Jean-Christophe Portes
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L'assassin de Septembre
- Par hervegautier
- Le 19/04/2021
- Dans Jean-Christophe Portes
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N° 1541 – Avril 2021.
L’assassin de Septembre – Jean-Christophe Portes. City Éditions.
Nous sommes en septembre 1792, Danton, ministre de la justice, est l’homme fort du moment et les Prussiens sont déjà entrés sur le territoire français, se rapprochent de Paris pour mettre un terme à cette révolution et remettre Louis XVI sur le trône. En face d’eux, l’armée révolutionnaire mal formée, mal commandée, indisciplinée, mal préparée à un long conflit, peine à contenir cette avancée ennemie. Seule une ville résiste, Verdun (déjà). Le lieutenant de gendarmerie Victor Dauterive, toujours accompagné de son fidèle Joseph, un pauvre orphelin qu’il a tiré de la rue, qui est son valet-espion et dont il s’occupe comme un père et qui, malgré son peu d’éducation, a parfois des réflexions d’adulte, pénètre à grand peine dans la ville. L’officier est chargé par Danton d‘un message à l’intention du commandant de la garnison lui enjoignant de résister à l’envahisseur dans l’attente de renforts. Pourtant des rumeurs de reddition courent à travers la ville infestée d’espions. Cette mission ne sera pas la seule que « le tribun du Peuple » va lui confier.
Dans Paris l’ambiance est au complot et on voit des suspects partout. L’ancienne justice royale à été remplacée par des juges autoproclamés et cruels, qui emprisonnent et condamnent à tout de bras. La ville est à feu et à sang, c’est le « Terreur » et, comme c’est souvent le cas dans ces périodes troublées, entre l’ancien monde de la royauté et cette République qui naît dans le chaos, les arrivistes et les assassins et les opportunistes corrompus pullulent, la délation, la trahison, le meurtre et l’espionnage sont quotidiens. Victor est un aristocrate qui, comme il s’en est trouvé à cette époque, a embrassé la Révolution et son idéal de liberté et d’égalité. Pour cela il a renié sa famille jusqu’à modifier son nom pour en cacher la noblesse, devenant ainsi un Patriote, un combattant. Il est cependant t bien obligé de prendre conscience que cette période troublée est entachée d’exactions et d’anarchie qui sont bien loin de l’esprit des « Lumières » qui a présidé à ce changement salutaire de société. Il s’interroge sur la mort qui frappe nombre de ses amis mais l’épargne, illustrant l’idée un peu oubliée que nous ne sommes que les usufruitiers de notre propre vie qui peut nous être enlevée sans préavis. Certes il croise de grandes figures que l’histoire a retenu, mais surtout il est seul (à l’exception de son cher Joseph). Il y a bien Olympe de Gouge, cette femme héroïque et visionnaire que la Révolution sacrifiera, mais elle est davantage sa conscience, son refuge que sa véritable compagne. Elle lui ouvre les yeux et l’accompagne dans ses luttes et ses enquêtes, préfigurant le rôle futur des femmes dans la société et annonce l’importance qu’elles auront, plus tard, face au pouvoir des hommes. Pour autant Victor n’est pas insensible à la beauté des femmes.
Cette période est restée dans l’Histoire sous le nom peu glorieux de « massacres de septembre » où les « sans-culottes » et autres révolutionnaires massacrèrent les prêtres réfractaires et les royalistes emprisonnés, sans doute à cause de la crainte d’un complot des aristocrates et sans doute par peur de l’armée autrichienne et prussienne qui vient d’entrer en France et menace la capitale. Ce roman est basé sur un de ces crimes rendu un peu mystérieux par les circonstances et Victor s’y trouve mêlé. Cette enquête, ainsi d’ailleurs que d’autres, donnent à ce roman historique sa dimension policière. A la frontière, la victoire de Valmy, tout énigmatique qu’elle soit, sonne comme le triomphe de la République.
