Christian Oster
-
Dans la cathédrale
- Par hervegautier
- Le 15/02/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1325
Dans la cathédrale – Christian Oster – Éditions de Minuit.
Paul, 35 ans, vit à Paris chez Jean, le narrateur qui a 20 ans de moins. Officiellement Paul cherche un appartement mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il ne met pas dans cette recherche une énergie débordante, tout comme dans la quête d'un travail pour la découverte duquel nous savons depuis peu qu'il suffit de traverser la rue. Il s'agit donc d'une cohabitation qui, de la part de Jean, est plus motivée par la charité que par l'attachement à la personne de son ami. Puis, tout d'un coup Paul disparaît pour aller rejoindre une femme. Jean se retrouve seul et il se souvient de différentes compagnes qui ont fait partie de sa vie. L'une d'elles y débarque en prétendant l'avoir connu alors qu'il n'en a aucun souvenir. Est-ce à cause de tous ces fantômes qui font irruption dans sa mémoire ou à la disparition subite de Paul qu'il choisit de partir, toujours est-il qu'il disparaît à son tour. Il choisit la Beauce, près de Chartres, peut-être par le plus grand des hasards, peut-être parce que c'est le siège social du journal où il travaille. Il y retrouve un collègue qu'il connaît à peine, Andrieu, qui va se marier, qui tombe malade et dont Jean va s'occuper.
L'auteur renoue avec son thème favori qu'est celui de la solitude, avec une variante ici, la solitude entre les hommes et les femmes. C'est un peu toujours la même chose avec Christian Oster. Ici Jean est tellement seul qu'il prend la décision un peu surréaliste de tout abandonner de ce qui fait sa vie, son appartement et son travail parisien, sans pour autant avoir le moindre projet de remplacement. Il part en se disant qu'il verra bien et que le hasard décidera pour lui. Les relations entre les hommes et les femmes sont également évoquées à l'aune de la solitude et Jean repense à toutes ses compagnes qu'il a eues auparavant et pour qui il n'a jamais éprouvé une vraie passion. Certaines retiennent un peu son attention alors que d'autres lui sont à ce point indifférentes qu'il a complètement oublié leur passage dans sa vie et on peut même supposer qu'il s'agit d'une erreur sur la personne. Physiquement je n'imagine pas Jean comme un « latin lover » et encore moins comme un « donnaiollo » comme disent si joliment nos amis Italiens, Je le vois comme un homme ordinaire, si seul cependant qu'il est capable de tomber amoureux d'une femme dont il sait qu'elle sera pour lui inaccessible, comme c'est le cas d'Anne, la fiancée d'Andrieu, même si on sent que cet amour, qui n'est peut-être qu'un désir fugace, ne durera pas. Un peu comme si cette femme juste entraperçue était moins l'objet de son amour que de son fantasme, justement parce qu'il est seul. Je l'imagine plutôt vivant dans la fidélité d'un chien ou le mystère d'un chat. Le titre du roman évoque la cathédrale de Chartres où se déroule la mariage d'Andrieu et d'Anne mais qui n'est qu'un lieu de transit, un moment éphémère dans la vie de Jean. Est-ce à dire que l'amour n'existe pas et qu'on se rapproche de quelqu'un un peu par hasard ou pour exorciser la solitude, en comptant sur la chance pour nous aider ? J'avoue que cette explication m'agrée un peu et, pour être personnelle, cette intuition éclaire pour moi l’œuvre de notre auteur au regard de notre société.
Les romans d'Oster sont pour moi, plus que les autres, l'objet d'une question que leur seul titre ne suffit pas à résoudre. Ici l'action, si on peut la qualifier ainsi (ce n'est que le déroulement d'une série de faits qu'on pourrait attribuer au hasard), se développe principalement aux alentours de Chartres. Depuis Péguy, nous savons que cette ville est indissociable de sa cathédrale or, de cet édifice, il n'est question en filigrane qu'à la fin, un peu comme le roman de Boris Vian « l'automne à Pékin » qui ne se passe ni en automne ni à Pékin. Les romans de notre auteur se lisent bien et même rapidement. Ils sont parfois écrits avec des phrases démesurées ce qui en rend la lecture difficile mais ce n'est pas le cas ici. Leur agencement est aussi quelque peu haché par une architecture peu conventionnelle. Le style est malgré tout fluide, agréable, l'usage des imparfaits du subjonctif ont un côté vintage et original qui ne me gêne pas du tout, bien au contraire et je trouve même que cela se marie bien avec l'ambiance du roman.
J'ai abordé sa lecture par hasard, en prenant, par curiosité un de ses romans sur les rayonnages d'une bibliothèque publique. Je l'ai lu, je me suis posé des questions sur ce que je venais de lire et aussi sur moi, mais finalement, je ne sais exactement pourquoi, j'ai résolu d'explorer plus avant son univers créatif. D'après ce que j'ai pu lire, il me semble que cela renvoie assez bien l'image de notre société contemporaine, que cela en est le miroir. En tout cas je m'y reconnais un peu. Il m'a sans doute fallu longtemps et de nombreuses hésitations pour appréhender cet auteur et peut-être le comprendre.
©Hervé GAUTIER – Février 2019. http://hervegautier.e-monsite.com
-
Massif Central
- Par hervegautier
- Le 04/02/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1320
Massif central – Christian Oster – Éditions de l'Olivier.
Comme dans tous les romans de Christian Oster, le thème est assez simple au départ. Paul, ex-architecte, vient de quitter Maud, sa compagne, qui l'avait préféré à Carl Denver, un individu assez inquiétant et même violent mais extrêmement cultivé dans le domaine du cinéma où il exerce le métier critique et dont les jugements tranchés sont redoutés. Jusque là, rien de bien original. Paul avait connu Maud quand elle était encore avec Carl et la jeune femme avait été si impressionnée par la culture de ce dernier qu'elle avait fini, inconsciemment, par être dépositaire de l'agressivité de son compagnon. Ainsi, quand elle avait décidé de vivre avec Paul, était-elle toujours sous l'influence culturelle de ce son ex, ce qui indisposait son nouveau compagnon et provoquait de fréquentes disputes entre eux. Il vivait cela comme une sorte de possession et ce genre de situation avait érodé l'amour qu'il avait pour elle de sorte que, pour s'en libérer, il avait résolu de la quitter. Il était devenu pour elle une véritable étranger, ce qui lui était insupportable, et c'était en quelque sorte une victoire involontaire de Carl qui cependant ignorait tout de leurs relations difficiles et de leur séparation mais regrettait amèrement Maud au point, apprit Paul, de le rechercher dans Paris, sans doute pour lui faire payer physiquement sa trahison. Il décide donc de fuir au hasard. Après pas mal d'étapes, pas mal d'amis rencontrés, parfois par hasard, il souhaite aller dans le Massif central, où il ne va d'ailleurs pas (Limoges n'est pas à ma connaissance dans ce massif montagneux). Ici nous n'avons pas affaire à un banal adultère mais à une rupture d'un tout autre genre et, bien entendu, le thème « ostérien » de la fuite s'invite à nouveau. Les anciens l'on exprimé à leur manière puisque voyager n'est pas guérir son âme. Au fur et à mesure que le temps passe, Paul s'aperçoit qu'il aime toujours Maud, mais à propos de ses diverses rencontres avec ses amis, le souvenir de Carl ne le quitte pas non plus, à en devenir obsédant, ce qui témoigne d'une dangereuse tendance à la paranoïa. Ainsi s'instaure une sorte de ménage à trois différent du schéma classique mais intéressant dans sa configuration, quelque peu fugace et fantasmée. La solitude de Paul favorise son voyage dans le passé et il se souvient qu'au début de sa vie commune avec Maud, Carl avait continué de les fréquenter tous les deux en une relation bizarrement apaisée, puis avait disparu sans aucune explication. La crainte d'une confrontation physique avec lui n'était venue que par la suite et avait déterminé Paul à fuir après avoir rompu avec Maud. On se demande s'il ne devient pas fou, mais la présence supposée de Carl qui serait constamment à sa poursuite est tellement obsédante qu'il le voit partout et va même jusqu'à l'accuser du meurtre d'un de ses amis qui apparemment n'est qu'un suicide, imagine qu'il rencontre son double, l'accuse de folie, c'est à dire qu'il est maintenant carrément mythomane.
