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la feuille volante

Dany Maurel

  • A la saint-Baltéus

    N° 1505- Septembre 2020.

    A la Saint-Baltéus - Dany Maurel – Éditions du Petit Pavé.

     

    Tout d’abord je remercie les éditions du Petit pavé et Babelio de m’avoir permis de découvrir ce recueil de nouvelles.

    Le bon sens populaire note opportunément que « le mal est partout ». Ce n’est sûrement pas le curé de Dourdin, l’abbé Patru, saint homme à la foi chevillée au corps qui dira le contraire, lui qui prépare un grand rassemblement hivernal liturgique quelques jours avant Noël en l’honneur de la Saint-Baltéus, fête d’un saint obscur du Moyen-âge qui mourut ici sous les tortures de Satan et fut canonisé pour cela. Il donna donc son nom au village ainsi qu’à un culte religieux qui disparut avec les siècles pour revivre ensuite. Il s’agit donc d’une fête que chacun va célébrer dignement sous l’égide du curé. D’ordinaire Dourdin est un village paisible mais l’imminence de cette fête religieuse semble provoquer des phénomènes étranges avec des morts bizarres et les patenôtres de notre curé n’y font rien. Sous couvert d’une sorte de fable, cette nouvelle illustre bien la volonté de se détruire qui anime l’espèce humaine, capable du pire comme du meilleur, mais bien souvent du pire et que ne rachète pas tous les abbé Pierre et les Père de Foucault. Un chrétien fervent qui croit aux dogmes de sa religion y verra la marque de Satan alors qu’il attribuera à Dieu toutes les belles choses de ce monde et réclamera sa protection, quand un simple quidam, souvent athée ou mécréant sera beaucoup plus enclin à voir la marque de la nature humaine d’autant plus forte que cette volonté de nuire nous vient de nos proches. Ce pauvre Louis qui incarne le bon sens et la bonne volonté y reçoit ici une leçon de la société dans laquelle il vit faite de violence aveugle et gratuite.

    La deuxième nouvelle met en scène Firmin Guibert, un vieux libraire comme on n’en fait plus, un solitaire qui ne vit que pour son métier, pour sa librairie un peu désuète mais dédiée à la lecture, pour ses livres et pour ses clients fidèles qu’il accueille lors de ses « nocturnes » littéraires... Il y croise un lecteur inconnu qu’il suppose être un passionné, « un vrai lecteur »comme il le dit, qui se propose de lui donner son avis mais qui lui rapporte le roman qu’il vient de lui acheter, jugeant sa lecture insipide et inintéressante. Dès lors, pour Firmin, s’ouvre une véritable croisade pour sauver ce livre de l’oubli. Cette nouvelle résonne pour moi comme une réalité où l’auteur d’un livre donne à lire, au premier venu pas toujours passionné, le fruit de son travail, de sa réflexion et son expérience qui porte souvent sur des années. [Je n’oublie pas que je suis moi-même un simple lecteur qui a l’outrecuidance de donner un avis qu’on ne lui a souvent même pas demandé.] Dans ce siècle où il faut faire de l’argent, le livre est de plus en plus un simple bien de consommation et bien rares sont ceux qui le défendent, surtout contre un avis général contraire. Il est en effet facile de hurler avec les loups surtout dans un siècle de plus en plus voué à la pensée unique qui ignore l’originalité. Si cela se trouve parfois, c’est souvent un combat d’arrière-garde, perdu d’avance et bien peu souvent mené. C’est, de loin le texte qui a le plus retenu mon attention.

    La troisième nouvelle évoque Fanny, la trentaine qui fait ce que nous avons tous souhaité faire un jour sans pour autant sauter le pas : changer de vie, de métier, de compagnon, d’amis, de ville, bref tourner la page, une véritable mue salutaire, et ce jusqu’aux aspirations altruistes qui la poussaient auparavant vers les autres. Son nouveau travail, pas forcément passionnant, la met cependant en contact avec les livres et la lecture reste pour elle un amer, une invitation à l’ailleurs qui peuple cette solitude consentie, sa rupture avec la société. L’exploration de son nouvel univers urbain la met par hasard en contact avec une vieille dame isolée usant d’un vocabulaire peu conventionnel et accompagnée d’un chien et d’une odeur d’œillet. Cette fragrance se retrouve bizarrement dans chaque vol perpétré dans la ville par une bande de malfaiteurs dont les divers membres ont un talent particulier pour le déguisement. Cet épisode se clôt par le rire de sa grand-mère et son intérêt réaffirmé pour les livres !

    Ce sont des textes bien écrits dans un grand respect de la grammaire et du vocabulaire, avec des moments poétiques ce qui en rend la lecture agréable. L’aspect un peu mystérieux de la troisième nouvelle m’a cependant un peu dérouté.