Certes cette période troublée semble être du goût de notre auteur qui en restitue l’ambiance malsaine mais aussi palpitante. En tout cas il ballade son lecteur dans ce vieux Paris désormais oublié. On y rencontre une multitude de personnages qu’une liste, en tête de volume, aide heureusement le lecteur à s’y retrouver. Jean Christophe Portes évoque certes le carnage de cette époque mais aussi un Paris populaire loin des palais et des hôtels particuliers, avec ses bruits de rue, les cris des petits métiers, le rire des femmes, les auberges qui offre au lieutenant de quoi améliorer son ordinaire parfois bien maigre. A titre personnel je continue de suivre l’auteur dans son exploration de cette période de notre histoire qui me passionne. J’ai toujours plaisir à retrouver sa belle écriture bien documentée (avec de nombreux détails précis notamment d’ordre vestimentaire et culinaire), son style attachant d’une lecture aisée, avec même des moments poétiques et des descriptions bucoliques. Il s’approprie l’histoire qui fait partie intégrante de notre culture et y mêle de la fiction tout en indiquant, en fin d’ouvrage pour son lecteur, à la fois ses sources et les chemins de son imagination, cette période troublée donnant par ailleurs lieu à moult interprétations.
Le lire est toujours pour moi un moment d’exception.
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La trahison des Jacobins
- Par hervegautier
- Le 26/10/2019
- Dans Jean-Christophe Portes
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La Feuille Volante n° 1404– Octobre 2019.
LA TRAHISON DES JACOBINS - Jean-Christophe Portes - City Éditions.
Cet été 1792 est étouffant mais aussi et surtout bouleversant pour le lieutenant de gendarmerie Victor Dauterive qui apprend la disparition et peut-être la mort de Joseph, son petit serviteur orphelin qu'il espérait adopter et éduquer. Il n'a pu voir le corps et des rumeurs courent sur le trafic d'enfants qui serviraient à la prostitution. Il va donc s'employer à le retrouver. D'autre part, le député Charpier, un Jacobin, va le charger d'élucider la mort étrange d'un policier qui s'intéressait à un juge corrompu, Dossonville, proche de Danton et probablement actif dans le trafic des assignats en vue de détruire financièrement la Révolution. Victor qui le soupçonne d'être responsable de la mort de Joseph accepte donc d'autant plus facilement cette mission. Pour cela, il sait qu'il devra prendre ses distances et éventuellement trahir La Fayette à qui pourtant il doit tout. Mais cette époque est celle des trahisons, celle du roi qui a fui à Varennes et dont on demande la déchéance mais que l'Assemblée dominée par la Jacobins refuse, celle de La Fayette qu'on soupçonne d'attendre les troupes autrichiennes venues envahir Paris, celle des révolutionnaires eux-mêmes, celle de Danton, personnage populaire mais ambigu qui se dit du côté du peuple mais qu'on suspecte d'être aussi favorable à la Couronne, celles des partis politiques pour la conquête du pouvoir, le tout dans une atmosphère de guerre civile, d'un monde qui bascule et déchire les familles, où chacun complote et surveille son voisin, où la mort rôde à chaque coin de rue... Les investigations et les pérégrinations périlleuses de Victor permettront au lecteur d'arpenter les vieilles rues de Paris, mais aussi les bas-fonds, révélant que la Révolution n'a rien changé à la corruption de la société de l'Ancien Régime. Ces temps troublés ont favorisé l’émergence de tous les travers et des folles ambitions parfois meurtrières de l'espèce humaine, au point que les idées philosophiques qui avaient présidé à l'avènement de la Révolution ont été vite oubliées. Cette prise de conscience est d'autant plus douloureuses pour lui qui, enthousiaste et confiant face à ce changement de société, avait renié ses origines nobles. Il sait que l'Histoire s'écrit sous ses yeux, que les luttes politiques réclament chaque jour davantage leur lot de morts, que la vie ne tient qu'à un fil dans la confusion et la cruauté des combats et dans la recherche de documents secrets et compromettants, que l'idéal qui l'avait habité se dissout petit à petit mais qu'il doit y resté fidèle malgré les atermoiements, les trahisons, les lâchetés, les bouleversements de situations.
