Articles de hervegautier
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Les exilés meurent aussi d'amour
- Par hervegautier
- Le 08/11/2024
- Dans Abnousse Shalmani
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N°1943– Novembre 2024.
Les exilés meurent aussi d’amour. – Abnousse Shalmani – Grasset.(2018)
Shirin , neuf ans, arrive de Téhéran avec ses parents à Paris. Ils fuient la révolution islamique et retrouvent en France les sœurs de sa mère, Mitra, autoritaire, perfide, Tala et Zizi, communistes et dominatrices qui les hébergent. C’est l’histoire de cette famille d’exilés pauvres, les Hedayat, la mère enceinte (elle mettra au monde un fils qui deviendra un empoisonneur) est effacée et esclave de ses sœurs, prisonnière des traditions qui brident son amour pour ses enfants, mais aussi magicienne du quotidien et accessoirement voyante dans le marc de café. Le père est un homme brillant, cultivé mais résigné face aux critiques de ses belles-sœurs, le grand-père est morphinomane, autoritaire et pervers. Rien à voir avec leur vie d’avant en Iran. Une fugue de Shirin lui permet de connaître Omid, l’amant de Tala. C’est lui, un juif, qui lui donnera des cours de français et dont elle tombera amoureuse et grâce à qui elle prendra conscience d’elle-même. Il sera le grand amour de sa vie. C’est lui aussi qui lui montrera comment rire de tout. Puis ce sera Amid, un terroriste, qui viendra compléter le tableau. Shirin est l’’héritière d’une famille décalée et quelque peu honteuse et parle d’abondance de l’exil à travers son enfance, son adolescence et de l’âge adulte, évoque la découverte de la France, de sa culture, de son art de vivre, des plaisirs de l’amour à travers ses compagnons, pas forcément amants, jeunes révolutionnaires de salon mais qui ne manqueront pas de s’embourgeoiser avec le temps, les soubresauts et l’absurdité de la révolution avec l’argent et les violences. Pour tout ce petit monde français elle reste cependant une métèque
Abnousse Shlmani, journaliste dont j’ai toujours plaisir à écouter les chroniques télévisées, née à Téhéran n’est française que depuis peu de temps et donc héritière de deux cultures, de deux langues. L’exil reste, cependant, dans ce premier roman de cette auteure, largement teinté d’autobiographie mais aussi, par la magie de l’écriture, d’un peu de fiction. Il est au centre d’une démarche complexe qui tient à la volonté de s’intégrer à son nouveau pays, notamment par l’apprentissage de sa langue, sans oublier ses racines persanes, une manière d’exister entre souvenir et espoir. Ainsi mêle-t-elle dans ce livre des pans de notre histoire, de nos coutumes aux traditions et contes orientaux, réels ou imaginés, découvre la vie de France des années 80 mais aussi le terrorisme, la politique, la vie de ses proches parfois marginaux et idéalistes mais aussi celle de sa famille, engluée dans le silence, les mensonges et les non-dits. Il y a cette empreinte, un métissage assumé qui fait sa richesse intérieure et également la fierté de notre pays. Au fil des pages le lecteur fait connaissance avec Shirin, son enfance, son adolescence quelque peu perturbée, elle grandit dans une atmosphère révolutionnaire, devient petit à petit une femme avec sa volonté de séduire mais aussi avec cette envie d’exprimer ce qui se passe en elle, d’y mettre des mots, de devenir écrivain. Elle refait l’histoire mouvementée et parfois cachée de sa famille, de son ascendance, une manière de se découvrir et de s’accepter elle-même, de conjurer le destin, d’admettre sa condition de métèque, coincée entre l’orient et l’occident mais aussi comme une fierté constructive. Ainsi se fait-elle aussi l’apôtre de la liberté si contestée dans son pays d’origine et plus spécialement celle des femmes dans leur combat pour leur droit à exister en tant que telles, de ne plus porter le voile que le pouvoir politico-religieux leur impose et de disposer librement de leur corps. Cela remet la femme au centre du présent et je trouve cela très bien.
J’ai lu ce roman avec curiosité et attention à cause sans doute de la généalogie compliquée de cette famille parfois toxique et des sursauts qui l’affectent mais aussi par les informations qu’il contient sur la culture persane; j’ai bien aimé cette lecture. Ça se lit bien, c’est écrit avec une passion et un certain humour qui est aussi une arme efficace contre l’adversité. Tout cela a créé pour moi un attachement que je ne m’explique pas moi-même et qui est en tout cas bien différent de ce que procure une lecture ordinaire. Le livre refermé, j’ai le sentiment d’être entré, à son invite, dans la vie de Shirin, de sa passion pour l’écriture et pour son pays d’adoption.
A titre plus personnel, et toutes choses égales par ailleurs, l’ histoire un peu mouvementée de cette famille m’a redonné le goût d’écrire.
C’est donc un roman riche en émotions et rebondissements et pour moi une véritable invitation a explorer davantage l’univers créatif de cette auteure.
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Les gens de Bilbao naissent où ils veulent
- Par hervegautier
- Le 02/11/2024
- Dans Maria Larrea
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N°1942– Octobre 2024.
Les gens de Bilbao naissent où ils veulent – Maria Larrea - Éditions Grasset & Fasquelle.
Le titre est un paradoxe car on ne naît évidemment pas où on veut. C’est plutôt une marque d’orgueil pour les Bilbayens d’être nés dans cette ville emblématique, comme l’auteure.
C’est la triste histoire de deux abandons d’enfants à cause de la misère dans cette Espagne franquiste. Dans un petit village, une femme pauvre et malheureuse en ménage met au monde une fille qu’elle confie aux sœurs du couvent qui lui donnent le prénom de Victoria. A cette même époque, à Bilbao, une prostituée donne naissance à un fils, Julian, qu’elle confie aux jésuites. Bien entendu, ces deux enfants, après une jeunesse difficile, se croisèrent, s’aimèrent, se marièrent et quittèrent le pays basque pour la France. Ils resteront des immigrés espagnols pauvres dans le Paris des Trente glorieuses, domestiques des riches et Maria, leur fille unique , vivra sa vie difficile, entre drogue, alcool, excès, avortements et rêves de cinéma. Le père est violent, alcoolique, passionné d’armes et la mère est effacée. C’est l’histoire à la fois triste et parfois picaresque, avec des fantômes aussi célèbres que furtifs, de ces trois destins que les arcanes de la cartomancie viennent bousculer par une révélation. C’est elle qui, à la première personne, est la narratrice et donc le témoin de ce roman qu’elle déroule avec force analepses, entre fiction et autobiographie, par l’alchimie de l’écriture.
Je suis entré dans ce récit, pas tant à cause du style simple, libre et sans fioriture qui procure une lecture aisée, mais bien plutôt à cause du fort attachement qu’il suscite. De plus, tout au long de ma lecture, j’ai eu le sentiment, toutes choses égales par ailleurs, que l’abandon dont ont été victimes Julian et Victoria, leur vie pendant laquelle ils sont passés à côté du bonheur, m’ont évoqué quelque chose de personnel. J’ai donc lu ce roman sans désemparer avec une curiosité mêlée d’émotion. La narratrice à 27 ans quand, par hasard, elle découvre qu’elle a été adoptée et cherche à savoir d’où elle vient, sans doute pour faciliter et maîtriser enfin son parcours futur.
C’est un roman en deux parties d’inégale longueur, une première consacrée à la vie difficile de trois générations d Espagnols, les secrets, les mystères et la misère qui les entourent, la seconde axée sur une improbable quête d’identité de la narratrice à travers une hypothétique gémellité sur fond de trafic d’enfants et d’une recherche légitime mais non moins hasardeuse de ses géniteurs. En matière de filiation, le droit organise les choses avec la constante préoccupation de l’Ordre public et la conception d’une vie reste un secret face la folie passagère d’un soir, une toquade amoureuse, un coup de foudre, les guerres et les brassages de population...
A chaque fois que je lis une autobiographie, je me pose les mêmes questions. Écrit-on sa propre vie, avec tout ce qu’il y a d’intime, pour l’exorciser, régler des comptes, répondre à ses propres interrogations, conjurer son possible mal de vivre, laisser à la génération suivante une trace généalogique originale, garder le souvenir de ceux qu’on a connus et aimés , aider peut-être un hypothétique lecteur qui se sera reconnu dans cette démarche? Je crois comprendre que cette quête a été libératrice pour l’auteure. C’est peut-être la bonne réponse à cette quête.
Je me suis laissé un peu entraîné sur le problème de l’immigration et sur les idées fausses et lénifiantes véhiculées sur ce sujet, sur la France pays accueillant, celui des droits de l’homme et de la liberté, la recherche et l’acceptation de soi-même, le mensonge qu’on tisse, le non-dit qu’on cultive, le silence qu’on respecte parce que cela arrange tout le monde, le hasard qui invite à lever tous ces voiles et l’écriture qui libère, tout cela est pour moi autant d’interrogations.
Ce texte a été mis en scène au théâtre Marigny en octobre 2024 et la comédienne Bérénice Bejo y incarne plusieurs personnages de ce roman.
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Changer: méthode
- Par hervegautier
- Le 21/10/2024
- Dans Édouard Louis
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N°1941– Octobre 2024.
Changer : méthode – Édouard Louis - Éditions du Seuil.
« L’histoire de ma vie est une succession d’amitiés brisées » Cette simple phrase résume à elle seule ce livre au titre à la fois laconique et ambitieux. L’auteur n’a en effet que 26 ans quand il entame cette autobiographie partielle dont je retiens une volonté acharnée de réussite personnelle face à laquelle rien ne résiste, pas même les amitiés qui y ont contribué. Elles ont été sacrifiées par lui dans ce seul but. Eddy Belleguelle qui deviendra Édouard Louis n’est pas né dans une famille d’intellectuels mais au contraire dans un milieu social pauvre et rural, Il est un de ces écorchés de la vie, rejeté par ses parents, avec en prime la misère qui n’a même pas le soleil pour être supportée comme le dit la chanson, ostracisé par son homosexualité, bouleversé par les épreuves familiales. Il deviendra pourtant un intellectuel diplômé et un écrivain célèbre .
Une deuxième interrogation est la chance qu’il a eue de pouvoir s’en sortir, rencontrant les bonnes personnes qui l’ont aidé, soutenu, sa rencontre avec Elena, sa vie au sein de sa famille, cela m’a paru d’autant plus surréaliste qu’il semble ne pas y avoir de secrets entre eux et c’est elle qui initie son épanouissement par la lecture, la culture, c’est grâce à elle qu’il abandonne ses manies de prolétaire pour adopter les codes de la bourgeoisie. Ils s’aiment réciproquement, il n’y a entre eux que des relations amicales, platoniques, mais c’est lui qui choisira de l’abandonner quand son avenir se dessinera à Paris, ville qui selon une tradition bien ancrée mais parfois illusoire, est le symbole de l’espoir et parfois de la réussite. Ce sont cependant les hommes, ses amants, qui l’aident à oser assumer son orientation sexuelle, puis plus tard sa rencontre avec un auteur homosexuel, Didier Eribon, à devenir lui-même écrivain, sans doute pour l’imiter. Hasard, destin, chance, c’est comme on voudra ! Je note cependant que parmi toutes ces personnes qu’il croise, il y a quand même quelques femmes. ! Il a eu également la chance de retenir l’attention d’un grand éditeur quand tant d’autres avaient refusé le tapuscrit de son premier roman. Il y a la baraka, certes, la volonté de ses amis de lui venir en aide à cause peut-être du magnétisme (de la beauté ?) qui se dégage de sa personne, sa volonté à lui de s’en sortir et il ne ménage pas ses efforts pour la susciter, par opportunisme, par séduction, par la quête légitime du bonheur ne serait-ce que pour consolider sa position que que le sexe lui procure, pour se sauver, pour ne pas revenir dans son ancienne situation précaire. Pourtant nombre de ses amants de passage ne voient en lui qu’un objet sexuel transitoire, qu’une simple toquade quand lui recherche désespérément l’amour, une condition stable qui l’aidera à sceller sa situation, à fuir ce passé qui l’obsède. Malheureusement ses tentatives, pourtant menées de bonne foi, se sont révélées vaines, soulignant son isolement.
Il commence donc son récit, par besoin de relater son passé, pour s’en débarrasser dit-il, mais je ne suis pas bien sûr que cela soit vraiment possible, l’écriture n’ayant pas, à mes yeux, un effet cathartique, bien au contraire. En effet, chercher, à titre personnel, à le faire revivre produit bien souvent l’effet inverse et y mettre des mots pour l’exorciser m’a toujours paru illusoire, cet exercice ne pesant rien face à l’intolérance, à la solitude, aux remords. Certes il prétend que la lecture, puis l’étude, et plus tard l’écriture ont été essentielles dans sa métamorphose, mais j’observe que, à un certain moment, l’écriture est allée au-delà de l’exorcisme de son passé, puisqu’il recherchait grâce à elle à échapper à l’angoisse de n’être pas à sa place dans une société parisienne où il n’était qu’un étranger. Même l’accès à la prestigieuse École Normale ne lui a pas vraiment permis cette émancipation , face au complexe de classe et d’origine. Seul le présent comptait, avec ses rencontres de hasard, parfois prestigieuses qui suscitaient pour lui un fol espoir, souvent déçu. Ce n’est que plus tard, grâce à ses soutiens, à son talent, à sa persévérance, que cet exercice laborieux et parfois périlleux qui consiste à mettre des mots sur ses maux, que la littérature et la notoriété ont officialisé et récompensé cette quête.
Raconter sa propre histoire est souvent le moteur de la création littéraire où des lecteurs peuvent se retrouver et puiser de l’énergie pour eux-mêmes, Vouloir changer sa vie, faire échec à un avenir tout tracé, laborieux, limité et qui ne nous convient pas, vouloir échapper à un milieu où on ne sent pas à sa place ou qu’on rejette, tout cela est légitime, surtout si on en a la volonté et qu’on s’en donne les moyens. Le faire à travers la culture et les disciplines intellectuelles procurent une sorte de vertige, la certitude d’appartenir à une élite, de vivre une vie exceptionnelle. Cela dit, les chemins de la réussite seront toujours pour moi un mystère. Cette exploration intime et ce besoin d’en porter témoignage mettent en évidence une sorte de dédoublement de sa personnalité, une partie de lui aurait voulu rester auprès d’Elena et vivre avec elle dans l’anonymat et l’autre partie a voulu forcer le destin, l’attirer vers la réussite et la célébrité, et c’est cette deuxième option qu’il choisit , même s’il en conçoit un peu de honte et donc de déchirement. D’autre part conserver sa nouvelle vie faite de culture et de plaisirs, par la fréquentation des bibliothèques mais aussi des hôtels de luxe et des grands restaurants, tout ce qui lui a manqué dans sa jeunesse, reste une obsession. Il ne veut à aucun prix retomber dans sa vie d’avant, dans la pauvreté, dans l’injustice de cette situation. Écrire est un refuge face à cette souffrance et même si l’apaisement personnel n’est pas au rendez-vous, sa volonté de s’inscrire dans un milieu littéraire avec la certitude d’avoir quelque chose à dire qui sort de l’ordinaire par son authenticité même et celle de profiter des plaisirs de la vie, reste intacte comme est intacte sa quête du véritable amour. Mais écrire est aussi une souffrance, un combat intime, un épuisement, parfois une impossibilité et dont le résultat est souvent la désillusion et l’échec. C’est un exemple que je salue et si on nous parle volontiers de ceux qui ont réussi, on omet souvent de ceux, et ils sont nombreux, qui ont connu l’échec. Pourtant, sa vie, telle qu’il la relate me semble s’apparenter à une fuite constante, de sa famille d’abord, de son village puis de la ville d’Amiens, d’Elena, de sa vie d’avant et même celle du présent et peu importe si tout cela génère des trahisons successives qu’il assume. C’est donc cette méthode qu’il privilégie.
Je note qu’il présente ce livre comme une série d’ explications successives mais fictives avec son père, avec Elena. C’est un moyen de se justifier, une occasion de fixer les choses pour lui-même, de s’expliquer, mais ce qui est un soliloque est aussi un refus de dialogue, un réquisitoire forcément tronqué parce que c’est lui qui tient la plume. C’est aussi l’itinéraire, évidemment pas idyllique mais courageux et plein d’abnégations de celui qui a réussi, parce que, devenant un écrivain connu et reconnu, il a tenté d’exorcisé son passé.
J’avais déjà abordé cet auteur avec « En finir avec Eddy Bellegueulle » qui était son premier roman. Changer, certes, quant à la méthode qu’il met en avant, il me paraît évident que sans la chance dont il a bénéficié, cela n’aurait pas fonctionné. Le livre refermé, je reste perplexe face à cette confession de plus de trois cents pages mais cet ouvrage me paraît s’inscrire dans le prolongement des témoignages d’Annie Ernaux et Didier Eribon notamment sur l’émancipation par l’écriture d’un auteur originellement issu d’une classe populaire culturellement défavorisée.
J’ai lu ce livre jusqu’à la fin pour en savoir d’avantage sur le cheminement de cet auteur, notamment parce que plus j’en tournais les pages plus mon intérêt grandissait. J’ai fait certes quelques remarques, quelques réserves mais j’ai apprécié ce texte parce qu’il est bien écrit, dans un style simple, sans artifice littéraire et facile à lire. Je le ressens comme un écrivain dont je suivrai volontiers le parcours créatif.
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Au fond de la poche droite
- Par hervegautier
- Le 12/10/2024
- Dans Jyannis MAKRIDAKIS
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N°1940– Octobre 2024.
Au fond de la poche droite – Jyannis Makridakis – Éditions Cambourakis.
Traduit du grec par Monique Lyrhans.
La lecture de ce livre m’a laissé un peu perplexe. Le titre a quelque chose d’étrange et la lecture de la 4° de couverture semble annoncer un texte qualifié d’universaliste, l’histoire d’un moine orthodoxe, Vikentios qui, à un certain moment de sa vie, va devoir prendre des décisions qui lui apporteront peut-être l’apaisement.
