Yves Letort
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Le fort
- Par hervegautier
- Le 19/10/2019
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Le fort - Yves Letort - Éditions l'arbre vengeur.
La guerre est terminée depuis longtemps dans ces contrées perdues, mais les anciennes fortifications aux marches du pays, même si elles ne servent plus guère, doivent être entretenues et inspectées. C'est la tâche assignée au jeune lieutenant Quernand dans une région prise à l'ennemi quelques dix années plus tôt et cette mission est d'autant plus indispensable que le précédant commandant du fort, le lieutenant Selen, a disparu sans qu'on sache très bien s'il est mort ou s'il a déserté. Quernand se rend donc sur place et constate l'état de délabrement des installations militaires autant que le relâchement de la discipline dans les rangs de la maigre troupe commandée par un simple caporal.
Il règne tout au long de ce court récit, une atmosphère d'ennui mélancolique dû non seulement à la pauvreté et à la désolation de la région, à la vétusté des lieux et à l'apparence passivité des habitants mais peut être aussi à une sorte de prise de conscience par cet officier de l'inutilité et du dérisoire de la mission qui lui a été confiée et qui dure. Il s'en rend d'ailleurs compte lors d'une conversation échangée avec un officier de l'autre armée qu'il rencontre sur le fleuve.
J'ai eu un peu l'impression, toutes choses égales par ailleurs, de me retrouver dans le roman de Dino Buzzati, "Le désert des Tartares" et pas seulement à cause du pays imaginaire et de son décor décrit ici avec une grande minutie, un style un peu froid et détaché, et un vocabulaire un peu trop technique. Certes Quernand n'est pas le capitaine Drogo de Buzzati, mais s'il incarne les illusions d'un début de carrière, on peut interpréter l'absence de Selen, même si aucune raison n'en est donnée, comme étant la conséquence de fourvoiements et des erreurs égrenés tout au long d'une vie. Son fantôme plane sur tout ce roman. Dans ces contrées, pendant cette guerre maintenant oubliée, on a attendu et presque espéré les combats, mais rien n'est venu que des escarmouches et des bombardements lointains, et Quernand aussi a espéré livrer des batailles, un peu comme ce qu'a vainement attendu notre capitaine. La déréliction qui accompagne ces deux personnages est palpable et on assistes à la lente descente solitaire de Quernand vers une mort prochaine et qui semble lui être indifférente et libératrice tant cette mission ressemble de plus en plus à un abandon.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com