J'aime lire les romans de Jean-Christophe Portes parce que, non seulement il replace son lecteur dans le contexte mouvementé de l'époque, place des personnages fictifs, souvent inspirés d’authentiques révolutionnaires, au sein de l'Histoire que cependant il respecte, les fait se rencontrer et parfois s'affronter, évoque notamment la belle Olympe de Gouges dont Victor est secrètement amoureux (il n'est pas indifférent à la beauté des femmes) et qui met sa fougue et son courage au service de son ami, brosse le portait de l’énigmatique et inquiétant Rétif de la Bretonne. A travers la figure d'Olympe de Gouges qui eut une vie faite de combats et de libertés, l'auteur rappelle son rôle dans la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs droits. Tout cela ne viendra que bien plus tard. Son roman est très documenté (il cite et commente ses sources en fin d'ouvrage), émaillé de descriptions poétiques, de détails sur le mode de vie, de recettes de cuisine et se fait le miroir de la nature humaine. Je remercie des Éditions City de m'avoir fait découvrir ce nouveau roman que le style de Jean-Christophe Portes et ses recherches historiques ont rendu, comme toujours, passionnant. Il s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de notre auteur.
La mort de Jean-François Parot a laissé un vide dans le domaine du roman policier historique. Sans vouloir faire la moindre comparaison entre ces deux auteurs, la période n'étant pas exactement la même, mais avec, depuis quelques années déjà, la création du lieutenant Dauterive et ses investigations menées au temps de la Révolution, Jean-Christophe Portes s'impose comme son successeur naturel et j'ai personnellement toujours plaisir à lire ses romans.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
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Minuit dans le jardin du manoir
- Par hervegautier
- Le 03/03/2019
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La Feuille Volante n° 1330
Minuit dans le jardin du manoir -Jean-Christophe Portes – Éditions du masque.
C'est vraiment pas de chance pour ce jeune homme pressé d'aller se coucher et qui avait traversé le parc du manoir normand de Caudebec comme on prend un raccourci. Il s'était trouvé nez à nez avec une tête coupée, fichée sur un pieu, les orbites et la bouche pleine de pièces d'or qui se révéleront plus tard être des florins du XV° siècle. Dans cette vieille bâtisse vivent Denis Florin, jeune et célibataire mais un peu renfermé sur lui-même, notaire de son état, bien plus passionné par la bataille de Marignan qu'il reconstitue en soldats de plomb que par son métier, et Colette, sa grand-mère, 85 ans, baronne, un peu folle et friande d'énigmes, donc imprévisible. Bien entendu, la séquence de la tête coupée vient troubler la quiétude des lieux et on se perd en conjectures entre crime rituel, secte satanique, terrorisme, d'autant que Colette a subitement disparu sans laisser de trace et que deux cadavres sont été retrouvés exécutés à l'arme blanche à proximité du manoir. Les réseaux sociaux ne tardent pas à être au courant, attirant une faune de curieux et de journalistes comme la jolie mais marginale Nadget Bakhtaoui et, bien entendu le séduisant lieutenant Trividec du SRPJ de Rouen assisté de Bénédicte. Cette enquête qui aurait pu rester confidentielle devient médiatique avec des compagnies de CRS autour du manoir, une visite ministérielle et des caméras de télévision. Pour la discrétion, c'était plutôt raté ! Tel est le point de départ d'une affaire où on ne tarde pas à apprendre que la grand-mère était immensément riche, que Denis est expert en maniement d'épées anciennes, ce qui le fait passer du statut de modeste notaire de province à celui de « tueur fou », ce qui est bien plus vendeur médiatiquement parlant mais constitue un véritablement bouleversement dans sa vie. Recherché par Trividec, il entame en compagnie de la jolie journaliste une cavale qui les conduit en Espagne, sur les hypothétiques traces de Colette. Il y apprend qu'il est recherché pour le meurtre d'un professeur d'histoire ancienne de l'université de Mexico qui serait l'homme à la tête coupée. On est en plein délire kafkaïen ! Nadget quant à elle ne recule devant rien pour un scoop et propose au policier qui accepte un reportage sur lui qui pourrait bien relancer sa carrière, tentant ainsi d'établir une sorte de complicité malsaine entre eux.
Il y a de nombreux analepses historiques évoquant Cortes au Mexique, la bataille de Marignan, des épisodes de la conquête de l'Amérique par les Espagnols et les exactions qui y ont été perpétrées sans oublier l' intervention d'un mystérieux argentin qui n'est pas argentin, exécution d'un énigmatique Serbe tueur de la mafia...
