la feuille volante

Barbara, claire de nuit

N°1668 - Août 2022

 

Barbara, claire de nuit – Jérôme Garcin- Gallimard.

 

Il doit bien être chanceux ce Jérôme Garcin. Quand à 18 ans il écrit à Anne Philippe, la veuve du célèbre comédien, elle le reçoit chez elle et il épouse sa fille dont il est éperdument amoureux. Bien plus tard, c’est le hasard qui lui fit croiser Barbara dont la voix et les chansons nous ont tous fait rêver, et il en résulta une affection de la chanteuse pour son fils Gabriel. Cette amitié a sans doute nourri sa réflexion sur les choses de la vie et donc enrichi son œuvre. Lui qui a pris l’heureuse habitude de tirer de l’oubli des personnages que l’amnésie générale a recouvert de son voile, lui consacre un ouvrage où il lui donne largement la parole, comme on écrit à quelqu’un dont on sait qu’il ne répondra pas, comme dans le merveilleux poème que Prévert adressa à une autre Barbara. Loin du show-biz, de ses succès éphémères et de sa superficialité, elle s’est insinuée dans nos mémoires au point d’y sertir sa voix, ses mots, ses blessures, son image, sa solitude, ses silences, sans concession mais avec discrétion ...

 

J’ai retrouvé avec plaisir la fluidité de la phrase que j’apprécie tant chez Garcin. Pourtant, ce n’est pas une biographie (à part la notice « récapitulative » de la fin), c’est davantage une évocation, comme un portrait qu’on esquisse et qu’il faut parfois décrypter, comme un puzzle dont on assemble les pièces, entre ombre et lumière, un peu comme le titre en forme d’oxymore de ce livre qui, à une lettre près, reprend celui d’une de ses chansons. Ombre de sa vie privée, distillée avec parcimonie dans ses chansons dont chacune d’elles est une parcelle de confidence faite de moments douloureux ou fugaces et lumière pour son public devant qui elle apparaît toujours vêtue de noir, comme son piano opposé au blanc comme son visage. Blanc comme le vertige, noir comme l’épuisement ou le deuil, blanc comme le jour, noir comme la nuit, blanc comme le plaisir fugace, l’espérance et peut-être comme le bonheur de passage et noir comme le mal de vivre, le désarroi, noir et blanc, comme un vieux film ou une photo ancienne aux bords dentelés qui font fi des modes furtives, noires et blanches comme les notes de sa musique, noir comme ce monde auquel elle a choisi de s’opposer, celui des déshérités, des malheureux des victimes d’injustices, blanc comme le silence éternel (le paradis blanc?) qui est maintenant le sien.... Deux facettes de cette femme pour qui la scène et le public lui étaient aussi indispensables que le secret de ses combats.

 

Alors, hommage supplémentaire à cette femme, vingt ans après sa mort, avec des mots tressés entre amitié et émotion, pour faire échec à l’oubli qui engloutit si vite les traces de son passage sur terre, des mots qui résistent au temps, pour raviver son souvenir, pour l’inviter à nous faire une autre visite, pour lui dire simplement et une nouvelle fois « Dis, quand reviendras-tu, dis au moins le sais-tu »

 

 

 

 

 
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