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la feuille volante

L'amant - Marguerite Duiras

N°1838 – Février 2024.

 

L’amant – Marguerite Duras – Les éditions de Minuit.

Prix Goncourt 1984.

 

On a beaucoup parlé de ce roman au moment de sa publication et surtout de son prix Goncourt. J’avais gardé de ce live le souvenir d’une histoire d’amour entre une jolie jeune-fille blanche et un Chinois plus riche et plus vieux qu’elle dans l’Indochine coloniale française. Elle recherche avec lui le plaisir puis part pour la France.

Cette relecture, quarante ans après, m’a fait voir les choses sous un autre angle, celui d’une fille qui s’oppose en permanence à sa mère qui préfère son frère aîné pourtant plus arrogant et irrespectueux. Le portrait qu’elle en fait le révèle malhonnête, détestable, hypocrite, profiteur et malgré cette réalité leur mère le porte au pinacle. Cette différence flagrante faite entre elle et lui la révolte et l’incite à se libérer de l’emprise maternelle. L’empressement avec lequel elle cède à cet homme rencontré par hasard trouve sans doute en partie son explication. Il me semble que cet aspect du roman avait été quelque peu gommé au moment de sa publication au profit de l’histoire d’amour.

La famille de modestes instituteurs vit dans la gêne, et cette jeune fille voit dans cette liaison qui va durer un an et demi non seulement l’occasion de découvrir les plaisirs de la chair, de transgresser un interdit, de bousculer un tabou mais également de s’émanciper de cette cellule familiale pleine de haine où elle se sent à l’étroit. Adolescente, elle a longtemps rêvé des hommes que son jeune et joli corps ne laissaient pas indifférents et aussi des femmes qui voulaient séduire et à qui elle voulait ressembler. Elle évoque d’ailleurs des figures de féminines qu’elle a croisées et qui l’ont fascinée. Sa mère avec qui elle a des relations difficiles la destine aux mathématiques alors qu’elle a déjà l’intuition que sa vie sera tournée vers l’écriture ce qui est loin d’emporter l’accord maternel.

La rencontre avec cet homme qui sera toujours dénommé comme « l’amant ou le Chinois de Cholen » se fait sur le bac qui traverse le Mékong pour aller au collège français de Saïgon. Plus tard c’est aussi ce fleuve qu’elle doit traverser pour la rejoindre dans sa garçonnière. Il y a quelque chose d’initiatique dans ce trajet, une habitude vers le plaisir qu’elle recherche, le passage rituel vers sa nouvelle vie de femme. S’il tombe instantanément amoureux d’elle et si apparemment il le reste malgré les années, il me semble que cet amour n’est pas vraiment partagé par elle qui voit dans cet événement une occasion de connaître ce à quoi elle a toujours rêvé et qui lui manque cruellement, la jouissance, l’amour, l’argent, la reconnaissance. Rapidement la jeune fille devient la maîtresse du Chinois et pour lui elle brave le règlement du collège, elle ment à sa mère, abandonne ses traditionnels vêtements élimés et retaillés pour d’autres plus voyants, mais leur relations a quelque chose d’étrange, faite de silences, de timidité, de tristesse, de larmes, de regrets, de retenues autant que d’élans amoureux. Si c’est pour elle sa première expérience sexuelle, lui au contraire a déjà connu beaucoup de femmes et elle prend conscience qu’elle fait partie de ses nombreuses conquêtes, rien de plus. Il y a entre eux une sorte de trouble né sans doute de leur défaut d’avenir ensemble puisqu’ils savent qu’ils ne pourrons jamais se marier et que cette passade sera sans lendemain. Il obéira à l’injonction paternelle de l’oublier et elle partira pour la France. L’idée de la mort est en permanence présente dans ce texte et tout ceci donne à ce roman une dimension bien différente de ce que le film de Jean-Jacques Annaud avait donné à voir. Marguerite Duras publiera en 1991 « L’amant de la Chine du nord », sorte de texte complémentaire à « L’amant ».

C’est aussi un livre largement autobiographique où le temps se dilate. Les souvenirs se superposent, compliquant la compréhension. Elle y évoque non seulement des événements antérieurs à cette rencontre mais surtout des détails qui ont suivi son retour en France. Le ton est bien différent surtout quand se mêlent son histoire à celle de sa mère, triste et tragique.

Marguerite Duras a laissé dans notre littérature une empreinte beaucoup prégnante que nombre de prix Goncourt. Cette relecture ne m’a pas vraiment convaincu à cause du style quelque peu décousu avec pas mal d’analepses et de digressions.

 

 

 

 

 

 
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