Dans sa course vers le néant, il semble se ressaisir en s'intéressant à Hermine, une cliente d'un des hôtels où il est descendu mais aussi un être plus désespéré que lui. Avec elle, il fait le projet de partir et apprend qu'elle partage avec lui une certaine recherche du vide. On ne sait rien des relations qu'il entretient d'ordinaire avec les femmes, ce qu'il pouvait bien dire à Maud, mais celles qu'il a avec Hermione paraissent aussi absurdement surréalistes que ses affabulations autour de Carl. Il part avec elle en direction des plages du Nord mais ce que nous aurions pu imaginer comme une passade entre eux se termine différemment, avec en toile de fond la silhouette de Carl, comme une obsession.
Je dois dire que la découverte de l’œuvre d'Oster me procure des impressions contradictoires, à la fois un rejet à cause des phrases trop longues que je retrouve cependant chez Mathias Enard, avec en plus une appétence pour le détail parfois inutile et une architecture bizarre, mais aussi une sorte d'attirance due peut-être à l'analyse psychologique au scalpel des personnages, l'ambiance labyrinthique de ses romans où le lecteur est toujours un peu perdu, à la lisière de quelque chose qui se dérobe devant lui. Il n'est pas rare que, le livre refermé, je me demande si j'ai bien compris ce que je viens de lire et qu'il serait bien possible que je sois passé à côté d'un chef d’œuvre sans même m'en rendre compte. Ici, le titre laissait à penser que l'action devait se dérouler dans le Massif central que Paul n'atteint jamais nonobstant ses nombreuses pérégrinations. Après tout, ce n'est pas grave puisque Boris Vian a bien écrit « L'automne à Pékin » qui ne se passe ni en automne ni à Pékin mais qui n'en est pas moins un roman magnifique.
J'ai donc appris à me méfier avec Oster, la simplicité du départ n'est qu'apparence. Paul me fait l'impression de quelqu'un qui se fuit lui-même, incapable de se lier à une femme, incapable de vivre normalement, définitivement seul.
©Hervé GAUTIER – Février 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Sur la dune
- Par hervegautier
- Le 31/01/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1318
Sur la dune - Christian Oster- Éditions de Minuit.
Ça commence un peu comme dans tous les romans de Christian Oster une manière banale, le narrateur, Paul, célibataire, désireux de s'installer à Bordeaux, rend visite à ses amis, Jean et Catherine, à Saint-Girons-Plage pour les aider à dégager leur maison secondaire menacée d'ensablement. En réalité il ne les trouve pas et se loge dans un hôtel si bondé qu'il doit partager sa chambre avec un inconnu, Charles Dugain-Liedgester, dont l'épouse, Ingrid, dort dans une autre chambre et dont il apprendra par la suite qu'ils ne se supportent pas. En fait d'amis le narrateur a pris ses distances avec eux d'autant plus qu'il a été l'amant de Catherine quelques années avant son mariage avec Jean, mais ils se sont momentanément séparés à la suite d'une dispute.
Suivent de nombreuses pages qui ne sont que des réflexions un peu oiseuses sur la présence du narrateur dans la salle de bains, sa lecture avant de dormir, ses échanges oraux éphémères avec Charles, sa façon de s'habiller et de prendre son petit déjeuner et la composition de celui de son compagnon de chambre le lendemain, puis, en faisant son office de manœuvre bénévole, les souvenirs qui lui reviennent à la mémoire, comme une sorte d'introspection obsédante… Que des choses passionnantes ! J'ai eu l'impression de m'ensabler dans ma lecture comme le narrateur dans sa dune. En dehors de pelleter du sable pour dégager la porte d'entrée de la maison de ses amis, ce qui n'a rien de particulièrement exaltant, surtout en leur absence, il avait un autre centre d'intérêt en la personne d'Ingrid, aperçue la veille et à la beauté de qui il ne semble pas insensible. Les relations de Paul avec les femmes sont compliquées, mais les événements semblent le servir dans la mesure où il propose à Charles de lui servir de chauffeur pour aller aux obsèques de Jean-Marc, leur voisin à Chartres, Ingrid, pour qui il nourrit de plus en plus de fantasmes secrets, rentrant seule dans sa propre voiture. Pendant le voyage aussi long et monotone que la forêt landaise, il apprend que le couple que formait Jean-Marc avec Brigitte ne s'entendait pas. Dans l'entourage de Paul et pendant ce bref laps de temps, cela fait beaucoup de couples en difficultés.
Comme c'est souvent le cas des célibataires qui sont invités par hasard dans un couple, Paul observe plus attentivement Ingrid et le drôle de couple qu'elle forme avec Charles, et aussi Brigitte qui devient pour lui une opportunité, peut-être consentante… L'éventualité de trouver une place parmi eux a sûrement dû l'effleurer. L'auteur ne nous dit rien de Paul, ni de son métier ni de son apparence physique, mais je l'imagine bel homme, attirant un peu malgré lui ces deux femmes. Pourtant lui semble être un cérébral, l'inverse en tout cas de l'amoureux fou ou du froid Don Juan. Il réfléchit, hésite en présence d'une femme sur la conduite qui doit être la sienne… A moins bien sûr qu'il ne soit, tout bonnement, maladivement timide.
Oster met à profit le récent veuvage de Brigitte pour renouer avec son thème favori de la solitude. Il est vrai que cela tombe plutôt bien dans le cadre du décès de Jean-Marc, mais il noircit un peu trop le trait en prêtant ce sentiment à Paul qui ne l'a jamais vu auparavant. C'est pourtant lui qui, la cérémonie passée, prend l'initiative de réunir les rares amis venus accompagner le défunt. Pire peut-être, l'auteur y ajoute celui de l'abandon de l'être aimé. Bizarrement, alors que c'est Jean-Marc qui vient de mourir et qu'on s'apprête à enterrer, c'est Brigitte qui le quitte, symboliquement il est vrai, puisqu'elle choisit de partir avant la fin de la cérémonie des obsèques et de disparaître définitivement. C'est un geste lourd de sens de sa part qui témoigne de l'attachement tout relatif qu'elle éprouvait pour son époux. L'épilogue vient conclure d'une manière finalement pas si inattendue que cela, ce thème de l'abandon.
