Gabriel Garcia Màrquez
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Mémoire de mes putains tristes
- Par hervegautier
- Le 11/06/2017
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La Feuille Volante n° 1146
Mémoire de mes putains tristes – Gabriel Garcia Marquez – Grasset.
Traduit de l'espagnol par Annie Morvan.
Drôle d'idée de la part du narrateur : le jour de son 90° anniversaire , il veut s'offrir une folle nuit d'amour avec une jeune prostituée vierge, paradoxe qui tient autant dans la découverte de la fille que dans les possibilités physiques du narrateur. Il y a en effet un âge pour tout ! Célibataire, il confie en effet n'avoir jamais fait l'amour avec une femme, qu'elle fût prostituée ou non, sans la payer pour cela, c'est donc pour lui devenu une habitude. Il a même dressé une liste de ses partenaires. Rédacteur improbable dans un petit journal local, il a eu l'idée de rédiger autre chose que ses articles ordinaires pour leur préférer ses mémoires, d'où le titre du roman.
Mais, revenons à ce qu'il considère comme un cadeau personnel, et même intime, d’anniversaire. On dira ce qu'on voudra et on peut être animé des meilleures intentions du monde, la sagesse populaire a bien raison de proclamer qu'on ne peut être et avoir été. Le malheur pour lui c'est que cette réalité se propage sous forme d'informations dans toute la ville où il est fort connu, ce qui n'est pas fait pour célébrer sa virilité, nonobstant son âge !
Restait donc ce fait, ou ce non-fait, comme un défi que relève volontiers son amie la maquerelle qui se sent obligée de lui trouver un « cadeau » capable de combler les désirs de son amical client, mais celui-ci se dérobe sans pouvoir la toucher. Pourtant la présence d'une de ces jeunes femmes auprès de lui va contribuer à le rajeunir et à le rendre fou amoureux. Ce n'est donc pas une simple histoire de coucheries d'un vieillard libidineux comme on aurait pu s'y attendre mais une véritable renaissance pour lui. Mais ce n'est pas que cela et cet ultime épisode lui renvoie en pleine figure tous les échecs de la vie passée, la nostalgie du temps qui fuit, les affres de la vieillesse, la réalité prochaine de la mort. Nous ne pouvons rien à la fuite du temps et nous sommes tous promis au trépas quoique nous fassions. Nous serons seuls face à la camarde et il est illusoire d'espérer autre chose et se raccrocher à ses souvenirs ne servira à rien. C'est aussi simple et cruel que cela parce que c'est non seulement l'apanage de la condition humaine qu'il en soit ainsi , mais en plus il nous est donné d'en prendre conscience sans pouvoir rien faire contre cela. Tout être vivant est promis à la mort mais la particularité de l'homme est de pouvoir y réfléchir longtemps avant, de l’apprivoiser peut-être mais assurément de la craindre d'autant plus facilement que son existence a été belle et qu'ainsi il sait ce qu'il perd en perdant la vie.
Derrière un titre évocateur, porteur d'érotisme et peut-être davantage, c'est en réalité à une méditation sur la condition humaine à laquelle l'auteur nous convie, aux joies et surtout aux peines, aux grandeurs mais surtout aux décadences, aux mensonges et aux trahisons qui sont bien plus fréquents que l'amitié et l'amour sincères qui accompagnent notre parcours sur terre qui n'est pas un long fleuve tranquille. Tout ici-bas n'est qu'apparences, décor, hypocrisies, mensonges. On peut quand même se jouer à soi-même la comédie mais tout passe, la jeunesse comme la beauté, tout est promis à la décrépitude, même le corps des femmes qui est encore la seule manière d'échapper agréablement à la solitude et à la souffrance.
J'ai apprécié une nouvelle fois le style fluide de Marquez, sa verve mêlant l'humour à la mélancolie, une façon sinon de rire, à tout le moins de sourire de la mort inévitable qu'un vieil homme peut combattre en puisant dans la jeunesse et la beauté d'une femme. Il la présente toujours comme endormie et nue ce qui est sans doute une manière de répondre à la mort prochaine du narrateur et une façon de souligner les ravages que les années ont fait sur son propre corps.
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GABRIEL GARCIA MÁRQUES - UNE VIE- Gérald Martin
- Par hervegautier
- Le 28/05/2010
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N°428– Mai 2010
GABRIEL GARCĺA MÁRQUES – UNE VIE- Gérald Martin -Grasset.
