la feuille volante

Le bâtard de Nazareth

La Feuille Volante - N° 2022 – Novembre 2025.

 

Le bâtard de Nazareth – Metin ARDITI - Bernard Grasset.

 

Le titre de ce livre autant que la photo de sa couverture ne peuvent pas ne pas attirer l’attention du lecteur occidental baigné dans une éducation judéo-chrétienne.

L’auteur fait une lecture beaucoup plus humaine de la vie de Jésus de Nazareth dont la conception, ressassée pendant des siècles, ne doit rien à une quelconque divinité lointaine mais, comme s’est souvent le cas lors des guerres, s’inscrit simplement dans un contexte d’occupation du pays par les troupes romaines. Il présente Marie, une fort jolie femme un peu simple d’esprit, comme la victime de viol d’un légionnaire romain, ce qui paraît plausible. Son enfant à naître sera donc un bâtard, c’est à dire un exclu, comme elle le sera elle-même, selon la loi juive. Pour lui éviter l’opprobre, Joseph, un charpentier veuf , déjà père de famille et donc plus vieux qu’elle, accepte d’endosser cette paternité dont il sait être étranger. Tout cela, sans être fréquent, est parfaitement légitime. On est loin de tout le décor évangélique, l’annonciation par l’ange Gabriel et « l’arbre de Jessé », qui fait remonter les origines de Jésus au roi David ! D’ailleurs l’Église catholique semble bizarrement avoir admis ce scénario puisque Jésus nous est toujours représenté avec des caractéristiques physiques européennes (peau blanche, cheveux blonds…) bien différentes de celles des autochtones juifs de cette époque. Quant à la virginité perpétuelle de Marie proclamée par l’Église, cela aussi est du domaine exclusif de la foi. C’est donc une manière très personnelle d’Arditi de remettre les choses à une place différente, plus logique, plus humaine et de faire pièce à tous ces mensonges, même habillés en forme de dogmes et qui, pour avoir été répétés à l’envi par des générations successives, deviennent des vérités auxquelles il faut croire.

L’auteur nous montre Jésus, un charpentier compétent, guérisseur de surcroît, un garçon exceptionnel, plus beau et plus intelligent que ses contemporains, ce qui arrive souvent chez les enfants naturels. Il fait de lui un homme amoureux de Maria Magdalena mais qui, conscient de sa mission terrestre acquise dans l’étude de la Bible, montre son parti-pris dans la défense des exclus de cette société et pour une religion judaïque plus près des hommes. Il a de plus un esprit critique au regard de la loi juive et des Écritures. Il sait convaincre les plus retors par la qualité de son verbe et sait prendre des positions publiques tranchées. Dans un contexte de mouvements sectaires religieux et l’inévitable besoin du peuple de résister face aux troupes d’occupation de Rome, son exemple, son enseignement et sa manière d’interpréter la Bible sont bien reçus par les opprimés ce qui fait de lui un potentiel meneur politique alors que ce dont il rêvait c’était seulement de vivre différemment sa religion, quitte à en créer une autre plus humaine, plus généreuse et protectrice des plus faibles, plus près des hommes. Non seulement il prêche mais guérit aussi puisqu’il est rebouteux mais l’auteur ne manque pas d’expliquer logiquement ce qui est regardé par ses disciples comme des miracles. Ses fidèles le suivent, l’acclament ce qui pour les Romains est un trouble à l’Ordre Public qu’il convient de réprimer et pour le Sanhédrin favorable aux Romains mais aussi gardien des dogmes bibliques, une rébellion blasphématoire qui se doit d’être punie de mort. Il sera donc crucifié, supplice prisé des Romains et non lapidé selon la loi juive.

 

Judas est traditionnellement considéré comme un traître, pourtant Arditi le réhabilite d’une manière assez inattendue, revisite la scène du baiser et bouscule quelque peu les Évangiles. J’ai bien aimé ce livre bien écrit avec de petits chapitres présentés un peu au format du Nouveau Testament, presque de quoi se réconcilier avec cette religion catholique qui, au cours de son histoire et même récemment, nous a donné un exemple bien différent de l’Évangile dont elle s’est toujours recommandée. De plus Metin Arditi, turc séfarade francophone a choisi le français pour ses livres.

 

© Hervé GAUTIER

 

 

 
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