Fuori
- Le 09/12/2025
- Dans Cinéma italien
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La feuille Volante n° 2024 – Novembre 2025.
Fuori – Un film de Mario Martone(2025).
C’est un film franco-italien qui s’inspire d’un épisode de la vie de l’auteure italienne Goliarda Sapienza(1924-1996) qui fit un bref séjour dans la prison pour femmes de Rome dans les années 80 après un vol de bijoux, une action complètement irréfléchie qui l’amena à écrire « l’Université de la Rebibbia » où elle découvre un monde sans barrières sociales (1983). Elle était déjà à cette époque connue pour sa carrière d’actrice et pour ses écrits et ses co-détenues, junkies, prostituées, délinquantes, politiques, ne voient en elle que l’écrivain. Il y a certes des bagarres à l’intérieur de ce pénitencier mais la vie quotidienne y semble quand même assez libre mais grâce à cette expérience elle tisse avec quelques-unes d’entre elles des relations solidaires et amicales fortes qui durent après leur libération. Malgré l’atmosphère assez libre du lieu elles attendent toutes ce moment et le crient dans les couloirs « Fuori, Fuori ! » (dehors), rébellion qui entraîne une intervention policière. Le moment d’incarcération passé, ces femmes jouissent de la liberté toute simple d’aller et venir dans les rues, de boire un café à une terrasse, de rouler en cabriolet ou de prendre une douche ensemble, bref de vivre. Cette liberté retrouvée est pour Goliarda une invitation irrésistible à l’écriture. Pourtant la recherche d’un emploi s’avère pour elle un réel problème ce qui ajoute à son désespoir et ressemble un peu aux nombreux refus qu’elle a eus de la part des éditeurs.
Il y a aussi cette relation apparemment difficile entre Goliarda (Valeria Golino) et Roberta (Mathilda de Angelis), une ancienne détenue politique droguée, leurs relations sont ambiguës faites de rapports quasiment mère-fille et parfois amoureux, parfois toxiques, faits de rendez-vous manqués, de communications téléphoniques hachées qui témoignent d’un dialogue difficile entre elles et finalement cette mission que cette dernière semble lui confier de témoigner en faveur des autres.
Ce film, sélectionné pour le festival de Cannes 2025 tourne également autour de l’écriture qui est bien autre chose que d’aligner des mots. C’est une souffrance intime, un devoir que l’auteur porte en lui, un acte qui se manifeste par intermittence parce que l’inspiration ne prévient pas et n’attend pas, un besoin vital de témoigner parce que l’écrivain doit être avant tout le témoin de son temps et son œuvre l’expression d’idées, de sentiments, d’émotions qui certes lui sont personnels mais qui sont également universels et concernent le genre humain tout entier. Ce long métrage fait également allusion à son roman « L’art de la joie », un roman longuement mûri (10 ans) qui fut unanimement rejeté de son vivant par tous les éditeurs italiens mais qui ne fut publié intégralement qu’après sa mort par les soins de son mari, Angelo Maria Pellegrino. Le roman fut connu en Italie seulement après sa publication en 2005 en Allemagne et en France. Goliarda Sapienza est, maintenant qu’elle est morte, reconnue comme un grand écrivain italien, ce qui en dit assez long sur les éditeurs dont le métier théorique est d’être des découvreurs de talents mais qui sont surtout animés par la volonté de « faire de l’argent ». Ce genre d’attitude face aux auteurs peut tout simplement les décourager d’exercer leur talent, ce qui est non seulement cruel et injuste mais également inadmissible de la part de professionnels, l’écrivain vivant pour le message qu’il porte en lui.
Malgré un montage haché avec de nombreux « flash-back » un peu difficiles à suivre et qui peuvent désorienter quelque peu le spectateur, cette histoire pleine de nostalgie est comme les pièces d’un puzzle dont je n’ai peut-être pas pu apprécier la valeur malgré la qualité de la bande-son. C’est en tout cas un bel hommage à cette auteure disparue.
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