Cette chronique qui s'est si souvent fait l'écho des romans de García Márques ne pouvait rester muette à la sortie d'un livre sur sa biographie. C'est cependant un quasi-paradoxe d'écrire la biographie d'un auteur dont l'œuvre est toute entière inspirée par sa propre vie autant d'ailleurs que par la réalité qui l'entoure.
Né en Colombie en 1927,(et non pas en 1917 comme on peut le lire dès la 1° ligne de l'avant-propos, mais cette coquille n'entache en rien le travail de cet universitaire britannique qui met en perspective la vie de l'auteur et son œuvre ), il est l'ainé de onze enfants et porte l'espoir de toute sa famille. Prix Nobel de littérature en 1982, homme de gauche engagé, volontiers défenseur des grandes causes, il est le plus connu, le plus populaire et le plus emblématique romancier du continent sud américain et chacun des grands de ce monde recherche son amitié. Sa généalogie labyrinthique, largement évoquée dans « Cent ans de solitude »(son livre le plus important) et dans toute son œuvre, irrigue son écriture tout comme son enfance dont gardera une durable nostalgie. Elle se déroule sur fond de guerre civile, de troubles sociaux, de corruption politique, de filiation illégitime, de bouleversements familiaux... Il sera fortement marqué par son grand-père maternel, le colonel Nicolas Ricardo Márques Mejila, sa grand-mère Tranquilina, ses parents, une mère effacée et un père volage et aventurier et son village d'enfance, Aracataca devenu Macondo ...
Le petit Gabito entame un chemin difficile avec en contre-point la maladie, des études parfois laborieuses, ses premiers émois amoureux, une ascension sociale nécessaire, un éveil à l'étude de la littérature, la manifestation d'un talent précoce, des aventures sentimentales souvent épiques... Gabriel se révèle cependant angoissé, hypersensible, hypocondriaque, bref kafkaïen...
Son père, avec qui il s'entendait assez mal, estimait que la littérature était une chose mineure, son fils fera donc du droit pour être avocat mais n'oubliera jamais son penchant pour l'écriture. Il poursuivra cependant ses études, mais avec une grande irrégularité et un grand amateurisme et l'assassinat de l'avocat libéral Gaitan sera pour lui révélateur. Il choisira de prendre ses distances avec le droit, et de gagner sa vie dans le journalisme. Il est à l'époque un garçon maigre timide et désargenté et affirme une vocation déjà connue d'écrivain mais aussi un engagement politique dans un contexte de luttes partisanes faites de violence et de corruption. Ses articles, notamment sur le glissement de terrain de Médellin et sur le naufrage d'un destroyer de la marine colombienne le mettent en position de délicatesse avec le pouvoir politique et c'est le départ pour l'Europe, vécu comme un exil volontaire et professionnel. A Rome, Paris, en Allemagne de l'Est, à Cuba, à New-York, à Mexico où il fut reporter et critique de film avec plus ou moins de bonheur, il connut des difficultés d'écriture mais surtout financières. Il devient « Gabo » et lui qui au départ ne gagnait pas sa vie même comme journaliste va crouler sous les honneurs et la reconnaissance, la fortune avec la consécration littéraire.
Ses romans sont certes inspirés par sa vie, par son enfance, mais il mêle toujours à la fiction, l'histoire, les superstitions, les tabous et le folklore de son pays et de tout le continent sud-américain. Il ne manque jamais de dénoncer les inégalité sociales et de prendre parti pour les plus démunis ce qui fait de son œuvre non seulement un extraordinaire moment de lecture mais aussi le plaidoyer social d'un grand témoin de son temps. Son écriture flamboyante, son humour, son imagination débordante et cet extraordinaire talent de conteur et de narrateur révèlent l'âme de la Colombie. C'est véritablement son pays qui a fait de lui l'auteur que nous connaissons. Pourtant, il a fini par prendre ses distances avec lui!