Le mystère s'épaissit autour de cette disparition de Colette qui pourrait bien être un enlèvement, mais sans demande de rançon toutefois, une course poursuite en Espagne trahie par les téléphones portables et autres cartes bancaires, un hypothétique trésor enfoui dans le manoir de Caudebec, une victime qui serait l'héritier direct d'un roi Aztèque mort au XVI° siècle à la suite des sévices infligés par Cortès, un capitaine corsaire malchanceux, un homme d'affaires violent, déterminé mais aussi un véritable truand, un code secret à tiroirs laissé par un explorateur allemand, un notaire pas si falot que ça, une grand-mère pas si folle et qui cache bien son jeu, une légende autour de sa fortune et des aventures haletantes et un peu abracadabrantesques et compliquées aux rebondissements de dernière minute qui remettent tout en question, des secrets d’État, pas mal de fantasmes et de mystifications, la fièvre de l'or qui s'empare des hommes, des ascendances lointaines et des ancêtres qu'on veut venger et bien entendu pas mal de morts…
L'écriture est fluide, le suspense savamment entretenu jusqu'à la fin, avec, de temps à autres, des traits d'humour. L'auteur n'a pas oublié sa passion pour la recherche historique qu'il s'est appropriée et qu'il a intégrée à son travail de création. C'est aussi comme cela que j'aime les romans policiers.
Jean-Christophe Portes, journaliste et réalisateur, s'est déjà signalé à l'attention des lecteurs et de cette chronique par un remarquable travail de romancier-historien pour sa série « Les enquêtes de Victor Dauterive », qui se déroule sous le Révolution et compte à ce jour quatre épisodes [« L'espion des Tuileries », « La disparue de Saint-Maur », « L'affaire de l'homme à l'escarpin », « L'affaire des corps sans tête »]. Il est également le co-auteur , avec le docteur Colette Brull-Ulman, d'un livre, «Les enfants du dernier salut », évoquant un réseau de sauvetage d'enfants juifs à partir de l'hôpital Rothschild pendant la Seconde guerre mondiale. Cet ouvrage a reçu le prix « Plume libre » en 2019.
Ici il choisit le registre du thriller contemporain, élargissant ainsi son panel d'écriture. J'ai beaucoup apprécié.
©Hervé GAUTIER – Février 2019. http://hervegautier.e-monsite.com
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L'espion des Tuileries
- Par hervegautier
- Le 23/11/2018
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La Feuille Volante n° 1294
L'espion des Tuileries – Jean-Christophe Portes – City éditions.
En pleine tourmente, le roi Louis XVI dont le pouvoir vacille, est contraint par les Girondins qu'il a appelés au gouvernement de déclarer la guerre à l'Autriche au début de l'année 1792. Ce faisant, il espère sauver son trône. Le lieutenant de gendarmerie Victor Dauterive, toujours fidèle à La Fayette, est chargé, dans ce contexte politiquement difficile et en ce mois d'avril, d'escorter un convoi transportant la paye de l'armée du Nord cantonnée en Lorraine, pas moins de 500 000 livres, autant dire une petite fortune. La région fourmillant d'espions et de déserteurs, le convoi est attaqué et l'argent disparaît. Il ne fait aucun doute que ce vol est destiné à porter préjudice à l'image du marquis de La Fayette, général en chef de cette armée, qui charge son protégé Dauterive d'en retrouver les auteurs. S'engage donc une course poursuite à travers le nord de la France, fertile en rebondissements, désertions et assassinats. Dans un tel contexte de grande confusion, avec massacres d'officiers, démissions ou trahisons de l'encadrement souvent composé d'aristocrates et rébellions au sein d'une armée populaire souvent miséreuse et indisciplinée, l'idéal de liberté suscité par la Révolution a laissé la place à l'anarchie. Face à cette guerre qui menace de s'enliser, Victor est dépêché par La Fayette pour rencontrer le roi à Paris et lui soumettre un projet visant à restaurer l'autorité royale. Cette mission s'annonce difficile compte tenu de la position ambiguë du général dans cette période d'insécurité, de la difficulté d'atteindre le roi et ce d'autant que la vie de Dauterive est menacée entre arrestations arbitraires et tentatives d'assassinat, et cette histoire de vol qui refait surface, attise les convoitises et complique quelque peu les choses pour le lieutenant.
