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la feuille volante

LA GRANDE ILLUSION

N°830 – Novembre 2014.

LA GRANDE ILLUSION Jean Renoir (1937).

Pendant la Grande Guerre, l'avion du lieutenant Maréchal (Jean Gabin) et du capitaine de Boëldieu (Pierre Fresnay) est abattu par le commandant Von Rauffenstein (Eric Von Stroheim), un aristocrate raffiné connaissant la famille du capitaine. Faits prisonniers les deux officiers français sont envoyés dans un camp en Allemagne où il retrouvent des soldats alliés de toutes nationalités, de tous grades et de tous milieux sociaux. La vie s'organise et aussi leur future évasion mais la veille de celle-ci, Maréchal et Boëldieu sont transférés dans une citadelle commandée par Von Rauffenstein devenu inapte au service à la suite d'une grave blessure. Les deux officiers aristocrates sympathisent en raison de leur milieu tandis que Maréchal, ancien ouvrier et le lieutenant Rosenthal, fils de banquier juif, rêvent d'évasion. Le devoir de tout prisonnier de guerre est de s'évader mais le sens de l'honneur de Boëldieu le pousse à se sacrifier pour favoriser la fuite des deux autres français. Le capitaine sera tué par le commandant du camp, victime en quelque sorte de son devoir. L'attitude du capitaine est une forme de rébellion contre les Allemands, il participe à sa manière à l'évasion des deux autres mais respecte une parole d'honneur qu'il n'a pas vraiment donnée au commandant de ne pas chercher à s'évader. Ils appartiennent à la même caste et à ce titre se lient d'amitié.

Les fuyards, épuisés seront recueillis dans une ferme par Elsa qui élève seule sa fille. Toute sa famille est morte au cours de cette guerre. Maréchal tombe amoureux d'Elsa, songe à rester avec elle mais se résout au départ tout en lui promettant de revenir s'il survit et atteint la Suisse. Ils réussissent dans leur entreprise mais le film se termine sans qu'on sache si Maréchal revient vers Elsa, s'il respecte lui aussi la parole qu'il lui a donnée.

Ce film met en scène des personnages très marqués par leur milieu social, Maréchal est un prolétaire promu officier, Von Rauffenstein et Boëldieu sont deux aristocrates engoncés dans leurs préjugés de classe, Rosenthal est fils d'un banquier, juif de surcroît. Lors de leur première incarcération, les hommes de tous les grades et de tous les milieux sont en situation de concentration. On peut comprendre que l'aristocratie, transcende les frontières alors qu'il y a plus d'affinités entre les autres classes sociales et que le devoir de combattre et de résister est plus important dans leur cas. Pourtant, il y a quand même une sorte de solidarité née du travail quand les officiers français et allemands sympathisent autour d’une table et apprennent qu'ils ont travaillé dans la même branche de l'industrie. Je note que ce film n'est pas antisémite puisque Rosenthal est présenté sous un jour favorable.

Nos sommes en 1914-1918 et les camps de prisonniers présentés n'ont rien des camps nazis du conflit suivant. Les gardiens allemands font même preuve d'une certaine bonhomie. Ce n'est pas non plus un film de guerre puisqu'il n'y a aucune scène de combat.

Reste la signification de ce titre. Le film met en scène des personnes appartenant à des groupes sociaux différents qui sont censés être animés des mêmes idéaux. La guerre, comme l’ancien service militaire, est censée rapprocher des hommes qui en temps ordinaire s'ignorent ou se combattent. D'autre part, ce conflit à amené des gens, souvent d'une même caste mais appartenant de deux pays belligérants à se combattre alors qu'ils n'en avaient pas envie. Il n'y a d'ailleurs pas de haine entre les prisonniers et les gardiens et seul le sacrifice de Boëldieu répond à un sens de l'honneur. On n'oubliera pas non plus que Maréchal espère par deux fois que cette guerre sera la dernière et que Rosenthal lui répond en invoquant « une illusion ». Nous sommes en 1937 et la montée du nazisme laisse entrevoir le prochain conflit.

Ce film qui s'inscrit parfaitement dans le centenaire de la Grande Guerre est considéré à juste titre comme un chef-d’œuvre, couronné notamment à la Mostra de Venise en 1937. A titre personnel, je retiens le rôle magistralement tenu par Pierre Freynay.

©Hervé GAUTIER – Novembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

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