C'est donc un destin d'écrivain qui est présenté ici mais aussi l'illustration d'un paradoxe: comment concilier une vie littéraire, politique et personnelle avec tant de notoriété? C'est que, avec le temps, il s'est largement impliqué dans la politique, est devenu thuriféraire des gouvernants qui avaient sa sympathie, jusqu'à être sans doute dépassé par cet engagement. Mais cet homme au « réalisme magique » cache cependant un sentiment de solitude qui irriguera sans aucun doute son écriture, tout comme l'amour et le sexe d'ailleurs! A ce propos, malgré cette société dont il fait évidemment partie où les hommes ont volontiers des relations avec les prostituées ou des aventures avec des femmes mariées, il ne cessera, malgré sa vie privée mouvementée, de penser à Mercedes, pourtant plus jeune que lui, qu'il a demandée en mariage quand elle avait 9 ans, et qu'il épousera!
Il est maintenant un vieil homme luttant contre la maladie qui devient de plus en plus amnésique, un paradoxe de plus pour un écrivain qui a fait de la mémoire le thème central de son œuvre. Même s'il attend la mort, se perd un peu dans son propre labyrinthe, il a déjà l'acquit l'immortalité.
C'est, sous un titre sobre, un travail monumental, qui n'est cependant pas une hagiographie, et qui est présenté pédagogiquement sous une forme chronologique par son biographe « officiel ». C'est aussi une bonne idée d'avoir enrichi le livre de cartes de géographie, d'arbres généalogiques et de notes.
Je ne peux que saluer la sortie de ce livre, fruit de dix-sept années de travail assidu et constant, une version cependant courte selon Martin (Ce livre comporte plus de 650 pages avec les notes alors que l'autre, « longue », sera publiée plus tard en compte 2000!), qui nous montre un être à plusieurs faces, à la fois narcissique et tourmenté, mystérieux et parfois empêtré dans ses contradictions, à l'occasion flagorneur et manipulateur, mais conscient de sa notoriété... L'auteur fait un analyse pertinente de l'œuvre de Márques et replace sa vie dans le contexte des événements politiques auxquels il n'est pas resté indifférent.
Mais, prenons garde, Márques a avoué à son biographe, sans doute en guise d'avertissement, « Tout le monde a trois vies, une vie publique, une vie privée et une vie secrète! ». Cet ouvrage nous aide un peu à comprendre cette dernière!
C'est en tout cas un hommage majeur à un homme et à un écrivain exceptionnel.
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VIVRE POUR LA RACONTER - Gabriel Garcia MÁRQUEZ-Editions Grasset.
- Par hervegautier
- Le 01/04/2009
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N°263 - Novembre 2006
VIVRE POUR LA RACONTER – Gabriel Garcίa MÁRQUEZ– Editions Grasset.
(traduit de l’espagnol par Annie Morvan)
J’ai déjà écrit dans cette chronique à plusieurs reprises combien j’apprécie l’écriture de Gabriel Garcia Marquez. Je n’ai aucune mérite puisque son talent a été largement récompensé, mais quand même ! Jusque là, il était un romancier dont je célébrais les qualités et notamment celles qui consistaient à débuter son texte par une première phrase apparemment anodine et, à partir de celle-ci, de dérouler toute une fiction de plusieurs centaines de pages pour la plus grande joie de son lecteur passionné, déçu simplement par le mot « fin ». Ici, c’est la même chose et ce qui débute le récit « Ma mère me demanda de l’accompagner pour vendre la maison » vous entraîne pendant six cents pages sans que l’ennui ne s’insinue dans votre lecture. Pourtant ce n’est pas exactement un roman, plutôt une autobiographie, comme l’indique le titre, encore qu’avec lui, il faille se méfier, puisque tout est prétexte à l’écriture et que l’exercice dans lequel il excelle est, avant tout, de raconter une histoire, fût-ce celle de sa propre vie !
A partir d’un voyage effectué avec sa mère dans le but hypothétique de la vente de la maison de son enfance, ses souvenirs remontent de la terre natale comme l’eau d’une source. C’est aussi l’occasion pour lui de nous indiquer qu’à cette époque de sa vie il était étudiant, puis journaliste « dans un hebdomadaire indépendant et à l’avenir incertain », de nous faire découvrir avec quelque effroi, le parcours initiatique qui fut le sien sur le chemin de ce merveilleux état qui, à défaut d’être un métier, est sans doute la plus extraordinaire des raisons de justifier son passage sur terre : être écrivain !