Au terme des différentes et nombreuses lectures que j'ai faites des romans de Christian Oster, j'ai parfois noté mon ennui, parfois ma désapprobation, notamment au regard de son style et de ses trop longues phrases, mais pour une fois, le thème qu'il choisit de la solitude à l’intérieur de mariage me paraît pertinent. Pour des raisons religieuses, mais pas uniquement, on a trop longtemps voulu faire perdurer une institution en la présentant comme un des piliers de la société, alors qu'on faisait bon ménage de l'hypocrisie qui allait forcément avec comme elle va avec toutes les activités humaines qu'on déguise à l'envie avec de la moralité. Le tableau qu'il nous brosse ici me paraît judicieux parce que, l'amour, à supposer qu'il existe au début d'une union, n'en reste pas moins une valeur consomptible et ne dure pas toute la vie.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Le coeur du problème
- Par hervegautier
- Le 30/01/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1317
Le cœur du problème - Christian Oster- Éditions de l'Olivier
Simon, un conférencier, rentre chez lui, probablement à une heure inhabituelle, trouve un homme mort, inconnu de lui, dans son salon et sa compagne, Diane, en train de prendre un bain. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer le scénario, un cocuage bien banal, mais ce qu'il l'est beaucoup moins c'est que la femme en dit le moins possible, prétend que cette mort n'est qu'un accident, une chute depuis la mezzanine dont la balustrade s'est rompue, s'en va et disparaît complètement, en lui laissant le soin de solutionner cette affaire. Ce qui l'est encore moins, c'est que Simon, au lieu d'appeler la police, ce qu'il aurait logiquement dû faire, va tout faire pour cacher ce qui est réalité un meurtre et on balance entre un trop grand amour pour sa compagne qu'il aime et à qui il pardonne cette incartade et une déstabilisation telle qu'il est amené à faire ce qu'en temps ordinaire il n'aurait pas fait. Se sent-il coupable de n'avoir pas été à la hauteur des aspirations amoureuses de Diane ou s'en veut-il de s'être trompé dans son choix ? En fait nous ne savons rien de leurs relations intimes. Comme à chaque fois dans pareil cas, faire disparaître le corps était indispensable et la solution qu'il trouve paraît un peu inattendue. Un tel scénario policier menaçait d'être intéressant et tranchait quelque peu sur l'ambiance ordinaire des romans de cet auteur
En l'absence de Diane, qui à l'évidence l'a quitté définitivement, Simon se sent abandonné et bien des choses lui passent par la tête, ce qui donne à l'auteur l'occasion de renouer avec son thème favori : la solitude. Dans le cadre d'un adultère, celui qui est laissé pour compte a parfois un sentiment d'injustice, de trahison, d'abandon d'autant que Simon n'a pas beaucoup d'amis à qui se confier et qu'on est, de toute façon guère fier d'une telle situation personnelle. Il n'en parle donc à personne sauf peut-être à un ex-gendarme, Henri, qui malgré sa récente retraite est ému par son histoire. Mais un gendarme, même à la retraite, reste en enquêteur suspicieux et quand intervient l'épouse de l'ex-amant de Diane, cette dernière étant réfugiée en Angleterre, les choses se compliquent. Non seulement elle sort du jeu définitivement de part son éloignement mais Simon devient son complice pour avoir fait disparaître le corps. Dès lors, on à l'impression de l’étau se resserre autour de lui et que c'est lui qui tâtera des Assises. Le hasard, mais est-ce vraiment lui, met Simon dans une situation délicate qui, paradoxalement, tout en le maintenant sur ses gardes, donne l'impression qu'il est au bord d'un gouffre et a la ferme intention de mettre fin à cette situation de plus en plus intenable par une action qui le mette en porte à faux. On a même l'impression qu'Henri, qui a sans doute tout compris, tourne autour de Simon, joue avec lui, le balade à son gré et lui portera bientôt l'estocade. En réalité on oublie rapidement cette histoire de mort au gré des événements, on est embarqué dans plusieurs autres épisodes qui n'ont rien à voir, outre que Simon confesse un peu hasard, un crime qu'il n'a pas commis, comme pour sortir de cet imbroglio, mais tout cela est sans aucune suite. On constate la solitude prégnante de tous les protagonistes, mariés ou non, le naufrage du mariage et les idylles possibles entre Simon et les différentes femmes qu'il croise s'avèrent autant d'impasses, par timidité de sa part, par peur d'être éconduit ou simplement par crainte du mensonge ou de la trahison de la partenaire.
Je déplore toujours la même chose chez cet auteur, non qu'il écrive mal, loin s'en faut, mais la longueur de ses phrases, et ses descriptions dont la méticulosité est poussée à l'excès ont tendance à me déconcentrer. J'accorde cependant de l'attention à ses romans seulement peut-être parce qu'ils se lisent facilement. J'ai quand même une interrogation sur cet auteur qui parle si abondamment de la solitude et des femmes, et dédit pratiquement tous ses romans à Véronique B qui reste une inconnue pour le lecteur. Pourtant l'analyse psychologique que Oster fait des différents personnages et des situations entretient le suspense même si, à la fin, j'ai été carrément déçu. Les chapitres sont courts au début puis vers la fin s'étoffent un peu plus mais ce qui pouvait passer au départ pour un roman policier n'en est, en fait, pas un. C'est, ai-je cru le lire, une longue digression sur l'isolement cher à Oster, la solitude des êtres à cause sans doute du désamour dans lequel ils vivent, de la fragilité des choses de cette vie. Ne serait-ce pas cela le cœur du problème ?
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Rouler
- Par hervegautier
- Le 24/01/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1315
Rouler – Christian Oster – Éditions de l'Olivier.
Le narrateur , Jean, prend le volant et part au hasard de Paris en direction du sud, sans véritable destination, roule, rencontre des gens qui un moment monopolisent son attention au point de parler avec eux mais sans s'y intéresser outre mesure. Il est particulièrement attentif aux femmes, à leur présence mais surtout à leur beauté, mais on le sent en retrait avec elles, un peu comme s'il pouvait entrevoir avec une inconnue une étreinte amoureuse furtive mais que néanmoins il laissait partir, comme si lui-même la fuyait ! Par timidité, par peur d'être éconduit ...? On sent que lorsqu'une telle rencontre a lieu avec une de ces femmes qui traversent secrètement sa vie et voudraient peut-être faire un petit bout de chemin avec lui, il privilégie le hasard mais ne tente aucunement un pas vers elle; bien sûr il ne passe rien et on ne sait pas trop s'il le regrette où s'il en est soulagé. On ne saura pas grand chose de lui, mais peu importe, seulement peut-être qu'une femme avec qui il partageait sa vie l'a quitté puis est morte. Depuis, il roule au hasard vers le sud aussi fébrilement qu'il achète des objets improbables, pour l'oublier peut-être ? Il lui arrive de croiser des hommes, des inconnus ou de vieilles connaissances de lycée, qu'il n'a pas revus depuis des années. Là aussi rien de bien attachant et quand chacun, avec toute la retenue qui convient, a fini de raconter son histoire ou d'évoquer une tranche de sa vie, on tourne la page pour une nouvelle rencontre… ou pour le vide de la route. Il le dit, ce qu'il veut c'est rester seul et semble considérer cette solitude comme une sorte de panacée ou la source d'une forme de résilience ? Ces rencontres font parfois renaître des souvenirs oubliés qui reviennent par bribes. Il privilégie l'imprévu mais là aussi cela débouche souvent sur le vide, le banal, l'ennuyeux et les personnages évoqués sont souvent creux et sans grand intérêt, perdus et seuls, comme Jean. Ce thème de la solitude, pour intéressant qu'il soit, parce que, en autre, il est l'image de notre société moderne et que parfois elle se cache sous des apparences trompeuses, me semble de plus en plus prendre des accents mono-thématiques, avec une dangereuse tendance obsessionnelle. Comme dans l'ensemble de son œuvre ! Après tout la solitude, voulue par lui et entretenue par ses soins, est peut-être la solution. Sa voiture semble être un des personnages importants de cette fiction et peut, sans doute à ses yeux, passer pour un élément de sa thérapie. Sa vie ne semble pas passionnante et la cinquantaine peut-être pour lui une source de troubles existentiels… ou pas ? Il semble vouloir ne s'attacher à rien ni à personne et quand le moment de quasi convivialité est passé et qu'il n'a surtout pas voulu voir se développer, il retourne à sa voiture et privilégie à nouveau le hasard.
