la feuille volante

Valérie Clo

  • Une vie et des poussières

    N° 1441 - Mars 2020.

     

    Une vie et des poussières Valérie Clo – Bucher Chastel.

     

    Je remercie les éditions Buchet Chastel et Babelio de m’avoir fait découvrir ce roman.

     

    Si on en croit les premières pages, le texte a été écrit par Mathide, une femme âgée désormais décédée, encouragée par une jeune aide-soignante de l’Ehpad où elle est accueillie. Cette soignante aurait envoyé ce texte à l’éditeur qui l’aurait publié en l’état. J’oubliais que nous sommes dans un roman !

     

    Ce roman justement qui s’inscrit pourtant bien dans l’actualité tant il est question de nos aînés qui, de canicules en épidémies, sont les plus menacés. C’est le journal d’une ancienne journaliste juive, retraitée de 83 ans (et des poussières) qui raconte sa vie dans cet établissement,, pour faire des révélations mais aussi son enfance pendant la guerre, la traque des Allemands, la déportation et la mort de ses parents, sa vie de femme et de mère, le quotidien dans la maison de retraite avec les extravagances inconscientes des différents pensionnaires, la décision de ses enfants de la placer ici, leur attitude à son égard, leur culpabilisation, sa détermination de combattre la maladie d’Alzheimer, et, à travers le personnage de Maryline, la vie infernale des aides-soignantes à qui on en demande toujours plus pour être rentables, leur attachement aux personnes âgées qu’elles ont en charge. C’est aussi un hommage à sa sœur aînée qui lui a servi de mère pendant toutes ces années de galère, un remerciement à la famille qui les a accueillies pendant la guerre, une réflexion sur ce monde qui change où elle ne se reconnaît pas, sur son rendez-vous avec la Camarde... Elle a de l’humour mais surtout beaucoup de lucidité face à la réalité quotidienne et surtout à la solitude et au combat perdu d’avance contre la mort qui, ici plus qu’ailleurs, est ressentie comme la seule issue possible.

     

    A quoi cela sert-il d’écrire ce genre de journal ? Pour l’effet cathartique de l’écriture, pour ne pas perdre la mémoire et collationner ses souvenirs, pour laisser une trace de son passage sur terre pour ses enfants et répondre aux questions qu’ils peuvent se poser au sujet de leurs parents, pour faire des révélations, pour se justifier, pour régler ses comptes et confier à la page blanche des remarques et détails qu’on ne peut ou ne veut donner de vive voix, sur ses propres décisions, ses amours, ses erreurs, pendant qu’il en est encore temps… Peut-être ?

     

    J’ai lu ce roman sans désemparer parce qu’il est écrit simplement avec des mots et des expressions du quotidien au point que parfois j’ai eu du mal à croire que Mathilde avait été un grande journaliste de la presse écrite. Pour autant ses remarques sur sa vie actuelle et passée, sur toutes ces « poussières », sont une illustration de la condition humaine vouée à la disparition.

     

    ©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com