Du hérisson
- Par hervegautier
- Le 23/09/2023
- 0 commentaire
N°1780– Septembre 2023
Du hérisson – Eric Chevillard – Les éditions de Minuit.
L’écrivain veut écrire sa propre biographie. Pourquoi pas, et on n’est jamais mieux servi que par soi-même et on peut régler ainsi ses propres comptes et formuler ses propres explications à ses nombreuses contradictions, formuler ses confessions, dire des choses intimes jusque là jalousement cachées...Il a même déjà le titre « Vacuum extractor » et pas mal de notes. C’est important. Il s’installe donc à son bureau avec tous les outils traditionnels nécessaires à l’écriture... et avec un hérisson « naïf et globuleux » suivant sa propre expression. Que fait-il là et surtout comment est-il arrivé là; Là aussi pourquoi pas si cet improbable animal favorise sa démarche comme d’autres ont besoin d’un chat pour aiguillonner leur inspiration. Sauf que ce n’est pas exactement ce qui se produit et ce hérisson va perturber la démarche créatrice de l’écrivain en bouleversant son univers immédiat au point que ce dernier va brûler ses notes et laisser cette bête manger sa gomme (mais pas ses crayons) au point de ne nous parler que de ce hérisson, de sa naissance, sa vie amoureuse, son régime alimentaire, son quotidien, de ses prédateurs, de sa mort… mais d’autobiographie, rien, à part quelques rares réminiscences.
Le titre lui-même est archaïque (Du hérisson) et ressemble à ceux usités jadis pour parler d’une étude scientifique ou philosophique, mais ce livre est annoncé comme un roman, c’est à dire qu’il est du domaine de l’imaginaire et donc apparemment à l’opposé d’une biographie, ce qui peut dérouter le lecteur désireux d’en apprendre davantage sur un auteur quasiment inconnu. Il y a bien des confidences et même de douloureux secrets, parfois inattendues comme le viol du narrateur alors enfant par un prêtre, mais cela donne tout de suite dans l’absurde et donc dans le non crédible. Pourtant ce texte, par ailleurs assez déconcertant (mais avec Chevillard nous commençons à avoir l’habitude), me paraît personnellement révélateur de ce qu’est le phénomène créatif. Au départ l’auteur a un projet mais, rapidement et sans qu’il sache pourquoi, les choses ne s’articulent pas comme il en avait le projet et le texte part dans un autre sens, le personnage principal (le hérisson) s’impose dans un contexte différent.. Ici le hérisson qui dévore les pages symbolise, à mon avis, ce phénomène qui brouille la démarche créatrice et transforme le projet initial, la biographie, en quelque chose d’impossible à écrire et qui échappe à l’auteur. Il y a vraiment là de quoi le perturber, et accessoirement le lecteur, et explique, peut-être, ses nombreuses et néanmoins coutumières divagations et vaticinations qui, plus souvent qu’on ne le croit, polluent l’écriture, C’est un peu comme si ce hérisson était toujours resté tapi dans l’inconscient de l’auteur et, profitant de cette envie qu’il a d’écrire sa propre biographie se manifeste d’une manière à bousculer ce projet et d’imposer sa présence. C’est de lui qu’il faut parler et pas d’autre chose ; Du coup l’auteur se demande si d’autres hérissons n’ont pas existé.auparavant mais ne sont pas morts à cause du défaut de volonté de l’auteur, de son manque de disponibilité au regard de l’écriture. Je me trompe peut-être mais c’est comme cela que je vois les choses, à moins que ce ne soit tout simplement son imagination débordante. :.
Ajouter un commentaire