Édith Azam
-
ON SAIT L'AUTRE
- Par hervegautier
- Le 01/11/2014
- Dans Édith Azam
- 0 commentaire
N°821 – Octobre 2014.
ON SAIT L'AUTRE – Édith Azam – P.O.L
Des les premières pages, on sent comme une menace, l'autre peut aussi en être une. Pour cela le narrateur a fermé la porte à clé et veut les faire disparaître pour se protéger de cette venue inquiétante. L'autre pourtant ne vient pas mais son absence n'est pas pour autant rassurante, pire, elle est angoissante parce que violente(« C'est plus tard qu'il viendrait : avec sa hache, son coup de métal froid »). Pour le narrateur, cela devient même une obsession puisque cette éventuelle intrusion dans la maison le détermine à détruire tous ses carnets sauf un. C'est que cette crainte, même si elle n'existe que dans son imagination devient une hantise. Cet autre n'a pas de visage, c'est une sorte de potentialité, mais pour le narrateur cette virtualité est suffisante, il faut donc éviter tout contact avec les autres et même ne plus leur parler . Dès lors le silence est le seul possible, jusque dans la mort. Le narrateur semble donner une clé pour échapper à cette sorte de fatalité, c'est la poésie qui use de la langue mais sans volonté de domination sur autrui. Fort de cette remarque, il va entasser tous les livres de poèmes qu'il possède dans une valise qu'il va descendre à la cave. Là, il va se passer une métamorphose, comme un miracle et ces livres font se mettre à saigner pour prouver qu'ils sont vivants. Il va donc falloir les rassurer. Pour cela il va se coudre sur le corps les pages de ces livres.
Et l'autre là-dedans ? Il se trouve qu'il est toujours présent dans la pensée du narrateur mais aussi qu'il a pris forme. Au début, le texte faisait mention de trois chevaux bien vivants (les chevalos). Progressivement, ils vont quitter leur apparence animale pour agir comme des hommes, ils jurent, ricanent, jouent à la roulette russe, fument des cigares et finalement incarnent « l'autre » quand la mort est proche. Je n'ai pas compris cette hantise qui revient sous forme d'images répétées (Les guêpes, les chevaux, les valises, des deux cœurs, le sang)
J'avoue que ce texte, lu en ce qui me concerne avec difficulté tant le style est haché, me pose question. Cela est-il le symbole de la difficulté de vivre tout simplement. Est-ce le rejet de toute référence sociale, comme par exemple « la réussite » avec son cortège de manifestations tangibles et reconnues ? La peur constante des autres révèle les blessures de la vie même si « ce vieux corps usé » se réfugie dans la poésie et peut-être dans la mort ?
Sur le principe, je ne suis pas opposé à cette manière de voir l'autre. Nous savons tous que nous devons nous en méfier, même s'il nous est proche. Dans ce cas de figure la trahison, le mensonge, l'hypocrisie font partie d'un jeu qui peut, à cause de l'autre, se retourner contre nous. Ce n'est pas pour paraphraser Sartre, mais bien souvent « l'enfer c'est les autres » même si nous vivons une époque où il convient de faire jouer la solidarité, l'entraide. Cependant, sur la forme, je n'ai que très peu goûté ce texte que j'ai lu comme une longue litanie mono-thématique, écrite, à mon goût d'une manière trop abrupte. J'ai voulu y voir une sorte de fatrasie, un délire verbal mais franchement je n'ai pas pu, malgré toute ma bonne volonté, entrer dans cet univers créatif. Une nouvelle fois je suis peut-être passé à côté de quelque chose mais ce moment de lecture n'a pas été pour moi ce qu'il doit être : un plaisir.
©Hervé GAUTIER – Octobre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com