A la suite de Victor et de son fidèle Joseph, un jeune mendiant dont il décidé de prendre en charge l'éducation et qui lui sert aussi de messager, le lecteur va, grâce à une carte de 1791, déambuler dans les vieux quartiers de la Capitale, rencontrer des petits métiers qui servent parfois de couverture aux mouchards de la police, accéder au palais des Tuileries où siège la Cour puisque le peuple a contraint le roi à y résider trois ans plus tôt. Il y règne une ambiance délétère où le secret et la délation le disputent à la crainte d'autant qu'à l'extérieur on réclame la tête du monarque. Le lieutenant y croisera des personnages historiques, des tribuns révolutionnaires qui parfois jouent double-jeu, des écrivains comme Olympe de Gourges, une pamphlétaire dont il est secrètement amoureux, de simples citoyens fanatiques ou animés par l'opportunisme et qui voient dans cette période troublée un moyen de se mettre en valeur dans les clubs comme à l'Assemblée ou des aristocrates séduits par les idées nouvelles. Cette fiction qui est remise dans son contexte historique fourmille de petits détails culinaires dont la recette est parfois parvenue jusqu'à nous, de descriptions vestimentaires, de petits notes anecdotiques ou historiques, de dénonciations de trafics et de remises en cause de nombres d'idées reçues sur cette époque, la menace de coup d'état, les conspirations, la spéculation sur le pain... L'immersion dans l'ambiance de cette période est totale et le dépaysement garanti, un vrai travail d'historien !
L'auteur affine le portait de Dauterive commencé dans les romans précédents. Il nous présente un jeune homme qui n'est pas insensible à la beauté des femmes qu'il croise et se révèle parfois secoué dans ses certitudes personnelles, lui qui, ancien aristocrate, a changé son nom pour un patronyme plus populaire, attiré par les idées généreuses et novatrices de la Révolution. Ici, il est tiraillé entre son choix intime de changement de cette société fondée sur l'arbitraire et l'intolérance, sa fidélité à La Fayette et à la mission qu'il lui a confiée qui est une marque de loyauté envers un roi imprévisible, tantôt courageux face au peuple, tantôt indécis, et le rôle toujours ambiguë du marquis, désireux à la fois, dans ce contexte difficile, de servir la Révolution et de sauvegarder la personne de Louis XVI. Victor a beau n'être qu'un personnage de fiction, il n'en est pas moins un témoin de son temps marqué par la peur, la colère, la violence, la trahison, la solitude, l’égoïsme, la corruption, la duplicité, les illusions qu'on se fait sur autrui, autrement dit l'ordinaire de l'espèce humaine !
Comme toujours, par son le style fluide baigné par le suspense, l'auteur s'attache son lecteur jusqu'à l'épilogue. Je suis avec plaisir et depuis le départ, le parcours du lieutenant Dauterive avec d'autant plus d'intérêt que le roman policier historique m'a toujours enthousiasmé comme ont retenu mon attention les romans de Jean-François Parot qui nous a quittés récemment et à qui cet ouvrage est dédié. La plume de Jean-Christophe Portes fait revivre une période, certes agitée et meurtrière, mais qui m'a toujours passionné par le bouillonnement des idées qu'elle a portées et l'évolution de la société qu'elle a engendrée.
© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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La disparue de Saint-Maur
- Par hervegautier
- Le 04/12/2017
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La Feuille Volante n° 1191
La disparue de Saint-Maur– Jean-Christophe Portes – City éditions.
Nous sommes en novembre 1791 et la Révolution redouble, surtout après la fuite manquée du roi à Varennes et la menace que fait peser l'armée des émigrés massée à la frontière allemande.. Plus que jamais la Nation est en danger. Cela n'empêche pas la vie de continuer et à Saint-Maur une jeune aristocrate, Anne-Louise, fille du baron Ferrières, un noble désargenté, a disparu. Fugue, meurtre, ou suicide… Le jeune lieutenant de gendarmerie, Victor Dauterive est chargé par sa hiérarchie d'enquêter mais ses investigations se révèlent difficiles malgré des aides parfois inattendues dont certaines ne manquent ni de courage ni d’imagination. Ce qu'il découvrira sera bien éloigné de ce qu'on peut légitimement attendre de gens qui se consacrent en principe à la prière. La société est secouée par des luttes de pouvoir et La Fayette, à qui Victor doit tout, revient à Paris dans l'espoir de conquérir la Mairie et charge l'officier d'enquêter discrètement sur un des candidats à ce poste. Telle est l’intrigue de ce roman historique où l'auteur, une nouvelle fois, mêle fiction, réalité, rencontres de personnages historiques et ambiance d'époque (les notes de bas de pages avec leurs références sont un repère intéressant pour qui souhaite s'immerger dans l'action).
