Eric Reinhardt
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Sarah, Suzanne et l'écrivain
- Par hervegautier
- Le 26/02/2024
- Dans Eric Reinhardt
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N°1839 – Février 2024.
Sarah, Suzanne et l’écrivain – Eric Reinhardt – Gallimard.
Sarah, architecte, deux enfants, mariée depuis vingt ans est en pleine crise de la quarantaine. De plus on vient de lui découvrir un cancer du sein et elle est en rémission. Elle se sent délaissée par son mari qui s’isole dans une cave de la maison. Elle veut se recentrer sur elle-même, vend ses parts dans le cabinet qu’elle possède et veut devenir sculpteur. Jusqu’à présent elle ne portait pas d’intérêt à l’argent mais elle s’aperçoit que son mari possède la majorité dans le patrimoine familial à son détriment . Il y a explications, promesses de réajustement de la part de son mari, mais rien ne change. Elle décide donc de vivre ailleurs pour provoquer une réaction qui là aussi se retourne contre elle, ses enfants étant adolescents. Sarah s’aperçoit que son départ l’a fait sortir de la vie de cette famille aussi sûrement que si elle était morte de son cancer. Consciente qu’elle n’est plus à sa place dans ce microcosme, elle confie donc l’histoire de sa vie à un écrivain qu’elle apprécie et qui la fait devenir Suzanne, une femme de papier un peu différente d’elle mais qui est en réalité son double. Cette dernière se heurte aux éditeurs qui refusent le manuscrit de son roman ce qui est pour l’écrivain une manière de mêler sa propre vie et de jouer de son côté sa propre partition créatrice se mêlant à ce chassé-croisé entre la fiction et la réalité. Par un jeu de miroirs, le texte passe de Sarah à Suzanne, révélant le travail de création de l’écrivain, un étrange triangle qui est cependant un peu perturbant pour le lecteur qui peut s’y perdre. J’ai personnellement déploré certaines longueurs et ressenti une désagréable impression de décousu par l’absence de transitions entre le personnages des deux femmes .
Cette construction est originale non seulement avec la technique de mise en abyme mais également avec ce jeu entre réalité et imaginaire qui semble avoir déjà été employé par lui précédemment. J’ai lu ce roman comme celui de l’usure des choses, dans le mariage en particulier quand on prend conscience, le délire amoureux passé, du vrai visage de son conjoint. La lassitude qui en résulte peut s’avérer désastreuse ou s’inscrire dans l’indifférence avec la préservation de ses intérêts personnels et la recherche individuelle d’un centre d’intérêt pour se protéger ou se libérer des contraintes conjugales. C’est une forme de fuite assez inévitable après des années de vie commune. Sarah veut contraindre son mari à changer de comportement face aux violences psychologiques qu’il lui inflige mais je ne suis pas bien sûr que la solution imaginée par Sarah soit une thérapie efficace puisqu’elle l’approche des rive de la folie.L’épilogue m’a un peu rassuré.