Down by law
- Par hervegautier
- Le 22/07/2019
- Dans Cinéma américain
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La Feuille Volante n° 1370 – Juillet 2019.
Down by law – Jim Jarmusch
On pourrait traduire ce titre par « sous le coup de la loi ».
Ce sont trois hommes qui se retrouvent dans la même cellule d’une prison de Louisiane, Jack, un proxénète minable, Zack un DJ que sa copine a largué et qui se retrouve à la rue. Tous les deux sont maintenant derrière les barreaux parce qu’ils ont été piégés par plus malin qu’eux. L’ambiance, on s’en doute est tellement pourrie qu’ils finissent par se battre. On imagine la suite...quand arrive un troisième larron, Roberto (dit Bob), un émigré italien qui apprend laborieusement l’anglais en notant sur un petit carnet des mots et des expressions qu’il veut retenir. Quand il passe la porte du cachot, il fait ce qu’il peut pour se faire accepter par ses deux nouveaux compagnons, mais, malgré l’humour et l’entrain qu’il veut introduire dans ce lieu plutôt rébarbatif, on sent que ce n’est pas gagné. Bien sûr, un semblant de dialogue se noue notamment autour de cigarettes dont Roberto qui n’en a pas, prétend qu’elle lui fera passer un hoquet qu’il simule grossièrement. On se pose des questions réciproques et bien sûr Jack et Zack se prétendent innocents des crimes dont on les accuse. Roberto au contraire leur raconte qu’il est un authentique meurtrier et pour qu’ils comprennent bien, il leur sert une histoire abracadabrante au terme de laquelle lui, un maigrelet face à ces deux colosses, a effectivement tué un homme… avec une boule de billard américain, « la 8 » précise-t-il, la pire puisque, évidemment elle est noire. Nos deux amis gobent-ils cette fable grotesque toujours est-il que notre Italien passe maintenant à leurs yeux pour un vrai dur, eux qui finalement n’ont été victimes que de leur cupidité. Toujours est-il que l’ambiance entre eux se détend et qu’ils finissent par l’accepter. S’en suivent des parties de cartes interminables, intéressées par des cigarettes qu’ils n’ont pas le droit de fumer et pendant lesquelles, bien entendu Roberto ne manque pas de tricher puisqu’il l’a avoué à ses codétenus. Ils ont l’air de s’entendre parfaitement mais quand les autres se morfondent et se livrent à un improbable décompte de leurs jours de taule, Roberto dessine sur le mur une fenêtre comme symbole de liberté, cite des poèmes de Walt Whitman et de Robert Frost, ce qui laisse les autres pantois, entre interrogations et admiration, se demandant de qui il peut bien s’agir.
C’est un peu difficile au début, mais Roberto parvient à transformer l’atmosphère de ce lieu en quelque chose de jouissif. C’est lui aussi qui prétend trouver, dans la cour de promenade, un moyen d’évasion et qui insuffle à ses compagnons d’infortune l’esprit d’une cavale possible alors que Jack et Zack trouvent l’entreprise des plus hasardeuses. On ne s’évade en effet pas comme cela d’une prison américaine ! Pourtant, sans qu’on sache effectivement comment ils s’y prennent, ils finissent par se retrouver dehors, Roberto, plus faible, courant derrière ses deux compères.
C’est un long métrage qui date de 1986 et qui n’est sans doute pas le plus connu dans la filmographie de Jim Jarmusch et le fait d’être tourné en noir et blanc lui confère un côté vintage. C’est aussi plein d’invraisemblances, l’évasion, la cavale dans le bayou sans carte ni boussole, avec pour seule impression de recherches l’aboiement lointain de chiens, les serpents et les crocodiles qui fourmillent dans cet endroit mais qu’on aperçoit même pas, cet improbable lapin que Roberto parvient à capturer et à cuire en s’excusant de ne pas l’avoir cuisiné selon la traditionnelle recette de sa grand-mère, la façon miraculeuse dont il s’en sortent et se retrouvent devant une auberge au milieu de nulle part, tenue par une jolie Italienne pas du tout apeurée par ces prisonniers surgissant de la nuit et dont Robertro tombe évidemment amoureux et décide de rester avec elle quand les autres partent à l’aventure. C’est un « Happy end » un peu gros et qui d’ordinaire ne me plaît guère, mais ce Roberto réussit à mettre de la joie dans les situations les plus tragiques et les plus absurdes et on tombe évidemment sous son charme. L’entendre parler américain avec l’accent toscan est aussi un plaisir.
Ces trois lascars correspondent bien à l’archétype de l’anti-héros décalé, qu’affectionne Jarmusch. Il est aussi acteur et musicien mais c’est surtout un cinéaste original et farouchement indépendant qui est l’auteur des scénarios de tous ses films, s’amuse à détourner les codes comme dans « Dead man » et a briser les traditions hollywoodiennes (« Stranger than paradise ») en privilégiant le « road movie » et les personnages marginaux, authentiques et solitaires avec récemment une incursion dans le cinéma d’épouvante qui est aussi une critique de la société américaine (The Dead don’t die).
J’ai découvert ce metteur en scène par hasard, je ne le regrette pas et je suivrai bien volontiers le déroulement de son œuvre future.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
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