Le paradoxe de ces deux affaires, qui apparemment n'ont rien à voir l'une avec l'autre, est que l'officier mène alternativement ses investigations d'une manière officielle et officieuse, La Fayette, dont le rôle dans le déroulement de la Révolution est controversé, n'est en effet plus au pouvoir, ce qui complique sa tâche surtout dans le contexte politique agité de la capitale, l'ombre de Robespierre, de la guerre qui menace et celle de la Terreur qui s'annonce. Les temps changent et avec eux les hommes qui donnent libre court à leurs ambitions entre louvoiements, palinodies, trahisons, violences. Au milieu de tout cela notre gendarme doute et vacille quelque peu, torturé par des difficultés familiales, se demandant qui il sert en réalité et s'il n'est pas simplement manipulé comme un vulgaire pion, dans une ambiance de complots où chacun espionne l'autre. Malgré son jeune âge, on le transforme en espion sans l'y avoir préparé. Dans cette mission périlleuse, il croise des agents doubles parfois improbables, des nostalgiques de l'Ancien régime désireux de détruire la République qu'il a décidé de servir, des arrivistes sans scrupules, ce qui se transforme en une traque de conspirateurs, sur fond d'agents anglais, de rumeurs de guerre, de ventes de biens nationaux, d'opportunistes, d'omniprésence policière...Il connaît la torture, la mort qui rode, les rebondissements inattendus, les luttes d’influence de factions politiques opposées où chacun avance masqué de peur du lendemain, les hommes politiques corrompus, la délation, la jalousie, les secrets de famille inavouables, tout un panel d'humiliés qui profitent de cette pagaille pour se venger des vexations subies sous les aristocrates, bref tout un tableau peu reluisant de l'espèce humaine qui ne se révèle jamais autant qu'en des temps troublés et ce d'autant plus qu'on s'éloigne de l'esprit des Lumières et des idéaux humanistes de la Révolution.
Tous ces rebondissements ont pour cadre ce Paris du XVIII° siècle dont une carte permet au lecteur de s'y retrouver. Décidément l'année 1791 passionne Jean-Christophe Portes puisque ses deux précédents ouvrages [ « L'affaire du corps sans tête » - « L'affaire de l'homme à l'escarpin » La Feuille Volante n° 1004 et 1090] se déroulaient déjà au cours de cette année. Ici, il en choisit le dernier mois, décidément très froid, pour plonger son lecteur dans une France au bord du chaos mais toujours dans les pas de Victor Dauterive. Cela donne un roman policier historique bien écrit et bien documenté, plein de suspense, dépaysant et passionnant jusqu'à la fin.
© Hervé GAUTIER – Novembre 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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L'affaire de l'homme à l'escarpin
- Par hervegautier
- Le 21/11/2016
- Dans Jean-Christophe Portes
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La Feuille Volante n° 1090
L'affaire de l'homme à l'escarpin – Jean-Christophe Portes -City Éditions.
Il fait une chaleur étouffante à Paris en ce mois de juillet 1791. La fuite de Louis XVI à Varennes a définitivement discrédité le roi et la guerre civile gronde dans la capitale où le petit peuple s'agite dans une ambiance de fin de règne, où chacun se lâche et où l'agitation politique est quotidienne. La royauté est menacée par la Révolution mais aussi par le Duc d'Orléans, le cousin du roi, qui s'appuie sur le « Club des Cordeliers » et cherche à s'emparer du trône que défend comme il peut le marquis de La Fayette, fragilisé par les événements. Ce dernier cherche à déjouer les plans de cette coterie et charge son protégé, Victor Dauterive, ancien aristocrate discret, peintre et dessinateur à la vocation contrariée, devenu sous-lieutenant de gendarmerie, d'approcher les membres de cette conjuration.