Il est rassurant de lire sous sa plume des conseils qu’on lui donna et qu’il n’oublia pas de mettre en pratique, de « continuer à écrire, ne fût-ce que pour [sa] santé mentale » et de « ne jamais montrer à personne le brouillon qu’[il] est entrain d’écrire »
Pour le plaisir de son lecteur, il remonte le moindre rameau de son arbre généalogique en révélant tous les travers de cette société quelque peu clanique, à la fois intolérante et pétrie de principes surannés, avec un sens de la formule qui n’appartient qu’à lui « Ce préjugé atavique, dont les séquelles subsistent encore aujourd’hui, a fait de nous une vaste fratrie composée de vieilles filles et d’hommes débraguettés avec toute une ribambelle d’enfants semés dans les rues ». Il nous invite à parcourir les arcanes de ces histoires intimes où les enfants légitimes côtoient les bâtards, où les amours tumultueuses et passionnées de ses parents le disputent aux querelles d’honneur, aux improbables aveux et aux rebondissements inattendus dans un contexte de principes moraux, d’interdits religieux et de retournements de fortune !
Dans cette quête de souvenirs, les fantasmes font bien souvent place à la réalité idyllique, parce que, chez lui aussi la mémoire enjolive les moindres faits, les sublime et y instille un arrière-goût de nostalgie. Il nous invite avec un humour consommé, à parcourir cette enfance, à la fois dissipée et innocente, rapidement désabusée et pourtant amusée, à l’image de l’enfant qu’il était et qui ouvrait sur le monde ses grands yeux étonnés, comme le montre la photo de la couverture. Elle s’est déroulée sous l’égide, sinon sous la bienveillance complice, de son grand-père, ex-colonel dans l’armée révolutionnaire, d’une mère aimante et généreuse, d’un père éternel rêveur un peu volage, de la pauvreté, de la chance … L’auteur y déroule avec humour une vie où son histoire personnelle, faite de lectures, de femmes, d’alcool, d’amitiés, de rencontres dans des bars, des bordels, des salles de rédaction, se confond parfois avec celle de son propre pays. Ce livre montre à quel point sa propre existence nourrit une œuvre littéraire hors du commun.
Lire un livre de Gabriel Garcia Marques c’est tout simplement passer un moment merveilleux et j’appliquerai volontiers à cet ouvrage la remarque qu’il fait lui-même « Je n’ai jamais oublié qu’on ne devait lire que les livres qui nous obligent à les relire ».
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DOUZE CONTES VAGABONDS - GABRIEL GARCIA MARQUEZ - GRASSET.
- Par hervegautier
- Le 01/04/2009
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N°269 – Février 2007
DOUZE CONTES VAGABONDS – GABRIEL GARCIA MARQUEZ – GRASSET.
De ces douze contes vagabonds, je ne dirai rien, sinon qu'ils sont à l'image des textes que Marquez écrits avec un talent et un humour qui ne se démentent pas et qui tiennent en haleine le lecteur dont la curiosité demeure en éveil, de la première à la dernière ligne. Son écriture jubilatoire m'a toujours enchanté. Depuis sa création, cette chronique s'est d'ailleurs fait l'écho de l'œuvre du Prix Nobel, et ce n'est pas maintenant que je vais changer d'avis! Je noterai quand même que beaucoup de ses contes se terminent par la mort ou l'évoquent, mais celle-ci n'est pas triste, n'inspire pas la crainte et n'est pas tabou comme en occident. Au Mexique où vit l'auteur, la mort est joyeuse, elle est une fête lorsque les disparus reviennent visiter les vivants qui leur font fête et célèbrent ainsi leur mémoire. Ils accompagnent les hommes au quotidien...
On lit rarement les prologues. Celui-ci est intéressant. L'auteur y évoque le processus de l'écriture, au vrai, une véritable alchimie avec ses biffures, ses ratures, ses épluchures de gomme, ses hésitations, ses archivages minutieux, ses incertitudes d'avenir... Il parle aussi du plaisir d'écrire, car c'en est un, malgré l'impérieuse nécessité de la correction, l'implacable dictature de l'inspiration, la disponibilité obligatoire de l'auteur devenu son esclave volontaire, la nécessité du travail toujours recommencé“[au]plaisir d'écrire, le plus intime et le plus solitaire qui soit, et si l'on ne passe pas le restant de ses jours à corriger le livre c'est parce qu'il faut s'imposer, pour le terminer, la même implacable rigueur que pour le commencer”. Il rappelle lui-même, comme une sorte de consolation “qu'on apprécie un bon écrivain à ce qu'il déchire plus qu'à ce qu'il publie”. Et lui de parler de l'incessant vagabondage de ces contes “entre [son] bureau et sa corbeille”, soulignant ses doutes, ses renoncements, son travail toujours recommencé. Son recueil tire de là son titre, sans doute?