C’est vrai que, pour le lecteur, ce roman réserve de belles images offertes par cette petite île grecque où la vie simple, proche de la nature et quelque peu mystique semble être réglée par ce monastère en ruines qui, après avoir été florissant, n’est plus habité que par un seul moine, Vikentios, qui, entré ici à 17 ans par vocation, y a passé 23 ans de sa vie. Le premier chapitre nous apprend que l’archevêque, primat de l’Église de Grèce, vient de mourir et que le même jour, la chienne du moine vient de donner le jour à une portée de chiots dont un seul survivra avant qu’elle-même ne meurt. L’homme d’église déploiera de louables efforts pour garder en vie le petit animal qui égaie sa solitude. Sa vie simple, austère, faite de prières, de privations, de solitude et de méditation nous est largement décrite. Apparemment elle lui procure une paix intérieure, loin de « l’odeur fétide de la vie sociale » et ne diffère en rien de la vie monastique de ce qu’un mécréant comme moi peut imaginer. Le monde autour de lui s’agite pour trouver un successeur au prélat décédé et la visite que lui font deux personnages mystérieux aux questions quelque peu inquisitoires et à qui il raconte son parcours, donne à penser au lecteur qu’un avenir différent est peut-être possible pour lui, mais il n’en est rien et sa vie solitaire et routinière et quelque peu misanthrope se poursuivra ici jusqu’à sa mort. Les dernières lignes donnent à penser que la sérénité de ce décor est partagé par un touriste de passage sur cette île.
J’ai poursuivi ma lecture malgré le peu d’attrait de l’écriture, à mes yeux bien conventionnelle, pour vérifier ce que ce court roman promettait. Certes les images de la Grèce, le bleu de la mer Égée, ont toujours quelque chose d’envoûtant mais, pour ce qui concerne ce moine et son histoire, je m’attendais à autre chose. Pas vraiment déçu, mais pas enthousiaste non plus.
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Là-bas
- Par hervegautier
- Le 10/10/2024
- Dans Joris Karl Huysmans.
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N°1939– Octobre 2024.
Là-bas – Joris-Karl Huysmans Flammarion.
Je poursuis ma recherche sur Charles-Marie Georges Huysmans (1848-1907) plus connu sous son nom de plume Joris-Karl Huysmans, écrivain de critique d’art français, avec cet ouvrage paru 1891 en feuilleton dans « L’écho de Paris ».
En réalité Huysmans traverse à cette époque de sa vie une crise créative puisqu’il rompt avec le naturalisme dont il fut jadis très proche tout en reconnaissant son importance, et découvre le catholicisme. Il y a eu certes dans sa démarche littérature, une rupture avec le naturalisme de Zola notamment à partir de la publication de son roman « A rebours » (1884). Son écriture évoluera par la suite vers le symbolisme mais, dans ce livre il reste encore quelque peu marqué par ce mouvement initial. Dans ce roman, l’auteur met en scène, dans un dialogue initial avec un certain des Hermies, médecin, Durtal, un auteur, érudit célibataire et parisien, qui apparaîtra dans des œuvres ultérieures, telles « En route » ou « La cathédrale », qui peut être considéré comme le double de Huysmans et. qui se consacre à une biographie de Gilles de Rais, par curiosité personnelle sans doute. Ce personnage historique a été accusé au XV° siècle d’avoir violé, tué des dizaines d’enfants et d’avoir pratiqué le satanisme, il fut brûlé à Nantes. Les détails biographiques sur sa vie ainsi que sur les sciences occultes sont particulièrement précis, mais ce genre risquant de ne pas intéresser ses lecteurs, il ajoute une intrigue amoureuse entre Durtal et Mme Chantelouve, épouse adultère, puisque, à cette époque, Huysmans vivait une passade avec une maîtresse un peu mystérieuse, Berthe Courrière. Par ailleurs ce roman fait référence à une correspondance féminine reçue par l’auteur. Le mélange de ces deux thèmes auquel il faut ajouter un œil critique sur son temps et sur une partie du clergé, peut être regardé comme une hardiesse littéraire pour l’époque et traduit une évolution majeure dans sa recherche créative. C‘est par le biais de Mme Chantelouve, personnage fictif en lien avec un chanoine sataniste que Durtal introduit la question du satanisme qui évidemment n’était pas absente de sa recherche sur Gilles de Rais dont il souhaite parler dans son livre ainsi que d’une messe noire à laquelle sa maîtresse lui permet d’assister. Ce thème est un peu étonnant de la part d’un homme découvre le catholicisme et qui deviendra oblat. En effet il ne se convertit pas au sens strict puisqu’il a été baptisé à sa naissance mais il affirme, par la bouche de Durtal « Il faut croire au catholicisme… ce n’est pas le Bouddhisme et les autres culte de ce gabarit qui sont de taille à lutter contre la religion du Christ ». Il n’en est pas moins vrai cependant que pour les catholiques, Satan, incarnation du mal, reste une obsession.
Le style de Hysmans est certes un peu désuet pour un lecteur d’aujourd’hui mais, à titre personnel, il ne me déplaît pas, je le trouve agréable à lire. Il y a certes une recherche de vocabulaire et une pratique originale de la syntaxe qui honorent notre belle langue française mais je déplore que cet auteur majeur de la littérature française soit injustement oublié
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Meurtre au 31° étage
- Par hervegautier
- Le 07/10/2024
- Dans Per Walhoo
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N°1938– Octobre 2024.
Meurtre au 31° étage – Per Walhöö- Le Mascaret -1988 .
Traduit du suédois par Philippe Bouquet et Joëlle Sanchez.
Dans une ville de Suède, un grand groupe d’édition vient de recevoir une lettre anonyme menaçant de faire sauter le siège social en représailles à un meurtre. Vu l’importance de l’entreprise, cette affaire remue jusqu’au ministère et on charge le commissaire Jensen d’investiguer, tout en lui faisant moultes recommandations de ne pas faire de vagues, ne lui laissant que 7 jours pour son enquête et sa hiérarchie le presse de limiter ses investigations à l’auteur de la lettre. En réalité ce n’était qu’une plaisanterie découverte rapidement par un autre service . Tout ce qu’il avait fait n’avait donc servi à rien. Pourtant il s’est avéré que celui qui avait avoué n’était pas le vrai coupable et Jensen fut donc invité à poursuivre ses recherches mais toujours à l’intérieur du délai indiqué. Dans ce groupe on rencontre des choses bizarres au regard du travail et du niveau intellectuel des cadres de cette entreprise ;
Ce roman a été écrit en 1964 et dépeint une société aseptisée, standardisée, aux ordres et sous le contrôle des autorités. C’était sans doute une sorte de photographie sociologique de cette époque, mais le fait qu’elle soit minée par alcoolisme, la drogue et les suicides peut donner à penser qu’elle n’est pas idéale et qu’elle a quelque chose de douloureusement actuel. Ce qui a retenu mon attention c’est le personnage du commissaire, d’une servilité affligeante face à sa hiérarchie tout en étant lui-même autoritaire vis à vis de ses autres collègues placés sous son autorité. Il obéis docilement à ses supérieurs et attend la même attitude de la part de ses subordonnés ! Cela nous donne des dialogues limités et quelque peu dénués d’intérêt. Je ne suis pas vraiment familier des polars nordiques mais je me fais une autre idée d’un commissaire de police en enquête même si le mode du travail lui-même est bien souvent baigné par ce genre d’attitude. Tout au long de la deuxième partie de son enquête il y a une atmosphère pesante, le commissaire faisant partie de ce système inquisitorial et en accepte les règles sans broncher, parlant le moins possible à ses interlocuteurs, n’éprouvant rien et combattant lui-même ce mal-être par l’absorption d’alcool pourtant prohibé.
Je ne suis pas fan de l’hémoglobine et de la violence, tant s’en faut, j’ai pourtant poursuivi ma lecture jusqu’à la fin pour connaître l’épilogue de ce livre mais je m’attendais à autre chose, à une autre sorte de crime, à une autre révélation à propos de ce fameux 31° étage et des mystères qu’il semblait receler. Le titre autant que la collection (Le mascaret noir) me donnaient à penser que j’allais lire un roman policier classique. J’ai été un peu déçu par ma première approche de cet auteur.
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La prima cosa bella
- Par hervegautier
- Le 07/10/2024
- Dans Paolo Virzi
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N°1937– Octobre 2024.
La prima cosa bella- Un film de Paolo Virzi.
« La prima cosa bella » (la première belle chose) c’est d’abord une chanson écrite par Giulio Rapetti Mogol en 1970, mise en musique par Nicolas de Bari à l’occasion de la naissance de sa fille et par Gian Franco Riverberi, qui célèbre l’émerveillement du premier amour. Présentée au festival de San Remo la même année, elle est devenue un véritable succès en Italie. Elle a été reprise en France par Dalida sous le titre de « Si c’était à refaire ». C’est la bande originale chantée par Malika Ayane. Ce film a obtenu de nombreux prix.
Ce titre est repris par Paolo Virzi pour son film dont l’action débute en 1970 à Livourne, une station balnéaire célèbre, pour se terminer en 2010. Anna Michelucci , jeune et jolie femme frivole est élue « La plus belle maman de l’été » et ce fait anodin va bouleverser la vie de cette famille pendant de nombreuses années. Chassée par son mari jaloux, elle trimballe ses deux enfants, Bruno et Valeria de l’appartement de sa sœur en hôtels sordides , mène une vie de bohème entre figuration éphémère dans le cinéma et insouciance, changeant souvent de travail et d’amants.
De nos jours, le fils d’Anna, Bruno, la quarantaine, professeur de littérature dans un lycée hôtelier de Milan est mal dans sa peau au point de flirter avec la drogue et l’alcool. Sa sœur Valeria qui lui a toujours été attachée, le ramène à Livourne, leur ville natale, où leur mère souffre d’un cancer en phase terminale. C’est pour lui la douloureuse occasion de se remémorer sa jeunesse bousculée et meurtrie par cette mère insouciante et flamboyante jusqu’à la fin et de réveiller ses vieilles rancœurs. La maladie d’Anna n’a pas entamé sa joie de vivre voire son inconscience mais elle n’a pas réussi a transmettre cet optimisme à ses enfants, à l’exception peut-être de sa fille. Cet épisode sera aussi pour Bruno et Valeria l’occasion de lever le voile sur un secret de famille qui réunira ces membres longtemps dispersés.
Les personnages sont parfois drôles, parfois émouvants mais toujours justes dans cette œuvre proustienne.
Ce film est quelque peu éloigné du thème de la chanson qui lui donne son titre et dont l’action, parfois difficile à suivre, s’étage dans le temps avec beaucoup de flash-back et des acteurs différents en fonction de l’âge des personnages. Il alterne rires et larmes, mélancolie et humour, une sorte de comédie amère traitée cependant à l’italienne qui est l’illustration de l’impact que l’enfance a sur notre vie.
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Naissance d'un pont
- Par hervegautier
- Le 06/10/2024
- Dans Maylis de Kerangal
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N°1936– Octobre 2024.
Naissance d’un pont – Maylis de Kerangal – Gallimard.
Coca, une ville californienne imaginaire de nos jours. Son mégalomane de maire, John Johnson dit Le Boa s’est imaginé la doter d’un gigantesque pont suspendu à six voix jeté au-dessus du fleuve et d’un port. On vient du monde entier avec sa spécialité pour participer à cette réalisation sous la direction de l’architecte Georges Diderot mais aussi on recrute localement une foule de prolétaires qui édifieront l’ouvrage et dragueront le fleuve. Le projet attire aussi des ouvriers professionnels très pointus comme Sanche, grutier.
Il y a beaucoup de personnages qui viennent sur ce chantier avec leur histoire, leurs fantasmes, leurs regrets, leurs espoirs et on comprend bien qu’on n’est pas ici dans un monde idéal ; Il y a de la violence, des règlements de comptes, des accidents, du sexe, de l’argent, de l’alcool...
Il y a l’histoire de ce pont qui révolutionne cette région perdue que rien ne prédisposait à recevoir une telle réalisation, cette ville qui maintenant prend des proportions inquiétantes pour l’avenir. C’est en creux l’éternel débat entre la tradition et la modernité face aux indiens qui habitent ici depuis des siècles et défendent leurs terres, la réalité de la lutte des classes au sein même de ce chantier, le profit des actionnaires, les délais à respecter, la rentabilité contre le travail au quotidien avec ses dangers, la différence de vie entre la chaleur des bureaux où se prennent les décisions et le chantier dangereux et glacial. On n’échappe pas aux mouvements sociaux, aux grèves pour un meilleur salaire, aux interruption temporaires pour causes écologiques, à la fierté des ouvriers de participer à un tel chantier, à la violence, aux histoires d’amour incontournables et éphémères quand le monde du travail met en situation des hommes et des femmes ... Je suis entré dans cette histoire ainsi racontée, je m’y suis laissé entraîné non seulement pour connaître la fin de ce roman mais aussi pour faire plus ample connaissance avec cette auteure dont j’entends dire beaucoup de bien et donc pour pouvoir, à mon tour m’en faire une idée et en parler. Pourtant l’épilogue ne m’a pas convaincu ; Je m’attendais à autre chose un peu comme si la fin des travaux relâchaient soudain les tensions longtemps contenues, autorisaient toutes les folies. Certains ouvriers tournent simplement la page et envisagent un avenir immédiat et ordinaire, Sanche se lâchent complètement et Diderot changera de vie . Cependant c’est l’écriture qui m’a un peu arrêté. J’avais fait la connaissance de l’auteure avec la lecture de « Corniche Kennedy » dont je n’avais guère goûté le style décousu et le langage tortueux. Ici, même si c’est différent avec de nombreuses précisions parfois techniques, une expression foisonnante, compliquée, riche (parfois trop) et abondante, bruyante, un peu artificielle qui raconte froidement une fiction sans vraiment traduire des impressions éventuellement ressenties par l’auteure. Mon avis est don mitigé et j’ai même été un peu déçu.
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Le fleuve des brumes
- Par hervegautier
- Le 01/10/2024
- Dans Valerio Varesi
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N°1935– Septembre 2024.
Le fleuve des brumes – Valerio Varesi – Agullo éditions.
Traduit de l’italien par Sarah Amrani.
Le Pô est en crue et la péniche à la dérive d’Antoneo Tonna a été retrouvée vide, fichée dans une digue. A l’hôpital, on vient de retrouver un cadavre d’un homme qui apparemment s’est suicidé en se défenestrant, son nom Décimo Tonna. Seuls quelques kilomètres séparent ces deux étranges affaires, peut-être un double meurtre qui concerne les deux frères tant les interrogations du commissaire Soneri sont nombreuses. Le début de ses investigations ressemble au paysage qui l’entoure, nébuleux et mystérieux et, si on veut le voir ainsi, Le Pô est aussi un personnage de ce roman avec ses crues, ses brouillards, ses températures d’hiver, ses secrets, ses paysages et les gens qui s’y accrochent. Le fleuve participe même à cette affaire malgré lui. Le policier ne peut guère compter sur la complicité des gens du cru. Il parlent pourtant, même s’ils sont plutôt taiseux et farouches et font allusion à la seconde guerre mondiale, terminée pourtant depuis cinquante ans, mais qui a laissé de vieilles rancœurs dans la région autour des combats entre fascistes et communistes. Le conflit, avec le souvenir de exactions et des atrocités commises, la culpabilité d’y avoir participé et la volonté de vengeance sont peut-être une source d’explications. Il y a ce billet sibyllin, l’exploration des cimetières et des sépultures, les errements et les doutes d’une enquête laborieuse qui s’embourbe tous les jours un peu plus à cause de cette omerta. Le commissaire Soneri ne tarde pas à fouiller dans le passé des deux frères, deux fascistes dans une zone où les combats ont fait rage entre les deux camps et que l’oubli n’a pas suffi à estomper. Il peine aussi à démêler les secrets de famille, à comprendre ce mystérieux incendie, ces allusions à un combattant exécuté pendant la guerre, quant à cette histoire de village immergé...
J’ai bien aimé ce commissaire à la fois flegmatique et réaliste qui mène ses investigations avec son équipe mais n’oublie pas de solliciter le curé de l’endroit que rencontrait souvent le vieil Antoneo, désireux sans doute compte tenu de son âge, de se mettre en règle avec Dieu avant de lui remettre son âme, mais l’ecclésiastique ne transige évidemment pas avec le secret de la confession. Il n’a finalement pas besoin de lui pour interpréter les différentes révélations faites au cours de cette enquête et qui ressemblent à des symboles, même si apparemment elles n’ont aucun lien entre elles.
Ce que découvre le commissaire, entre deux assauts d’Angela, une avocate qui est aussi sa coquine maîtresse et qui ne le lâche guère, n‘a rien à voir avec la transport de céréales pourtant répertorié sur le livre de bord mais il comprends aussi que la mort concomitante des deux frères Tonna n’est pas un hasard.
Le suspens est entretenu jusqu’à la fin, le texte est bien écrit (traduit?) et agréable à lire qui casse l’image d’ordinaire ensoleillée de l’Italie.
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Corniche Kennedy
- Par hervegautier
- Le 28/09/2024
- Dans Maylis de Kerangal
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N°1934– Septembre 2024.
Corniche Kennedy – Maylis de Kerangal – Gallimard.
Une bande d’ados un peu paumés se retrouvent sur une corniche qui surplombe la mer Méditerranée à différents niveaux. Ils plongent, défiant la peur, le risque, la mort peut-être. C’est leur rituel leur façon de s’affirmer face à une société qu’ils fuient, face à l’interdit, face aux autres jeunes moins hardis, d’exprimer leur liberté, leur volonté d’être différents. On peut dire que c’est de leur âge. Sauf que cet exercice n’est pas du goût du maire qui a décidé de faire cessé cette manifestation d’entrave à l’Ordre public et a chargé le commissaire Sylvestre Opéra de les surveiller. Tel est le thème du roman.
Le thème était intéressant mais j’ai rapidement été lassé par un style décousu, l’écriture tortueuse et sans grand attrait pour moi, peut-être conforme à ce qui s’écrit actuellement mais que j’ai eu du mal à apprécier, poursuivant cependant ma lecture jusqu’à la fin dans le seul but de découvrir une auteure inconnue.
Je n’ai pas été convaincu par l’histoire non plus. Certes il y a cette aventure de ces jeunes gens et leur volonté de se démarquer mais je ne suis pas sûr qu’ils iront au bout de leur démarche, sauf à tomber dans la délinquance, la vraie, ce qu’il ne veulent sûrement pas. On est loin de l’idée de liberté du début. L‘idylle entre Eddy, le marginal chef de bande et Suzanne, bien différente de lui ne durera que le temps d’un été. Les épisodes de prostitution et de drogue sont peut-être inévitables mais m’ont paru un peu convenus, quand au commissaire, addict à la vodka et au tabac, rendu poussif par le diabète , il ne m’a pas paru convainquant non plus.
Je suis peut-être passé à côté d’un bon roman, par ailleurs incarné au cinéma dans un film éponyme de Dominique Cabrera, mais je n’ai pas accroché, peut-être pas compris.
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Au commencement était la guerre
- Par hervegautier
- Le 26/09/2024
- Dans Alain Bauer
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N°1932 – Septembre 2024.
Au commencement était la guerre – Alain Bauer – Fayard.