Sur les bords de la Seine, on vient de retrouver le cadavre a demi-nu d'un jeune homme et le vieux commissaire Piedeboeuf n'a pour l'identifier qu'un escarpin. L'enquête révélera bientôt qu'il appartenait à la communauté homosexuelle, quant aux circonstances de ce meurtre, elles sont des plus obscures et compliquent les investigations du policier. Ces deux affaires semblent indépendantes l'une de l'autre mais est-ce réel dans une ville pleine d'espions et en constante effervescence où des factions s’affrontent en permanence pour la conquête du pouvoir face à une royauté qui vacille et une Révolution qui s’essouffle et une guerre civile qui couve ? Quant à Victor, toujours sur ses gardes, il a fort à faire pour mener à bien sa mission délicate confiée par La Fayette dans une ambiance délétère où chacun espionne l'autre, dans une atmosphère de complot où la fin justifie les moyens, de trouble, de désinformation, d'intrigue et de menaces de guerre aux frontières. Heureusement pour lui, il bénéficie d'une collaboration inattendue, discrète mais efficace dans un époque instable, même si sa vie est en sursis, entre menaces, réels dangers et hypocrisie.
J'ai découvert avec plaisir l’œuvre de Jean-Christophe Portes avec « L'affaire du corps sans tête » (La Feuille Volante n°1004). J'ai apprécié d'être à nouveau immergé dans un siècle qui a ma préférence (même si j'aurais peu prisé la vie sous la Révolution) et son roman fourmille de petits détails historiques, sur les us et coutumes, sur la mode, sur les expressions et les métiers de l’époque. Je n’omettrai pas non plus les portraits que l'auteur nous donne à voir dont celui de Victor Dauterive, certes fictif, mais dont la biographie et la personnalité nous sont révélées par petites touches. J'ai aimé les rencontres qu'il fait avec ceux qui ont effectivement participé à cette période dangereuse où tout était possible, où tout pouvait basculer dans la violence et la mort, le Marquis de La Fayette, Olympe de Gouge, Choderlos de Laclos... Ses romans ne sont pas sans rappeler ceux de Jean-François Parot qui, eux aussi, m'ont passionné. J'ai aussi apprécié cette peinture de l'espèce humaine dont la pusillanimité la pousse à détruire un jour ce qu'elle a acclamé la veille et qui ne recule ni devant une flagornerie, ni devant une trahison pour une distinction ou une prébende. Quant aux meneurs, possédés par l'attrait du pouvoir qui fait naître les ambitions les plus folles face aux événements, ils n'apparaissent que lorsque le danger est passé et laissent leurs partisans en découdre, risquer leur vie pour eux et n'en retirent que les honneurs…
L'auteur déroule cette intrigue historico-policière passionnante et fort compliquée en 7 jours, du 10 au 17 juillet. Le style est alerte, fluide et agréable à lire, le roman dépaysant à souhait qui balade le lecteur dans ce Paris de l'époque, à la fois interlope et chic, entre salons et bas-fonds, aristocrates, révolutionnaires et hommes de main et entretient jusqu'à la fin un suspens de bon aloi, bref un moment de lecture bien agréable et j'aurais plaisir à poursuivre ma découverte de l'univers créatif de cet auteur.
© Hervé GAUTIER – Novembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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L'affaire des corps sans tête
- Par hervegautier
- Le 17/01/2016
- Dans Jean-Christophe Portes
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La Feuille Volante n°1004 – Janvier 2016
L'affaire des corps sans tête - Jean-Christophe Portes - City Éditions.