Dans ce contexte du temps qui passe, de la mémoire qu'un écrit conserve des lieux et des personnages évoqués alors que l'auteur lui-même en est oublieux, Marquez note “Les souvenirs réels me paraissaient des fantômes de la mémoire tandis que les faux souvenirs étaient si convaincants qu'ils avaient supplanté la réalité. Si bien qu'il m'était impossible de discerner la frontière entre la désillusion et la nostalgie”. Remettre sur le métier un texte en se disant qu'il sera meilleur plus tard, cela joue des tours et il note non sans humour “ Je n'ai jamais relu aucun de mes livres par crainte de me repentir de les avoir écrits”. C'est que, il l'avoue lui-même, les douze contes qui composent ce recueil ont été écrits au long de dix huit années. Certains ont connu des fortune diverses, mais Marquez insiste, ne serait-ce, dit-il, qu'à l'usage des enfants qui veulent devenir écrivains,”Qu'ils sachent...combien le vice de l'écriture est insatiable et abrasif”. Dont acte, car il sait de quoi il parle!
Les idées viennent au créateur par des voies détournées et souvent inattendues, à travers le voyage ou l'immobilité, l'éveil ou le songe, mais ce qu'il sait en revanche, et il est le seul à le savoir, c'est qu'il ne doit pas les laisser s'évanouir dans l'oubli, il doit obligatoirement les travailler, les exploiter, les faire grandir... Et ce d'autant plus qu'elles lui ont été offertes gracieusement, mais en même temps avec la conviction intime qu'il est en quelque sorte le débiteur de cette voix mystérieuse que d'aucuns habillent de divinité, mais à la disposition de laquelle il doit se mettre sans même discuter, sous peine de n'en être plus jamais le sujet... Abandonner une bonne idée peut être un signe d'humilité, mais la prudence oblige parfois à l'archivage. On ne sait jamais! C'est vrai que l'écrivain, si célèbre soit-il, se doit d'être humble devant le phénomène même de l'écriture. Il n'ignore pas, en effet, qu'il reste totalement dépendant de cette vibration extraordinaire dont il a fait son métier, et ce malgré toute sa culture, tout son travail, toute son expérience et toute sa sensibilité... Même pour l' écrivain, l'écriture reste un mystère! L'état d' écrivain a ses grandeurs, mais aussi ses servitudes!
L'auteur est aussi un témoin, non seulement de sa propre personnalité, de son propre talent, mais aussi, et peut-être surtout, de son temps, du peuple dont il fait partie, de la culture qu'il incarne, de la condition humaine.
Ces contes procurent un moment unique de lecture, mais j'apprécie aussi la préface, elle rappelle des vérités sur le matériau même du livre, l'écriture!
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QUELQUES MOTS SUR GABRIEL GARCIA MARQUEZ [à travers trois livres]
- Par hervegautier
- Le 01/04/2009
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N°298– Avril 2008
QUELQUES MOTS SUR GABRIEL GARCIA MARQUEZ [à travers trois livres]
Je ne sais pas ce qui motive cette lecture effrénée de Marquez, sans doute l'inflation de ce qui se publie actuellement qui n'implique malheureusement pas la qualité de l'écriture et qui m'entraîne insensiblement à lire et à relire les bons auteurs, en tout cas ceux qui ont la particularité de m'étonner. Marquez est de ceux-là et les lecteurs de cette chronique savent l'intérêt jamais démenti que je lui porte. Il est un des rares qui peut raconter une histoire à partir de trois mots anodins en apparence mais qui captive son lecteur pendant plusieurs centaines de pages sans que l'ennui s'insinue dans la lecture. Le seul nom de Marquez retient mon attention. Plus sans doute que les autres auteurs, il s'empare de la réalité, que cela soit de sa propre vie ou de l'histoire, se l'approprie et en fait une fiction merveilleuse.