J’écoute toujours avec un réel plaisir les interventions télévisées d’Alain Bauer tant il est bien informé de la marche du monde. Ses remarques sur l’actualité et sur l’histoire sont toujours pertinentes et éclairent grandement ses contemporains sur les décisions des responsables politiques et ce qui risque d’en résulter.
Dans cet essai, l’auteur nous rappelle opportunément que, depuis que le monde existe, il a été en perpétuel état de guerre, que la paix n’est pas autre chose qu’un moment de tranquillité entre deux conflits armés et que, malgré les traités et les alliances les amis peuvent devenir des ennemis. Les espérances des philosophes et des penseurs, les tentatives internationales visant à créer un ordre mondial et les idéaux religieux n’y font rien, la guerre s’impose, notamment en Europe. Même si d’autres existent sur notre planète, deux conflits monopolisent actuellement l’attention du monde, celui d’Israël et celui d’Ukraine qui lui est sur le territoire européen et si notre pire ennemi est l’amnésie sans oublier les conflits d’intérêts et l’ignorance de la géopolitique, les positions divergent quant aux réponses a y apporter et ce d’autant que nous avons fait semblant de croire que la paix, génératrice de richesses et donc de bonheur pouvait être perpétuelle sur notre vieux continent. Même si ce concept de « paix perpétuelle » n’est pas nouveau et a été quelque peu entamé, le budget de la défense a servi en France de variable d’ajustement qui a mené à une inquiétante démilitarisation de notre armée et une vulnérabilité de notre territoire. Notre auteur revient sur toutes les guerres qui ont émaillé l’histoire du monde et les leçons qui en ont, ou non, été tirées. Il revient sur la guerre en Ukraine devenue à la fois un terrain d’expérimentation pour un nouvel armement (drones, cyberattaque, contributions des citoyens...) et une nouvelle doctrine de combat face à la Russie mais aussi, par certains côtés, le retour à la guerre de tranchées traditionnelle et au respect relatif du droit international souvent ignoré face aux crimes de guerre et contre l’humanité, le tout dans un contexte d’atteinte aux populations, le respect des installations nucléaires civiles et la menace de la solution ultime et dévastatrice. Ce conflit se caractérise aussi par la volonté russe d’éliminer le peuple ukrainien et sa culture par l’usage des déportations massives et le pillage des œuvres d’art.
Le concept de paix s’éloigne de plus en plus. Les remarques d’ Alain Bauer, ses révélations et ses analyses de l’ évolution des différentes doctrines militaires. sont des plus intéressantes. Dans ce vaste tableau, notre auteur passe en revue tout les foyers potentiels de conflits, de la Chine de plus en plus en pointe dans le domaine de l’armement et son conflit latent avec les États-Unis à propos de Taïwan, en passant par ses voisins turbulents tels que la Corée du Nord, toujours désireuse d’être considérée comme une menace, sans oublier le Moyen-Orient où la démocratie israélienne, en guerre depuis sa création en 1948, le tout sans oublier la menace nucléaire qui, même si elle est théorique, plane toujours sur l’Europe. Il note la vulnérabilité des démocraties, notamment celle des États-Unis longtemps considérés comme un rempart, la fragilité des états face aux terrorisme, aux cyberattaques et aux méfaits potentiels de l’intelligence artificielle dans un monde en crise, notamment sanitaire( mais pas seulement) mais également soumis à la chute de la natalité et au vieillissement de la population.
Ouvrage passionnant et richement documenté notamment au niveau historique, bien écrit, explicite, qui se lit facilement en dépit du grand nombre de pages (près de 500) et la complexité des sujets traités. C’est une invitation à réfléchir sur notre monde et son avenir
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Les graines du figuier sauvage
- Par hervegautier
- Le 23/09/2024
- Dans Mohammad Rasoulof
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N°1933– Septembre 2024.
Les graines du figuier sauvage – Un film de Mohammad Rasoulof.
Prix spécial du jury Cannes 2024.
Téhéran, de nos jours.
Iman, marié et père de deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, vient d’être nommé juge. Il est originaire d’un petit village perdu dans les montagnes et a intégré les instances du régime grâce à sa foi religieuse mais aussi sans doute grâce au zèle qu’il met à le servir. Il a élevé ses enfants dans l’observance de la loi coranique qui prône notamment l’effacement de la femme et la prière. Il est partagé entre le respect des préceptes de la foi et la lutte contre les manifestations de plus en plus nombreuses contre le port du voile qui risquent de faire basculer le pouvoir dont il est un rouage. Ses nouvelles fonctions lui assurent une certaine aisance mais l’expose. Les manifestations incessantes de la rue le perturbent et les condamnations à mort qu’il doit signer le bouleversent.
Son ascension sociale est soutenue par son épouse Najmeh mais ses deux filles, pourtant élevées dans les règles de l’islam, se retrouvent au milieu du mouvement contestataire qu’elles soutiennent. La perte inexpliquée de son arme de service signifie pour lui la déchéance et la prison et, avant d’en faire la déclaration officielle, la paranoïa s’installe et il accuse sans preuve les membres de sa propre famille de lui mentir.
Ce film est entrecoupé de nombreuses séquences diffusées sur les réseaux sociaux attestant la contestation des femmes et notamment la mort de Jina Mahsa Amini, assassinée dans un commissariat de police pour port incorrect du voile. Ces déviances d'une théocratie qui s'apparente à une dictature religieuse nous sont connues aujourd'hui mais dans quelques dizaines d'années, quand ce régime aura disparu (si cela est possible), l'oubli qui fait tellement partie de la condition humaine aura fait son œuvre et de tels témoignages attesteront de cette réalité historique.
Puis le film se concentre sur l’ambiance familiale devenue délétère depuis la perte de l’arme d’Iman et si Rezvan, l’aînée, milite pour un changement radical de la loi et d’une plus grande liberté pour les femmes, Sana, la cadette, souhaite davantage porter les cheveux bleus et du vernis à ongles. Cela va bien au-delà de l’opposition traditionnelle parents-enfants à l’adolescence. Le père, aimant et attentif qu’ était Iman, devient pour les siens, à la fois au nom de la religion, de la défense du régime des ayatollahs, et peut-être aussi pour lui qui est parti de rien, de sa carrière, un bourreau domestique. A l'occasion d'un retour dans son village, de la dégradation de l'ambiance et d'accusations portées contre lui, son épouse traditionnellement soumise, prend la défense de ses filles et c'est un peu comme si ces événements politiques tragiques du pays étaient transposés dans cette famille, le père devenant l'oppresseur face à ses femmes qui se révoltent. Le spectateur occidental prend très vite fait et cause pour elles et l’épilogue, malgré quelques longueurs, est parfaitement prévisible.
Ce film, tourné en partie dans la clandestinité, rend compte de la société iranienne actuelle et nous fait prendre conscience de la chance que nous avons de vivre dans un pays libre, démocratique et laïc et de la vigilance qui doit être la nôtre face à la menace d’un basculement toujours possible.
En tout cas un film bouleversant.
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Était -ce lui?
- Par hervegautier
- Le 21/09/2024
- Dans Stefan Zweig
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N°1931 – Septembre 2024.
Était-ce lui ? Stefan Zweig -Gallimard.
Traduit de l’allemand par Laure Bernardi et Isabelle Kalinowski.
Stefan Zweig (1881-1942) s’est très tôt fait connaître par ses poèmes et surtout par ses nouvelles. Ce petit volume en comporte deux. « Un homme qu’on oublie pas » et « Était-ce lui ? » qui lui donne son titre.
La première, écrite à la première personne, met en scène Anton, un homme
exceptionnel, quasi clochard, mais que tout le monde connaît et estime, détaché des biens de ce monde et qui passe son temps à aider ses semblables sans rien leur demander en échange. D’autre part le témoignage qu’en fait le narrateur, intellectuel connu, qui admet que l’exemple de ce marginal a été pour lui une leçon de liberté et d’indépendance, est d’une grande importance. Ce texte est-il l’évocation d’une rencontre effective de l’auteur avec un tel homme (il sous-titre ce titre par la mention « histoire vécue ») ou est-ce le modèle humain auquel il aspire ? Zweig est un idéaliste et ce type d’individu, certes singulier dans ce monde gouverné par l’argent, peut parfaitement incarner sa vision de l’homme.
La seconde tient un peu du polar et donne la parole à Betsy qui passe sa retraite avec son mari près d’une petite ville anglaise. Vient s’installer près de chez eux un jeune couple sans enfant dont elle évoque le quotidien avec force détails, insistant sur l’analyse psychologique des personnages et notamment sur le mari. Il adopte un chien dont il devient quasiment l’esclave, mais les choses changent avec la naissance inespérée d’un enfant. L’atmosphère du récit devient pesante et le lecteur partage également l’angoisse et la question que se pose à elle-même la narratrice et qui donne son titre à cette nouvelle (Était-ce lui?). Le suspens est entretenu jusqu’à la fin et le texte, évidemment fort bien écrit (traduit), ajoute au plaisir du lecteur.
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Les yeux de Mona
- Par hervegautier
- Le 17/09/2024
- Dans Thomas Schlesser
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N°1929 – Septembre 2024.
Les yeux de Mona – Thomas Schlesser – Albin Michel
Mona, neuf ans, va perdre définitivement la vue. Elle va donc devoir consulter différents spécialistes et notamment chez un psychologue. C’est son grand-père Henry, son « Dadé », un être taiseux depuis la mort de sa femme mais aussi un érudit un peu fantasque qui se propose de l’accompagner chaque mercredi. En réalité il a aussi l’intention de lui faire découvrir les œuvres d’art des grands musées parisiens, Le Louvre, Beaubourg, Orsay…, c’est à dire de lui donner l’occasion de voir ce qu’il y a de plus beau au monde avant qu’elle ne perde l’usage de ses yeux. Ce seront donc 52 rendez-vous que son « Dadé » lui propose avec Léonard de Vinci, Raphaël, Cézannne, Picasso...en se concentrant sur une seule œuvre d’un artiste. Il termine cette initiation par Pierre Soulages et ses noirs. C’est à la fois une bonne conclusion de ces rendez-vous puisque c’est elle qui commente un de ses tableaux mais aussi une triste respective pour elle puisque le noir sera aussi, bientôt, son univers
Non seulement le vieil homme lui fait découvrir ces œuvres mais aussi il l’initie à la vie avec les doutes et les révoltes qu’elle inspire, à l’histoire et en particulier celle de l’art et des artistes, à la connaissance des choses et des gens, suscite sa curiosité, ses réflexions, ses remarques souvent pertinentes, provoque chez elle l’intérêt pour la création artistique et l’éveil de son esprit critique...
C’est un peu comme si l’initiation que le vieil homme mène au profit de sa petite-fille qui sa devenir aveugle, le faisait lui aussi revenir à la vie non seulement en partageant avec elle ses connaissances mais aussi en réalisant ainsi une sorte d’initiation, comme s’il y avait entre eux une démarche complémentaire, Mona va perdre la vue,et son grand-père veut que sa mémoire emmagasine de belles choses et Henry lui va perdre a vie mais avant cela il veut que cette enfant profite de son érudition avant de disparaître .
J’ai trouvé la relation grand-père-petite-fille à la fois émouvante et authentique et les informations données par le vieil homme fort intéressantes et précises.
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La madre
- Par hervegautier
- Le 15/09/2024
- Dans Grazia Deledda
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N°1930 – Septembre 2024.
La Madre – Grazia Deledda – Stock.
Traduit de l’italien par Madeleine Santschi.
Court roman paru en 1919, en feuilleton, puis édité en 1920. Cette œuvre traduit le trouble de Maria Maddalena, la mère de Paulo, devenu le curé d’un pauvre village sarde et qui a suivi son fils dans son ministère. Il est entré dans les ordres davantage pour échapper à la misère que par foi religieuse. Accueilli comme le Messie à son arrivée, il ne tarde pas à tomber amoureux d’Agnese, une femme riche et seule qu’il va retrouver la nuit. Cette relation risque de devenir publique à cause d’elle, agacée par les hésitations de Paulo. Tout le roman repose sur les réflexions, les remords de cette mère qui a suscité chez son fils cette vocation pour la prêtrise, face au péché irrémédiable du jeune ecclésiastique. Paulo n’est pas exempt de troubles psychologiques, lui qui a consacré sa vie à la purification des âmes de ses semblables et doit tenir ce rôle vis à vis de ses paroissiens, mais ne parvient pas à se libérer de cet amour caché mais authentique qui doit évidement, rester secret. Les pensées douloureuses de ces deux protagonistes s’entremêlent au cours de ces pages. C’est aussi la certitude que, pour un homme, l’amour de la femme doit passer par de détachement de la mère, à la fois gardienne respectée des traditions et frein au bonheur. Ce roman illustre le combat entre l’amour de Dieu et la tentation de la chair, entre la vie et la mort, la fatalité, l’expiation du péché, la culpabilité, l’interdit de l’amour mais aussi des questions récurrentes, le célibat des prêtres, la chasteté, l ‘hypocrisie, le mensonge …
Les événements évoqués se déroulent sur deux jours et les émotions se mêlent à l’action, aux évocations du passé, aux remords, à un impossible avenir.... Le doute, les hésitations viennent brouiller les décisions de ces deux personnages tourmentés, avec en contre-point la figure incontournable du diable, symbolisé par le vent, mais aussi de fantômes du passé et de miracles apparents qui troublent l’esprit des paysans.
Il y a une opposition entre ces deux femmes, Maria Maddalena, très présente qui incarne l’image non seulement de la mère, vertueuse, aimante mais torturée mais aussi celle de la servante dévouée, effacée, de la pieuse femme sarde à la foi archaïque et superstitieuse, et Agnese qui dans ce roman incarne l’ image de la tentation et du péché mais aussi de l’incitation à bouleverser un ordre social établi et immuable .
Il y a un autre personnage, Antioco, l’enfant de chœur, naïf et innocent qui admire le jeune curé et veut devenir prêtre comme lui mais ne sait rien de ses états d’âme et de sa conduite. Il interprète l’image que lui donne ce dernier comme des manifestations de la sainteté de Paulo et de la grandeur de son ministère. Avec Maria Maddalena et Agnese, il illustre les contradictions du prêtre.
Ce roman ne passa pas inaperçu à sa publication puisqu’il fut préfacé par D.H. Lawrence et traduit en anglais.
Grazia Deledda (1871-1936) est l’auteure d’une abondante création littéraire, plus de 50 volumes, romans et nouvelles dont beaucoup publiés en français, mais aussi théâtre poésie et traduction. Elle a été la première femme italienne à recevoir le Prix Nobel de littérature en 1926. En 2013 le réalisateur italien Angelo Maresca s’est inspiré de ce roman pour son film éponyme. Elle a publié ses premiers textes à l’âge de 17 ans ce qui, pour une jeune fille de cette époque qui devait restée discrète, était exceptionnel. Elle s’est affirmée comme une écrivain sarde, amoureuse de son île et de son peuple, un univers rigide et archaïque dont elle s’est fait le témoin dans toute son œuvre sans oublier d’évoquer la condition des femmes. Elle a également choisi de traiter notamment de l’inceste dans son roman Elias Portolu, considéré comme son chef d’œuvre ce qui, pour une femme de cette époque témoigne d’un certain courage. Ici s’entremêlent les thèmes de l’amour et de la mort, mais aussi pour l’homme celui du choix de la soutane et du refus de l’amour face au scandale. Là aussi il y a renoncement et choix de la religion comme seule réponse face à la solitude de la femme.
Son style est influencé par le vérisme, Mouvement artistique italien de la fin du XIX° siècle, à peu près analogue au naturalisme français incarné par Émile Zola. Grazia Deledda, bien que vilipendée à son époque est en effet une auteure majeure, témoin de son temps, au style simple, sans érotisme , aussi pertinent dans les analyses des sentiments des personnages qu’il est agréable à lire dans les descriptions de paysages.
© Hervé GAUTIER – La Feuille Volante - http://hervegautier.e-monsite.com]
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C'e ancora domani
- Par hervegautier
- Le 09/09/2024
- Dans Cinéma italien
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N°1850 – Mars 2024.
Il reste encore demain (C’é ancora domani)– Un film de Paola Cortellesi. (2023)
Nous sommes à Rome dans un quartier pauvre, en 1946 . L’Italie post-fasciste se relève difficilement de la guerre. Delia (Paola Cortellesi), une mère italienne souhaite donner à ses trois enfants un avenir meilleur que le sien et en particulier à sa fille aînée, Marcella (Romana Maggiora)
Delia se débat face dans un quotidien sans joie avec un mari autoritaire et violent, Ivano (Valerio Mastrandrea), le type même du mâle qui considère sa femme comme sa chose, en abuse, la gifle sans raison tous les matins. Delia ne trouve du réconfort qu’auprès de son amie Marisa (Emanuela Fanelli) que pour quelques moments de légèreté et grâce à de petits boulots ingrats qu’elle multiplie pour compléter le maigre salaire de son mari. Les humiliations quotidiennes qu’elle subit révoltent Marcella qui ne manque pas de le lui faire savoir. Cela passe à ses yeux pour de la lâcheté, pire peut-être pour de la soumission à un ordre établi qui fait de l’épouse un être servile et consentant, chargé du foyer, des enfants et des envies de son mari dont elle est la propriété. L’argent que gagne Ivano, il le dépense au bistrot ou au bordel, mais le tableau ne s’arrête pas là, la famille héberge également son beau-père, un vieillard lubrique et autoritaire qui inspire la conduite de son fils, et deux garçons gâtés. Délia voit dans les fiançailles de Marcella avec Giulio, d’une classe sociale plus élevée, une perspective différente pour elle mais l’attitude du jeune homme, malgré les serments et les promesses, lui donne à penser que rien ne changera. Elle y substitue une solution plus efficace à ses yeux.
Heureusement l’arrivée inespérée d’une lettre va tout changer pour Delia, et pas seulement pour elle.
Paola Cortellesi, comédienne appréciée chez nos amis italiens qui tient ici le rôle principal, passe pour la première fois derrière la caméra pour réaliser ce film en noir et blanc qui remet le spectateur dans l’ambiance de l’époque. Il reprend les codes du néo-réalisme italien des années d’après-guerre incarnés par Vittorio de Sica (Le voleur de bicyclettes) Ettore Scola (Une journée particulière) ou Luchino Visconti (Les amants diaboliques). C’est certes une critique de la situation des femmes dans cette Italie traditionnelle de l’après-guerre qui pose aussi d’autres questions éternelles. Comment un homme jadis amoureux et prévenant avec sa fiancé devient-il violent avec elle une fois marié et ce malgré le trait d’humour qui transforme, à la grande surprise de Délia, en danse improvisée ce qui aurait pu être une série ordinaire de coups. Son courage et son abnégation recueillent la sympathie du spectateur quand elle s’oppose à l’avenir de sa fille qu’elle juge délétère, avec la complicité d’un militaire américain noir, c’est à dire lui aussi habitué à la violence ségrégationniste. Cette empathie va jusqu’à comprendre et admettre qu’elle quitte ce foyer, répondant à une demande d’un amour de jeunesse pour une autre vie malgré les enfants, l’interdit de l’Église, la mort de son beau-père...
