Un air de famille
- Par hervegautier
- Le 20/11/2018
- Dans cinéma français
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La Feuille Volante n° 1295
Un air de famille – Une pièce d'Agnès Jaoui et de Roland Bacri - Un film de Cédric Klapisch.
Ce film tourné en 1996 par Cédric Klapisch est d'abord une pièce de théâtre, portant le même titre, écrite en 1994 par Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui qui sont aussi au générique.
La famille Ménard a quelque chose de traditionnel. « La Mère » (Claire Maurier) est veuve et parmi ses trois enfants Philippe, la quarantaine (Wladimir Yordanoff), marié à Yolande (Catherine Frot), est cadre dans une société d'informatique. C'est le préféré de sa mère, celui qui a réussi, qui prend les décisions pour tout le monde, tandis que Henri (Jean-Pierre Bacri), l’aîné, marié à Arlette, le raté de la famille, s'est contenté de reprendre « Au père tranquille », le café minable, auparavant tenu par son père, sans y avoir fait aucune modification. On y retrouve l'ancien juke-box en panne, la décoration et le mobilier d'un autre âge. Il vivote entre le « plat du jour » à midi et les retraités qui font durer un ballon de rouge tout l'après-midi en tapant le carton. Betty (Agnès Jaoui), la benjamine, qui a du travail grâce à Philippe dans son entreprise, célibataire de trente ans, conserve son indépendance et son franc-parler, ce qui inquiète sa mère. Sa marginalité rebelle face à sa hiérarchie risque de lui coûter sa place mais elle n'en n'a cure, elle reprendra sans doute son errance professionnelle faite de petits boulots et d'allocations- chômage. L'employé d'Henri, Denis, (Jean-Pierre Darroussin) est un peu le souffre-douleur de ce patron sans envergure mais qui cependant ne s'en laisse pas conter et fait valoir sa différence et ses préférences.
C'est le soir du 35° anniversaire de Yolande qui doit être célébré dans un bon restaurant du coin mais l'absence d'Arlette, dont on apprend très vite qu'elle a quitté le domicile conjugal, retarde le départ des convives, ce qui fait que tout se passera « au père tranquille » dans l'improvisation la plus totale. Rapidement, ce qui devait être une réunion de famille annuelle, traditionnelle et surtout paisible tourne à l'affrontement. A propos du passage raté à la télévision régionale de Philippe qui devait y parler de son entreprise, de vieilles querelles familiales ressortent et des disputes éclatent. Denis quant à lui, malgré sa non-appartenance à cette parentèle, fait ce qu'il peut pour donner un semblant de fête à cette soirée ratée. Le côté naturel et naïf de Yolande ressort qui énerve quelque peu son mari qui depuis longtemps ne lui accorde que peu d'importance, tandis que la mère campe exactement l'archétype de la « Belle-mère » et de la mère abusive, faisant ouvertement des différences entre ses enfants. Caruso, le pauvre chien paralysé, qui bien entendu ne dit rien et ne bouge pas, a même de la présence.
La traditionnelle règle du théâtre de l'unité de temps, de lieu est d'action est pratiquement respectée dans ce microcosme et le drame peut éclater, heureusement conclu par un épilogue moins sombre.
Cette œuvre est une évocation très juste de ce qui se passe dans toutes les familles, entre hypocrisies et non-dits, une entente de façade qui dégénère très vite en règlements de compte à propos de rien, ici d'un bafouillage de Philippe devant les caméras ou de sa cravate jugée peu conforme aux vues de sa mère et accessoirement une prise de bec entre Betty, décidément bien en état d'insubordination, et un des cadres de l'entreprise où elle travaille. Ces détails, savamment étudiés et exploités à l’extrême vont entraîner les membres de cette famille dans une sorte de maelstrom révélateur et destructeur.
J'ai trouvé le jeu des acteurs convaincant, les dialogues incisifs, les intonations de voix étudiées, bien dans l'ambiance un peu délétère d'une famille traditionnelle composée de membres qui ne se ressemblent pas forcément et qui ont entre eux d'inévitables désaccords et rivalités. Les différences sociales et familiales sont bien marquées ce qui fait de cette œuvre une satire fort pertinente.
© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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