Le siège de La Rochelle – François de Vaux de Foletier
- Par hervegautier
- Le 19/10/2012
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N°596– Octobre 2012.
Le siège de La Rochelle – François de Vaux de Foletier - Éditions Pyré Monde.
Dans une de ses chansons, Georges Brassens vilipende « Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part ». Nous avons tous cette particularité d'avoir vu le jour sur un point de cette terre et nous n'y sommes pour rien. Cet endroit, matérialisé souvent par le nom d'une ville, génère pour nous soit de la honte, de l'indifférence, de la fierté ou un attachement irrationnel.
Pour moi, je suis né à La Rochelle à une période où cette ville était certes un port de pêche important et une ville industrieuse mais qu'il était difficile au commun des mortels de situer la carte de France. La cité était petite, pas très peuplée, grise et sortait difficilement de la guerre. Les hasards de la vie ont fait que je n'y ai grandi que par intermittence et que j’ai dû la quitter bien malgré moi. Pour autant j'ai toujours une authentique et indéfectible passion pour elle. Elle est, comme on dit « Belle et rebelle », farouchement attachée à son image de liberté, chargée d'histoire et, pour beaucoup de Rochelais, elle reste souvent une inconnue. Si maintenant son nom est attaché aux tours de son port, aux Francofolies ou évoque la porte de l'île de Ré, la ville a longtemps été associée à un fameux siège, celui qui est connu comme « le grand siège » de 1628 qui a failli la rayer de la carte. Ce n'était ni le premier ni le dernier puisque, dans son histoire on en compte officiellement cinq, ce qui est assez dire qu'elle a toujours été convoitée. Il s'est matérialisé notamment par la construction d'une digue qui barrait la rade et empêchait les huguenots rochelais de sortir du port et les Anglais venus de l'extérieur de leur porter secours. La construction du port des Minimes en a un peu gommé les traces mais elle reste visible à marée basse et une tour qui porte le nom et les couleurs du Cardinal de Richelieu qui la fit édifier en signale l'ancienne position.
C'est que nous sommes sous Louis XIII, un roi qui veut étendre son autorité absolue sur tout son royaume. Il est aidé en cela par le Cardinal de Richelieu, un brillant ministre animé d'un génie dominateur et d'une volonté farouche de servir son roi. Depuis Aliénor d'Aquitaine et son mariage avec Henri II Plantagenet, roi d'Angleterre, la ville de La Rochelle a été anglaise mais aussi a bénéficié de libertés et de prérogatives qui iront s'affirmant au fil du temps. Sa position privilégiée sur la côte atlantique autant que l'esprit d'entreprise et le sens du commerce de ses habitants en ont fait une cité prospère qui, non seulement affirma sa richesse mais aussi a toujours été réceptive aux idées nouvelles et notamment celles de la Réforme. L’enseignement de Calvin s'y répandit rapidement et Henri IV qui l'aimait beaucoup en fit une place forte du protestantisme, autant dire un véritable « État dans l’État » incompatible avec la volonté royale de Louis XIII. La Rochelle était aussi l'illustration de la lutte entre catholiques et protestants qui avait longtemps gangrené la France. Ainsi, ce roi « très chrétien » et même dévot ne pouvait admettre de voir la foi catholique ainsi bafouée dans son royaume. Il fallait donc impérativement empêcher les protestants de se répandre sur le territoire. De plus, à l'époque, la ville battait monnaie, avait sa propre flotte, sa propre armée, son administration municipale élue, ses tribunaux et avant d'y entrer et de recevoir symboliquement les clés de la ville, les rois devaient jurer de respecter ses libertés et privilèges. C'était sans doute la seule ville dans tout le royaume a bénéficier de telles pratiques que l'absolutisme royal ne pouvait tolérer.
Les Anglais, officiellement pour des raisons religieuses mais surtout dans l'intention à peine voilée de déstabiliser le royaume de France et de rentrer peut-être en possession de leur ancien province, d'y faire prospérer le commerce, avaient juré de défendre les huguenots de La Rochelle. Ce fut donc certes pour des raisons religieuses mais aussi et surtout pour des raisons politiques et économiques que le roi mobilisa toute une armée pour réduire cette cité. Quand les troupes royales assiégèrent cette ville, si bien défendue par deux ceintures de remparts et qu'il n'était donc nullement question d'attaquer, les Anglais ne menèrent pas moins de trois expéditions navales pour parvenir à leurs fins. Le blocus terrestre étant ainsi mis en place, il ne restait que la mer qu'on barra de cette fameuse digue. Ce ne fut pas aisé parce que les difficultés techniques et la force des tempêtes s'y opposèrent. De plus, et peut-être paradoxalement, les Rochelais qui combattaient Louis XIII sur le terrain, étaient profondément attachés au roi et ne voyaient dans les Anglais qu'un moyen de se libérer de l'encerclement qui les étouffait de plus en plus. L'auteur [François de Vaux de Foletier-1893-1988, historien, ancien archiviste départemental de la Charente-Maritime qui a bien heureusement donné son nom à une rue du quartier des Minimes] ne manque d'ailleurs pas de signaler la situation très complexe de cette période faite de ralliements de circonstances, de conversions opportunes et de fidélités solides telle celle de Jean de Saint-Bonnet de Toiras qui s'illustra lors de ce conflit et restera toute sa vie un fidèle et loyal serviteur de Louis XIII et un ardent soutient dans la lutte contre les huguenots..., alors qu'il était lui-même protestant ! Pour autant, les assiégés qui ne pouvaient plus compter sur les troupes protestantes du sud de la France ne tardèrent pas à s'apercevoir des atermoiements des Anglais, lesquels, finalement ne leur furent d'aucun secours. En Angleterre, ce conflit, voulu en grande partie par le duc de Buckingham, était en effet fort impopulaire et l'incapacité anglaise se révéla durement pour le Rochelais. Dès lors, malgré l'intransigeance du maire Jean Guiton, il ne leur resta plus que la reddition.
Le siège dura plus d'un an, d’août 1627 à octobre 1628 et laissa la ville exsangue, ravagée par la maladie et la mort. Louis XIII pardonna aux Rochelais, rétablit le culte catholique, ordonna la destruction des remparts, sauf ceux qui donnaient sur la mer, bannit pour quelques mois seulement les meneurs mais surtout eut soin de retirer à la cité tous ces privilèges et libertés qui faisaient jadis sa spécificité. La Rochelle redevint une cité comme les autres dans le royaume de France.
Constamment réédité depuis 1931, ce livre passionnant et fort abondamment documenté remet cet épisode dans le contexte politique de l'époque, tant sur le plan intérieur qu'international, explique dans le détail ce que fut ce siège, ce qui le motiva et les suites qu'il eut pour cette ville. Cette période qui est en effet souvent évoquée n'a que très rarement été aussi bien étudiée.
C'est en tout cas un document de référence pour l'histoire de cette cité.
©Hervé GAUTIER – Octobre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com
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