PAUL BAUDENON.
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Cantilènes et fulmicoton
- Par hervegautier
- Le 28/04/2024
- Dans PAUL BAUDENON.
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N°1870– Avril 2024.
Cantilènes et fulmicoton – Paul Baudenon – Les nouveaux cahiers de la jeunesse- Bordeaux.
Le titre a de quoi étonner. Une cantilène est un morceau de musique profane même limité à une simple phrase musicale , au tempo languissant. Le thème en est souvent l’amour. Le fulmicoton c’est du coton imbibé d’acide nitrique, une substance à la fois combustible et surtout explosive. C’est donc une sorte de contraire, un paradoxe, à l’image de l’auteur sans doute. En réalité c’est un recueil de poèmes à la fois rimés et pour la plupart octosyllabiques voire heptasyllabiques, donc à priori classiques dans la forme. Les thèmes aussi sont étonnants en tout cas rien à voir avec une poésie descriptive de la nature mais bien plutôt inspirée par les gens qu’il a croisés et la condition humaine.Il y a chez lui de la liberté, du réalisme, une bonne dose d’humour dont je ne peux pas ne pas me rappeler qu’il est aussi « la politesse du désespoir » car, entre des lignes si bien écrites, il y a le message de celui qui a souvent croisé la mort et qui la craint pour lui comme on à peur de l’inconnu. Œuvre introuvable actuellement car publiée en 1966 à compte d’auteur par Paul Baudenon (1910-1983) à la fois officier supérieur (Lieutenant-colonel de l’infanterie coloniale) dont la carrière combattante s’est principalement déroulée en Asie et écrivain de romans, nouvelles, de poèmes et de comédies récompensés par de nombreux prix littéraires. Lors d’un séjour en Afrique en 1948 il met à profit cette affectation pour parcourir le pays et devient correspondant du Musée d’Histoire Naturelle de Paris auquel il envoie différents spécimens et une nombreuse documentation photographique. Ses archives personnelles, les fichiers qui y sont conservés et son travail de recherche notamment sur les antilopes lui ont valu les Palmes académiques. Il est possible de consulter certaines de ses archives à la Bibliothèque Nationale et la Monnaie de Paris a frappé une médaille à son effigie. Un militaire courageux donc, décoré de plusieurs distinctions françaises et étrangères, qui a servi son pays dans des opérations à haut risque et un humaniste, un homme à la fois curieux des autres et lucide face à la condition humaine, jovial, humoristique et bon vivant. Une figure atypique au sein de l’armée.
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POUR NE PAS OUBLIER PAUL BAUDENON.
- Par hervegautier
- Le 18/08/2009
- Dans PAUL BAUDENON.
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N°362– Aout 2009
POUR NE PAS OUBLIER PAUL BAUDENON.
En feuilletant cette « feuille volante » déjà ancienne, je retrouve un article daté de Juin 1986, quand cette revue ne portait pas encore ce nom mais existait. Il était consacré à Paul Baudenon.
Je le reproduis ici en mémoire de lui notamment parce que j'ai pu voir qu'il est présenté parfois comme un écrivain primesautier et qu'il me semble que cela ne correspondait pas tout à fait au personnage.
Après sa mort, j'ai eu une correspondance avec sa veuve, Claire, qui même en l'absence de son cher mari, signait encore « Claire et Paul Baudenon », marquant ainsi son attachement au compagnon de toute sa vie. Ce détail m'a toujours ému.
A propos de « Vers l'estuaire » de Paul BAUDENON [n° 6 -Juin 1986]
Le n°134 des « Feuillet poétiques et Littéraires » de Marjan commençait ainsi « Dans la nuit du 6 au 7 février 1983 notre ami Paul Baudenon est mort »
Cet homme ne ferait donc plus partager sa sensibilité proposée depuis bien des années par ses recueils et ses poèmes inédits dont les « Feuillets » ont été le témoin.
De lui, j'appréciais l'humour et la manière originale d'appréhender les événements les plus anodins de la vie, la façon de les voir, de les traiter, d'en rendre compte. « L'annonce faite au mari » m'avait donné envie de recréer cette pièce... Grâce à ses poèmes, je goûtais le regard complice qu'il posait sur les femmes et l'amour qu'elles pouvaient lui inspirer... J'avais noté combien l'officier et le voyageur qu'il avait été, était attaché à sa terre « Tout bonheur d'homme est son champ » confie-t-il dans « Cantilènes et Fulmicoton », combien, malgré les apparences qui auraient pu être trompeuses il devait aimer se retirer en lui-même « Mon refuge est mon silence, ce clôt d'âme où nul ne paît » et combien le beau langage devait lui plaire, lui qui le maniait si bien « Au carrefour des collines les mots dansent à pieds nus, mais l'écho ne restitue que l'écorce des syllabes ».
