la feuille volante

LA FEUILLE VOLANTE A TRENTE ANS.

 

N° 406 – MARS 2010

 

LA FEUILLE VOLANTE A TRENTE ANS.


Trente ans, cette seule durée m'étonne autant qu'elle me donne le vertige, à cause sans doute du temps qui passe et de la mémoire qui s'envole... Qui m'aurait dit qu'en 1980, quand Marjan [décédé en 1998] m'a proposé de créer cette revue, elle durerait aussi longtemps? Trente ans, période pendant laquelle se construit un droit, celui de propriété, ce que les juristes, gens avisés s'il en est, consacrent comme un droit acquis par le simple exercice de quelque chose à condition que cela soit public, paisible et de bonne foi, ce qui pour moi ne pose évidemment aucune difficulté [Cette revue est déclarée conformément à la loi]. Mais ici ce sont des mots jetés au vent pour donner seulement mon avis de simple lecteur, qualité que je revendique avant tout, sur la démarche créatrice des autres, même, et surtout, si on ne me demande rien!


Pourtant, si elle n'a suscité que beaucoup d'indifférence, cette chronique, devenue blog, m'a permis de nouer des correspondances amicales qui sont des moments précieux d'échange et de partage. S'il fallait un justificatif à cette revue, il serait là même si elle a aussi une fonction personnelle, fixer avec des mots ce que j'ai pensé intimement, d'un roman, d'une manifestation culturelle ou de fixer une émotion suscitée par un événement ... A titre personnel, je déplore en outre que la grande presse spécialisée ait un peu trop tendance à célébrer d'une manière laudative la publication d'un roman au seul motif que son auteur est connu, reconnu ou fait partie de ce qu'on appelle désormais les « people »!


Elle n'a pourtant jamais eu d'abonnés et n'en aura jamais, elle restera donc indépendante et c'est, à mes yeux, essentiel. Parmi les nombreux auteurs dont j'ai parlé, je n'en ai jamais rencontré aucun et nos rapports, quand ils ont existé, se sont limités à des échanges épistolaires. Pour la plupart, ils ont été brefs et se sont limités à une correspondance de courtoisie, vite interrompue il est vrai sans que j'en connaisse la raison, mais qu'importe, je conçois parfaitement qu'il puisse exister une certaine condescendance pour une petite revue qui n'a, en réalité, ni importance ni véritable impact!


Je pourrais aussi m'interroger sur l'intérêt suscité par cette chronique, tant il est vrai que le nombre de visiteurs n'est pas si important, encore que plusieurs d'entre eux n'y viennent que par hasard. Je dois cependant avouer que son hébergement sur un site [merci à e-monsite] facilite sa diffusion.[Au départ, elle ne circulait que dans mon courrier et dans celui, plus abondant, de Marjan, ce qui, malgré tout restait confidentiel]. Si je glissais vers la peopolisation ou la pornographie j'enregistrerais probablement davantage de connections, mais je ne risque pas et changer de cap et le compteur installé sur ce site n'a pour moi qu'une fonction indicative. Quant à son aspect visuel, chacun peut constater qu'elle ne brille pas par son agressivité, sans musique ni beaucoup de photos, juste du texte! C'est d'un choix délibéré que je lui donne une apparence « modeste », avec parfois des insuffisances dont je suis bien conscient. Qu'elle reste confidentielle me plaît bien et je sais aussi d'expérience que la notoriété est par essence volatile! J'ai seulement voulu faire figurer en page d'accueil et en souvenir le logo, dessiné et gracieusement offert par Arfoll , collaborateur et ami de Bernard Drupt lorsque celui-ci était rédacteur en chef de « La Revue indépendante ». Ce bandeau fut longtemps le symbole de cette revue.


Au petit jeu du « j'aime, j'aime pas » qui en est un peu le fondement, qu'ai-je à gagner? Rien évidemment et cette revue qui, au départ n'était qu'une simple chronique poétique et l'est restée longtemps, s'est ouverte, avec le temps, à la littérature, au cinéma parfois, parce que mes lectures ont toujours été orientées vers la fiction et que les manifestations culturelles en général retiennent davantage mon attention. Pour ce qui est de la lecture, elle n'est alimentée que par mes goût littéraires, l'attirance que j'ai pour la créativité d'un auteur ou tout simplement le hasard qui me conduit de plus en plus souvent devant les rayonnages de la bibliothèque municipale. Cela me permet la « fréquentation » d'écrivains qui, sans cela, me resteraient à jamais étrangers. Je ne reçois en effet que très rarement de livres en service de presse, ce qui, accessoirement me permet une certaine indépendance.


Cette chronique est aussi pour moi l'occasion de rendre un hommage (discret) à ceux qui servent notre belle langue française surtout au moment où elle perd de plus en plus de terrain dans notre langage quotidien et aussi à l'étranger. En cette semaine où nous célébrons la francophonie, j'attache du prix à encore exister.


Ma passion pour la lecture, ce vice impuni de Valéry Larbaud, m'incite à lire complètement un ouvrage, à y prendre du plaisir si c'est possible, à donner mon avis personnel, et non à me contenter de recopier servilement ce que je peux lire à ce sujet. Cela peut paraître étonnant, mais cette chronique a aussi une fonction personnelle, celle de me rappeler que j'ai lu un ouvrage et de consigner pour moi-même ce que j'en ai pensé. Avec elle, je me prouve que j'existe, que mon esprit est encore en éveil (pour combien de temps?)et ce n'est déjà pas si mal! Comme je suis seul à le faire vivre et que je m'entend pas trop mal avec moi, elle dure... Jusqu'à quand? Elle continuera à paraître à son rythme, c'est à dire avec la régularité du hasard, et mourra probablement comme elle est née... en silence. En tout cas, elle perdurera aussi longtemps que je l'aurai décidé.


Pourtant cette revue n'a aucune prétention, et surtout pas celle d'embrasser la culture contemporaine, ses courants, ses écoles, ses polémiques. Je ne fonctionne qu'au « coup de cœur », qu'à l'intérêt qu'a suscité pour moi un auteur, un roman ou une manifestation et j'entends bien continuer ainsi! Je précise ici que je ne me targue pas de la qualité de « critique littéraire » dont on m'a parfois affublé et que le classement statistique de ce blog semble exiger. Je ne suis qu'un simple échotier de la culture, un simple lecteur et je continue de penser que quiconque écrit un livre et choisit de le publier se met lui-même en situation d'être jugé par le premier venu... et je suis celui-là!

 

© Hervé GAUTIER – Mars 2010.


 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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