C’est un film, pas vraiment dans l’air du temps qui étonne le spectateur et l’égare dans les arcanes des possibles mais qui se révèle être bien autre chose, autrement porteur d’espoirs qu’un banal adultère et qui a fait en Italie un nombre impressionnant d’entrées dans un cinéma italien en crise. Il a même été projeté dans les écoles pour prévenir les féminicides importants dans la péninsule et notamment l’affaire du meurtre de Guilia Cecchettin, 22 ans, poignardée en novembre dernier par son compagnon. Il a même enthousiasmé jusqu’à la Cheffe du gouvernement italien d’obédience post-fasciste, Georgia Meloni, qui l’a qualifié de « courageux et stimulant ».
Je termine cette chronique en faisant une mention spéciale à la bande-son particulièrement originale.
Alors, retour de la nostalgie ou évocation du combat des femmes pour leur nécessaire émancipation dans une Italie minée par la tradition, le bernusconisme et l’influence de l’Église ? Ce film qui non seulement bouscule toutes les tendances actuelles du cinéma ne passera sûrement pas inaperçu en France où le droit des femmes vient d’être encore une fois renforcé et officialisé.
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La nouvelle femme
- Par hervegautier
- Le 09/09/2024
- Dans Cinéma italien
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N°1857– Avril 2024.
La nouvelle femme - Un film franco-italien de Lea Todorov. (2023)
L’éducation est un moyen essentiel dans l’émancipation de l’homme et de sa réalisation personnelle. Cette affirmation prend toute son importance quand il s’agit de personnes handicapées qui ont comme les autres le droit à la vie. Face à ce problème, le régimes totalitaires ont apporté une solution d’élimination quand les démocraties cherchent à y apporter une réponse plus adaptée. Ce fut un long combat, il est vrai souvent caractérisé par des initiatives individuelles quand la collectivité choisissait souvent d’ignorer voire de cacher ceux qui en étaient atteints.
Nous sommes à Rome en 1900 et Lili d’Alengy, une prostituée qui a fui Paris, cache sa fille idiote qui entrave sa carrière. Elle y rencontre Maria Montessori (1870-1952), une femme médecin qui travaille dans un institut pour enfants déficients et qui a développé une méthode d’éducation pour les aider à se réadapter. Il naît entre ces deux femmes que tout oppose une relation faite d’empathie, de compréhension et de volonté d’aide face à une détresse solitaire, celle de Lilli qui souhaite dissimuler la présence de sa fille et celle de Maria qui veut faire reconnaître son action. Maria elle aussi cache un fils, certes normal, mais né hors mariage, ce qui a l’époque est pour une femme célibataire un motif d’exclusion de cette société bourgeoise, bien pensante et hypocrite. De plus, pour une femme, être médecin est tout simplement inconcevable dans un monde réservé aux hommes et son action personnelle en faveur des enfants est éclipsée au profit de son collègue, le père de son fils, Guisepe Montesano, codirecteur de l’institut. Lilli fait profiter à Maria de sa connaissance du monde masculin et de la façon de se comporter face à lui pour lui résister et Maria aide efficacement sa fille à progresser. Maria qui auparavant ne vivait que pour la science et pour son travail se révèle être cette « nouvelle femme » qui va s’affirmer. Ce sont les deux personnalités féminines de ce film. Cette opposition entre ces deux femmes, l’une réelle, Maria Montessori (Jasmine Trinca) et l’autre fictive incarnée par Leila Bekti est bienvenue. Elle met en prescriptive la personnalisé de la première, autoritaire, ambitieuse et surtout désireuse de s’imposer dans un monde qui la rejette et la seconde qui reste une demi-mondaine mais une femme libre et indépendante qui va aider Maria à conquérir son autonomie financière , fonder son propre centre et imposer la méthode qui va porter son nom et révolutionner l’école de son temps. Elle est encore utilisée aujourd’hui.
Un autre aspect important est la relation entre Maria et son compagnon, le père de son fils qui co-dirige l’institut, Guisepe Montesano (Rafaele Esposito) qui souhaiterait qu’ils se marient, notamment pour légitimer leur fils, mais Maria refuse puisqu’elle perdrait du même coup son indépendance, la femme mariée était à l’époque sous la tutelle exclusive de son époux. La reconnaissance de son fils par son père, qui par ailleurs de marie avec une autre femme, fait perdre à Maria ses droits sur son fils dont elle doit se séparer pendant 12 ans. C’est le douloureux prix qu’elle doit payer pour être reconnue.
Ce film est important parce qu’il met en scène des enfants réellement déficients mais dont la direction s’est adaptée à leur handicap. En outre il s’inspire directement du journal intime de Maria.
Ce long métrage s’inscrit parfaitement dans la difficile conquête des droits de l‘enfant inadapté mais aussi la prise en compte du long combat des femmes pour la reconnaissance de leur statut au sein de la société. Le cinéma italien s’en fait actuellement l’écho, mais dans un tout autre registre, notamment avec le film de Paola Cortellesi « C’e ancora domani » (il reste encore demain) et celui de Maria Savina (« Prima donna »)
C’est le premier film de Lea Todorov, connue par ailleurs dans le domaine de réalisation de documentaires et c’est une réussite.
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Gloria
- Par hervegautier
- Le 09/09/2024
- Dans Cinéma italien
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N°1894 – Juin 2024.
Gloria – Un film de Margherita Vicario.
Pie VII vient d’être élu pape et va venir visiter le vieil orphelinat de jeunes filles de Sant’Ignazio à proximité de Venise. Elles y reçoivent une éducation musicale approfondie mais leur seul espoir d’émancipation est le mariage, évidemment arrangé. L’établissement est dirigé par un prêtre âgé, maître de chapelle, surnommé « Maestro », à qui le gouverneur demande une composition originale pour honorer la visite pontificale. Faute d’inspiration, l’ecclésiastique peine à honorer cette commande qui devra être exécutée par le petit orchestre à cordes des pensionnaires.
Teresa, humble servante anonyme et solitaire, est vouée dans cette institution aux tâches matérielles les plus humbles et personne ne connaît son histoire sordide. Rendue orpheline par la guerre, elle est placée chez le gouverneur qui la viole et se charge de l’éducation de son enfant dont elle est séparée. On lui intime l’ordre de ne parler à personne, ce qui lui vaut le surnom de « La muette ». Par hasard, dans une dépendance, elle découvre un piano et révèle un talent étonnant pour la musique qu’elle joue à l’oreille , traduisant en mélodies les sons du quotidien. Malgré son état de domestique, elle s’intègre à la formation musicale des jeunes pensionnaires et étudie avec elles la musque baroque qui semble avoir leur préférence. Ce qui devait être un concert de musique religieuse destinée à s’attirer les bonnes grâces du pape prend rapidement des chemins de traverse.
J’ai personnellement apprécié la musique , les décors et les costumes. Ce drame est remarquablement servi par Gallea Bellugi (Teresa) , Carlotta Gamba ( Lucia).
Ce film italio-suisse sorti en juin 2024 en France, s’inscrit dans le même esprit du cinéma italien actuel, quoique dans des registres différents et qui célèbre l’émancipation des femmes trop souvent oubliées, face à l’intolérance de la société incarnée ici par la toute puissance de l’Église catholique. Ainsi « Il reste encore demain » (2023) de Paola Cortellesi et « La nouvelle femme » (2023) de Lea Todorov.
© Hervé GAUTIER
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Gloria
- Par hervegautier
- Le 09/09/2024
- Dans Cinéma italien
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N°1894 – Juin 2024.
Gloria – Un film de Margherita Vicario.
Pie VII vient d’être élu pape et va venir visiter le vieil orphelinat de jeunes filles de Sant’Ignazio à proximité de Venise. Elles y reçoivent une éducation musicale approfondie mais leur seul espoir d’émancipation est le mariage, évidemment arrangé. L’établissement est dirigé par un prêtre âgé, maître de chapelle, surnommé « Maestro », à qui le gouverneur demande une composition originale pour honorer la visite pontificale. Faute d’inspiration, l’ecclésiastique peine à honorer cette commande qui devra être exécutée par le petit orchestre à cordes des pensionnaires.
Teresa, humble servante anonyme et solitaire, est vouée dans cette institution aux tâches matérielles les plus humbles et personne ne connaît son histoire sordide. Rendue orpheline par la guerre, elle est placée chez le gouverneur qui la viole et se charge de l’éducation de son enfant dont elle est séparée. On lui intime l’ordre de ne parler à personne, ce qui lui vaut le surnom de « La muette ». Par hasard, dans une dépendance, elle découvre un piano et révèle un talent étonnant pour la musique qu’elle joue à l’oreille , traduisant en mélodies les sons du quotidien. Malgré son état de domestique, elle s’intègre à la formation musicale des jeunes pensionnaires et étudie avec elles la musque baroque qui semble avoir leur préférence. Ce qui devait être un concert de musique religieuse destinée à s’attirer les bonnes grâces du pape prend rapidement des chemins de traverse.
J’ai personnellement apprécié la musique , les décors et les costumes. Ce drame est remarquablement servi par Gallea Bellugi (Teresa) , Carlotta Gamba ( Lucia).
Ce film italio-suisse sorti en juin 2024 en France, s’inscrit dans le même esprit du cinéma italien actuel, quoique dans des registres différents et qui célèbre l’émancipation des femmes trop souvent oubliées, face à l’intolérance de la société incarnée ici par la toute puissance de l’Église catholique. Ainsi « Il reste encore demain » (2023) de Paola Cortellesi et « La nouvelle femme » (2023) de Lea Todorov.
© Hervé GAUTIER
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Le nom sur le mur
- Par hervegautier
- Le 09/09/2024
- Dans Hervé Le Tellier
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N°1928 – Septembre 2024.
Le nom sur le mur – Hervé Le Tellier – Gallimard.
A la recherche d’une maison en Provence, l’auteur, trouve une vieille bâtisse avec un nom inconnu gravé maladroitement sur le vieux crépis. C’est pour lui le début d’une quête qui le met en présence de quelques photos présentant un jeune homme d’une vingtaine d’années, André, mort en 1944 face aux Allemands et dont le nom figure sur le monument de la commune. Ces maigres reliques le montre enlaçant sagement une jeune fille, Simone, et attestent l’avenir qu’elles portent parce que ce qu’on demande avant tout à la vie c’est d’être heureux et qu’à cet âge tout est possible. Mais le destin qu’on ignore en a décidé autrement et la vie ne tient pas toutes les promesses auxquelles on fait semblant de croire. André tombera sous les balles ennemies, Simone se mariera plus tard avec un autre mais confiera à sa fille ces fragiles clichés parce que, si la vie continue, le papier glacé a conservé trace de ces moments heureux avec, pour ceux qui restent, un sentiment d’injustice et l’inévitable mais inutile sentiment de culpabilité.
L’auteur ne peut évoquer cette histoire intime sans la remettre dans son contexte historique de l’Occupation, de la guerre, de la Résistance et de la collaboration qui par ailleurs met en évidence le côté sombre de l’être humain ordinaire et en révèle les tristes facettes qu’on se dépêche d’oublier mais que des circonstances « exceptionnelles » suffisent à révéler. Il revient à son sujet à travers l’histoire d’André, destiné au STO eu égard à son âge et qui gagne le maquis. Son engagement patriotique lui sera fatal.
J’ai lu sans désemparer ce livre fort bien écrit non seulement parce qu’il est un témoignage d’autant plus émouvant qu’il est agrémenté de photographies, mais aussi parce qu’il fait revivre, l’espace de quelques dizaines de pages, la mémoire d’un de ceux, anonymes, qui sont morts pour que nous soyons libres. André figé dans la mort aura toujours vingt ans, ne connaîtra ni décrépitude de la vieillesse ni les nombreuses déceptions dont l’existence n’est pas avare. A titre personnel, j’apprécie qu’un écrivain profite de sa notoriété pour faire revivre la trace d’un de ces héros oubliés.
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Le bâtard de Nazareth
- Par hervegautier
- Le 07/09/2024
- Dans Metin Arditi
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N°1927 – Septembre 2024.
Le bâtard de Nazareth – Metin Arditi – Bernard Grasset.
Il y a l’Évangile qui notamment relate la conception divine de Jésus avec l’annonciation de l’ange Gabriel qui heurte à la fois le bon sens et la raison et ne peut être admis que par celui qui a la foi religieuse et la réalité beaucoup plus terre à terre d’une femme séduite hors mariage et qui met au monde en enfant naturel, un bâtard, un exclu, un mamzer, comme le sera sa propre mère. En revanche, que cet enfant soit plus intelligent, plus critique que les autres et mette en doute l’enseignement contraignant et culpabilisant du judaïsme, que cet homme tire de son dur métier de charpentier et de sa connaissance des plantes des gestes apaisants de guérisseur, qu’il ait été un professionnel sérieux et honnête, un homme respectueux des traditions mais aussi désireux de faire changer les choses, me paraît beaucoup plus crédible. Notre auteur insiste sur le paradoxe de Jésus qui à promis à son père, Joseph, de respecter la Loi juive et sa volonté de rapprocher les Juifs de leur religion, de la rendre moins doctrinale, moins ostracisée, plus humaine, plus respectueuse des femmes, sans pour autant créer une énième secte, ce qui serait, à ses yeux, une véritable trahison. Dès lors sa mission se révèle entre enseignement de tolérance, de pardon, d’amour du prochain et de guérisons et attire l’attention des foules et l’ire des rabbins. Pourtant sa connaissance de la loi et de l’histoire ébranle quelque peu ses juges après son arrestation.
Metin Arditi imagine la rencontre de Jésus et de Judas, un mamzer comme lui, attentif à son enseignement, subjugué autant par sa personne que par sa faconde et désireux de favoriser sa mission.
Ainsi l’auteur, écrivain francophone, redessine-t-il en de courts chapitres une vie de Jésus en bouleversant il est vrai un peu les choses, sans toutefois en changer l’épilogue, précisant aussi certains faits et interprétations. C’est en effet un roman, lu sans désemparer, parfaitement vraisemblable, agréablement écrit et en tout cas beaucoup plus passionnant que ce qu’on entend depuis longtemps entre l’eau bénite et l’encens. Il en profite, lui le séfarade, pour revisiter le judaïsme à travers l’enseignement de Jésus et de réhabiliter à sa manière le personnage de Judas, honni par le christianisme.
Ce fut pour moi un bon moment de lecture.
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Les gens d'à côté
- Par hervegautier
- Le 25/08/2024
- Dans Andre Téchiné
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N°1926 – Août 2024.
Les gens d’à côté – Un film d’André Téchiné (2024).
Lucie (Isabelle Huppert) est agent de police technique et scientifique, pas loin de la retraite. Elle sort d’un long séjour en psychiatrie suite au suicide de son compagnon, Slimane, également policier, qui vivait mal le malaise qui régnait dans sa profession. Sa hiérarchie ne souhaite pas qu’elle reprenne son poste mais elle insiste et obtient gain de cause. Elle habite donc seule dans un quartier pavillonnaire, dans le souvenir de cet homme qu’elle continue à aimer. Par hasard, un jeune couple emménage à côté de chez elle et elle se prend d’amitié pour eux, s’occupe de leur petite fille, Rose. Lui, Yan (Nahuel Perez Biscayart) est un artiste de talent un peu marginal et elle (Hafsia Herzi) est une professeure des écoles, débordée. Elle s’aperçoit que Yan est un activiste d’extrême- gauche, anti-flic et en délicatesse avec la justice. Elle s’attache quand même à eux et finit par aider Yan à échapper à une perquisition menée à son domicile et ainsi à entraver une instruction diligentée contre lui, trahissant ainsi son métier, ses fonctions de protection de la société, entravant le cours de la justice et la manifestation de la vérité.
Ce film m’a laissé perplexe. Certes, tout au long de sa carrière André Téchiné s’est toujours attaché aux problèmes de société et aux relations humaines mais ce film qui met en évidence l’humanisme et la tolérance qui bien souvent font défaut à nos sociétés, sonne faux. Que le hasard fasse partie de notre vie au point d’en modifier parfois le cours, cela je veux bien l’admettre. Quant à l’amitié, elle a bien souvent la solidité d’un château de cartes dans un courant d’air. Le talent d’Isabelle Huppert peine à soutenir ce scénario un peu trop manichéen, voire naïf. Peut-on, en effet, sacrifier son métier, sa raison de vivre, sa liberté au nom de l’amitié pour quelqu’un qui ne partage pas les mêmes valeurs que soi ? Les liens ainsi tissés autorisent-ils à violer la loi et à sacrifier ses propres engagements, sa propre vie ?
La voix off n’ajoute rien et je n’ai pas été convaincu non plus par par les relations posthumes que Lucie entretient avec le fantôme de Slimane. C’est donc un sentiment de déception qui domine.
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1527
- Par hervegautier
- Le 23/08/2024
- Dans Andrea Moneti
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1527 – Les lansquenets à Rome - Andrea Moneti – Stampa Alternativa.
C’est un roman historique qui se déroule à Rome en 1527.
L’armée de l’empereur Charles Quint de trente mille hommes saccage la Rome du pape Clément VII (Jules de Médicis). Parmi eux, ce sont donc douze mille mercenaires lansquenets luthériens, commandés par Charles de Bourbon qui, après la mort de ce dernier, envahissent la ville, y commentent des pillages et des destructions et le pape se réfugie au Château Sain-Ange où il est prisonnier. Les mercenaires qui ne sont plus payés et qui haïssent Clément VII pour des raisons religieuses, saccagent Rome.
Ce livre n’est pas seulement un roman, c’est aussi un livre d’histoire de cette époque ; de la guerre, de la ville cosmopolite romaine avec tous ses habitants, toutes ses cours, ses cardinaux innombrables, de la papauté, de l’Église corrompue, du scandale des indulgences, de l’hérésie de Martin Luther et de son succès. C’est, en fait un calendrier des années 1527-1528 avec des faits historiques nombreux et précis.
Il y a eu des vols, des destructions, des viols, des profanations ...partout la mort et la désolation. Puis ce fut la survenue de la peste et avec elle la famine et la chaleur de l’été. Bien sûr on ne manqua pas de proclamer que tout cela était a marque de la colère de Dieu et de Sa vengeance contres les hommes et on évoqua l’apocalypse de Saint Jean. Les palais du Vatican étaient déserts et la Chapelle Sixtine transformée en écurie.