Il devait bien y avoir quelque part un philosophe qui sommeillait en lui [« Les cinq bols » in Cantilènes et Fulmicoton] avec toujours sous sa plume la présence de la mort qui semblait l'obséder. Cette mort, il l'avait côtoyée en Indochine, mais il a su se souvenir de ses copains, mais aussi de ces inconnus pour qui il avait plus que de la sympathie et qui ont laissé leur vie dans cette terre de guerre et d'exil « Les oubliés n'ont pas de plaques, ni quais, ni boulevards, ni rues, ils sont tombés dans les attaques, ils ont fait foc, ils ont fait flaques, ils sont nuls et non avenues ». Il leur rend un hommage posthume dans un style où se lit une extrême sensibilité [« Les oubliés » in Cantilènes et Fulmicoton]. Il remet les choses à leur vraie place [« Les colombes » in Vers l'estuaire] où tous ces morts revivent dans sa mémoire là où dans celle des autres hommes, ils n'ont pas même laissé l'ombre d'un souvenir « La mémoire un temps s'acharne et sanglote puis le chagrin tourne au vague oremus. Le haut-fait passé devient anecdote, le bon, le méchant, l'humble et le despote ne sont bientôt plus qu'un regain d'azote dans un peu d'humus ».
Il y a aussi cette mort qu'ils évoque pour lui-même dans ce poème qui donne son titre à l'hommage que Claire Baudenon a voulu rendre à son mari, « Vers l'estuaire ».
Dans ce livre, j'ai retrouvé l'amour que ce pêcheur-poète portait à l'Isle, sa rivière, à qui il s'identifie et qui prend l'allure d'une personne, d'une confidente, d'une borne chaque fois ajoutée à ses voyages. Elle est son décor mais aussi l'invite à nous faire partager son humour de bon aloi, son jeu sur les mots, témoin d'une plaisante jovialité. Devant ce décor rustique, il se met à égrener ses souvenirs d'enfance, à nous prendre à témoin de son bon sens...
Parfois primesautier mais jamais licencieux, le style devient ironique, alerte, saute par-dessus les tabous en tout genre, entame les plus solides idées reçues et la belle humeur reste de règle. Témoin le préambule de « la vasque d'émail » où il donne la parole, en mots choisis, à un banal ustensile de toilette : Le bidet. Sans donner dans le facile, voire le facétieux, il conte l'histoire de cet instrument sans gloire dont le seul office est de nettoyer et de « noyer des copeaux d'amour », comme il le dit si bien!
Nous entrons de plain-pied dans l'imaginaire avec « Les Sirènes » où l'auteur recrée la légende de ces femmes-poissons, filles « du pollen gaspillé des hommes » et « des œufs de poissons femelles ».
La deuxième partie de ce livre me parle davantage, peut-être parce qu'elle est écrite dans une prose poétique évocatrice. Le style ductile atteste le sérieux de l'homme qui était aussi une scientifique. Il souhaitait sans doute marquer par le texte un jalon de sa vie dans ces « terres pures ».
Il ne fut certes pas le seul à voir ces paysages, à rencontrer ces hommes, mais il a su rendre pour le lecteur attentif les impressions qui furent les siennes lors de ses rencontres d'exception. Le créateur et l'humaniste se débattaient sous l'uniforme... Ces paysages grandioses et exotiques on exacerbé en lui non seulement l'envie d'écrire pour lui-même, mais aussi celle de donner à voir, et je ne peux pas ne pas songer à un autre poète, Victor Ségalen, qui définissait ainsi la poésie « Voir le monde et, l'ayant vu, dire sa vision ».
Marjan, dans les « Feuillet poétiques et littéraires » dont je parlais au début, caractérisait son ami Paul Baudenon : Amour, humour et humanisme. J'y ajouterai simplement une extrême sensibilité.
©Hervé GAUTIER – Aout 2009.http://hervegautier.e-monsite.com