de poète, bien décidé aussi à s’inscrire en faux sur les habitudes quotidiennes de ses contemporains, parasite insolent et fantasque, il marqua son siècle mais pas uniquement avec son verbe et ses vers contempteurs voire provocateurs.

Charles était volontiers facétieux, excentrique, halluciné avec cette exceptionnelle certitude qui était la sienne d’être différent des autres et de porter autour de lui et sur l’espèce humaine en général un regard circulaire et circonspect et il n’accordait à l’argent qu’une valeur d’autant plus relative que son héritage paternel, qu’il dilapidait avec une grande régularité, était important et lui permertait de vivre une existence de dandy sublime et oisif mais aussi une vie tout entière tournée vers la poésie. Il y eut certes cette tutelle pour faire échec à sa prodigalité et lui imprimer une existence chiche et résignée. Il y eut, devant un Baudelaire baillant et rotant, ce jugement correctionnel pour offense à la morale et aux bonnes mœurs, suite à la publication des « Fleurs du mal » et qui amputa le recueil de six poèmes et transforma les juges en critiques littéraires ce qui ne leur a pas réussi puisque, nonobstant l’amende et autres détails ressortant du droit pénal, ils firent à leur auteur une publicité inattendue. Il y eut cette vie de bohème désargentée et libre qui consacra sa marginalité définitive de poète maudit. Il lui resta les chats et leur mystère, ses mots et leur voyage incertain et parfois hostiles, des femmes souvent amoureuses, languides mais attachées à lui, cette inattendue candidature à l’Académie française, la mort certaine et surtout théâtrale et révolutionnaire, des projets culturels aussi étonnants qu’impossibles à réaliser, des obsèques finalement fantastiques et uniques. Rien que des choses bizarres mais attestant de son amour du plaisir, dénigreur du monde, poète définitif et éternel marginal et grivois aux poches trouées.

Cette expression n’est que l’abréviation d’un juron blasphématoire qu’il prononça au sortir d’une église belge et, en ayant manqué une marche, il s’affala. Répétée à l’envi jusqu’à sa mort, elle est bien éloignée des vers sublimes et des sonnets de ce poète exceptionnel.

C’est une biographie romancée, bien éloignées de celle des manuels scolaires, légèrement surréaliste, pertinente et impertinente, sensuelle humoristique, savoureuse.

 

 
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