Un capitaine des mercenaires, Heinrich, déplora toutes cette désolation et fut gravement blessé au cours d’un combat. Stefano, médecin à la cour du cardinal Della Valle, malgré tout ce qui les opposait, le sauva d’une mort certaine et sa fille, la belle Angelica, le soigna avec dévotion. Heinrich n’était pas un homme comme les autres, soudard et violent. Il était, certes un mercenaire qui vivait de la guerre mais il était surtout le fils d’un noble, petit propriétaire terrien, qui avait étudié à l’université, quelqu’un de valeur, sensible et un peu idéaliste. Il eurent ensemble des discussions sur Dieu, sur la guerre la vie, la mort, la religion, le pouvoir temporaire du pape, l’inquisition et naquit entre eux un amour authentique et partagé malgré leurs nombreuses différences. Durant les combats qui firent rage, Stefano disparut et Heinrich fit tout ce qu’il put pour le retrouver et le libérer de l’emprise des putes et leurs maquereaux, de la déception des combats, de l’analphabétisme des luthériens, malgré l’argent, la violence, les saccages, les trahisons, les blessures, la mort…
J’ai aimé ce livre historique, apparemment non traduit en français, cette histoire d’amour entre Angelica et Henrich, un mercenaire mais aussi un homme responsable qui prend conscience de la futilité de la guerre et abandonne ses soldats.
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Vous revoir
- Par hervegautier
- Le 11/08/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1925 – Août 2024.
Vous revoir – Marc Levy – Robert Laffont.
Ce roman est la suite de « Et si c’était vrai », premier roman du même auteur, paru en 2000 et qui fut un immense succès. Dans ce livre c’est plutôt l’inverse, nous sommes à San Francisco quatre années plus tard. Elle, Lauren est toujours médecin et lui, Arthur, toujours architecte, sauf que cette fois, c‘est lui qui est dans le coma à la suite de complications neurologiques, conséquences d’un banal accident de la circulation mal soigné. Le hasard, qui fait bien plus souvent partie de notre vie que nous voulons bien l’admettre, fait que c’est Lauren qui examine Arthur sans toutefois le reconnaître, sans doute à cause des séquelles de son propre coma, il y a bien des années. C’est grâce à Paul, l’ami d’Arthur, que ce dernier se retrouve sous la responsabilité de Lauren après quelques péripéties administratives. Si on peut admettre que Lauren a une conscience professionnelle hors du commun, même au point de compromettre son internat et donc sa future carrière, je n’ai pas vraiment cru au transfert rocambolesque d’Arthur, dans le coma, d’un hôpital dans l’autre, pas non plus cette complicité qui naît avec les inspecteurs de police, pas non plus le fait qu’il ne s’est trouvé personne pour rappeler à Lauren qu’elle avait déjà croisé Arthur, Je sais que nous sommes dans une fiction qui admet même l’étrange dont notre auteur est friand, mais quand même. Les détails médicaux sont d’une grande précision, due sans doute aux praticiens consultés. Quant à l’amitié qui lit Paul et Arthur au point que ce dernier se métamorphose littéralement et encore plus l’amour qui renaît entre Arthur et Lauren, j’ai eu beaucoup de mal à y croire.
Cela fait quelques temps que j’explore l’univers créatif de Marc Levy. Ce cinquième roman n’en est qu’une étape supplémentaire. Je dois dire qu’il me laisse assez perplexe même si j’apprécie toujours autant son style fluide, surtout quand la poésie et parfois l’humour s’y invitent.
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Volpone
- Par hervegautier
- Le 09/08/2024
- Dans Stefan Zweig
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N°1924 – Août 2024.
Volpone – Stefan Zweig – Petite bibliothèque Payot.
Cette pièce de théâtre est une adaptation très libre faite par Stefan Zweig de la pièce éponyme du dramaturge anglais de la période élisabéthain Ben Jonson que l’auteur de « La confusion des sentiments » trouva si drôle qu’il décida de l’adapter. Ce travail lui pris une quinzaine de jours et fut un succès immédiat et mondial. En France l’adaptation en a été faite par Jules Romains C’est une pièce en trois actes et en prose de 1925.
Cette œuvre caractérisée par une certaine drôlerie contraste avec l’écriture volontiers sombre de notre auteur. Pourtant, sous les apparences d’une comédie, c’est en réalité une critique de l’avarice et de la cupidité dont l’espèce humaine est coutumière ce qui lui donne une étonnante actualité.
Les personnages portent des noms d’animaux ce qui définissent leur caractère, un peu dans l’esprit de la commedia dell’arte ainsi qu’il est noté en didascalie, un peu le contraire des fables de La Fontaine ou du roman de renard
Nous sommes à Venise au temps de la Renaissance et Volpone, un riche Levantin, commerçant et célibataire est en parfaite santé mais joue les mourants pour éprouver la foule des notables de son entourage qu’il est en réalité désireux d’escroquer. Il se fait offrir des cadeaux somptueux par eux, sous forme de richesse et même la vertu d’une épouse, en leur faisant miroiter qu’ils seront ses uniques héritiers. C’est à la fois la critique de l’avarice et de l’envie. Il est aidé en cela par son serviteur, Mosca, qui a bien profité des leçons de son maître et se révèle aussi madré que lui. Cette forme de mise en scène qui révèle des serviteurs bien souvent plus malin que leur maître, sera reprise par plusieurs auteurs de théâtre. De plus l’épilogue a quelque chose de morale même si, le choix un peu extraordinaire qu’a fait Zweig en écrivant cette pièce drôle révèle non seulement une critique de la société et de l’espèce humaine mais peut-être une critique de lui-même, aristocrate de l’esprit, héritier d’une riche famille, une façon de rire de lui. Il y a, certes l’importance de l’argent, de la manipulation et du mensonge mais le véritable héros est moins Volpone que Mosca, valet aussi pervers que son maître et qui finit même par le dépasser en le ruinant, mais qui rachète cependant toutes ses fautes.
Il m’apparaît cependant que malgré son aspect quelque peu comique qui entraîne son lecteur avec lui, cette comédie est « grinçante » dans la mesure où elle est un des reflets de la nature humaine. C’est d’ailleurs un des aspects caractéristique de l’écriture de Zweig que d’en être le témoin et le dénonciateur . Il est en effet difficile de ne pas voir dans le personnage de Volpone, désireux de s’approprier l’argent et la femme de ses concurrents, autre chose qu’une image pas très reluisante de l’homme. On peut cependant envisager la dernière scène comme une sorte de rachat.
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Belle enfant
- Par hervegautier
- Le 05/08/2024
- Dans Thierry Terrasson
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N°1923 – Août 2024.
Belle enfant – Un film de Thierry Terrasson (Jim) – 2024 .
Emily (Marine Bohin), une jeune femme un peu marginale et avide de liberté, apprend par l’une de ses sœurs, que sa mère, Rosalyne (Marisa Berenson) qui réside chez son oncle Remy(Albert Delpy) en Italie au bord de la mer, a fait une tentative de suicide. Elle fait donc le voyage depuis Paris pour la rencontrer. En réalité, cette tentative qui n’a jamais existé, n’était qu’un prétexte pour revoir , une dernière fois peut-être, ses trois filles, parties depuis longtemps pour échapper à cette famille dysfonctionnelle. Elle retrouve donc ses deux sœurs, Salomé (Caroline Bourg) et Cheyenne (Cybèle Villemagne) mais s’apercevant qu’elles sont de connivence, Emily se prépare à repartir pour la France. A Gène, elle rencontre un jeune Français, Gabin,(Baptiste Lecaplain), un amoureux éconduit à qui elle explique que sa mère, dépressive et mégalomane, n’en a jamais été vraiment une, et qui, entre drague et harcèlement, lui conseille de l’affronter pour exorciser les secrets de cette famille hors norme. Il participe d’ailleurs personnellement à ce processus dans un jeu de rôles efficace.
J’ai trouvé que Marine Bohin, dont c’est le premier long-métrage, campait son personnage avec justesse. entre colère et tendresse.
C’est un film classé dans la catégorie « comédie familiale ». Personnellement je l’ai plutôt abordé comme une œuvre dramatique émouvante et qui, à travers l’opposition traditionnelle mère-fille, remet en cause la figure maternelle classiquement considérée comme le pilier de la famille et qui apparaît ici sous un jour fondamentalement différent, ce qui n’a pas été sans influencer la vie d’adulte de ses trois filles. Je ne suis pas bien sûr cependant que cet épisode ait réussi à ressouder cette parentèle éparpillée, et ce malgré les efforts de cet oncle un peu perdu face à la réalité. Quoiqu’il en soit, c’est un film attachant dans la mesure où il accepte de regarder en face la réalité de la famille à laquelle on a bien trop souvent attaché une image d’Épinal idéale.
Thierry Terrasson (Jim) qui est surtout connu comme auteur de BD, signe ici son premier long-métrage qui est une réussite. Il est plein de belles images aux accents d’une chanson italienne de Pascal et Alexandre Ignelzi. Il joue, avec bonheur sur le registre de l’humour et de l’émotion.
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Autobiographie d'un étranger
- Par hervegautier
- Le 03/08/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1922 – Août 2024.
Autobiographie d’un étranger– Marc Levy Robert – Atlande.
Depuis qu’il existe, le train est le lieu privilégié des conversations entre voyageurs, surtout lors des anciens parcours de nuit qui, plus que les autres, suscitaient les confidences. C’est là, dans le tangage des bogies et le huis clos d’un compartiment, que deux amis âgés se sont mis d’accord pour raconter la vie de l’autre dans deux livres différents et c’est donc le parcours cet inconnu que nous raconte le narrateur. Le paradoxe était que leurs deux existences n’avaient aucun intérêt, les intéressés étant de parfaits inconnus. La seule raison de cette expérience était peut-être de laisser une trace de leur passage sur terre pour leur parentèle. Une telle démarche peut paraître passionnante mais, quand on revient sur son passé et donc sur ses erreurs, on en sort rarement indemne !
Alterego, c’est le nom que choisit le narrateur pour évoquer cet ami, désormais retraité, à qui il prête une oreille attentive et dont il détaille l’enfance, les apprentissages, les rencontres parfois flétries par la mort, les amitiés, les amours, avec leurs silences, leurs mystères, leurs impasses… Cet homme qui reste anonyme, présente son parcours professionnel comme une réussite, un peu bousculée sur la fin, tout en mentionnant la rencontre de personnages importants du monde de la politique et de la culture, mais ce qui est notable c’est sa fascination pour la beauté des femmes et toutes celles qu’il a tenues dans ses bras ou qui ont fréquenté son lit avaient la distinction que confère un certain âge où la fraîcheur de la jeunesse. Le narrateur, en parfait scribe de ce qu’il entend, le présente comme un séducteur et, par-delà les mots, il m’apparaît comme un homme qui ne peut résister à l’attrait d’une jolie femme, mais aussi qui n’admet pas que l’une d’elles lui résiste. J’observe d’ailleurs que pour un homme ce sujet est bien souvent une occasion de se mettre en valeur pour son interlocuteur et de se vanter, lui donnant à penser que ses succès féminins sont nombreux. C’est une manière d’établir sa virilité et bien entendu son charme d’autant plus ravageur qu’il pratiquait ses aventures avec des femmes mariées, parfois concomitamment avec d’autres partenaires. Je l’imagine d’ailleurs bien, distillant cette liste sucrée avec des mots suffisamment évocateurs pour donner l’impression au narrateur d’être un authentique Don Juan qui a quand même gardé de chacune d’elles un souvenir assez précis pour ainsi, après toutes ces années, être capable d’en évoquer le souvenir passionné. A ses dires, il a vécu ses aventures passionnément mais elles se sont interrompues souvent avant que l’amour ne se transforme en conflit dévastateur et pourrisse ainsi le souvenir. Les femmes qui se sont succédé dans son lit, y ont laissé l’empreinte de leur corps et la fragrance de leur parfum, n’ont été pour lui qu’une simple étape et il est permis de penser que c’est lui qui y a mis fin, simplement pour passer à une autre. Ces liaisons se sont muées parfois en amitié durable, c’est à tout le moins ce qu’il prétend ; je veux bien accepter cette éventualité, sans vraiment y croire et ce malgré tout ce qu’on peut dire sur ce sujet. Les tentatives de vie commune ont semblé au contraire s’être heurtées à une impossibilité provoquée par lui pour éviter que soit menacé son équilibre personnel, un peu comme si son destin d’amant perpétuel s’opposait à une vie maritale rangée si éloignée du nomadisme amoureux qu’il avait longtemps pratiqué. C’était une sorte de paradoxe un peu comme si, l’âge venant, il souhaitait tourner la page du « donnaiollo »(délicieuses expression italienne pouvant signifier « homme à femmes » en français) qu’il avait toujours été, mais qu’inconsciemment il refusait cette option tout en en portant la cicatrice. La vie de couple implique, pour durer, franchise, confiance et fidélité réciproques ce qui n’a rien à voir avec une passade, toute passionnée soit-elle, de sorte qu’il est resté célibataire sans enfant, surtout désireux d’une certaine juvénilité chez ses partenaires séduites selon lui par sa maturité. On est loin d’une passion romantique.
Une telle posture ne peut, à terme, qu’impliquer une solitude devenant de plus en plus pesante avec les années. L’épilogue m’a, sur ce point, paru révélateur.
Le narrateur est ainsi le témoin du parcours de cet étranger, le simple tabellion de ce qu’il entend, sans objecter quoi que ce soit, sans émettre le moindre jugement ni même le moindre doute. Parfois cependant il risque un petit commentaire personnel sur une personnalité rencontrée ou sur un auteur dont Alterego et lui partageaient de l’intérêt. Je me suis demandé si, comme on le dit, la parole est libératrice et si cet ami, à la fin de son récit s’est senti libéré ? A tout le moins a-t-il pu prendre conscience des cahots de ce parcours. Je ne suis qu’un simple lecteur mais j’ai ressenti une impression prégnante d’avoir affaire à un homme suffisant, imbu de lui-même.
Pour cette fois Marc Levy quitte son domaine de prédilection qu’est le merveilleux encore que je ne suis pas sûr que ces quelques pas dans le domaine de la séduction ne puissent pas tout simplement être du domaine du fantasme. Ces confidences échangées avec le narrateur ont un goût de bilan au résultat mitigé même s’il choisit unilatéralement de ne se souvenir que des plus agréables.
Le prétexte de ce roman était la vie de l’autre racontée par le narrateur. Le livre refermé, il est permis de se demander ce que donnerait la rédaction de cet ami. Pour moi, je crois que Je serais assez curieux de ce travail. Cela donnerait, une autobiographie d’un autre étranger à découvrir sous la plume de Marc Levy. Je suis en effet, depuis quelques temps, son univers créatif, sans toujours en partager le cheminement. En revanche ce que j’apprécie chez lui depuis le début c’est la fluidité de son style, la pratique de notre belle langue française, sa précision autant que ses nuances et ses subtilités. Il n’est pas un de ces écrivains qui emploient à dessein des formules absconses mais au contraire s’exprime simplement pour être compris. C’est élémentaire sans doute mais, à mes yeux, cela m’a toujours paru essentiel pour un auteur. Le lire est toujours pour moi un plaisir.
Ce récit quelque peu dithyrambique où Alterego veut surtout passer pour irrésistible, est plein ce détails sucrés et sensuels où la jouissance des instants intimes partagés est particulièrement bien évoquée par le style toujours aussi fluide et attachant de Marc Levy
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Où es-tu?
- Par hervegautier
- Le 01/08/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1921 – Août 2024.
Où es-tu ?– Marc Levy Robert Laffont.
C’est un drôle de couple que forment Susan et Philip. Dans la folie de l’adolescence, ils s’étaient promis de s’aimer pour la vie, mais, comme souvent, celle-ci les a séparés puisque quelques années plus tard Susan a choisi l’humanitaire en Amérique centrale et Philip une carrière plus traditionnelle de dessinateur à Manhattan. Loin en permanence l’un de l’autre, ils ne sont unis que par les lettres qu’ils s’envoient régulièrement, une médaille dorée en forme de porte-bonheur censée protéger Susan du danger et des rendez-vous furtifs à l’aéroport de Newark. C’est sans compter sur le hasard : Pour Susan ce sont des passades sans avenir et la poursuite de son idéal et pour Philip, en plus de la réussite professionnelle, c’est une vie plus traditionnelle, mais un événement va bouleverser sa vie.
Marc Levy reprend son obsessionnelle habitude de la fable non pas tant parce que Susan, tuée par un ouragan, anticipe la date de son décès, ce qui déjà assez improbable, mais c’est plutôt la situation qui m’interpelle. Nous sommes en présence du respect de la parole donnée par-delà la mort et Philip accepte de remettre sa propre vie en question pour cela puisqu’il adopte Lisa, la fille de Susan, née d’un père inconnu uruguayen, en l’intégrant à sa propre famille. Il se comporte avec elle comme un père, malgré l’attitude négative de l’enfant au début. Il l’impose au reste de sa famille en signifiant ainsi à son épouse, Mary, qu’il n’a jamais oublié Susan et continuera d’aimer un fantôme à travers les traits de sa fille, ce qui ajoute de l’ambiguïté à cette situation. Je n’ai jamais cru au grand amour qui en principe règne dans les couples et les fait durer puisque le divorce vient de plus en plus les interrompre, quant à ceux qui perdurent, il ne faut pas se faire beaucoup d’illusions sur les raisons de leur longévité. Je ne crois donc pas à l’amour qui lie Susan et Philip. Leur histoire est surréaliste et n’a rien à voir avec le sexe qui est généralement attaché à une telle relation. Il n’y a jamais eu entre eux la moindre étreinte et j’ai du mal à croire à cet attachement réciproque alors que chacun des deux vit sa vie et ne fait un pas vers l’autre. En revanche celui qui lie Philip à Mary me semble plus traditionnel et Lisa vient, par sa seule présence et un peu malgré elle, le consolider. Mary fait ce qu’elle peut pour aimer Lisa comme une mère, jusqu’à l’aider à exorciser son obsession des ouragans.
Je sais que nous sommes dans une fiction et que le roman autorise la rêverie et les situations les plus extravagantes mais quand même, la fin ne m’a pas convaincu, notamment l’attitude de Susan par rapport à sa fille, quelles que soient les raisons qu’elle ait pu invoquer pour la justifier. Je concède cependant que le texte, adroitement mené et fort bien écrit avec cette habituelle écriture fluide et agréable à lire, s’attache son lecteur jusqu’à la fin.
