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la feuille volante

Les Feuillets poétiques et Littéraires

N°1727 – Mars 2023

 

Les Feuillets poétiques et Littéraires – Marjan.

 

Je reprends ici une études qui date de nombreuses années à propos des Feuillets poétiques et Littéraires fondés par Marjan (1918-1998).

 

...Puis rapidement les choses se précisèrent. Son métier de typographe à l'imprimerie l'amena rapidement à fonder sa propre revue. Ce furent Les Feuillets Poétiques et Littéraires (FPL) qui virent le jour en juillet 1935. Marcel Auger avait 17 ans. Pendant 50 ans, cette revue qui en fait était plutôt une collection rayonna sur le monde poétique et littéraire français et publia des centaines de poètes. Il en était à la fois l'animateur, l'homme de peine (puisqu'il les composait lui-même à l'imprimerie surtout au début) et surtout le commanditaire. Marjan a toujours répugné à demander de l'argent (Marjan ne rimait pas avec argent). Chacun donnait ce qu'il voulait selon son bon cœur ou son appréciation ce qui lui a fait dire non sans humour "qu'il avait laissé des plumes pour celles des autres". Qu'importe, il vivait cela comme une sorte de passion personnelle avec l'écriture. Je me souviens qu'il me disait ne pas vouloir tenir de comptabilité... par peur de ne plus pouvoir dormir la nuit!

Les FPL étaient originaux à plus d'un titre. Il ne publiait que des poèmes mais cela se faisait sans exclusion ni censure. Tout au plus fallait-il qu'ils présentent un minimum de qualité littéraire. La périodicité n'était pas régulière mais surtout se mêlaient dans chaque numéro des textes d'auteurs connus et d'autres méconnus et souvent même des poètes locaux ou régionaux. Marjan tenait beaucoup à ce voisinage qui était à ses yeux une des raisons d'être de sa publication. Citer toutes les grandes signatures qui ont honoré les FPL n'est pas possible mais me reviennent en mémoire les noms d'Hervé Bazin, Eugène Guillevic, Pierre Mac Orlan, Jean Cocteau, Maurice Carême, Paul Fort... Ces grands noms qui souvent étaient des amis personnels lui offraient un poème parfois inédit ce qui ajoutait à l'importance des FPL. L'invité d'honneur avait sa photographie au sommaire de chaque numéro et le classement des participants se faisait par ordre alphabétique. Cette collection publiait également des recueils individuels consacrés à un seul poète.

Il y eut bien entendu une interruption pendant la guerre avec destruction de certaines archives et des premières séries mais jusqu'au n°142 qui marqua la fin de cette collection en 1986 il resta fidèle à la présentation sous forme de travail d'imprimerie de ces feuillets.

Je dois noter que si la parution était irrégulière, la sortie de chaque numéro n'en était pas moins saluée comme un événement et circulait dans le monde entier. Je me souviens d'avoir lu des lettres de félicitations (et pas seulement de ses amis) pour la qualité des textes publiés.

J'ai déjà dit son aversion pour ce qui touchait à l'argent. Il a toujours déclaré que la poésie ne se monnayait pas, qu'elle devait se partager, se donner ce qui à ses yeux la rendait d'autant plus appréciable. Je me souviens que lorsqu'il toucha de rares droits d'auteur, il en fut presque étonné.

Les FPL ne fonctionnaient pas par abonnement, ne bénéficiaient d'aucune subvention ni d'aucune réduction postale. Il est clair qu'une revue qui ne vit que grâce aux cotisations de ses abonnés est tenue de publier ces derniers quand ils proposent un texte. Pour l'animateur qui est souvent aussi le trésorier, refuser c'est se condamner à se priver de la participation financière de l'adhérent éconduit. Accepter c'est assurer la survie de sa revue même s'il doit pour cela sacrifier la qualité de sa publication et parfois perdre un peu de son âme. Pour Marjan, le prix à payer était lourd mais chacun participait. Il a quand même fini par abandonner! Il n'empêche, grâce à eux et d'ailleurs à tout ce qu'il a pu écrire par la suite il a noué correspondance et amitié avec de nombreuses personnes et singulièrement avec des grandes signatures de la littérature de son temps.

Dans le même temps, notre homme, débordant d'activité avait également fondé La Revue des Jeunes dont il était l'unique journaliste mais aussi en supplément des FPL les Feuillets Tribunes et la Circulaire bibliographique. Il convient également de noter qu'il participait activement à l'Académie du Marais, au Comité de la Tribune des Jeunes, à l'Affiche de Poésie, Actuelles Poétiques, Actuelles du Terroir, Poètes du Bas-Poitou, Main dans la Main, Prise de sang, Carnets Poétiques, qui étaient des réseaux d'édition.

