ROMAN DE GARE – Un film de Claude LELOUCH
- Par hervegautier
- Le 20/11/2013
- Dans cinéma français
- 0 commentaire
N°380– Novembre 2009
ROMAN DE GARE – Un film de Claude LELOUCH [2007]. Diffusé le 25/11/2009 20H40 sur Cinéma club.
Je ne suis pas vraiment cinéphile, pas non plus amateur des films de Claude Lelouch, mais là, j'ai été bluffé par le scénario qui juxtapose les histoires sans aucun lien apparent entre elles mais qui finissent par tisser une trame policière où le spectateur lui-même se perd, croit se retrouver pour, encore une fois s'égarer, entre fantasmes, fausses-piste, retournements, mises en abymes, certitudes et remises en question...
Cela commence par la comparution aux « quais des Orfèvres » de Judith Ralitzer [Fanny Ardant], séductrice mais aussi auteur à succès, interrogée par un policier sur la mort suspecte de son mari. Le décor est donc planté.
Puis, flash back avec l'annonce à la radio d'une évasion de la prison de la santé d'un dangereux criminel [sa lente descente le long d'un mur de pierre, accroché à des draps noués a quelque chose de merveilleusement désuet]. Puis la caméra s'attarde dans le huis clos d'une voiture sur un couple qui, bien qu'en route pour une demande en mariage, se déchire et finit par se séparer sur une aire d'autoroute. La femme, Huguette[Audrey Dana], plus ou moins coiffeuse et un peu midinette, qui y est abandonnée rencontre par hasard une sorte de magicien, Pierre Laclos/Louis [Dominique Pinon] dont le spectateur craint qu'il ne s'agisse de l'évadé de la prison. On imagine facilement entre eux une idylle et l'issue macabre de celle-ci . Mais rien de tout cela n'arrive. Pourtant, l'individu un peu louche laisse planer un doute sur son véritable métier [Professeur de Lettres dans un lycée de banlieue, secrétaire de Judith Ralitzer, son nègre peut-être?], sa véritable identité, d'autant que l'annonce de l'évasion reste toujours présente. La rencontre, au bord de la route, avec la maréchaussée, relance le suspense, vite dissipé cependant par Huguette.
Celle-ci, plus ou moins en rupture avec ses parents et qui souhaitait leur présenter l'homme qui allait enfin partager sa vie, demande à l'inconnu qui accepte, de jouer ce rôle pour cette famille un peu atypique et quelque peu soupçonneuse. La certitude du spectateur qu'il est bien en présence d'un tueur est renforcée quand ce dernier passe de longues heures solitaires au bord d'un torrent en quête de truites avec la fille d'Huguette qui vit chez ses grands-parents. Mais là non plus rien de ce qu'il avait pu imaginer ne se passe.
Une autre histoire se déroule sous ses yeux, un professeur de Lettres d'un lycée de banlieue a soudain quitté femme et enfants pour disparaître et fatalement le spectateur pense au compagnon temporaire d'Huguette. Florence [Michèle Bernier], l'épouse ainsi délaissée finit par tomber amoureuse du commissaire qui, précisément, au début du film, est en train d'interroger la romancière.
L'énigmatique Pierre Laclos se retrouve sur la yacht de la romancière à Cannes, le spectateur découvre qu'il est, depuis sept ans son secrétaire et surtout le véritable auteur de tous les livres à succès de Judith Ralitzer, qu'il est en train d'écrire à nouveau pour elle un roman qu'il veut pourtant garder pour lui, qu'elle est en train de le mystifier, qu'il s'en rend compte et souhaite mettre fin à cette collaboration avant d'être, lui aussi, victime de la meurtrière romancière. Quand il disparaît, en vue des côtes, et qu'il ne réapparait pas pendant un an, Judith est, en public lors d'une émission de télévision, accusée par Huguette de n'être pas l'auteur de ses livres et par le policier d'être la meurtrière de son secrétaire, comme elle l'est peut-être de son mari.
Tout rentre dans l'ordre et la fin, si l'on peut dire, est à la mesure de ce drame qui tient le spectateur en haleine tout au long du film.
Claude Lelouch a signé ce film d'un pseudonyme [Hervé Picard], laissant croire à l'existence d'un nouveau réalisateur. Cela n'est pas sans rappeler l'aventure littéraire d'Émile Ajard, alias Romain Gary, qui mystifia tout le monde au point d'obtenir, par cet artifice, une deuxième fois le prestigieux Prix Goncourt]. J'aime bien qu'on brouille ainsi les cartes pour remettre les choses à leur vraie place, qu'on les bouscule et qu'on s'affirme, surtout quand le talent est au rendez-vous.
J'avais modérément aimé sa filmographie, je suis, par cette œuvre qui n'a rien d'un banal roman de gare, réconcilié avec lui.
©Hervé GAUTIER – Novembre 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
Ajouter un commentaire