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Sept jours pour une éternité
- Par hervegautier
- Le 28/07/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1920 – Juillet 2024.
Sept Jours pour une éternité – Marc Levy Robert Laffont.
Dans ce roman, Dieu et Lucifer, deux ennemis héréditaires, se sont lancé un défi. Qui des deux gagnera dans la société des hommes ? Puisqu’ils ne peuvent se battre l’un contre l’autre directement, ils se choisissent un champion, l’incarnation du Bien sera la jolie Zofia chargée de la sécurité sur les docks de San Francisco et surtout bienveillante, le Mal sera représenté par Lucas, beau lui aussi, travaillant sans aucun scrupule dans une grande entreprise, mais pas vraiment fréquentable, tant il ressemble à son maître
Évidemment Zofia et Luca se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre, mais savent aussi qu’ils n’ont que sept jours pour rester ensemble à moins qu’un compromis soit possible entre eux, c’est à dire que Zofia accepte de faire le mal ou Lucas adopte le bien. Cela paraît être un challenge perdu d’avance, surtout s’agissant de l’espèce humaine. Effectivement on ne change pas quand on est aussi radicalement différent et vivre ensemble est difficile quand on ne se ressemble pas. Ce roman m’a paru un peu trop manichéen, un peu trop naïf aussi, la distribution des rôles entre un homme et une femme me parait assez arbitraire et pour tout dire surréaliste, comme si les choses étaient aussi simples et que la méchanceté, et pire encore, était seulement un apanage masculin. Je veux bien faire semblant de croire que l‘amour triomphe de tout mais l’observation, même superficielle, de la société humaine en général et des couples en particulier, ne m’incite guère à adhérer à cette idée reçue. La fin me paraît un peu trop idyllique et je n’ai jamais vraiment cru que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Ce roman m’a paru assez lent, superficiel, avec des longueurs mais surtout pas vraiment convainquant. Je retiens cependant dans cette fable philosophique et qui se veut biblique la qualité de l’écriture, comme toujours agréable à lire
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Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites
- Par hervegautier
- Le 26/07/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1919 – Juillet 2024.
Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites – Marc Levy Robert Laffont.
Julia, une infographiste new-yorkaise, va se marier. Elle vient d’être informée par un coup de téléphone que Anthony Walsh n’assistera pas à la cérémonie. Cela ne l’étonne guère , il a toujours un père distant voire absent, mais là c’est un peu différent, il vient de mourir. Enterrer son père puis se marier dans la foulée c’est évidemment un peu compliqué. Ce qui l’est encore plus c’est le cadeau qu’il lui fait, sans doute pour rattraper tout ce temps perdu pendant lequel ils ne se sont pas parlé, un androïde à son image, plus vrai que nature, avec sa propre mémoire, ses sentiments et ses regrets. Mais limité à six jours seulement et pour rattraper toutes ces années perdues ça risque d’être un peu juste. Toute cette redécouverte de son père ne va pas sans péripéties, sans souvenirs décalés, sans remarques acerbes et tentatives de justifications, sans regrets et sans remords, avec l’inévitable premier amour qu’on n’oublie jamais au point de chercher à le retrouver vingt ans après, pour une dernière rencontre, même si elle doit hypothéquer son propre mariage. Cette folie met en lumière la fuite inexorable du temps, les changements dans nos vies, les mensonges qu’on peut entretenir…
Marc Levy renoue ici avec la science-fiction qu’il semble affectionner, même si nous pouvons imaginer cela maintenant sous le nouveau vocable d’intelligence artificielle. La chose paraît en effet impossible, surtout en 2008, date de la parution du livre, même si nous sommes en pleine fiction, ce roman me semble illustrer une chose bien humaine et qui nous touche tous . Nous passons notre temps à croiser des gens maintenant disparus, dans notre famille ou ailleurs, et inévitablement nous regrettons, parce qu’ils ne sont plus là et qu’il est trop tard, tout ce que nous leur avons dit ou ce que nous n’avons pas eu le temps de leur dire. Ce retour de Julia sur son passé, la découverte de son père ne se font pas sans nostalgie, avec cette constante référence à la mort et ressemble à un exorcisme, l’illustration que notre passage sur terre n’est pas aussi simple que nous l’avions imaginé, que les destin doit bien exister qui fait de nous ce qu’il veut. Je sais que nous sommes dans une fiction mais le « happy end » me paraît un peu surfait, simplement parce ça n’existe pas ainsi dans la vraie vie, malheureusement !
J’apprécie toujours le style fluide et agréable de Marc Levy. Même si cette histoire est surréaliste, il tient en haleine son lecteur jusqu’à la fin et je ne me suis pas ennuyé malgré ces plus de 400 pages. Ce fut comme toujours un bon moment de lecture
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Le voleur d'ombres
- Par hervegautier
- Le 23/07/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1918 – Juillet 2024.
Le voleur d’ombres – Marc Levy Robert Laffont.
Décidément Marc Levy aime bien les monde parallèles. Le narrateur, un petit garçon de 6° découvre qu’il peut s’ approprier les ombres de ceux qu’il rencontre et ainsi tout connaître de leur vie. Son ombre elle-même à la quelle il parle lui révèle des choses qu’il ignorait sur lui-même, sur son passé. C’est un pouvoir bien encombrant et un secret difficile à garder. Cette particularité en fait un être à part qui l’incite à être bon avec les autres.
Cette histoire un peu trop idyllique au départ m’a paru une jolie fable mais quand le narrateur a grandi, ce pouvoir est complètement oublié et ça s’est transformé en un récit de sa vie, de ses amitiés, de ses amours, de son métier de médecin, avec toute la nostalgie que cette évocation suppose, avec, évidemment des petits moments à la fois merveilleux et inattendus comme ceux qu’on ne rencontre que dans les romans, histoire de me rappeler mon impression du début, avec aussi des événements qui font la vie, tout simplement.
C’est bien écrit, ça a retenu mon attention jusqu’à la fin, même si elle était un peu attendue quand même.
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La prochaine fois
- Par hervegautier
- Le 19/07/2024
- Dans Marc LEVY
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N°1917 – Juillet 2024.
La prochaine fois – Marc Levy Robert Laffont.
Jonathan a consacré une grande partie de sa vie d’expert à l’œuvre de Vladimir Radskin, un peintre russe du XIX° siècle . Il est à la recherche de son ultime tableau que personne n’a jamais vu. Il doit se rendre de Boston à Londres où sera organisée une vente, pour expertiser les tableaux de Radskin dont le dernier, à la demande de son ami Peter, commissaire-priseur qui l’accompagne et qui est l’ organisateur de la vente chez Christie’s.
Jonathan va se marier avec Anna, une ravissante artiste peintre mais dans sa poursuite de l’ultime tableau de son peintre préféré, il croise Clara, directrice de galerie londonienne au charme de qui il n’est pas insensible. Leurs deux histoires d’amour croisées menaçaient d’être d’un ennuyeux ordinaire mais l’originalité de cette fiction est venue du saut dans le passé, même si je ne suis pas bien sûr d’avoir cru vraiment à cette histoire de réincarnation.Les péripéties à propos de l’authentification du tableau du peintre russe tiennent du roman policier.
C’est agréablement écrite et procure une lecture facile, mais j’ai été un peu déçu par ce 4° roman de Marc Levy
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Une sacrée bonne femme
- Par hervegautier
- Le 17/07/2024
- Dans Florence Asie
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N°1916 – Juillet 2024.
Une sacrée bonne femme – Florence Asie- Gallimard.
Je continue d’explorer l’univers créatif de Florence Asie, de son vrai nom Henriette Lafarge-Saget (1910,-2012) Ce roman, rédigé à la première personne, ressemble à l’auteure dont on sait par ailleurs peu de choses sinon qu’elle écrivit des romans, dont celui-ci, le dernier, paru en 1975, publiés chez Gallimard, grâce à l’appui de Simone de Beauvoir Elle se dit « bâtarde du monde » et cette bâtardise semble être une obsession et nombre de précisions présentes dans « fascination », un autre de ses romans, se retrouvent dans celui-ci. La sacrée bonne femme ,c’est sans doute elle., mais il est difficile de faire la part de l’autobiographie et de la fiction.
Elle raconte une jeunesse mouvementée, auprès d’une mère tyrannique, ses amours avec un homme marié qui s’est tué au volant de sa voiture. Dès lors, la mort fut longtemps son obsession, jusqu’au suicide…manqué. Puis vient une longue aventure avec un gitan ; Celui-ci disparu, elle se retrouve héritière d’une maison close assez particulière, peuplée de pensionnaires masculins, destinés aux femmes ! Le livre refermé, j’ai le sentiment d’une grande solitude. Le style est brut, haché, sans aucune recherche. Je me suis même un peu ennuyé
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Fascination
- Par hervegautier
- Le 17/07/2024
- Dans Florence Asie
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N°1915 – Juillet 2024.
Fascination – Florence Asie- Gallimard.
L’exploration de mes archives personnelles m’a remis en mémoire le nom de Florence Asie (1910-2012), de son vrai nom Henriette Lafarge-Saget née à Mauzé sur le Mignon (79). Elle justifie non sans humour son pseudonyme, Florence parce que c’est joli et Asie à cause de sa « binette » asiatique. Elle était employée des postes puis « demoiselle du téléphone ». Étrange destin littéraire de cette jeune femme, installée à Rouen après son mariage qui écrivit à Simone de Beauvoir pour lui dire son admiration, laquelle lui proposa de lire ses manuscrits dont cinq sur les sept qu’elle publia le furent, grâce à son appui, chez Gallimard. Elle dédicacera à celle « qui lui a fait la courte échelle » ce roman, paru en 1966 Elle était également l’auteure de poèmes. Ce roman évoque la vie de Marion dans un petit village des Deux-Sèvres, une « enfant de l’amour », une gamine de 13 ans qui est fascinée par le monde des adultes, veut croquer les plaisirs de l’existence, surtout dans leur version érotique, qui vit dans un monde dont elle tisse le décor, s’invente une vie entre la réalité et la fiction, entre fréquentation de l’église, du couvent, des maisons du village, des belles demeures et de la nature, tout cela pour meubler son ennui et son imagination est débordante. Entre naïveté et perversion, cette petite fille, un peu trop mûre pour son âge sans doute, a hâte de connaître la vie des adultes avec leur univers, leurs amours, leurs mystères leurs perversions aussi et , bouscule la réalité, la transformant parfois en drames, entre mystifications et jalousie, notamment dans le but de grandir vite et d’attirer l’attention sur elle et peut-être d’être tout simplement aimée et aussi d’être autre chose aux yeux du monde qu’une petite fille à la filiation contestée, ce qui, à l’époque était tabou. Je note que cette bâtardise revient sous la plume de l’auteur comme un leitmotiv , comme une sorte d’obsession. Son histoire parait à la fois idyllique et tragique pleine d’appétit pour l’amour , de craintes pour l’avenir, de folies , de chagrins, de quête du bonheur, d’hésitations, de culpabilisations et de fascination pour la mort.. Florence Asie ne laissa pas indifférent. On célébra « son style nerveux, entraînant, piqueté d’images inattendues », on ne manqua pas de la critiquer, de dénoncer son peu de culture. Je ne sais si ce roman fut un succès de librairie mais ce que je retiens c’est le parcours de cette femme et le geste de Simone de Beauvoir. En tout cas, en qualité d’ancienne postière on peut au moins dire d’elle qu’elle était une femme de lettres !
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Bella figura
- Par hervegautier
- Le 15/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1914 – Juillet 2024.
Bella figura– Yasmina Reza – Flammarion.
Andréa , mère célibataire et Boris, marié par ailleurs sont amants. Ils s’engueulent sur le parking d’un restaurant comme s’ils étaient mariés ensemble, à cause des bourdes de Boris, mais il est perturbé par une prochaine liquidation de son entreprise et apprend qu’elle a passé la nuit avec un de ses collègues. Un départ précipité provoque un accident mineur d’une dame âgée, Yvonne et ils se retrouvent cinq, avec Eric et Françoise, à parler et à trinquer à cause de l’anniversaire de la vieille dame, la mère d’Eric. On passe facilement d’un sujet à un autre, avec une foule de détails anodins et intéressants agrémentés de nombreux flottements dans les dialogues de sorte qu’on ne sait plus vraiment où on en est. Il n’y a pas que cette soirée et ses protagonistes qui sont déréglés. Ici aussi, il est question de la quête du bonheur, mais rien ne va plus entre Boris et Andrea et le couple Eric et Françoise ne vaut guère mieux. Quant à Yvonne, elle regrette sa jeunesse, parle de ses médicaments et de son sac... Pour corser le tout il semble que Françoise connaisse l’épouse de Boris et Andréa l’autorise à lui parler de cette soirée. En réalité une sorte d’incompréhension s’installe entre eux, avec , en contre-point, la solitude, une violence rentrée, la santé et le vieillissement d’Yvonne et sa future mort. Dans ces conditions faire « bella figura » relève de l’exploit. Je n’ai fait que lire cette pièce mais il me semble que si je l’avais vue au théâtre, j’aurais peut-être eu une approche plus favorable, la mise en scène sauvant parfois les dialogues. Je reconnais que cette pièces met en évidence des relations difficiles entre les gens qui pourtant devraient s’entendre.
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Heureux les heureux
- Par hervegautier
- Le 15/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1913 – Juillet 2024.
Heureux les heureux– Yasmina Reza – Flammarion.
C’est une suite de nouvelles dont le titre est emprunté à une citation de Borges. L’auteure met en scène 18 personnages qui ont en commun des liens familiaux, amicaux ou extra-conjugaux. Ce sont des gens ordinaires dans leur vie quotidienne et Yasmina Reza choisit, entre humour et causticité, de parler de leurs angoisses, de leurs obsessions, de leurs fantasmes, de leurs phobies , de leurs mystères, de leurs erreurs, de leur solitude. Le titre en forme de « béatitudes » évangélistes sonne pour moi autant comme une quête légitime du bonheur que comme un paradoxe puisque, parmi tous ces hommes et ces femmes je n’en ai pas vu beaucoup qui sont heureux, entre les couples qui se supportent et qui se déchirent et pour qui l’amour n’est plus qu’un vieux souvenir, ceux qui ont recours à un psychiatre, ceux qui vivent dans un monde parallèle, ceux qui préfèrent chercher ailleurs ce qu’ils ont peut-être chez eux, ceux qui sont tellement transparents qu’ils s’imaginent être le centre du monde... Le livre refermé, il m’apparaît que le bonheur est une chose qu’on poursuit et qui se révèle impossible à atteindre parce que notre parcours ici-bas est semés d’embûches, d’obligations, d’illusions sur un avenir incertain et surtout fantasmé. Après les certitudes qu’on se tisse soi-même pour l’avenir viennent les prises de conscience de nos contradictions, de nos fourvoiements que nous avons longtemps entretenus, parfois inconsciemment, , de nos exaltations d’un instant, de nos passades, de nos hypocrisies, de nos fuites, de nos erreurs, de notre bonne conscience, de notre fatalisme face aux échecs. Ce sont autant de morceaux de vie qu’on pourrait imaginer fictifs puisqu’ils s’inscrivent dans un roman par essence imaginaire, mais qui ont quelque chose de familier, qui ressemblent étonnamment à notre parcours à tous, dans le travail, la famille, le couple… Au bout du compte il y a le temps qui passe, inexorable avec la vieillesse, la laideur, les douleurs , l’abandon, les souvenirs et la mort parce que c’est notre condition. ... La mort est un thème récurrent chez Yasmina Reza et ce recueil ne fait pas exception avec ces nombreuses allusions aux cercueils, aux pierres tombales, à l’incinération, à la dispersion des cendres. La vraie vie quoi !. Le style est brut, haché, sans fioritures littéraires.
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Hammerklavier
- Par hervegautier
- Le 13/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1911(1)– Juillet 2024.
N°1911– Juillet 2024.
Hammerklavier – Yasmina Reza – Albin Michel.
Ce sont des souvenirs personnels un peu disparates que l’auteure choisit d’évoquer ici, celui de son père jouant l’adagio d’Hammerklavier mais aussi de son amie Marta. Ils sont morts et elle échange avec eux des propos post mortem sur la fuite inexorable du temps qui ravage toutes les choses humaines, transitoires et fragiles, sur le goût qu’on peut avoir pour la vie, pour les livres qui en retiennent la trace et la mémoire mais en soulignent aussi la perte. Il y a une sorte d’obsession pour cette vie au point de vouloir la faire perdurer par delà la mort, comme les religions, avec leurs rituels, leurs interdits et leurs dogmes tentent de nous le faire croire. Cette chimère de la continuation de la vie par delà la mort est légitimée par les moments de joie qu’elle nous procure même si nous gommons volontairement les autres par cette volonté irraisonnée de faire échec au trépas le plus longtemps possible, même si nous faisons semblant de déguiser notre nostalgie avec un décor artificiel, même si notre quotidien s’impose à nous et si le vieillissement joue contre nous, est synonyme d’abandon, de solitude. Il y a une peur de la mort qui nous frappe quand nous y attendons le moins, une phobie de l’au-delà et de son mystère, une obsession du temps qui passe parce qu’il est notre ennemi. Il nous mène vers notre disparition sans que nous y puissions rien. Que nous l’acceptions ou la redoutions, elle est notre terme et ce malgré notre attachement que nous pouvons avoir pour l ‘existence. L’auteure est une femme de lettres mais elle n’ignore pas que la notoriété dont elle jouit de son vivant ne résistera pas longtemps face au temps qui passe parce que l’espèce humaine est amnésique. Elle a des remarque sur l’écriture, l’art et la culture qui me laissent perplexe comme beaucoup de ses livres.
Nous ne faisons qu’un bref passage sur terre, le plus souvent anonyme malgré nos complexes de supériorité, notre sens de la logique, la part sombre de nous-mêmes, notre volonté de paraître et d’aimer...Je retire de cette lecture une impression pesante.
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Babylone
- Par hervegautier
- Le 11/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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La Feuille Volante n° 1149
BABYLONE – Yasmina Reza – Flammarion.
