LE CHEMIN AUX OISEAUX
- Par hervegautier
- Le 21/02/2015
- Dans Nadine Brun – Cosme Baudoin
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N°870– Février 2015
LE CHEMIN AUX OISEAUX – Nadine Brun – Cosme Baudoin –B.D.- Seuil.
C'est une fable qui met en scène, à la campagne, une petite fille qui assiste, sans peut-être le savoir au début à la séparation de ses parents. Elle ne voit plus son père que le week-end et son départ est associé au vol des oiseaux. D’ailleurs, quand il ne revient pas le dimanche, les oiseaux désertent le paysage. A travers l'histoire que lui raconte sa mère demeurée seule, elle revit cette désertion des adultes et compense par la découverte d'un prince charmant aux yeux bleus qui lui aussi cherche sa bergère dont il fera une princesse. C'est tout un univers de petites filles qui est ici reconstitué. Elle en est l'acteur et cherche de toutes ses forces à se cacher la vérité qu'elle a sans doute comprise. A travers cet épisode, elle apprend l'absence et la solitude, soulignés par cette maison posée au milieu de nulle part, loin du village et de l’école. Son univers se fragilise, bref elle grandit peut-être un peu plus vite que sa copine Maud qui ne semble pas vivre le même drame. D'ailleurs elle ne comprend pas vraiment au début cette histoire de prince.
La petite fille gardera pour elle cette épreuve et probablement, bien des années plus tard en sera encore bouleversée au point que sa vie à elle ne sera peut-être plus la même. Les adultes lui ont volé un peu de cette enfance à laquelle elle avait droit et il lui faudra bien vivre avec ce fardeau.
Le récit ne porte aucun jugement. Après tout, quand presque deux mariages sur trois se terminent par un divorce, il n'y a pas lieu de se cacher la réalité et la déguiser est une erreur. La petite fille qui a compris ce qui arrive à le droit de se bâtir un monde parallèle et de refuser la réalité. Le thème, pourtant très difficile pour un enfant, est traité avec nuances et poésie. Les visages sont doux mais le drame qui se tisse est souligné par le graphisme volontairement noire et à grands traits.
Le livre refermé, j'ai très envie de laisser aller mon imagination, de donner une suite à ce texte au nom de cette loi non écrite mais qui pourtant trouve souvent sa réalisation. C'est celle de la reproduction du modèle. Cette petite fille restera avec sa mère parce que c'est comme cela, continuera à croire au prince charmant et aux oiseaux, c'est à dire à un homme qui la rendra heureuse parce qu'elle estime qu'après l'épreuve du divorce de ses parents et peut-être de compagnie d'hommes que sa mère avait choisis pour concubins éphémères, elle ne devait absolument pas reproduire ce modèle dans sa vie. Elle va grandir, devenir une femme, choisir ce mari et quand elle l'aura trouvé elle décidera que c'est là une « belle rencontre ». Elle se mariera donc, aura des enfants ... Les choses humaines ne sont jamais simples et surtout jamais définitives, personne n'est à l’abri d’une mauvaise surprise qui remet tout en question. Le modèle qu'elle voulait précisément éviter s’imposera brutalement à elle. Comme sa mère elle divorcera et l'exemple se perpétuera comme s'était normal que cela se fît et ses enfants se réfugieront dans le merveilleux mais peut-être plus sûrement dans la délinquance et dans la drogue ou peut-être pire, transformant la vie qui est unique en un lamentable gâchis alors même qu'elle aurait voulu de toutes ses forces l'éviter.
©Hervé GAUTIER – Février 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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