Tout au long de ma lecture, je me suis demandé si je n'allais pas l'interrompre, m'interrogeant intimement sur mes motivations. Si j'ai poursuivi la découverte de cette fiction, ce n'est assurément pour l'écriture qui m'a parue quelconque, plate et sans relief comme on peut la retrouver dans tous les romans de cet auteur. Pourtant et paradoxalement, le texte se lit bien et facilement mais avec cependant quelques longueurs qui peuvent devenir ennuyeuses, mais l'histoire s'impose parfois à travers un détail, une remarque. Si le livre ne m'est pas tombé des mains c'est peut-être à cause de l'épilogue à venir, me demandant s'il allait m'étonner et si toute cette mise en scène annonçait quelque chose… ou rien ? Ici, il m'a paru cependant quelque peu déconcertant. Après tout le hasard paraît être le moteur de cette fiction, inspiration de l'auteur ou manifestation toujours complexe et inattendue de la liberté des personnages ? Allez savoir ! Je me suis même demandé, bien inutilement d'ailleurs, si ce roman résultait d'une expérience vécue ou de son imagination créative ? La réponse importe peu et n'influe en rien sur le texte.
Christian Oster fait partie de ces écrivains que je lis sans véritable passion, parce qu'il est un auteur connu, plus pour pouvoir en parler que par réel intérêt pour ce qu'il fait. A ce rythme là, je pense pouvoir me lasser assez rapidement, à moins que son état d'esprit légèrement pessimisme soit communicatif et que je sois, moi aussi, phagocyté par l'ambiance un peu délétère qui préside à chacun de ses romans. Au lieu de les lire, j'aurais peut-être dû, moi aussi, prendre le volant et abandonner la lecture de ses livres parce qu'elle ne me procure pas ce que je demande à une fiction : me détendre et m'emmener ailleurs ! Même si je ne trouve pas ce monde passionnant et cette vie belle comme on nous en rebat un peu trop les oreilles en permanence, je ne parviens pour autant pas à me retrouver ou à m'insérer dans le monde parallèle imaginaire de cet auteur.
Bref, comme d'habitude, je me dis que je n'ai peut-être rien compris à son message et à sa démarche, que je suis passé à côté d'un chef-d’œuvre, mais j'ai été un peu déçu quand même.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
En ville
- Par hervegautier
- Le 22/01/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1314
En ville – Christian Oster – Éditions de l'Olivier.
Le narrateur, Jean, la cinquantaine, seul, sans famille, rend visite à Paul et Louise, chez eux, en compagnie de Georges et William pour un vague projet de vacances en Toscane ou plutôt à Hydra, une île grecque, Depuis trois ans, ils partent ensemble l'été, sans ce connaître vraiment, mais cette année ce sera sans Christine, séparée de Georges depuis peu, Ce ne sera pas la seule péripétie de cette année puisque Jean, qui papillonne beaucoup mais qui vit seul mais va avoir un enfant, avec une femme qu'il n'aime pas. Pire peut-être, il est tellement désabusé qu'il n'est même plus ému par la beauté des femmes ! Pour autant il déménage pour un appartement sur les quais de Seine. Pourquoi pas ? Pourtant ce quartier lui ne semble pas l'attirer particulièrement, à cause de la voie rapide sans doute. Alors pourquoi changer ?
Pour Paul et Louise, ce sera la dernière fois car a l'issue de ces vacances qu'ils passeront bien ensemble, ils ont le projet de se séparer quant à Georges, ses déboires amoureux n'ont été que de courte durée puisqu'il est tombé amoureux d'une autre femme d'une grande beauté ; Plus tard, ce projet de départ sera encore bouleversé par la mort de William, l'accident de Jean et le projet de vacances se limitera, pour ceux qui restent, peut-être au Gers… mais cela n'a aucune vraie importance, comme le reste d'ailleurs !
Comme le titre l'indique, il y a la ville, et cette ville c'est Paris avec ses bistrots, ses restaurants, ses rues , la Seine et cette ambiance unique de grande ville. Pourtant ces personnages donnent l'impression de vivre dans une sorte de huis-clos et ce roman se résume à une sorte de long monologue. L'auteur balade son lecteur à travers les moments de vie, parfois insignifiants de ses personnages, les détaillant à l'envi évoquant des situations finalement assez vides.
C'est vrai qu'ici, il est question comme dans la plupart des romans de préoccupations humaines, la vie, le temps qui passe, l'amour, la mort...Je l'ai pourtant lu sans véritable passion, simplement peut-être pour me tenir informé de la bibliographie de l'auteur et de son parcours littéraire. Les petits moments de la vie de chacun dont il est question dans cet ouvrage n'ont guère retenu mon attention au-delà du raisonnable ce qui a généré chez moi au mieux du désintérêt, au pire de l'ennui. Est-ce la crise de la cinquantaine que l'auteur a voulu illustrer (Les protagonistes ont tous à peu près le même âge et cela correspond à peu près à celui de l'auteur) ? Le thème de la solitude, certes réel dans nos sociétés, est repris ici comme il a déjà été traité dans d'autres livres du même auteur ce qui ne confère pas à cette fiction beaucoup d’originalité. Corrélativement on peut voir la vie de chacun de ses personnages (spécialement pour Jean) comme une sorte d'errance , un parcours un peu aléatoire et hésitant, sans but et réelle volonté d'aller de l'avant.. Quant à l'humour je ne l'ai guère ressenti.
Tout au plus puis-je dire que cet aspect de sa démarche créative est différente de ses autres publications destinées à la jeunesse.
Comme d' habitude, les phrases d'Oster sont trop longues et je n'aime guère ce style. D'autre part, sa tournure d'écriture, basée sur un soliloque pourrait passer pour une musique mais est plutôt à mes yeux un ronronnement, certes pas désagréable mais un peu entêtant quand même à la longue. La façon qu'il a d'insérer les formules comme « je dis », « dit-il »...dans un texte descriptif est finalement un peu pénible.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Trois hommes seuls
- Par hervegautier
- Le 21/01/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1313
TROIS HOMMES SEULS – Christian Oster – Éditions de Minuit.
Marie, l'ex-femme de Serge, invite ce dernier à venir passer quelques jours de vacances en Corse où elle habite. Il en profitera ainsi pour lui rapporter une vieille chaise qu'elle a hérité de son père. C'est plutôt sympathique comme invitation, même un peu étonnant de la part d'une épouse divorcée depuis deux ans... et elle d'ajouter qu'il peut amener qui il veut, ce qui témoigne en outre d'un sens aigu de l'hospitalité. Il propose à Marc, un partenaire de tennis qu'il connaît à peine de l'accompagner, qui lui-même va inviter Cyril, un ancien funambule reconverti dans la banque. Voilà donc nos trois hommes et leur chaise partis en voiture de Paris à destination de l'île de Beauté.
Tout cela est bel et bon, ces vacances s'annoncent sous les meilleurs auspices, sauf que ces trois passagers qui s'engagent sur la route ne se connaissent pas et qu'il va bien leur falloir se trouver des points communs pour que ce voyage ne leur paraisse pas trop long. On passe rapidement sur la place de chacun dans la voiture, le temps qu'il fait et celui qu'il faut pour voyager, la fatigue de la conduite et l'alternance au volant, l'organisation des pauses et la déclinaison des passions de chacun… Que des sujets passionnants entrecoupés de longs silence briseurs de cette ambiance nécessaire à faire oublie la longueur du trajet !. A l'arrivée chez Marie, un village perdu, une sorte de malaise s'installe assez bizarrement pour Serge qui choisit, geste déplacé dans le cadre de l'invitation de Marie, de fuir et de s'installer à l'hôtel de la ville toute proche. Il n'a certes plus rien à lui dire après ces deux années de séparation mais surtout semble s'installer en lui cette solitude coutumière, un peu comme s'il ne pouvait plus s'en passer. En son absence la vie s'organise, sans lui. Ces trois hommes semblent avoir en commun une solitude qui leur a fait accepter cette invitation plutôt insolite et ce d'autant plus que la seule vue d'une femme inconnue les fait fantasmer. Pour Serge la fin est étonnante et peut-être pas tant que cela dans une société ou l' isolement est la règle pour tous.
