Stefano Massini
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7 minutes
- Par hervegautier
- Le 10/10/2022
- Dans Stefano Massini
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N°1680 – Octobre 2022
7 minutes – Comité d’usine – Stefano Massini – Éditions l’Arche
Traduit de l’italien par Pietro Puzziti.
L’histoire est simple et même banale tant de nos jours le monde du travail est souvent bousculé par ce genre d’injustices. Jugez plutôt. Les nouveaux actionnaires de l’usine textile Picard et Roche « restructurent » suivant un mot à la mode, ce qui signifie pour les deux cents ouvrières une plus grande productivité avec une augmentation du temps de travail, évidemment sans aucun gain salarial, condition « sine qua non » pour échapper au plan social, c’est à dire au licenciement. Chantage ordinaire et malheureusement trop fréquent ! Pour se faire la direction envisage de réduire la pause déjeuner, déjà fixée à 15 minutes, a seulement 7 minutes ! Les délégués du personnel s’y opposent mais, y a-t-il une autre solution pour ces femmes qui ont ici leur vie et leur famille et qui souhaitent surtout garder leur travail ? Une déléguée du personnelle parviendra-t-elle à faire admettre à ses collègues de travail la réalité illusoire de ce marché ? Cela peut paraître extravagant mais cet épisode est bel et bien tiré d’un fait réel et Stefano Massini s’en est inspiré pour créer cette courte pièce de théâtre, adaptée au cinéma par Michele Placido en 2016 et diffusé en France en 2017.
Je n’aime pas beaucoup faire des comparaisons entre créateurs, mais il y a du Ken Loach dans la démarche de Massini qui choisit comme ici de faire revivre pour nous un fait oublié du quotidien. Il l’a déjà fait sous la forme de l’écriture classique (« Le laidies football club ») comme il le fait aussi dans le cadre de « La Reppublica » et plus exactement dans sa chronique «L’ufficio raconti smarriti » (bureau des récits perdus) diffusée également sur internet.
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Le laidies football club
- Par hervegautier
- Le 07/10/2022
- Dans Stefano Massini
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N°1679 – Octobre 2022
Le laidies football club – Stefano Massini – Éditions Globe
Prix Médicis essai – 2018
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer.
Nous sommes en Angleterre en avril 1917 dans une usine de munitions et, à la pause-déjeuner une ouvrière se mit, délaissant son sandwich et Dieu sait pourquoi, à taper dans quelque chose de qui ressemblait à un ballon... et ses dix collègues de travail d’en faire autant. Le football féminin était né, mais officieusement seulement. Ce sport existait déjà, mais pour les hommes uniquement, mais là ils étaient tous à la guerre. Sauf que cette sphère dans laquelle ces onze femmes tapaient n’était rien d’autre qu’un prototype de bombe légère destinée à évaluer la trajectoire des projectiles meurtriers prévus pour exterminer l’ennemi. Par chance il n’explosa pas et résista même pendant une demi-heure et même les jours suivants aux coups de pied de ces dames. Elles étaient toutes filles, épouses et mères, dans la trentaine, et rapidement elles s’érigèrent en équipe, avec maillot, capitaine et nom, le » Ladies Football Club » était né, une véritable révolution qui ne fut pas du goût des supporters masculins. Cette année 1917 était vraiment celle des révolutions, l’entrée en guerre des USA, la création d’une nouvelle Russie et maintenant les Anglaises qui se mettaient à jouer au foot ! Il leur fallu pas mal de patience et d’insistances puisque les mâles, maris, pères, frères et patrons, considéraient ce sport comme essentiellement masculin… et il convenait qu’il le reste.
Certes il y avait la guerre et les femmes prenaient par obligation la place des hommes dans les usines, mais il ne fallait surtout pas que cette petite entorse dans les prérogatives masculines dégénère. Après tout, à l’époque, la place traditionnelle des femmes était au foyer, à faire des enfants et à les élever. Alors le sport, pensez donc ! Pourtant, à force de persévérance, les portes des stades ont fini par s’ouvrir pour elles et les matchs n’ont pas toujours été nuls et faciles, bien au contraire mais le public les adopta malgré les oppositions masculines et les critiques journalistiques. Stefano Massini en profite même pour brosser les portraits hauts en couleurs de ces onze femmes qui changèrent les mentalités, firent naître des vocations chez les petites filles et furent même copiées d’une manière assez inattendue et pas vraiment sportive parfois. Pourtant, de retour des champs de bataille, les hommes ont su faire entendre leur voix et récupérer leurs attributions sportives et ce football féminin fut interdit légalement. Il fallu attendre longtemps pour que cela change en Angleterre et ce n’est que ces dernières années que, en France, les femmes ont conquis leur place dans le football et en général dans le sport traditionnellement réservé aux hommes. C’est en tout cas une des marques de luttes pour la liberté de nos compagnes, ce qui est une très bonne chose, même si, dans ce sport, les femmes qui le pratiquent sont loin de gagner autant d’argent que les hommes.
C’est une plaisante histoire que l’auteur nous raconte ici, Il le fait avec un humour subtil et de bon aloi et, chose particulière, en vers. Ce sont certes des vers libres qui sont ici traduits (je ne connais pas les règles de la prosodie italienne) et il a également emprunté ce mode d’expression dans d’autres œuvres notamment « Les frères Lehman ». C’est là sa « marque de fabrique » et c’est original. C’est une écriture légère et donc facile à lire. Alors pourquoi s’en priver !
On peut se demander si l’auteur est spécialiste des faits historiques oubliés. J’aime beaucoup la langue italienne et j’ai l’habitude de me connecter sur le site de « La Reppublica » et spécialement sur celui de «L’ufficio raconti smariti » (bureau des récits perdus)... de Stefano Massini qui nous raconte en quelques mots des faits historiques oubliés et ainsi nous rafraîchit la mémoire, un peu comme dans ce livre. Ce n’est pas vraiment un roman, mais c’est un régal !