Par exemple « Pas de lettre pour le colonel »[Editions Grasset] raconte l'histoire, sur fond de misère et d'improbables tribulations autour d'un coq de combat, d'un ancien combattant péruvien, colonel à 20 ans, qui attend désespérément, depuis de trop nombreuses années une pension d'ancien combattant qui ne viendra jamais, à cause du perpétuel changement de gouvernement, des restrictions budgétaires et surtout de l'oubli général...
Dans le style du journaliste qu'il a été, Marquez évoque dans « Journal d'un enlèvement »[Editions Grasset] cette période délétère de l'histoire de la Colombie émaillée d'enlèvements, d'assassinats politiques, de terrorisme, d'attentats, de guerrilla, de corruption sur fonds de lutte contre les narco-trafiquants du cartel de Medellin, les complexités du pouvoir politique, des descentes meurtrières de police. Ce n'est pas à proprement parler un livre dans le droit fil des romans quelque peu baroques de Marquez. Ici, le registre est plus sobre pour évoquer l'angoisse, les espoirs des otages et de leurs familles. Ce livre pourtant publié en 1997 est malheureusement d'actualité puisqu'il évoque une triste habitude de la Colombie de pratiquer l'enlèvement.
Avec « Le général dans son labyrinthe »[Editions Grasset] , je note que ce roman est dédié à Alvaro Mutis dont il a été longuement question dans cette chronique depuis sa création.] Marquez renoue avec son style teinté d'humour subtil que des formules laconiques soulignent à l'envi. Mêlant fiction et réalité, Il s'empare du personnage à ce moment précis et narre le dernier voyage du général Bolivar, héros de l'Amérique Andine, qui ayant quitté le pouvoir, part pour un exil sans retour et renoue avec ses souvenirs guerriers et glorieux, avec celui des femmes qui partagèrent fugacement sa vie. Il jette un regard désabusé sur ce que fut sa vie, mais aussi sur l'ingratitude de ses contemporains et sur la condition humaine, le sens de cette vie qui s'achève.. C'est que, après tant d'année à guerroyer contre les Espagnols, il entame, en compagnie de son hamac et de son fidèle serviteur, son dernier voyage, celui qui le conduira à la mort. C'est un récit à la fois émouvant et épique des quatorze derniers jours d' « El Liberador » qui voyait ainsi s'achever cette vie labyrinthique qui aurait pu être celle d'un paisible propriétaire mais que le destin a fait basculer. J'y vois l'hommage d'un Colombien illustre à un compatriote qui ne l'est pas moins.
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Deux écrivains sud américains – Gabriel Garcia MARQUES – Alvaro MUTIS
- Par hervegautier
- Le 01/04/2009
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N°75
Août 1991
Deux écrivains sud américains – Gabriel Garcia MARQUES – Alvaro MUTIS
Je n’ai vraiment aucun mérite à conseiller la lecture de « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marques.
On ne se lassera pas de lire ce roman où le style n’a d’égal que les invraisemblables mais passionnantes aventures qu’il raconte. J’avoue, comme à chaque fois que j’ouvre un de ses livres que je prends le même plaisir à goûter son exceptionnel talent qui accapare le lecteur dès la première phrase et l’abandonne, un peu désorienté à la dernière en l’ayant entraîné dans un autre univers où le temps semble battre à un rythme différent du nôtre et où le destin des acteurs de cette grande épopée se déroule dans un microcosme à l’abri du reste du monde.
Dans cette saga où les personnages paraissent vivre à la dérive dans une marginalité délirante, le quotidien le dispute au merveilleux avec toujours cette verve poétique si attachante.
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RECIT D’UN NAUFRAGE – Gabriel Garcia MARQUEZ – Editions Grasset.
- Par hervegautier
- Le 01/04/2009
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N°158
Juin 1993
RECIT D’UN NAUFRAGE – Gabriel Garcia MARQUEZ – Editions Grasset.
Il s’agit d’une histoire contée par un marin, un de ces hommes en perpétuelle errance qui ont choisi la mer pour fuir ou chercher quelque chose sans trop savoir ce que c’est.
Le décor : la mer des Caraïbes qui a vu tant de navires disparaître et où le mystère s’épaissit à chaque naufrage.
Le récit : après l’accident d’un destroyer de la Marine colombienne, l’histoire d’un homme qui se débat et survit sur un radeau à la faim, à la soif, à la peur, aux hallucinations, avec l’espoir de croiser un avion ou un bateau.