J'ai lu ce récit sans véritable passion à cause sans doute du style qui est toujours aussi déconcertant et des phrases un peu longues déclinées avec un grand culte du détail, Cela caractérise peut-être le genre littéraire de l'auteur mais ménage quand même pas mal de longueurs.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
la vie automatique
- Par hervegautier
- Le 20/01/2019
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1312
La vie automatique – Christian Oster – Éditions de l'Olivier.
A quoi ça tient quand même hasard, un fait qui arrive et qu'on laisse se dérouler sans réagir parce que, inconsciemment on l'attendait depuis longtemps. C'est un peu ce qui arrive à Jean Enguerrand, acteur de troisième zone qui, parce qu'il a hérité d'un cageot de courgettes par erreur, qu'il a voulu les cuisiner et les a oubliées sur le feu, voit sa maison brûler et en profite pour disparaître et entamer une nouvelle vie. On a l'impression qu'il est soulagé par cet événement alors que, pour le commun des mortels, ça devrait être un drame. Il prend le train pour Paris bien décidé à s'effacer de ce monde, un peu comme si sa propre vie lui était devenue complètement indifférente , comme si cet événement était pour lui l'occasion d'oublier définitivement quelque chose, de tourner la page ! De cela nous ne saurons rien et il gardera son secret. Il a conscience de n'être rien et cela ne le dérange pas. Sa vie est une sorte de vide, il ne souhaite même pas réagir devant cet état de chose qui fait partie de sa vie mais qui, maintenant, à cause de l'incendie de sa maison, se révèle dans toute son évidence. Il logera simplement à l'hôtel ! Dans son métier, il croise des gens, sûrement semblables à lui mais c'est la même indifférence à leur égard. Pourtant dans cette société qui est la nôtre, il convient de se mettre en valeur, de se « vendre », de réussir, faute de quoi il ne manque pas de gens pour jeter l'anathème sur vous, vous culpabiliser ou simplement vous détruire. Ainsi détonne-t-il sur ses contemporains, mais peu lui chaut parce que, il le sait, son nom ne sera jamais en haut de l'affiche, tout juste au générique de films de série B. Il fait quand son métier de comédien, se lance même dans le théâtre, mais le fait d'une manière détachée, comme pour gagner simplement sa vie. Pourtant son errance l'amène par hasard chez France, une ancienne actrice qui a eu son heure de gloire mais qui veut, elle aussi, tout oublier. Ils se sont peut-être croisés sur les plateaux dans une autre vie, mais Jean a toujours été voué aux rôles secondaires. Il squatte cependant chez elle parce qu'elle l'y invite mais ils ne deviendront cependant pas amants comme on pourrait s'y attendre! Puis ce sera Charles, le fils de France qu'il suivra dans ses dérives psychiatriques. Assez bizarrement Jean se donne pour mission, un peu à la demande de France, de le surveiller et sans doute aussi de le soutenir, s'attache à lui comme une ombre au point qu'on peut se demander si, par une sorte de transfert, il ne souhaite pas le sauver, l'insérer dans une société dans laquelle lui, Jean, ne veut plus entrer, un peu comme si cette rencontre avait déclenché chez lui une sorte de regain d'intérêt pour la vie de l'autre, Cette posture se justifie à la fin par le geste de Charles qu'il analyse en une invitation à contourner ce monde. Il y a entre Jean et France une communauté de vue, mais apparente seulement. France souhaite revenir au théâtre et le fait avec talent mais Jean au contraire veut le fuir comme il veut fuir tout ce qui est autour de lui, C'est un personnage assez insaisissable, qui peut paraître un peu extravagant, pas tellement désagréable cependant, qui jette sur l'existence un regard désabusé et même désespéré parce qu'il ne se sent même plus concerné par sa propre vie.
Alors, « une vie automatique », comme si un mécanisme déroulait son ressort dans le vide, une sorte d'inaptitude à vivre normalement comme le commun des mortels. Mais Jean ne se laissera pas aller à un geste létal et attendra la mort avec fatalisme voire curiosité parce que simplement elle la conclusion normale de cette vie
C'est écrit simplement, sans doute à l'image de ce Jean de plus en plus détaché de tout. Ce style est un peu déconcertant quand même. Je ne suis pas fan des héros qui crèvent l'écran et, même si cette fiction est quelque peu étonnante et décalée, j'y suis entré quand même. Ce Jean m'a rappelé le personnage de Pessoa, le grand écrivain portugais qui a vécu une vie en pointillés dans le quartier populaire de Lisbonne comme simple employé de bureau ou peut-être celui du capitaine Drogo du « Désert des tartares » de Dino Buzzati qui attend quelque chose qui ne viendra jamais. Avaient-ils résolu d'attendre que la vie qu'ils avaient imaginée pour eux tienne ses promesses, oubliant que dans ce domaine leur imagination n'engendre que des fantasmes toujours déçus. Jean. aussi a eu conscience de n'être rien, une sorte d'anti-héro solitaire et marginal mais en réalité qui me plaît bien. Il ne m'est pas antipathique du tout, bien au contraire et vouloir vivre en dehors de cette société de plus en plus contestée, de cette vie qui n'est finalement qu'une agitation vaine et dérisoire, ne me paraît pas absurde le moins du monde.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
-
LE PONT D'ARCUEIL
- Par hervegautier
- Le 21/08/2014
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
N°790 – Août 2014.
LE PONT D'ARCUEIL - Christian Oster- Les éditions de Minuit. (1994)
Le narrateur est abandonné par Laure qui le quitte sur le quai d'une gare et, de retour de son centre de Sécurité-Sociale pou une histoire de carte, il se rend dans l'appartement de France dont il possède les clés mais qui est absente. Ici, il rencontre une troisième femme, Catherine. Comme c'est, sans doute, l'anniversaire de France, il convient de lui faire un cadeau ce dont notre héro se met en devoir, déambulant dans Arcueil et Cachan, villes dominées par le fameux pont qui en fait est composé de deux aqueducs, imposant monument, omniprésent dans le roman, dont l'existence trompe un peu l'ennui du narrateur, France tardant à rentrer.
Il y a donc ce voyage dans les rues, de café-restaurant en boutiques mais notre narrateur se livre à un autre plus subtil et peut-être inattendu, dans sa propre tête, avec cette idée de cadeau pour l’improbable anniversaire de France dont on se demande si c'est la vraie raison de sa démarche vers elle. Il réfléchit, ergote avec lui-même, ratiocine à propos de tout et de rien, se triture les méninges, exprime avec une débauche de mots les plis et les replis d'une pensée baroque, bâtit des hypothèses avec une sorte de plaisir que j'ai personnellement du mal à saisir. Autour de lui, c'est à dire dans l'appartement de France, le téléphone sonne, les questions restent sans réponse, à l'extérieur un accident est évité qui n'a peut-être jamais existé que dans sa tête... Le narrateur évoque en effet, avec un grand souci de détails une succession d'événements anodins, de rencontres qui n'ajoutent rien à la compréhension du texte mais qui, au contraire peut-être égarent un peu plus le lecteur à moins qu'ils ne servent qu'à insister sur l'absence de France. Même une rapide passade entre lui et Catherine, sa voisine, n'atteint pas cet objectif et complique encore plus ce récit.