Nous sommes en 1791, une période ou le roi et les révolutionnaires cohabitent encore tant bien que mal, où La Fayette, revenu tout auréolé des Amériques, tente de ménager son avenir entre une royauté qui vacille et un nouveau régime encore assez incertain, occupé à rédiger une nouvelle constitution, organisant une sorte de transition. Dans ce contexte, on retrouve dans la Seine le corps d'un homme nu décapité, sans doute pour qu'on ne le reconnaisse pas et ce cadavre est suivi par d'autres également sans tête. La Révolution n'est peut-être pas encore entrée dans cette période trouble où elle a envoyé à l’échafaud tant de ses citoyens, mais quand même, l'affaire est d'importance ! Dans le même temps Marat qui attise la révolte et appelle au meurtre des aristocrates, semble protégé par la population parisienne et La Fayette charge un de ses proches, le Chevalier d'Hauteville devenu Victor Dauterive, jeune sous-lieutenant de dix-neuf ans de la récente gendarmerie nationale, désireux d'échapper à la tutelle familiale, de l'arrêter. La période baigne dans une atmosphère de complots où ordres et contre-ordres se succèdent de sorte que, après moult péripéties, l'affaire de l'arrestation de Marat est un échec et notre sous-lieutenant est démis de ses fonctions. Pour autant, ses investigations maintenant personnelles, émaillées d'ailleurs de nombreux meurtres et rebondissements, le ramènent vers cette histoire de cadavres sans tête.
J'ai apprécié cette balade au sein de ce Paris de la fin du XVIII° siècle qui m'a toujours enchanté. L'auteur promène son lecteur alternativement dans les quartiers populaires aux rues sales et étroites, dans les bouges et les cabarets autant que dans les théâtres et dans les salons et lui fait découvrir des petits métiers aujourd'hui disparus tels que ravaudeuse, marieuse, chirurgien-barbier... Les événements troubles de cette période ajoutent au suspense et à l'intérêt de ce livre bien documenté et au style agréable qui s’attache son lecteur dès les premières pages, le tient en haleine et ne l'abandonne qu'à la fin, sans que l'ennui ait pu s'insinuer dans sa lecture. J'ai également apprécié les rencontres entre des personnages historiques et fictifs dans le cadre de ce roman, les figures d'Olympe de Gouges, bien à la hauteur de sa réputation, de Talma, de Fragonard... ne m'ont pas laissé indifférent. Même si cette technique a été largement usitée par d'autres écrivains dont cette chronique s'est souvent fait l'écho, je salue une nouvelle fois cette heureuse initiative. Je note également l'aspect culinaire du texte qui donne une dimension, certes accessoire mais plus personnelle, aux événements évoqués.
Ce texte met aussi en évidence, mais ce n'est pas une nouveauté, les travers de l'espèce humaine. Il y avait certes les grandes et généreuses idées de la Révolution qui mûrissaient depuis longtemps, la volonté de changer la société, d'émanciper les gens du peuple, de leur donner cette liberté qu'ils attendaient, mais tout cela n’exclut guère la bassesse des hommes, leur duplicité, les manipulations, les délations, les trahisons, la corruption, la perfidie, l’appât du gain qui sont inhérents à la condition humaine et qui ont largement nourri les désillusions qui ont suivi… La pauvreté et l'injustice ont persisté et chacun, même parmi les révolutionnaires a cherché à préserver son pouvoir et son influence, ce qui donne une situation délétère fort bien rendue.
Ce roman est baigné par une véritable intrigue policière avec parfois de fausses pistes et aussi la cohabitation de deux histoires apparemment étrangères l'une à l'autre, d'une part cette arrestation de Marat et d'autre part ces découvertes déconcertantes de corps sans tête. On passe de l'une à l'autre sans pratiquement de transition et il faut attendre la fin, sur fond de fuite du roi à Varennes, pour s'apercevoir qu'elles ont un lien entre elles. C'est aussi une réflexion sur la raison d’État, les grands principes si hautement déclarés, les décisions d'opportunité et sur le pouvoir politique et que ce roman illustre. Elle est permanente et ne saurait se limiter à cette période [« C'est donc cela le pouvoir, une succession de mensonges et de trahisons, loin des regards du peuple, bien loin du services des idées »]. Les délinquants d'hier retrouvent leurs fonctions officielles et leur pouvoir alors qu'ils ont menacé les fondements mêmes de l’État et l'hypocrisie générale recouvre de son manteau bienveillant tous leurs crimes et charge l'amnésie voire l'amnistie de les reléguer aux oubliettes de l'histoire.
Ce roman historique, qui est aussi le premier de cet auteur m'a procuré un bon moment le lecture et je suivrai volontiers ses publications futures.
© Hervé GAUTIER – Janvier 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]