la feuille volante

Tanguy Viel

  • PARIS-BREST - Tanguy Viel

     

    N°365– Aout 2009

    PARIS-BREST - Tanguy Viel – Éditions de Minuit

     

    C'est une histoire de famille comme on en connaît tous [Chaque famille n'a-t-elle pas son histoire, parfois inavouable?], mais ici c'est un peu plus compliqué peut-être parce que c'est devenu un roman et que du coup ce n'est plus la même chose, parce que l'auteur s'en mêle et mélange un peu tout, la biographie et la fiction, la narration, l'imagination et la volonté de créer un monde différent de la réalité!

     

    Comme dans toutes les histoires, il y a un lieu. Ici, c'est Brest, pas exactement la ville évoquée par Prévert et dans son poème « Barbara », mais une ville «  qui ressemble au cerveau d'un marin, détachée du monde comme une presqu'île ». C'est que dans cette histoire il y a de l'argent et que cela n'arrange rien parce que l'auteur nous confie «  Partout où mes parents se sont installés, partout où ils ont touché de l'argent, ça s'est immédiatement chargé d'histoire ». L'argent, c'est l'héritage de la grand-mère, Marie-Thérèse, veuve et remariée tardivement avec un vieux et riche notable, la condamnation pour malversation du père de l'auteur, vice président du club de foot local, et aussi celui qui a servi à sa mère à acheter un fonds de commerce qui s'est rapidement révélé déficitaire à Palavas-les-flots pour échapper au scandale.

     

    Comme dans toutes les histoires il y a des départs, celui des parents qui doivent quitter Brest, celui du narrateur, Louis, qui, au retour de ses parents et ne supportant plus cette maison, part pour Paris où il veut faire sa vie définitivement, cet exil répondant, quelques années plus tard, à celui de ses parents. Il revient quand même pour Noël, mais pas innocemment, après que ses parents se sont établis de nouveau dans la cité bretonne parce qu'ils considèrent que le temps a passé et que les choses ont été oubliées....

     

    Il y a aussi des personnages secondaires qui vont cependant prendre une place démesurée dans le récit. Kermeur, le copain d'école au rire malsain, au vrai une petite frappe, le mauvais génie du narrateur que sa mère veut à tout prix éloigner de son fils. Elle doit cependant, eu égard aux dispositions testamentaires de feu l'époux de Marie-Thérèse, garder la mère, Mme Kermeur, comme femme de ménage. Elle le fait donc, elle qui pourtant, nouvellement enrichie, souhaiterait s'offrir les services d'une autre domestique, mais s'est à contre-cœur parce « qu'elle n'aime pas les pauvres ». Et c'est à grand regret que, partant pour le Languedoc, elle laisse Marie-Thérèse à Brest, à la seule garde de son fils pour que celui-ci la surveille, même si, du même coup, elle laisse à Louis la possibilité de revoir ce Kermeur. C'est que, pour elle, «  Le monde est une sorte de grand cercle et au milieu il y a une montagne d'argent et sans cesse des gens entrent dans ce cercle pour essayer de gravir la montagne et planter un drapeau en haut ».

    C'est aussi l'argent qui motive le cambriolage perpétré une nuit par les deux adolescents, au détriment d'une Marie-Thérèse endormie.

     

    Pour le roman-familial, c'est autre chose, des pages écrites qui retracent ces années, pour exorciser cette histoire de famille, celle d'un fils mal aimé par une mère dominatrice et égoïste, délaissé par un père absent et cupide, et en rupture avec sa propre famille, un enchainement de faits qui portent en eux le germe de toutes ces destructions. Parce que dans cette famille comme dans toutes les autres il y a des non-dits, des tabous, et chacun fait un effort pour accueillir le retour improbable du fils prodigue qui ne veut guère quitter Paris pour revenir habiter Brest avec ses parents. Sauf que, quelques mois plus tôt, Louis avait confié à son frère ses projets littéraires et que celui-ci a parlé, même si c'est par inadvertance. Alors, les choses se sont gâtées, parce que, tout d'un coup, les secrets de famille allaient être mis sur la place public et cela devenait insupportable. Dans la série des « secrets », Louis n'avait pourtant rien dit de l'homosexualité de son frère, mais, de tout cela, c'était toujours sa mère qui était la dernière informée, parce que les mères méchantes et destructrices, cela existe et pas seulement dans les romans! Mais, devant cette révélation éventuelle, chacun se demande la part qu'ils aura dans cette création romanesque, le rôle qui sera le sien et si l'empreinte qu'il y laissera sera à son avantage...

     

    Le livre refermé, au moment d'écrire cette chronique, je me dis que, même si au début l'humour de l'auteur m'a un peu séduit, j'ai finalement peu goûté ce style déjeté et peu agréable à lire. Cela me rappelle du déjà lu, mais ce n'est peut-être qu'une impression!

     

    Et puis cette fin un peu bizarre et même décevante par rapport au suspense de l'ensemble du texte, cette mise en abyme d'un récit écrit à la première personne et qui évoque un auteur écrivant son propre roman, avec des événements qui ne se sont pas produits et qui déroutent le lecteur, cette flambée un peu triste du manuscrit qui se veut destructrice, mais qui, bien entendu, ne l'est pas!

     

     

    ©Hervé GAUTIER – Aout 2009.http://hervegautier.e-monsite.com