C'est en fait un roman dans lequel, comme souvent, il ne se passe rien si ce n'est dans la tête du narrateur, avec en prime l'attente, la solitude, l’obsédante abandon d'une compagne dont l'homme qui en est la victime a beaucoup de mal à se remettre. Le fantasme qu'il ressent pour d'autres femmes comme Catherine n'est là que pour souligner, en contre-champ, l'absence obsédante de France mais aussi la fuite de Laure. Lui-même n'est rien, un simple salarié sans importance, sans beaucoup d'amis et probablement sans vie sociale, pas grand chose dans ce monde où il est un peu perdu au point que le lecteur ne serait pas étonné qu’au détour d'une page, il le trouvât sombrant dans la folie ou simplement ayant attenté à sa vie. Pourtant, il se mêle un peu de tout et surtout de ce qui ne le regarde pas, pour se prouver sans doute qu'il existe, surtout après l'abandon de Laure. C'est que, dans ce roman comme dans bien d'autres que j'ai lus d'Oster, il y a quelque chose de déprimant, de surréaliste, une ambiance qui ressemble à un malaise même, ce qui, à force, devient communicatif et même un peu lassant.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
-
UNE FEMME DE MENAGE
- Par hervegautier
- Le 19/08/2014
- Dans Christian Oster
- 1 commentaire
N°789 – Août 2014.
UNE FEMME DE MENAGE - Christian Oster- Les éditions de Minuit. (2001)
J'ai toujours été étonné par les décisions apparemment anodines que l'on prend et qui, bien longtemps après, quand on y repense, se révèlent bénéfiques ou catastrophiques pour le cours de notre vie.
Depuis six mois que Constance l'a quitté, Jacques, un quadragénaire un peu solitaire, a attendu qu'elle revienne, mais en vain. En fait c'est un homme ordinaire que le départ de cette compagne laisse complètement démuni et perdu, seul. Puisqu’il a laissé la poussière s'accumuler sur les meubles pendant tout ce temps, il lui faut donc une femme de ménage qu'il a embauchée sur une petite annonce croisée dans une pharmacie. Laura vient donc chez lui pour nettoyer son appartement comme leur accord non écrit le prévoyait, le travail au noir étant de règle. Avoir une femme étrangère chez lui, surtout pour s'occuper du ménage est une chose nouvelle pour lui et la propreté elle-même, autant que la manière dont elle l'obtient, deviennent une sorte d'obsession d'autant que maintenant il la paye pour cela. Il ne faut cependant pas longtemps à cet homme fragile pour être troublé par la présence de Laura au point qu'il est devant elle comme un adolescent boutonneux incapable de lui adresser la parole, entre prévenance et gaucherie jusqu’au jour où l'amant de Laura décide de la mettre à la porte. C’est donc tout naturellement qu'elle demande à Jacques de l'héberger... et qu'il accepte. Laura est de plus en plus attachante avec, en toile de fond, Constance qui se manifeste à nouveau et Claire toujours aussi fantomatique. Leur liaison un peu chaotique devient peu à peu une émouvante, lente et intime vie commune, avec entre eux, de plus en plus l'ombre portée du mariage...
L'auteur renoue dans ce roman avec son obsession des femmes, du quotidien, du hasard, de la solitude qui pèsent sur nos vies.
Je découvre petit à petit l’œuvre de Christian Oster et je dois dire que jusqu'à présent avec lui je suis passé de l’attention à l'ennui. Là au moins j'ai apprécié l'humour, l'écriture à la fois précise et délicieusement ratiocinante, rehaussée par l’emploi d'imparfaits du subjonctif pas du tout suranné à mes yeux. C'est vrai qu'au départ, j'ai été séduit par cette histoire qui mettait en présence un quadragénaire, un peu secoué par une récente séparation et une jeune femme qui manifestement savait ce qu'elle voulait et n'avait aucun mal à l'obtenir. Cette situation n'a d’ailleurs rien d’exceptionnel dans la vraie vie mais mérite bien cette mise en scène romanesque. Le caractère des deux protagonistes est bien marqué et le jeu sur la différence d'âge bien mené à travers les hésitations de Jacques et les décisions de Laura. Puis, au fil des pages, l'intérêt de cette mise en perspective du couple ainsi formé a diminué, s'est essoufflé et l'épilogue m'a paru artificiel, même s'il est logique. Je ne sais pas pourquoi mais je m'attendais à autre chose. Un peu déçu donc !
Ce roman a été adapté à l'écran par Claude Berri en 2002.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
-
MON GRAND APPARTEMENT
- Par hervegautier
- Le 14/08/2014
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
N°786 – Août 2014.
MON GRAND APPARTEMENT - Christian Oster- Les éditions de Minuit.
En fait, c'est l'histoire un peu folle d'un homme qui possède un grand appartement dont il a perdu les clés, que son amie vient de quitter, qui donne rendrez-vous à la piscine à une autre qui ne vient pas mais qui en rencontre une troisième, enceinte, qu'il ne connaît pas mais il décide qu'il sera le père de cet enfant ! Luc Gavarine est un chômeur un peu paumé et qui ressent un grand vide dans son existence. Cet échec sentimental lui rappelle sa vie amoureuse un peu désordonnée, pleine de désillusions et ravive son côté dépressif qu'il combat en livrant au lecteur ses pensées même si celles-ci sont un peu brouillonnes et sans grande cohérence. En fait, il recherche une raison de vivre autrement qu'en égoïste et Flore se trouve là, alors pourquoi pas ? Pourtant elle ne l'aime pas mais a besoin du soutien qu'il lui offre et il accepte cette rencontre faite par hasard, se laisse porter par les événements. Il attendait Marge, une ancienne conquête, à la piscine et c'est Flore qui se présente, enceinte et c'est sans doute parce qu'elle est seule, il lui propose de vivre avec elle, oui mais voilà, il a perdu les clés de son appartement, cela devient compliqué. Pourtant il l'accompagne pour son accouchement et joue auprès de Maude, l'enfant, le rôle du père. Un drôle de père cependant qui n'a rencontré Flore que l'avant-veille, qui prend en charge un peu au hasard un enfant qui n'est pas le sien simplement parce qu'il a de l'amour à donner. Pourtant il est triste, un peu désaxé, a du mal à s'exprimer.
Je n'aime pas faire de parallèles mais cela m'évoque un peu Modiano, une sorte d'errance, de passivité mais en moins bien écrit quand même, avec une ambiance différente, une musique nostalgique mais moins harmonieuse cependant. En effet des centaines de phrases soit pour ne rien dire ou faire partager sa technique de drague, soit pour indiquer ses états d'âme sur les femmes qui le quittent, sa façon de nager, ses difficultés pour se rhabiller, tout cela a tissé un univers dans lequel j'ai eu du mal à entrer et à la fin cela est devenu un peu lassant. Les dialogues minimalistes contrastent avec les nombreuses ratiocinations de Luc autour de sa solitude et de l’avenir qu'il entrevoit avec Flore et Maude, cette enfant dont évidemment il n'est pas père. Pourtant il prend la place de ce dernier, sans raison apparente autre que son manque d'amour et que sa solitude, alors qu'on ne lui a rien demandé. Il est même accepté par Jean, le frère de Flore, quasiment comme quelqu'un de la famille. C'est un peu comme s'il s'était, tout d'un coup, trouvé un rôle à jouer dans un monde où il n'était rien [« J'ai besoin d’une place, d'une petite place sur cette terre, jusque de quoi tendre les bras »]. Pire peut-être il y croit complètement [« Cet enfant, j'en étais... le père depuis longtemps et depuis longtemps sa mère était ma femme. Je les attendais, ils étaient là »] et finalement on peut penser qu'il y restera. Quant à son appartement c'est peu dire qu'il passe au second plan. On en parle même plus !
Le style est fait de phrases courtes, l'intrigue a l'air de patauger un peu et l'ensemble se lit assez facilement. J'ai trouvé ce livre plutôt triste. Lors de mes précédentes lectures, je m'étais un peu vite enthousiasmé pour cet auteur, je change un peu d'avis avec ce roman.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
-
L'IMPREVU
- Par hervegautier
- Le 09/08/2014
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
N°782 – Août 2014.
