Emmanuelle Bayamack-Tam
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La treizième heure
- Par hervegautier
- Le 27/09/2022
- Dans Emmanuelle Bayamack-Tam
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N°1677 – Septembre 2022
La treizième heure – Emmanuelle Bayamack-Tam - POL
La treizième heure c’est une église, une secte un peu spéciale qui tire son nom d’un poème de Gérard de Nerval dont on récite les œuvres ainsi que celles de Rimbaud et de Baudelaire au cours des offices. Sa philosophie, d’inspiration chrétienne et humaniste est aussi féministe et son but est l’acceptation de soi mais ne refuse pas une certaine forme de « paradis artificiels » et les chansons contemporaines. La Treizième heure c’est aussi celle de la révélation, du triomphe des laissés pour compte, pauvres et opprimés. Tout cela est un peu délirant et utopique.
C’est Farah, 16 ans qui en parle le mieux et en détaille la catéchèse, les rituels et la doctrine. C’est normal puisqu’elle n’a connu que cela, a été élevée par Lenny, son père, et participe activement à la vie spirituelle et au prosélytisme de cette église qu’il a fondée et dont il est le chef spirituel. Il l’ a crée à la suite de la fuite de son grand amour, Hind qui l’a abandonné à la naissance de Farah..
Farah est née intersexuée, un fille qui a des attributs sexuels d’un garçon et qui est élevée par son père à la suite d’une histoire un peu compliquée avec une GPA grâce à Sophie, de fuite de sa mère, d’une filiation un peu mystérieuse et une famille qui ne l’est pas moins, ce qu’elle combat comme elle peut. Sa vie jusqu’à présent a été difficile, faite de non-dits et de mensonges, incompréhensions de la part de ses parents, ce qui l’éloigne petit à petit de Lenny, elle comprend ce qui a présidé à sa naissance et, alors que Lenny se consacre à son éducation, Hind choisit, après sa fuite de faire prévaloir le plaisir des sens d‘une manière débridée, mais je ne suis ps sûr qu’elle rencontre l’amour qui toujours semble lui échapper.
C’est une fiction en trois partie où chacun des protagonistes, le père, la mère et la fille, s’exprime et s’explique, la fille se faisant le témoin d’une transformation christique paternelle assez surprenante.
C’est un roman très contemporain qui prend en compte le bouleversement des identités et des genres, parle de la solitude, de la dépression, du manque d’amour, de l’hypocrisie de notre société, de l’éclatement de la cellule familiale, d’ une certaine quête effrénée du plaisir, de la solidarité entre les membres de cette église marginale, de l’impossible rattrapage du temps perdu, bref des thèmes très actuels. Le style est fluide, agréable et facile à lire et j’ai également apprécié les nombreuses références littéraires, mais j’avoue que j’ai été quelque peu gêné par la longueur de ce texte et j’ai même eu un peu de mal à entrer dans cette histoire lue cependant jusqu’à la fin. Malgré tout j’ai eu plaisir à rencontrer cette auteure connue par ailleurs sous le nom de Rebecca Lighieri.
Le livre refermé, ce long texte me laisse perplexe à cause de cette saga quelque peu déjantée, conclue par les regrets de Farah, son pardon pour l’abandon de sa mère et les fantasmes spirituels et suicidaires de son père, une manière pour elle de tourner volontairement la page de cette tranche de vie ou singularité et solitude se sont conjuguées dans le mensonge et le malheur et lui a volé son enfance, cette vie qui s’offre désormais à elle et qu’elle veut différente, loin de cette parenthèse