Comme je l’ai déjà dit dans cette chronique, Gabriel Garcia MARQUEZ est un de ces écrivains qui prennent et passionnent leur lecteur dès la première ligne et ne l’abandonnent qu’à la fin du roman, grisé de dépaysement et toujours un peu déçu que le récit soit déjà terminé.
En outre, il est de ces écrivains sud-américains dont le style possède cette musique, cette odeur, et cette chose intraduisible qui fait dire au lecteur qu’il a passionnément aimé un livre.
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DEUX ROMANS DE GABRIEL GARCIA MARQUEZ.
- Par hervegautier
- Le 01/04/2009
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N°146
Février 1993
DEUX ROMANS DE GABRIEL GARCIA MARQUEZ.
J’ai déjà écrit dans cette chronique que la récente publication d’un livre n’était pas le seul critère d’intérêt pour le lecteur. L’ouvrage reste permanent et garde en lui sa part de rêve et de dépaysement. Il n’attend que l’amateur.
*
Ainsi ces deux ouvrages de Gabriel Garcia Marquez, La Mala hora tout d’abord qui a pour décor un petit village de Colombie écrasé de chaleur où s’abattent parfois des orages tropicaux qui balayent tout sur leur passage et transforment le fleuve tout proche en un impétueux torrent de boue. Il ne s’y passe rien sinon que dans ses rues et entre les murs de ses maisons enfle une rumeur qui se nourrit d’affiches anonymes apposées nuitamment... Elles apportent au village son lot d’incertitudes et de doutes…
César Montero tue un matin l’amant de sa femme. Dès lors vont entrer en scène pendant dix sept jours le Maire, torturé par une rage de dents, le Père Angel, absorbé par les devoirs de sa charge… Cependant le temps semble s’écouler avec la lenteur qui sied à ces latitudes, mais ces cieux tourmentés ont aussi connu, il n’y a pas si longtemps la guerre civile avec ses querelles politiques , ses assassinats. L’absence de légitimité des gouvernants le dispute à la soif de revanche des opposants.
Pourtant, on affirme bien haut que les choses ont changé, et ce, malgré les affiches qui ne révèlent rien qu’on ne connaissent déjà. Cependant les passions finiront par se déchaîner et la terreur reprendra comme avant.
*
Le second ouvrage, qui est aussi le premier de Garcia Marquez met l’accent sur un thème qui lui est cher, celui de la solitude. Des feuilles dans la bourrasque rassemble au début trois personnages autour d’un cercueil. Chacun donne libre cours à ses pensées. Ils évoquent le mort, un médecin qui vient de se pendre, un homme que tout le village exécrait parce qu’il avait un jour refusé de soigner des blessés et qui depuis vivait reclus chez lui.
A cause d’une promesse l’un des personnages, un vieux colonel, va l’enterrer pour qu’il ne soit pas la proie des vautours. Il le fera malgré la haine du village de Macondo, jadis enrichi par une société bananière et qui maintenant n’est plus que l’ombre de lui-même…
Cette impression de solitude est accentuée par les monologues entrecroisés des différents personnages. Le décor de ce roman, autant que le thème qui y est traité préfigurent déjà l’œuvre de Garcia Marquez.
Ces deux romans sont publiés chez Grasset.
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CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCEE. - Gabriel Garcia MARQUES - Editions GRASSET.
- Par hervegautier
- Le 30/03/2009
- Dans Gabriel Garcia Màrquez
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N°53
Février 1991
CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCEE. - Gabriel Garcia MARQUES - Editions GRASSET.
Il est des écrivains bénis qui captent l’attention de leur lecteur dès la première ligne et l’abandonnent à la dernière, perplexe mais ravi d’avoir tenu entre leurs mains un chef-d’œuvre. Gabriel Garcia Marquez est de ceux-là qui, avec « Chronique d’une mort annoncée » tient en haleine l’impatient témoin de cette histoire qui aurait pu se résumer en quelques phrases.
A travers un enchevêtrement de faits, de contre-temps et de personnages, l’auteur nous raconte avec humour et un sens consommé du suspens l’assassinat d’un homme et sa préparation où la nécessité de laver l’honneur d’une femme le dispute à la fatalité.