L'IMPREVU - Christian Oster – Les Éditions de Minuit.(2005)
D'après le dictionnaire, l'imprévu c'est ce qui arrive quand on ne s'y attend pas. Dans cette histoire, d'ailleurs un peu compliquée c'est bien le cas. Le narrateur qui n'a pas de nom, mais qui se fait appelé Serge au cours du récit, doit aller à l’anniversaire de Philippe dans l' île de bretonne de Braz. Avec lui il emmène Laure dont il est follement amoureux. La particularité du narrateur c'est qu'il est perpétuellement enrhumé et que ses compagnes successives attrapent son rhume et quand elles guérissent, elles le quittent.
Au cours du voyage en voiture, ils s'arrêtent dans un hôtel en pleine campagne, Laure tombe malade, et finalement lui demande de se rendre chez Philippe, seul et par ses propres moyens puisqu'elle garde le véhicule. C'est le premier imprévu mais pas le seul et il obtempère. L’auto-stop l'amène dans une famille, les Traversière, où il est invité à l'anniversaire du mari. Lors de cette soirée, il rencontre des gens, des femmes en particulier à qui il est particulièrement attentif. Pourtant, depuis le début de ce récit, le narrateur ment et il continue quand il rencontre au cours de cette même soirée, Florence, une femme qui va elle-aussi dans l'île de Braz. On se rend bien compte que, de son côté Laure l'a quitté, guérie sans doute.
Contrairement à ce qu'on pouvait penser, il ne se passe rien entre lui et Florence, mais c'est aussi une manière d'imprévu mais en cette matière le lecteur n'est pas au bout de ses surprises.
Le récit fourmille de détails dont l'accumulation n'apporte rien à la compréhension et même à l'intérêt. C'est une sorte de tranche de la vie du narrateur où se dernier passe son temps à rechercher une femme à aimer et quand il l'a trouvée il la fuit soit parce qu'il ne se sent pas à la hauteur, soit parce qu'il a peur soit peut-être parce qu'il veut passer à autre chose, une sorte d'impossibilité de se fixer sans doute ? L’épilogue est étonnant et vraiment inattendu. Certes, cela analyse finement les états d'âme mais quand même, je me suis un peu ennuyé.
Je ne suis pas un spécialiste de l 'œuvre de Christian Oster que je découvre petit à petit (La Feuille Volante n° 779, 780, 781), mais je crois avoir lu bien mieux.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
-
LOIN D'ODILE
- Par hervegautier
- Le 08/08/2014
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
N°781 – Août 2014.
LOIN D'ODILE - Christian Oster – Les Éditions de Minuit.(1998)
J'avoue que j'aime assez les auteurs qui, dans un roman, m'interpellent dès la première ligne. Là, ça a été le cas, jugez plutôt « Exagérons. Disons qu'il fut un temps, pas si éloigné du reste, où je vivais avec une mouche ». Voilà, me suis-je dit, qui menace d'être intéressant ou à tout le moins original !
En effet, en plein mois de novembre, une mouche s’introduit dans l’appartement parisien du narrateur, ce dernier, Lucien, 45 ans semble ne rien avoir à faire d'autre que de rédiger son journal intime. Il l'y fait donc figurer tout en cherchant à la chasser, car, c'est bien connu, rien n'est plus agaçant qu'une mouche. Puis il se reprend et après l'avoir un peu étourdie choisit de partager son espace avec elle. Jusque là, ça va. Mais nous sommes dans un roman d'Oster et, bien que je n'ai pas vraiment exploré tout son univers, je n'ai pas l'impression qu'il accorde beaucoup d'importance aux diptères. Quoique ? Effectivement, cet homme solitaire qui confie à la feuille blanche ses états d’âme, fait rapidement mention d'une femme, Odile, qui a un temps partagé sa vie mais cela fait trois ans déjà qu'ils se sont quittés. Il nous narre par le menu le détail de leur rencontre, dans une soirée, un peu par hasard. Il ne savait pas trop s'il l'aimait, a fini sans doute par s'habituer à sa présence, mais ce ne fut pas un « coup de foudre ». C'est vrai que cette femme était fascinante, c'est en tout cas lui qui le dit mais on sent bien aussi que la solitude lui pesait et que cette rencontre a été la bienvenue. Pourtant leurs relations se révèlent à la fois ardentes et sans lendemain et c'est bizarrement lui qui choisit de les rompre, un peu comme s'il avait peur de l'avenir avec une femme et que la solitude était son véritable lot. Odile accepte sa décision avec regret quand même et cet acceptation un peu inattendue introduit en lui une sorte de fatalisme. Il note « Je crus alors réellement que j'allais mourir, puisque aussi bien le vide qui se creusait parut prendre toute la place que j'occupais jusqu'alors pour donner quelque forme à la vie que j'imaginais de vivre et révéler, derrière la fiction de mon être, la tranquille et blanche vérité de sa fin » . Il compense par l'écriture de ce journal ce qui est un moyen efficace de sublimer les épreuves les plus intimes. Puis il rencontre André, un ami de 21 ans son cadet qui lui présente sa compagne, Jeanne, dont il tombe évidemment amoureux. Du coup, depuis qu'il a rencontré Jeanne, ses rapport avec la mouche changent. Il se met à l’invectiver dans son journal et lui donne le nom d'Odile, celui de la femme qui, dit-il, avait précipité son destin! Il est amené à l'abandonner dans son appartement en souhaitant qu'à son retour elle serait simplement morte puisque ses amis le convient à une séjour d'une semaine aux sports d'hiver, ce qu'il accepte. Pendant cette période le couple se déchire mais se réunit, le laissant seul à la montagne. Il rencontre une autre femme Meije, dont il tombe amoureux...
La vie de Lucien est oisive mais encombrée de femmes qu'il aime, laisse partir ou ne peut toucher par timidité, par peur ou par volonté de ne pas s'engager. Cette histoire où finalement il ne se passe pas grand chose, surtout à propos de cette mouche, est une tranche de vie d'un homme ordinaire, frustré sans doute, qui fantasme beaucoup à propos des femmes. Il m'apparaît que les héros d'Oster sont ainsi. Ce n'est pas que cela m'ennuie, au contraire puisque finalement je m'y retrouve un peu et, au fond, je ne dois pas être le seul. Lucien est un homme qui aime les jolies femmes, ce qui prouve son goût, mais il se révèle incapable de les retenir. Il séduira peut-être Meije comme il a séduit Jeanne mais surtout elle ne restera pas avec lui soit parce qu'elle préféra son ami, soit parce que Lucien finira par se séparer d'elle comme il l'a fait avec Odile. En réalité, c'est un homme à qui le bonheur conjugal et peut-être le bonheur en général est tout simplement interdit. Il est sûrement séduisant, la femme qui est dans son lit est « belle comme la femme d'un autre » mais il ne s'y attachera pas et se retrouvera irrémédiablement seul face à la page blanche de son journal à laquelle il pourra confesser ses déboires. Je suis donc personnellement reconnaissant à l'auteur de ces romans intimistes d'être en phase avec la réalité, même si elle est un peu triste.
Le style est agréable, la phrase est, il est vrai est un peu longue parfois, mais l'émailler d’imparfaits du subjonctif ne me gêne guère, au contraire, cela lui donne un petit côté suranné qui me plaît bien.
La quatrième de couverture présente ce roman comme irrésistible et drôle. Je ne suis pas de cet avis et je dois dire que je n'ai pas beaucoup ri, peut-être au contraire. J'y ai trouvé quelque chose qui ressemble à la vraie vie et j'ai apprécié.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
-
LES RENDEZ-VOUS
- Par hervegautier
- Le 06/08/2014
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
N°780 – Août 2014.
LES RENDEZ-VOUS - Christian Oster – Les Éditions de Minuit.
