Habemus papam
- Par ervian
- Le 17/08/2025
- Dans Cinéma italien
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La Feuille Volante - N° 2004 – Août 2025.
Habemus papam – un film de Nanni Moretti (2011).
Dans le monde catholique, l’élection d’un pape est un moment fort.
Au départ de ce film toute la procédure vaticane est respectée, Les cardinaux en conclave et en soutane rouge, les prières, les réflexions, les « papabile », les votes dans la Chapelle Sixtine, la fumée blanche, la préparation du nouveau souverain pontife, le cardinal Melville (Michel Piccoli), sauf que, avant sa traditionnelle parution au balcon, il est victime d’une crise de nerfs, refuse la charge et s’enfuit devant la stupeur des cardinaux. On fait appel à un psychiatre, par ailleurs athée, le Professeur Brezzi (Nanni Moretti) mais rien n’y fait, il disparaît dans Rome et le Vatican ne peut qu’organiser une mise en scène dans la plus grande hypocrisie, pour gagner du temps et organiser les recherches.
Au-delà de la situation surréaliste de ce scénario qu’on peut interpréter comme une formidable moquerie à la fois du Vatican qui fait appel à un psychiatre alors que l’Église non seulement ne reconnaît pas cette thérapie, les psychiatres ayant pris la place des prêtres, mais complique considérablement l’examen du Saint-Père au point que le professeur doit organiser un grotesque match de volley-ball dans une cour du Vatican pour passer le temps et suggérer une séance avec son ex-femme (Margherita Buy) également psychanalyste, dont il vit séparé, mais qui ne peut rien pour lui. En réalité ce n’est pas qu’il ne veut pas de sa charge mais en réalité qu’il ne peut pas l’assumer et face à cela la psychanalyse est impuissante. Au passage il égratigne aussi les cardinaux, les dépeignant comme des hommes ordinaires, bien gênés quand même par les circonstances, dont certains regrettent de ne pas avoir été choisis pour cette fonction qui couronnerait leur carrière et peut-être leur foi. Est-ce à cause de cela que Nanni Moretti n’a pas obtenu l’autorisation de tourner au Vatican et a dû se contenter de reconstituer le décor au Palais Farnèse ?
Pendant tout ce temps, le pape déambule dans les rues de Rome, semble s’y trouver à son aise, sortant de sa bulle vaticane et se retrouve dans un théâtre où se joue une pièce de Tchekhov qui lui rappelle sa vie d’avant. En cela on peut supposer qu’à ses yeux seule la scène et le métier d’acteur lui conviennent.
Ce scénario à la fois dramatique et comique n’a évidemment aucune chance de se réaliser, même si on veut faire passer l’élection du pape comme une manifestation divine dans la vie des hommes. Ce que je retiens c’est l’humilité de ce cardinal devenu pape qui refuse la charge écrasante d’être le chef de la catholicité étant précisé qu’en principe il a été auparavant prêtre, évêque et cardinal et qu’ il a été déjà investi d’une œuvre pastorale, c’est à dire une référence pour ses nombreux fidèles. Cela dit qu’un homme refuse le pouvoir, les honneurs (il est aussi chez d’État) en renonçant à une tâche qu’il estime écrasante et lui préférant une vie plus ordinaire quand d’autres auraient fait n’importe quoi pour être à sa place, me paraît à la fois sain et surtout courageux à l’heure où il ne manque pas de citoyens pour se présenter aux suffrages des électeurs tout en leur vantant leurs compétences et leur valeur, ce qui n’est que très rarement vérifié par la suite. L’attrait du pouvoir fait naître bien des vocations et réveille des egos mais l’image que nous donnent les hommes politiques est plutôt désastreuse. Il n’en reste pas moins que le cinéma doit être le miroir de son temps et que nous vivons une époque où les gouvernants ou ceux qui aspirent à l’être, nous donnent une image pour le moins décevante, que toutes les références traditionnelles volent en éclats et que la société perd sa boussole. Je ne parlerai pas de la crise profonde que traverse l’église catholique.
C’est bien sûr une fiction mais j’imagine mal ce que pourra être la vie de Melville après cette épreuve. Même si les circonstances sont bien différentes, j’observe aussi que le pape Benoît XVI a certes accepté sa charge, l’a amenée pendant un pontificat de 8 ans mais a fini par renoncer en 2013, donnant à ce film de 2011 une sorte de dimension prophétique.
Le dernière image du film montre le cardinal Melville avouant à la foule son impuissance face à l’importance de sa charge et laissant le balcon de la place Saint-Pierre vide et silencieux. On est loin des ovations qui font suite à la traditionnelle apparition du cardinal pro-diacre qui proclame « Annuntio vobis gaudium magnum – habemus papam »
Je suis toujours attentif à la sortie d’un film signé Nanni Moretti mais celui-ci à reçu un accueil mitigé.
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