Il n'était pas peu fier d'être le secrétaire perpétuel de l'Académie des XIII qu'il fonda en 1954 avec son cousin Gil Roc et cette mention figurait jusque sur sa carte de visite personnelle. Cette docte assemblée, dissoute en 1986 décernait chaque année son prix à l'auteur d'un ouvrage spirituel ou pour l'ensemble de son oeuvre. A ce propos je me souviens qu'en tant que secrétaire perpétuel il dut écarter (avec malice) un ouvrage présenté... par un ecclésiastique. Celui-ci avait mal interprété le sens du mot spirituel! La devise de cette académie était 'humour et poésie". Le prix consistait en une douzaine de bouteilles de Bordeaux d'un grand cru ce qui avait fait dire à Roland Bacri, journaliste au "Canard Enchaîné" et également membre de cette académie qu'il s'agissait « d'un prix de boissons ». Ils étaient 13 mais avaient de l'esprit comme 40!

Ils étaient effectivement 13 dans cette académie dont l'acte de naissance officiel paraît au Journal Officiel du 24 août 1954 n°3393. Outre Marjan et Gil Roc y figuraient également Marie-Louise Perot, Max d'Arthez, Pierre Autize, Pons-Desalberes, Bon Harvest, Lucienne Jouan, Paul Baudenon, Tristan Maya, Jules Mougin, Jean l'Anselme, Roland Bacri, Gérard de Lacaze-Duthiers, Paul Reboux, Louis Chazai et Jean Valrey.

On retrouvait aussi Marjan au sein du Jury du Grand Prix de l'Humour Noir où il fut accueilli pendant

15 ans par Tristan Maya.

Quand il décida de mettre un terme au FPL, il dut ressentir comme un vide car l'année précédente (1985), il entama la publication de deux collections, Le Bouc des Deux-Sèvres et Poètes du Pays Niortais et des Environs. Il ne devait pas au départ penser au succès qui vint cependant rapidement puisque les premiers numéros du Bouc n'étaient même pas numérotés. Le premier était ouvert à tous et le second se consacrait plus volontiers aux auteurs régionaux. On retrouve ici l'esprit qui animait les FPL. Il s'agissait non plus d'un recueil de plusieurs pages mais d'une feuille 21/29,7 dactylographiée ou composée par collage recto-verso, photocopiée et surtout gratuite qui circulait dans la correspondance privée de Marjan. Ils étaient collectifs et accueillaient plusieurs poètes ou bien "spéciaux" et ne donnait l'hospitalité qu'à un seul auteur. Ils étaient, suivant son expression "Hors commerce-hors de prix". Là non plus pas d'exclusion. Il publia plus largement qu'auparavant d'autant plus que le coût était moindre que pour les FPL et les autres publications. On y retrouva la mélancolie, l'humour, la dérision, le sérieux aussi et la poésie la plus classique voisinait avec la plus libérée. Le nombre de poètes publiés étaient ici beaucoup plus important qu'auparavant.

Si les FPL recueillirent beaucoup d'éloges, le Bouc des Deux-Sèvres et dans une moindre mesure Poètes du Pays Niortais révélèrent très tôt nombre de détracteurs. Il faut bien admettre que la présentation sous forme de photocopie n'incitait guère à la lecture. Marjan laissait aux auteurs le soin de réaliser leur propre maquette ce qui n'était pas toujours une réussite. Lui se contentait de diffuser ces numéros sans souvent intervenir ni dans le choix ni dans la présentation des textes. On lui a reproché aussi, et je crois qu'il l'avait admis parfois de publier pour publier ou augmenter la collection en laissant un nécessaire choix de côté. Tout cela tranchait beaucoup sur la qualité des FPL dont le Bouc et Poètes du Pays Niortais étaient les héritiers naturels. A cette époque j'ai eu le sentiment qu'il recherchait une sorte de performance, gratuite par ailleurs ou plus exactement génératrice de frais pour lui puisqu'il supportait souvent les coûts postaux. Son slogan était que ces publications étaient "Hors commerce-hors de prix". Parfois ses correspondants lui faisaient parvenir des timbres, mais c'était rare. A cette époque il publiait parfois plus d'un numéro par semaine déclarant à qui voulait l'entendre "qu'il était pris dans un engrenage" signifiant par-là qu'il était victime de son succès.

A sa mort le Bouc totalisait 424 numéros et Poètes du Pays Niortais 103 .

 
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