Nous sommes dans un petit appartement parisien où Élisabeth, la narratrice vit avec Pierre. Ils sont tous deux âgés de soixante ans Élisabeth se souvient qu'ils avaient invité leurs amis pour une « fête de printemps » et y avaient aussi convié leurs voisins du dessus. Ils sont quelque chose d'intéressant, Lydie surtout avec ses faux-airs de diseuse de bonne aventure, vaguement thérapeute, axée sur « le bio » et la cause animale, quant à Jean-Lino, il attire l'attention d’Élisabeth par sa gentillesse extrême surtout qu'il cherche vainement à se faire aimer du petit-fils de Lydie, Rémi, qui n'est pas le sien mais qui est avant tout un sale gosse. Il fait ce qu'il peut mais en face l'enfant n'en a cure et n'en fait qu'à sa tête. La soirée a été arrosée et aussi superficielle et inintéressante que toutes celles du même genre où chacun prend un air inspiré pour agiter les grandes idées le plus souvent creuses et qui n'intéressent personnes mais dont chacun se croit obligé de rajouter une note personnelle pour donner l'impression qu'il s'est déjà penché sur la question et ainsi se mettre en valeur... Sauf que, après les libations de rigueur chacun rentre chez soi, mais Jean-Lino dans la nuit réveille ses voisins. Il vient d'étrangler Lydie ! Tel est le point de départ de ce livre qui oscille entre roman traditionnel sur le thème de la satire sociale et polar. Est-ce un coup de folie où l'alcool a sa part, ou la conséquence d'un banal malentendu ordinaire à l'intérieur d'un couple ? Passé un certain âge, il est difficile de se supporter et immanquablement, à propos de rien, resurgissent les petits mensonges et les grandes trahisons, symbolisés par les nombreux analepses, qui émaillent la vie d'un couple. Tout au long d'une vie commune les avanies s’accumulent, on fait semblant de les avoir oubliées, voire pardonnées mais en réalité il n'en est rien et elle s'incrustent dans la mémoire bien plus aisément et définitivement que les moments heureux. Je suis assez réservé sur l'affirmation qui consiste à dire que le hasard favorise la rencontre d'êtres qui sont « faits l'un pour l'autre » et qui s'unissent parce que cela se fait, qu'ils croient s'aimer où qu'ils redoutent la solitude. C'est pourtant elle qui s'installe dans le couple, d'autant plus difficile à vivre qu'elle bouscule secrètement les apparences et chacun, face à elle, se construit son univers personnel. Cette variation sur la solitude qu'on finit par appeler de ses vœux après tant d'années de vie commune sans oser se l'avouer à soi-même est pourtant présentée comme un fléau, quelque chose qu'on doit impérativement éviter, comme un véritable tabou. La séquence qui suit la mort de Lydie et qui met en scène la narratrice et Jean-Lino est démesurément longue et les digressions qui suivent insistent sur la fuite du temps.
Le titre évoque cette ville de Mésopotamie où les Juifs ont été exilés. Jean-Lino est juif mais ce détail qui aurait sans doute pu être développé me paraît avoir été abandonné. Je choisis de voir dans ce roman une évocation de la solitude personnelle qui confine à l'exil dans la société. Cela me paraît être souligné notamment par la cohabitation difficile entre lui et Rémi que sa grand-mère soutient systématiquement, ce qui contribue largement à envenimer la situation mais aussi par les différentes anecdotes qui parsèment ce récit.
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman où l'intrigue est mince et où les personnages m'ont paru manquer de consistance. C'est certes une peinture assez juste des relations difficiles entre un homme et une femme âgés et de la fuite du temps. Je l'ai choisi peut-être à cause du Prix Renaudot qui l'a récompensé en 2016 mais je n'ai guère été emballé par cette œuvre notamment à cause du style qui m'a paru bien quelconque et sans véritable recherche. Je ne suis qu'un simple lecteur mais l'attribution à ce roman d'un prix littéraire aussi prestigieux me laisse assez dubitatif.
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Anne-Marie la beauté
- Par hervegautier
- Le 09/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1910– Juillet 2024.
Anne-Marie la beauté – Yasmina Reza – Flammarion.
C’est un long monologue avec des phrases décousues, sans suite, l’une évoquant l’autre avec même des détails inutiles, pleines de nostalgie, de remords et d’amertume que tient Anne-Marie, cette ancienne actrice de théâtre qui n’a jamais réussi dans son art que pourtant elle aimait. Toujours des petits rôles dans l’ombre des « têtes d’affiche » pleins de suffisance et d’orgueil. Elle a beau se remémorer son parcours, ses rôles sur les planches, elle est toujours restée en retrait, loin de la lumière des projecteurs. Même son mariage ne lui a pas apporté le bonheur si ardemment voulu et l’épanouissement personnel qu’elle souhaitait légitimement pour elle est resté lettre morte. Son enfance banale, sa famille qui n’a pas cru en elle, les hommes qu’elle a aimés lui ont laissé un souvenir douloureux. Le rêve lentement tissé lui a échappé malgré elle, malgré sa fascination pour la Capitale, malgré l’aura de ceux qui ont réussi et qu’elle a croisés. Elle n’a simplement pas été chanceuse !
Sa fin de vie est triste mais celle des autres qu’elle a croisés et qui un temps ont connu le succès éphémère n’est pas moins vouée à la solitude, à l’abandon parce ce milieu est sans pitié et amnésique. Il n’y a pas de quoi l’apaiser même si leur sort n’est pas meilleur que le sien. Au moins eux ont connu le succès et peuvent peut-être s’en satisfaire. Celle qui n’a été qu’une femme banale et sans grande beauté dresse ce bilan désespéré plein de nostalgie de sa vie. Yasmina Reza a dû, dans son métier, connaître ce genre de destin manqué et que la mort a emporté. Elle en rend compte dans ce qui n’est sûrement pas une fiction mais bien plutôt un témoignage et je me suis dit que cela est aisément transposable à de nombre d’entre nous, Nous avons tous les rêves avortés, des tentatives non couronnées de succès et qui parfois sont gênées par d’autres, désireux de vous éliminer pour prendre votre place. Nous sommes tous mortels et l’espèce humaine est aussi oublieuse après la mort d’un être qu’elle a été cruelle et hypocrite de son vivant. J’aime qu’un auteur s’empare de ce sujet au relent d’échec parce que cela fait simplement partie de la vie et qu’on juge trop souvent la valeur de quelqu’un sur ses seuls succès.
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Hommes qui ne savent pas être aimés
- Par hervegautier
- Le 07/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1909– Juillet 2024.
Hommes qui ne savent pas être aimés – Yasmina Reza – Albin Michel.
Adam, la cinquantaine, est un écrivain qui n’a jamais vraiment connu le succès ou, pour dire les choses plus crûment, c’est un écrivain raté, qui vit très mal cet échec. Il a des états d’âme au sujet de son dernier livre. Il est aussi en crise avec sa femme qui, après avoir soutenu ses tentatives littéraires, ne l’aime plus et parce que son mariage n’est pas vraiment une réussite, et comme si cela ne suffisait pas on vient de lui diagnostiquer un glaucome qui affecte un de ses yeux et pire peut-être. Tout cela n’arrange pas son hypocondrie naturelle qu’il combat en allant méditer, en ce jour, au jardin des Plantes. Il y rencontre par hasard Marie-Thérèse, une copine de lycée célibataire qu’il n’avait pas revue depuis trente ans. Elle est représentante en objets publicitaires, n’a rien de commun avec Adam. Elle ne sait même pas qu’il est devenu écrivain ce qui accentue son mal-être .Elle n’est pas une intellectuelle comme lui, bien au contraire, elle n’a pas d’états d’âme, prend la vie comme elle vient et semble insensible à toutes les difficultés. Malgré cela on imagine facilement une passade rapide entre eux, mais rien ne se passe comme prévu. Lors de leur rencontre, le souvenir d’une autre camarade, Alice, est évoqué ou plus exactement sa mémoire puisqu’elle s’est suicidée à trente ans. Elle était l’amie de Marie-Thérèse et l’objet des fantasmes d’Adam. L’espace d’un instant, son fantôme revit à travers une lettre qu’elle a jadis envoyée à Marie-Thérèse et qu’elle montre à Adam.
le style, direct et indirect, volontairement haché ou s’étalant dans des phrases démesurément longues, mélangeant le passé et le présent, les détails et les idées générales, donne une ambiance à la fois malsaine, déprimante, distillant volontairement un ennui prégnant, une solitude pesante, une certaine lassitude de vivre .
Un peu comme à chaque fois avec Yasmina Reza, le livre un fois refermé, je sens une certaine perplexité m’envahir. Je la lis parce que j’ai bien aimé certains de ses romans,. Ici elle parle avec pertinence de la situation de cet écrivain raté, des états d’âme qu’il peut éprouver face à l’écriture, à la notoriété, à l’impossibilité d’écrire, au temps qui passe avec la nostalgie qui va avec, à la vieillesse qui vient et altère tout. S’y ajoutent l’impossibilité des rapports entre les gens, de l’amour qui est fongible et consomptible comme toutes les choses humaines, l’impossibilité d’être heureux...A titre personnel je partage ce que je viens de lire.
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Hommes qui ne savent pas être aimés
- Par hervegautier
- Le 07/07/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1909– Juillet 2024.
Hommes qui ne savent pas être aimés – Yasmina Reza – Albin Michel.
Adam, la cinquantaine, est un écrivain qui n’a jamais vraiment connu le succès ou, pour dire les choses plus crûment, c’est un écrivain raté, qui vit très mal cet échec. Il a des états d’âme au sujet de son dernier livre. Il est aussi en crise avec sa femme qui, après avoir soutenu ses tentatives littéraires, ne l’aime plus et parce que son mariage n’est pas vraiment une réussite, et comme si cela ne suffisait pas on vient de lui diagnostiquer un glaucome qui affecte un de ses yeux et pire peut-être. Tout cela n’arrange pas son hypocondrie naturelle qu’il combat en allant méditer, en ce jour, au jardin des Plantes. Il y rencontre par hasard Marie-Thérèse, une copine de lycée célibataire qu’il n’avait pas revue depuis trente ans. Elle est représentante en objets publicitaires, n’a rien de commun avec Adam. Elle ne sait même pas qu’il est devenu écrivain ce qui accentue son mal-être .Elle n’est pas une intellectuelle comme lui, bien au contraire, elle n’a pas d’états d’âme, prend la vie comme elle vient et semble insensible à toutes les difficultés. Malgré cela on imagine facilement une passade rapide entre eux, mais rien ne se passe comme prévu. Lors de leur rencontre, le souvenir d’une autre camarade, Alice, est évoqué ou plus exactement sa mémoire puisqu’elle s’est suicidée à trente ans. Elle était l’amie de Marie-Thérèse et l’objet des fantasmes d’Adam. L’espace d’un instant, son fantôme revit à travers une lettre qu’elle a jadis envoyée à Marie-Thérèse et qu’elle montre à Adam.
le style, direct et indirect, volontairement haché ou s’étalant dans des phrases démesurément longues, mélangeant le passé et le présent, les détails et les idées générales, donne une ambiance à la fois malsaine, déprimante, distillant volontairement un ennui prégnant, une solitude pesante, une certaine lassitude de vivre .
Un peu comme à chaque fois avec Yasmina Reza, le livre un fois refermé, je sens une certaine perplexité m’envahir. Je la lis parce que j’ai bien aimé certains de ses romans,. Ici elle parle avec pertinence de la situation de cet écrivain raté, des états d’âme qu’il peut éprouver face à l’écriture, à la notoriété, à l’impossibilité d’écrire, au temps qui passe avec la nostalgie qui va avec, à la vieillesse qui vient et altère tout. S’y ajoutent l’impossibilité des rapports entre les gens, de l’amour qui est fongible et consomptible comme toutes les choses humaines, l’impossibilité d’être heureux...A titre personnel je partage ce que je viens de lire.
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Hommes qui ne savent pas être aimés
- Par hervegautier
- Le 07/07/2024
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N°1909– Juillet 2024.
Hommes qui ne savent pas être aimés – Yasmina Reza – Albin Michel.
Adam, la cinquantaine, est un écrivain qui n’a jamais vraiment connu le succès ou, pour dire les choses plus crûment, c’est un écrivain raté, qui vit très mal cet échec. Il a des états d’âme au sujet de son dernier livre. Il est aussi en crise avec sa femme qui, après avoir soutenu ses tentatives littéraires, ne l’aime plus et parce que son mariage n’est pas vraiment une réussite, et comme si cela ne suffisait pas on vient de lui diagnostiquer un glaucome qui affecte un de ses yeux et pire peut-être. Tout cela n’arrange pas son hypocondrie naturelle qu’il combat en allant méditer, en ce jour, au jardin des Plantes. Il y rencontre par hasard Marie-Thérèse, une copine de lycée célibataire qu’il n’avait pas revue depuis trente ans. Elle est représentante en objets publicitaires, n’a rien de commun avec Adam. Elle ne sait même pas qu’il est devenu écrivain ce qui accentue son mal-être .Elle n’est pas une intellectuelle comme lui, bien au contraire, elle n’a pas d’états d’âme, prend la vie comme elle vient et semble insensible à toutes les difficultés. Malgré cela on imagine facilement une passade rapide entre eux, mais rien ne se passe comme prévu. Lors de leur rencontre, le souvenir d’une autre camarade, Alice, est évoqué ou plus exactement sa mémoire puisqu’elle s’est suicidée à trente ans. Elle était l’amie de Marie-Thérèse et l’objet des fantasmes d’Adam. L’espace d’un instant, son fantôme revit à travers une lettre qu’elle a jadis envoyée à Marie-Thérèse et qu’elle montre à Adam.
le style, direct et indirect, volontairement haché ou s’étalant dans des phrases démesurément longues, mélangeant le passé et le présent, les détails et les idées générales, donne une ambiance à la fois malsaine, déprimante, distillant volontairement un ennui prégnant, une solitude pesante, une certaine lassitude de vivre .
Un peu comme à chaque fois avec Yasmina Reza, le livre un fois refermé, je sens une certaine perplexité m’envahir. Je la lis parce que j’ai bien aimé certains de ses romans,. Ici elle parle avec pertinence de la situation de cet écrivain raté, des états d’âme qu’il peut éprouver face à l’écriture, à la notoriété, à l’impossibilité d’écrire, au temps qui passe avec la nostalgie qui va avec, à la vieillesse qui vient et altère tout. S’y ajoutent l’impossibilité des rapports entre les gens, de l’amour qui est fongible et consomptible comme toutes les choses humaines, l’impossibilité d’être heureux...A titre personnel je partage ce que je viens de lire.
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Tempête sur Kinlochleven
- Par hervegautier
- Le 04/07/2024
- Dans Peter May
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N°1907– Juillet 2024.
Tempête sur Kinlochleven – Peter May – Rouergue noir.
Traduit de l’anglais par Ariannne Bataille.
Avec le bouleversement climatique, l’Écosse est devenue pratiquement une région polaire. Dans ces montagnes des Higlands on a retrouvé le corps congelé de Karl Younger, un journaliste d’investigations et l’inspecteur Cameron Brodie, vieux et cancéreux se porte volontaire pour investiguer sur ce meurtre dans cette région qu’il connaît bien puisqu’il y a jadis pratiqué l’escalade. Il pourrait attendre la mort mais a choisi cette affaire, qui sera sans doute pour lui la dernière pour retrouver Addie, sa fille unique, dont il n’a plus de nouvelles depuis un dizaine d’années. C’est elle, spécialiste de la météo, qui a découvert le cadavre. Mais ce voyage n’est pas seulement destiné à ce qui sera sans doute leur ultime rencontre. Il veut s’expliquer avec elle sur ce qui a motivé cette séparation durable entre eux, le suicide de sa mère, intervenu à la suite d’un adultère supposé de son père. Leur rencontre va être houleuse.
Ce roman prend des allures d’anticipations puisque son auteur le situe en 2050, avec les conséquences du changement de climat, la montée des eaux, la disparition du Gulf Stream et la submersion de certaines contrées maritimes, les nouvelles technologies... Cela prend vite l’allure d’un roman policier classique version Peter May, c’est à dire qui s’inscrit dans les paysages tourmentés de son Écosse natale. Malgré ce contexte grandiose et les aléas de l’enquête, il y aura une sorte de huis-clos entre un père et sa fille et notamment me semble-t- il une réflexion incontournable sur la culpabilité, celle de Cameron pour avoir survécu à son épouse et surtout le fait de se sentir responsable de son suicide à la suite de l’attitude de sa fille au regard de ce qu’il présente comme malentendu.
Il y certes parfois quelques longueurs et les nouvelles technologies permettent des performances qui jouxtent la science-fiction mais j’ai lu avec avec intérêt ce roman fort bien écrit ( traduit?) et qui, avec pas mal de cadavres et des rebondissements, ménage de suspense jusqu’à la fin.
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Le mensonge
- Par hervegautier
- Le 25/06/2024
- Dans Nathalie Sarraute
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N°1906– Juin 2024.
Le mensonge – Nathalie Sarraute - Gallimard.
C’est un groupe d’amis qui discutent quand l’un d’entre eux, Pierre, révèle qu’il a pris Madeleine, une de leurs relations, absente de cette soirée, en flagrant délit de mensonge. Elle s’est plainte de l’augmentation des tickets de métro alors qu’elle est l’unique héritière du roi de l’acier et que cela n’affectera pas son budget. Tout le monde connaît la fortune de Madeleine et son habitude de se plaindre, c’est une sorte de jeu entre eux de la laisser faire mais Pierre n’a pas pu résister face à ce petit mensonge sans grande importance, rompant ainsi ce pacte tacite. Est-ce sa soif de vérité ou la volonté de jeter un pavé dans la mare qui a motivé son geste ? Il passe d’ailleurs pour un être intègre, mais cela ne va pas lui sourire. C’est par ailleurs quelque peu inconvenant de mettre des gens en face à leurs contradictions, les laisser dire évite les conflits même si personne n’est dupe. C’est une sorte de règle non écrite qui consacre une réalité sociale : Toute vérité n’est pas bonne à dire, les petits mensonges font partie du jeu sociétal et tout le monde ment en permanence, par action ou par omission, pour se mettre soi-même en valeur, en politique, au travail, en amour, en famille... il en résulte une sorte d’équilibre que personne ne veut rompre et chacun a la certitude de détenir la vérité. Par ailleurs on a tout à perdre à être honnête dans une société qui cultive l’hypocrisie et où plus le mensonge est gros plus il prend. Ainsi l’attitude de Pierre provoque une foule de questions et de reproches où chacun se positionne par rapport au mensonge, les siens, parfois inexistants, et ceux des autres et ils jouent entre eux une sorte de sorte de psychodrame où il devient difficile de faire la part des choses entre la farce et la sincérité de sorte que personne n’en sort indemne mais pas non plus amélioré. Que la vie soit une comédie, on ne nous l’a que trop dit et le mensonge fait intégralement partie de l’espèce humaine .
Cette courte pièce de théâtre écrite à l’origine pour la radio avec des intervenants personnalisés m’a paru pertinente.
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Une désolation
- Par hervegautier
- Le 24/06/2024
- Dans Yasmina Reza
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Une désolation - Yasmina Reza - Albin Michel
Ce livre est catégorisé « Roman » et je ne suis pas bien sûr que cela en soit un dans la mesure où il me semble bien éloigné de la fiction, bien coller à la réalité.
