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la feuille volante

Drago Jancar

  • Et l'amour aussi a besoin de repos

    La Feuille Volante n° 1235

    Et l'amour aussi a besoin de repos – Drago Jančar – Phébus.

    Traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye.

     

    Tout commence par une carte postale de Maribor, une ville de Slovénie, pendant la Deuxième Guerre mondiale et la rencontre d'une jeune fille Sonja et Ludwig qu'elle a connu quelques années auparavant et qui est devenu officier SS. Elle compte sur lui pour faire libérer Valentin, son petit ami, qui a été arrêté en état d'ivresse par les Allemands à la suite d'une maladresse. Cette ville, près de la frontière autrichienne compte beaucoup pour l'occupant et Ludwig fait libérer Valentin qu'il espère ainsi utiliser pour infiltrer les réseaux de résistance. Malheureusement pour lui Valentin lui échappe et va rejoindre les partisans qui le connaissent et Sonja sera déportée à Ravensbrück. C'est donc l'histoire de trois jeunes gens que la guerre réunit et sépare. La mort rôde partout mais pourtant chacun d'eux survivra à cette guerre mais pas exactement de la manière qu'il imaginait. Le hasard se joue de leur vie qui n'est pas grand chose en ces temps troublés comme c'est le cas pour chacun d'entre nous. La chance en servira certains et en oubliera d'autres mais ils survivront aux hostilités et aux règlements de compte de l'épuration. C'est aussi un rapport de forces entre eux. Valentin a été arrêté par la Gestapo, mais est libéré par Ludwig qui souhaite grâce à lui infiltrer les réseaux de résistants qu'il rejoint cependant. Chez les partisans, on le soupçonne d'être un infiltré parce qu'on ne sort jamais vivant des prisons de la Gestapo, mais il devra imposé sa bonne foi et pour cela changer sa perception du monde. A cette occasion il ira à la rencontre de l'incompréhension, de l'absurde qui tuent aussi sûrement que l'ennemi en temps de guerre. Dans cet univers hostile ou la mort lui fait peur, la sienne probable et celle qu'il donne sur ordre ou pour continuer à vivre, lui est obligé d'obéir aveuglément, lui qui n'a pas été préparé à se battre. Il apprend à résister à la fois aux tortures des nazis et à la crainte d'être tué par les partisans qui doutent de lui. De son côté Ludwig, solitaire mais puissant, peut disposer de la mort et de la vie des gens, tant que le succès des armes est de son coté. Il cherche à séduire Sonja en contrepartie de cette libération mais la jeune fille est partagée entre sa volonté de sauver son ami et celle de ne pas le trahir. Après son arrestation, les camps brisent sa vie définitivement. Puis la victoire change de camp et Ludwig devient un fuyard traqué.

    L'accent est mis sur la trahison qui est caractérise bien souvent l'espèce humaine à laquelle nous appartenons tous, trahisons pour survivre, par peur, pour obtenir des prébendes, des avantages, de l'argent, pour se donner de l'importance ou pour le plaisir de porter préjudice et ce genre d'époque les favorise. Dans cette aventure Valentin n'a pour boussole que le souvenir de Sonja dont il ne sait plus ce qu'elle est devenue. L'unique photo où ils sont représentés ensemble, celle « d'un couple heureux » comme leur a dit le photographe de rue qui l'a prise, la photo d'une histoire d'amour, a été perdue par Valentin et petit à petit Sonja devient pour lui cette amie irréelle à qui il a jadis écrit des poèmes et qu'il recherche à travers d'autres femmes. Il l'oubliera comme il oubliera ses serments d'amour pour le jeune fille parce sa vie l'aura entraîné ailleurs et que les choses sont ainsi. L'amour qui existait entre eux n'aura plus sa place dans aucune de leur vie et le temps passera pour chacun, avec les regrets et la mélancolie, puis l'oubli effacera tout. Comme à la suite de chaque guerre, la violence fait suite à la violence et la vengeance et la haine inspirent les hommes qui donnent ainsi libre court à leurs instincts destructeurs qui caractérisent bien souvent la condition humaine.

    Ce roman douloureux a un goût de gâchis, comme bien souvent dans nos vies et ce malgré des moments de poésie.

    Je ne connaissais pas cet auteur et je remercie Babelio et les éditions Phébus de m'avoir permis de le découvrir.

     

    © Hervé GAUTIER – Avril 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]