Francis, le narrateur, donne à Clémence des rendez-vous dans un café sans l'en avertir... On comprend bien que dans ces conditions elle n'y vient pas. C'est qu'elle a fait partie de sa vie, mais depuis trois mois elle en est absente. Du coup, il se donne rendez-vous à lui-même, chez lui, mais l'autre lui-même qu'il a convié n'est pas là. Ainsi dîne-t-il seul et s’abandonne au sommeil puisqu'il est livré à lui-même et que tout le monde s'en fout ! Pourtant, il poursuit ses rendez-vous fictifs, un peu comme si toute sa journée se résumait à ces instants qui dès lors sont synonymes d'absence, de déception, de désespoir. Sa nouvelle vie articulée autour de ces fantasmatiques rendez-vous le coupe de la plupart de ses amis mais il convie quand même l'un d'eux, Simon, dont l'épouse, Audrey, vient de le quitter il y a trois jours lui laissant leurs deux enfants. Du coup ils sont deux à attendre leur femme et Francis part du principe que si Audrey peut revenir, il n'y a pas de raison pour que Clémence n'en fasse pas autant. Pour le soutenir dans son épreuve, Francis décide d'attendre lui aussi Audrey qui se manifeste d'ailleurs auprès de lui ce qui lui fait oublier ses problèmes personnels. Voila donc le lecteur devenu le témoin de deux chaos amoureux comme les affectionne Oster. Au vrai il n'y a rien d’extraordinaire, c'est plutôt deux drames minuscules avec une femme au centre de chacun d'eux. En fait Francis est comme les héros des romans d'Oster, un homme en manque d'amour et, malgré lui, grâce au hasard et un peu aussi à son ami, son destin va changer. Pourtant il ne s'attend pas du tout à ce qui va lui tomber dessus mais pour lui qui est toujours amoureux de Clémence et qui l'attend c'est assez étonnant et il y a de quoi être surpris. C'est un homme ordinaire, timide, sans relief et sans originalité, à qui il n'arrive rien d'habitude et le départ de sa femme est un événement qu'il a du mal à surmonter. On a beau se dire que cela peut arriver à tout le monde mais s'il est bien obligé de croire à l'absence de Clémence et ce qui lui arrive par ailleurs le bouleverse, le gêne, l'amène à se poser des questions, lui occasionne des états d'âme. L'instant de stupeur passé, il s'habitue, d'ailleurs très vite, se coule dans son nouveau rôle qui lui ouvre des horizons.
Le style est toujours le même, ce qui n’est pas forcément désagréable, le monologue accentue au début la sensation de solitude du narrateur et donne même une impression un peu labyrinthique, les situations ont un petit parfum de surréalisme (présence d'une panthère dans la salon de Simon qui est gardien d'un zoo), sont même un peu absurdes mais c'est là l'univers d'Oster. Dans la deuxième partie du roman les dialogues inverse cette sensation de solitude du début.
Je découvre l’œuvre de Christian Oster mais j'avoue que j'ai été un peu surpris par l'ambiance de cette histoire. Elle a beau vouloir être originale et l'est peut-être mais j'ai quand même été un peu déçu.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
-
DANS LE TRAIN
- Par hervegautier
- Le 06/08/2014
- Dans Christian Oster
- 0 commentaire
N°779 – Août 2014.
DANS LE TRAIN - Christian Oster – Les Éditions de Minuit.
Les gares ont toujours été un lieu de rencontre privilégié. Quoi de plus étonnant qu'un homme y croise une femme et c'est peut-être le début d'une aventure amoureuse. Naturellement l'homme lui propose de porter son bagage, un sac plein de livres. Comme c'est un habitué des lieux et que cette femme lui plaît, il tente sa chance et l'accompagne dans le train et descend à la même station qu'elle, lui porte son sac jusque sur le quai. En principe quelqu'un l'attend dans cette ville et par curiosité, par envie ou par amour, il décide de la suivre de loin, prend un chambre à l'hôtel des voyageurs tout proche parce qu'il pense qu'elle y est descendue. Tel est le point de départ de cette histoire où cet homme, Franck, qui donne l’impression au début de savoir ce qu'il veut, est entreprenant et même carrément dragueur, pire peut-être, séducteur, puis au fil des pages devient hésitant, timide, maladroit. C'est le genre d'hommes à suivre de loin les femmes dans la rue mais sans les aborder sans leur adresser la parole. Finalement il a peur des femmes et se révèle être le jouet de cette Anne qui fait de lui ce qu'elle veut. Il en souffre mais aime cette souffrance puisque c'est elle qui la lui inflige. Il ne réagit guère et ne cherche même pas à profiter d'une situation qu'il a pourtant cherchée et dans laquelle maintenant il ne joue plus aucun rôle, ou si peu. Il se dit qu'il l'aime mais cet amour est platonique, idéalisé, intellectualisé, irréel même. Il subit cette crainte des femmes et quand il veut faire montre d'audace, cette dernière tombe à plat simplement parce qu'il ne va pas au bout de sa volonté. Finalement il est pathétique d'hésitations, il réfléchit, il ratiocine même et son embarras est maladif face à Anne qui se joue de lui et joue avec ses scrupules. Il est tellement fasciné par elle qu'il lui eût écrit des poèmes s'il avait su le faire mais elle lui aurait sans doute montré beaucoup d'indifférence.
Petit à petit il devient son ange-gardien, sa mascotte, un remplaçant mais si elle fait l’amour avec un homme dans cet hôtel, ce n’est pas avec lui. On a du mal à cerner cette femme, est-elle une allumeuse, une intellectuelle frigide, une hypocrite, une jouisseuse qui recherche l'extase dans les bras de n'importe qui et qui joue avec ce pauvre Franck ? Peut-être, mais lui, amoureux transi, ne peut que lui obéir et quand son tour vient de bénéficier de ses faveurs, il est aux anges. Dès lors son imagination est sans borne. Il veut l'aider , se sentir responsable d'elle et choisit de voir dans chacun des gestes qu'elle fait, même plus anodin, une confirmation de cette impression qui peu à peu s'installe dans son esprit et devient une certitude. C'est le signe de quelqu’un qui a longtemps attendu le grand amour, qui se persuade qu’il l'a enfin trouvé et qui fera tout pour le garder.
Il m'apparaît comme un grand sentimental qui idéalise les femmes parce qu'il en a peur et qui est parfaitement capable de tomber amoureux de chacun d'elles ; il est de ceux qui font rimer amour avec toujours et qui veulent surtout y croire, de ceux qui n'oublient jamais le nom de leurs conquêtes féminines simplement parce qu’elles ne sont pas si nombreuses. Pourtant, même s'il est sympathique, ce Franck, j'ai à son sujet un sentiment bizarre. Je pense que tout cela est bel et bon mais n'est finalement qu'une passade de plus pour Anne et que lui sera rapidement déçu parce qu'elle et lui n'ont pas la même approche et que ce qui est une belle histoire durable pour lui ne sera qu'une toquade de plus pour elle. Mais après tout il est peut-être bien qu'on lui laisse ses illusions !
Le texte est écrit à la première personne ce qui donne un monologue assez impersonnel. L'écriture d'Oster est descriptive, accordant une grande place aux détails du quotidien, donne à voir des scènes assez statiques avec une technique un peu bizarre marquée par une absence de dialogues directs mais qui sont rendus d'une manière indirecte. C'est orignal, pas forcément désagréable à lire, peut-être un peu moins fluide qu'un échange classique de paroles même si ce n'est pas sans instiller une certaine froideur dans le texte. D'aucuns pourront même y voir la marque d'une pudeur. Quand les dialogues reprennent leur place, ils le font une manière un peu gauche comme si tout cela n'était qu'un jeu sur la phrase et sur la langue pour donner une impression de malaise, d'inquiétude.
J'ai pris ce livre au hasard sur les rayonnages d'une bibliothèque. Je ne regrette pas.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com