Un homme malade, au pas de la mort , s’adresse à son fils absent dans une sorte de plaidoyer pour déplorer le chemin qu’il a pris dans son existence , celui d’être « peinard », de ne rien chercher à bâtir ni à faire évoluer les choses. C’est d’une simplicité banale qui met en lumière la différence de génération, l’évolution des choses et des aspirations des jeunes et il ne sert à rien de regretter le temps où les enfants obéissaient à leur père jusque dans le choix de leur métier, de leur épouse et de leur mode de vie. Il ne veut pas l’avouer mais je suis sûr qu’il envie sa jeunesse et sa découverte d’un bonheur qui lui a échappé. Pendant qu’il y est, il porte un regard aigu sur la société qui l’entoure et qui a été son décor toute sa vie. Il fait un bilan bien pessimiste de son propre parcours, social, sentimental, professionnel, familial, ce n’est guère brillant et même plutôt déprimant. Même une liaison illusoire avec une femme longtemps désirée ne fut pas pour lui le symbole du bonheur. Il eut le sentiment d’être avec elle un étranger, seulement capable de meubler momentanément le vide amoureux de sa vie, sans être capable d’être pour elle autre chose qu’un amant de passage, sans la moindre trace de passion. Avoir vécu tant d’années pour en arriver là. L’aveu de cette faillite lui coûte mais il le fait. Même pas l’illusion de la réussite face à la mort inévitable, le constat est accablant. On le sent revenu de tout, désabusé, aigri, solitaire, accablé devant tant d’échecs qu’il avait sans doute voulu éviter mais qui se sont imposés à lui sans qu’il y puisse rien, comme une sorte de destiné funeste. Il peut toujours se dire qu’il a parfois failli dans l’éducation qu’il a donnée à son fils si différent de lui, cette culpabilisation judéo-chrétienne est inévitable et bien inutile dans notre société. On le sent résigné devant tant de souffrance et devant la mort. Il lui reste le dérisoire, son jardin par exemple et il le soigne avec attention et inutilité, s’attache à des détails comme s’ils avaient une importance capitale. Finalement, face à ce fiasco, la mort semble être une délivrance.
J’ai lu cela comme une sorte de testament de cet homme qui va bientôt quitter la vie et qui se justifie face à ses proches, une forme humaine du « jugement dernier » implacable et sans appel que nous promet le catholicisme, une façon d’être en règle avec sois-même au moment du grand départ.
Récit sans chapitres, presque sans réelle respiration, un peu comme si notre auteure voulait tout dire tout de suite, le style est percutant et la lecture facile.
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L'homme du hasard
- Par hervegautier
- Le 23/06/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1903– Juin 2024.
L’homme du hasard – Yasmina Reza - Albin Michel
J’ai toujours pensé que les trains sont le lieu privilégié des rencontres les plus improbables. Dans un compartiment, un homme fait face à une femme qu’il ne connaît pas , il n’y a aucun dialogue entre eux et dans le tangage des boggies, chacun regarde le paysage défiler entre Paris et Francfort tout en laissant aller ses propres pensées. Lui ne la connaît pas mais elle l’a reconnu, c’est Paul Parsky., l’auteur du livre qu’elle a dans son sac, « l’homme du hasard » et qu’elle craint de lire devant lui. Elle, Martha, connaît toute son œuvre et, en pensée elle s’adresse à lui sans qu’évidemment il le sache. Elle lui parle d’elle, de sa vie, de ce qu’elle sait de lui, de ses personnages, de ses livres, de ce qu’elle éprouve en les lisant… Elle s’imagine faisant un bout de chemin avec lui, commence à fantasmer Lui est plein amertume et après l’avoir ignorée en fait autant, après avoir;longtemps hésité, Martha sort son livre et Parsky s’intéresse à elle c’est une pièce de théâtre mais j’ai plutôt lu ce texte comme un roman avec cette mise en abyme qu’aime Yasmina Reza, avec ce jeu entre les deux personnages, Paul qui ne se déclare pas comme l’auteur et en dit même un peu de mal et Martha qui se lâche. J’ai lu ce texte comme une rencontre de hasard avec, pour Martha fascinée par l’écrivain et son aura créatrice avec tout ce qu’un simple lecteur prête à un auteur, avec peut-être pour elle une volonté de séduction. Quant à Paul, le fait de voir quelqu’un qui, dans une sorte de huit-clos, lit son dernier livre est à la fois flatteur et frustrant parce lui qui écrit pour lui et dans le secret de son imagination ne voit jamais son lecteur, ne parle donc jamais avec lui, n’a peut-être pas la moindre envie d’en rencontrer un, mais en a l’occasion. Pourtant il est tentant pour l‘auteur, surtout quand ce lecteur est une lectrice, évidemment attirante, de jouer ce jeu de l’anonymat ne serait-ce que pour mesurer ponctuellement l’intérêt de son public et recueillir éventuellement des critiques. J’ai écouté cette pièce dans son adaptation radiophonique avec les voix de Jeanne Moreau et e Michel Piccoli. Un régal.
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Le silence
- Par hervegautier
- Le 23/06/2024
- Dans Nathalie Sarraute
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N°1902– Juin 2024.
Le silence – Nathalie Sarraute – Gallimard.
Pièce étonnante, originellement prévue en 1964 pour la radio avant que Jean Louis Barrault ne la mette en scène en 1967. Cette œuvre, uniquement orale à l’origine et donc sans jeu d’acteurs, liait donc par la parole six personnages, 4 femmes et deux hommes, individualisés, si on peut dire, par une lettre et un chiffre (H1, F2...) face un autre homme, Jean-Pierre qui lui garde le silence, sauf à la fin. C’est un huis-clos ou tout commence par l’évocation par un homme de maisons en bois, puis chacun apporte quelque chose qu’il puise dans sa mémoire, sa sensibilité, on évoque le bonheur, l’amour, la littérature, on rit aussi et la conversation s’égare parfois pour revenir à la fin aux fameuses petites maisons. Chacun participe, souvent par des remarques sans grande importance, sauf Jean-Pierre qui reste impassible. Pourtant, il est le point de mire de cette petite assemblée et ne consent à sortir de son silence que sur une précision de nature culturelle. Son mutisme étonne, dérange même En général, les gens s’affirment par la parole, généralement pour se mettre en valeur quand à ceux qui restent silencieux c’est qu’ils n’ont rien à dire ou que, ce qui est dit autour d’eux de les intéresse pas ou c’est la volonté de ne pas prendre position, par timidité, par incompréhension, par mépris, par ennui. Si la parole soûle, le silence oppresse les uns et provoque des réactions contradictoires des autres. J’avoue avoir été surpris par ce court texte aux échanges quelque peu dérisoires face au silence de Jean-Pierre qui bouscule et dérange des autres intervenants. Ces conversations de salons sans la moindre importance tiennent difficilement du dialogue mais le silence de Jean-Pierre agit comme un « tropisme » sur les autres protagonistes. Les quelques mots banals qu’il exprime à la fin semblent conclure un psychodrame pesant où l’abondance de mots le disputaient au vide du silence.
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Lo sciamano delle Alpi
- Par hervegautier
- Le 22/06/2024
- Dans Michele Marsia
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N°1895 – Juin 2024.
Lo sciamano delle alpi – Michele Marziani – Bottega Errante Edizioni.
Il libro comincia alla fine di questa storia un po’ complicata della famiglia Beltrami, . In questo romanzo c’e il narratore, Anfio, un medico , professore di oncologia, divorziato da Roberta, poi Ciccia (Clitemnstra) sua sorella, divorziata, finanziaria a Londra,divorziata, Gildo, suo fratello, avvocato a Milano. Tutti e tre sono invitati dalla mamma, in la sua casa. Manca Adrasto, il fratello maggiore del quale gli altri fratelli non sanno niente da un sacco di tempo. A causa della crisi enonomica, Ciccia ha un progetto di investimento a proposito di terreni dove c’é una vecchia miniera d’oro abbandonata, proprietà della famiglia. Bisogna l’accordo di Adrasto dunque è indispensabile cercarlo subito. Fininscono per scoprire che Adrasto ha lasciato il mestiere di medico, fa il pastore in montagna d’estate e frabbrica se stesso i formaggi. Lo trovano , vive in una baita con sua moglie Heidi, piu giovane di ventidue anni di lui e bellissima madre di tre figli che hanno nomi greci presi dall’Iliade e dall’Odisea. :Telemaco, Paride e Ermione. C’é una tradizione famigliale. Ma lui ha un cancro al viso che gli deforma la faccia e che cura con oppio e vischio ; E un metodo di medicina « antroposofica » di Rudolf Steiner, una specie di filosofo, padre dell’agricoltura biodinamica. Anfio pensa che suo fratello abbia letto troppi fumetti di Asterix a causa del druido Panoramix e del suo vischio, ma si innamora di Heidi a prima vista. Adrasto ha avuto il coraggio di abandonnare tutto per vivere vicino alla natura et Ciccia dice che questa vita piacerebbe anche a lei. Nella discussione, Adrasto si rende conto che questa storia della miniera é solo un’operazione finanziaria perché devono mettere alla disposizione della società creata da Ciccia il terreno e la baita di Andrasto. Dunque i tre fratelli decidono di rimanere un po’ da Adrasto, cancellando tutti i loro appuntamenti, per provare di convincerlo. Ma non é così facile All'inizio la storia mi è sembrata banale ma nel corso della lettura l'interesse è venuto .Mi é piaciutto questo libro specificamente a causa dello studio dei personaggi e in particolare quello del narratore. Anfio é divorziato, se sente un po’ solitario e ne soffre. Dunque non puo vedere una donna senza fantasticare. E un po’ donnaiollo, ma ciò che gli manca di più è una famiglia, dei bambini.Le relazioni familiari non sono sempre facili ma tra i fratelli c'è il dolce profumo dell'infanzia che passa troppo in fretta. Tiene il lettore in sospeso con momenti poetici. Una bella scrittura, facile da leggere anche per uno che impara l'italiano [io stesso], questo romanzo non é tradotto in francese. Ho gia letto dei romanzi di quel autore ( « La signora del caviale »- « Umberto Dei -biografia non autorizata di una bicicletta » – « La trotta ai tempi di Zorro ») .
Le chaman des Alpes
Le livre commence à la fin de cette histoire un peu compliquée de la famille Beltrami.
Dans ce roman, il y a un narrateur, Anfio, un médecin, professeur d’oncologie, divorcé de Roberta, puis Ciccia (Clitemnestre), sa sœur, divorcée, financière à Londres, Gildo, son frère, avocat à Milan. Tous les trois sont invités par la mère, chez elle. Il manque Adrasto, le frère aîné , dont les autres frères sont sans nouvelles depuis pas mal de temps.
A cause de la crise économique, Ciccia a un projet d’investissement à propos de terrains où il y a une vieille mine d’or abandonnée, propriété de la famille. Il faut donc l’accord d’Adrasto et il est indispensable de le chercher immédiatement. Ils finissent par découvrir que Adrasto qui a abandonné son métier de médecin, est berger dans la montagne l’été et fait lui-même ses fromages. Ils le trouvent. Il vit dans une cabane avec sa femme Heidi, plus jeune que lui de 22 ans, une ravissante mère de trois enfants qui portent des prénoms grecs de l’Iliade et de L’Odyssée. C’est une tradition familiale.
Il a un cancer qui lui déforme le visage et qu’il soigne avec de l’opium et du gui. C’est une méthode de médecine « anthroposophique » de Rudolf Steiner, une sorte de philosophe, père de « l’agriculture biodynamique ». Anfio pense que son frère a lu trop de bandes dessinées d’Astérix, à cause du druide Panoramix et de son gui, ce qui ne l’empêche pas de tomber amoureux d’Heidi au premier regard. Adrastro a eu le courage de tout abandonner pour vivre dans la nature et Ciccia se dit que cette vie ne lui déplairait pas. Dans la discussion, Adrasto se rend compte que cette histoire de mine est seulement une opération financière parce qu’ils doivent mettre à la disposition de la société crée par Ciccia le terrain et la cabane d’Arostro. Les trois frères décident donc de rester un peu chez Adrasto, modifiant tous leurs rendez-vous, pour tenter de la convaincre, mais ce n’est pas chose facile. Au commencement l’histoire m’a semblé banale mais au cours de ma lecture l’intérêt est venu J’ai aimé ce livre spécialement à cause de l’étude des personnages et en particulier celui du narrateur. Anfio est divorcé, se sent un peu seul et en souffre. Il ne peut par conséquent croiser une femme sans fantasmer. C’est un peu un Don Juan mais ce qui lui manque c’est une famille, des enfants. Les relations familiales ne sont pas toujours faciles mais entre les frères il reste le doux parfum de l’enfance qui passe trop vite. Ce roman tien le lecteur en haleine avec des moments poétiques. Un belle écriture, facile à lire même pour quelqu’un ( moi en l’occurrence) qui apprend l’italien .Ce roman n’est pas traduit ne français.
J’ai déjà lu des romans de cet auteur « La signora del caviale- Umberto Dei, biografia non autotorisata di una bicicleta- Ta trotta ai tempi di Zorro)Gloria – Un film de Margherita Vicario.
Pie VII vient d’être élu pape et va venir visiter le vieil orphelinat de jeunes filles de Sant’Ignazio à proximité de Venise. Elles y reçoivent une éducation musicale approfondie mais leur seul espoir d’émancipation est le mariage, évidemment arrangé. L’établissement est dirigé par un prêtre âgé, maître de chapelle, surnommé « Maestro », à qui le gouverneur demande une composition originale pour honorer la visite pontificale. Faute d’inspiration, l’ecclésiastique peine à honorer cette commande qui devra être exécutée par le petit orchestre à cordes des pensionnaires.
Teresa, humble servante anonyme et solitaire, est vouée dans cette institution aux tâches matérielles les plus humbles et personne ne connaît son histoire sordide. Rendue orpheline par la guerre, elle est placée chez le gouverneur qui la viole et se charge de l’éducation de son enfant dont elle est séparée. On lui intime l’ordre de ne parler à personne, ce qui lui vaut le surnom de « La muette ». Par hasard, dans une dépendance, elle découvre un piano et révèle un talent étonnant pour la musique qu’elle joue à l’oreille , traduisant en mélodies les sons du quotidien. Malgré son état de domestique, elle s’intègre à la formation musicale des jeunes pensionnaires et étudie avec elles la musque baroque qui semble avoir leur préférence. Ce qui devait être un concert de musique religieuse destinée à s’attirer les bonnes grâces du pape prend rapidement des chemins de traverse.
J’ai personnellement apprécié la musique , les décors et les costumes. Ce drame est remarquablement servi par Gallea Bellugi (Teresa) , Carlotta Gamba ( Lucia).
Ce film italio-suisse sorti en juin 2024 en France, s’inscrit dans le même esprit du cinéma italien actuel, quoique dans des registres différents et qui célèbre l’émancipation des femmes trop souvent oubliées, face à l’intolérance de la société incarnée ici par la toute puissance de l’Église catholique. Ainsi « Il reste encore demain » (2023) de Paola Cortellesi et « La nouvelle femme » (2023) de Lea Todorov.
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Pour un oui ou pour un non
- Par hervegautier
- Le 22/06/2024
- Dans Nathalie Sarraute
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N°1901 – Juin 2024.
Pour un oui ou pour un non – Nathalie Sarraute – Gallimard.
Cette petite pièce de théâtre met en scène deux hommes, H1 et H2 (on peut difficilement faire plus anonyme) qui, après avoir extrêmement proches se sont brouillés pour des raisons assez obscures et qui semblent s’être perdues dans les arcanes de leur mémoire. Pour l’heure le premier reproche au second sa condescendance, sa jalousie, ses apparences arrogantes. Tous les deux vont s’efforcer de clarifier les choses, d’y mettre des mots, de les exprimer mais c’est surtout ce qui n’est pas dit qui importe parce que le silence aussi fait partie de cette démarche. Les points de suspension, nombreux dans cette pièce ont leur importance. A ce petit jeu on perd toujours et ces deux hommes se retrouvent alternativement dans une position d’accusateur et d’accusé dans un procès surréaliste où chacun n’a rien à gagner. Ils n’en sortiront pas indemnes. Cette expérience est très humaine, nous l’avons tous faite un jour ou un autre, nous avons tous prononcé ces mots, connu ce genre d’impasse même si, à la réflexion, il pouvait nous être nous être difficile de savoir les circonstances de ce différent, l’attitude éventuellement agressive, les lointaines pulsions, les rancœurs amassées dans un replis de la mémoire et qui les ont suscités . C’est souvent à la suite d’un petit rien, mal compris, mal interprété, que cette incompréhension éclate. Ici J’ai eu le sentiment que l’ amitié, fut-elle ancienne et apparemment indestructible, a souvent, comme la plupart des choses humaines, la solidité d’un château de cartes dans un courant d’air, que la parole n’est pas forcément synonyme de thérapie
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Le dieu du carnage
- Par hervegautier
- Le 20/06/2024
- Dans Yasmina Reza
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N°1900 – Juin 2024.
Le dieu du carnage– Yasmina Reza – Albin Michel.
Dans un appartement parisien deux familles, les Reille et les Houlliez se rencontrent pour rédiger des déclarations d’assurance relatives a une bagarre entre leurs deux jeunes fils. Bilan, deux incisives cassées pour Bruno Houlliez. Au cours de cette rencontre les parents parlent librement du « vivre ensemble », de la morale, de la responsabilité, de la liberté. La conciliation et le compréhension mutuelle sont de rigueur et chacun cherche à trouver un terrain d’entente pour clore ce qui n’est qu’une bagarre de gosses.On parle de tout et de rien, de la recette du clafoutis, d’une cruelle histoire de hamster ou de médicaments, des relations dans le couple, le ton monte puis redescend, le téléphone sonne sans arrêt ce qui interrompt cette rencontre et agace tout le monde, une des deux femmes a ses vapeurs... avec vomissures. Puis on en vient à l’incontournable culpabilité, la morale, les remords, les mesquineries, rapidement, l’alcool aidant, les masques tombent et les vrais visages se révèlent, parfois violents . Je ne sais pas trop s’il s’agit d’une comédie, au sens de « la comédie de la vie » faite, comme nous le savons, de violences et d’hypocrisies quotidiennes ou d’une critique de la vie en société. Quant au titre de cette cette courte pièce de théâtre, j’ai bien senti le carnage mais je n’ai pas bien compris ce que ce dieu venait faire la-dedans, à part si on considère, comme l’un des intervenants qu’il y a un dieu qui gouverne la destiné des hommes. Cela dit, je suis un peu déçu.