La trahison des Jacobins
- Par hervegautier
- Le 26/10/2019
- Dans Jean-Christophe Portes
- 0 commentaire
La Feuille Volante n° 1404– Octobre 2019.
LA TRAHISON DES JACOBINS - Jean-Christophe Portes - City Éditions.
Cet été 1792 est étouffant mais aussi et surtout bouleversant pour le lieutenant de gendarmerie Victor Dauterive qui apprend la disparition et peut-être la mort de Joseph, son petit serviteur orphelin qu'il espérait adopter et éduquer. Il n'a pu voir le corps et des rumeurs courent sur le trafic d'enfants qui serviraient à la prostitution. Il va donc s'employer à le retrouver. D'autre part, le député Charpier, un Jacobin, va le charger d'élucider la mort étrange d'un policier qui s'intéressait à un juge corrompu, Dossonville, proche de Danton et probablement actif dans le trafic des assignats en vue de détruire financièrement la Révolution. Victor qui le soupçonne d'être responsable de la mort de Joseph accepte donc d'autant plus facilement cette mission. Pour cela, il sait qu'il devra prendre ses distances et éventuellement trahir La Fayette à qui pourtant il doit tout. Mais cette époque est celle des trahisons, celle du roi qui a fui à Varennes et dont on demande la déchéance mais que l'Assemblée dominée par la Jacobins refuse, celle de La Fayette qu'on soupçonne d'attendre les troupes autrichiennes venues envahir Paris, celle des révolutionnaires eux-mêmes, celle de Danton, personnage populaire mais ambigu qui se dit du côté du peuple mais qu'on suspecte d'être aussi favorable à la Couronne, celles des partis politiques pour la conquête du pouvoir, le tout dans une atmosphère de guerre civile, d'un monde qui bascule et déchire les familles, où chacun complote et surveille son voisin, où la mort rôde à chaque coin de rue... Les investigations et les pérégrinations périlleuses de Victor permettront au lecteur d'arpenter les vieilles rues de Paris, mais aussi les bas-fonds, révélant que la Révolution n'a rien changé à la corruption de la société de l'Ancien Régime. Ces temps troublés ont favorisé l’émergence de tous les travers et des folles ambitions parfois meurtrières de l'espèce humaine, au point que les idées philosophiques qui avaient présidé à l'avènement de la Révolution ont été vite oubliées. Cette prise de conscience est d'autant plus douloureuses pour lui qui, enthousiaste et confiant face à ce changement de société, avait renié ses origines nobles. Il sait que l'Histoire s'écrit sous ses yeux, que les luttes politiques réclament chaque jour davantage leur lot de morts, que la vie ne tient qu'à un fil dans la confusion et la cruauté des combats et dans la recherche de documents secrets et compromettants, que l'idéal qui l'avait habité se dissout petit à petit mais qu'il doit y resté fidèle malgré les atermoiements, les trahisons, les lâchetés, les bouleversements de situations.
J'aime lire les romans de Jean-Christophe Portes parce que, non seulement il replace son lecteur dans le contexte mouvementé de l'époque, place des personnages fictifs, souvent inspirés d’authentiques révolutionnaires, au sein de l'Histoire que cependant il respecte, les fait se rencontrer et parfois s'affronter, évoque notamment la belle Olympe de Gouges dont Victor est secrètement amoureux (il n'est pas indifférent à la beauté des femmes) et qui met sa fougue et son courage au service de son ami, brosse le portait de l’énigmatique et inquiétant Rétif de la Bretonne. A travers la figure d'Olympe de Gouges qui eut une vie faite de combats et de libertés, l'auteur rappelle son rôle dans la lutte des femmes pour la reconnaissance de leurs droits. Tout cela ne viendra que bien plus tard. Son roman est très documenté (il cite et commente ses sources en fin d'ouvrage), émaillé de descriptions poétiques, de détails sur le mode de vie, de recettes de cuisine et se fait le miroir de la nature humaine. Je remercie des Éditions City de m'avoir fait découvrir ce nouveau roman que le style de Jean-Christophe Portes et ses recherches historiques ont rendu, comme toujours, passionnant. Il s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de notre auteur.
La mort de Jean-François Parot a laissé un vide dans le domaine du roman policier historique. Sans vouloir faire la moindre comparaison entre ces deux auteurs, la période n'étant pas exactement la même, mais avec, depuis quelques années déjà, la création du lieutenant Dauterive et ses investigations menées au temps de la Révolution, Jean-Christophe Portes s'impose comme son successeur naturel et j'ai personnellement toujours plaisir à lire ses romans.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
Ajouter un commentaire