Bernard Minier
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n'éteins pas la lumière
- Par hervegautier
- Le 13/03/2021
- Dans Bernard Minier
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N° 1535 – Mars 2021
N’éteins pas la lumière – Bernard Minier -XO éditions.
Christine Steinmeyer est animatrice de Radio à Toulouse et reçoit, le soir de Noël dans sa boite aux lettres une missive dont elle croit qu’elle ne lui est pas destinée. Pourtant, au cours d’une de ses émissions, elle est accusée de n’avoir pas empêcher le suicide d’une femme qui lui avait écrit cette lettre. Elle fait même l’objet de harcèlements par un pervers qui la poursuit, de quoi provoquer une psychose paranoïaque pour elle qui traverse une période sentimentale difficile. Christine n’est pas inconnue dans le monde de l’audiovisuel puisque ses parents y ont acquis une belle notoriété. Ce n’est pas facile pour elle d’exister dans leur ombre et dans le souvenir de sa sœur Madeleine, sa sœur aînée décédée quelques années plus tôt.
Le commandant Servaz est dans une maison de repos pour flics dépressifs après avoir reçu par la poste le cœur de Marianne, une femme qui se serait suicidée. Dans un grand hôtel de cette localité une main anonyme a réservé à son nom une chambre où l’année passée une actrice s’est suicidée dans dans circonstances étranges. Cette affaire est classée mais Servaz, même s’il n’a pas participé à l’enquête initiale et s’il n’a aucun titre pour investiguer, s’en empare. Deux affaires apparemment sans aucun lien entre elles, apparemment seulement car leurs vies vont se croiser. Il enquête donc sans aucune autorisation ni ordre pour cela mais, revenir ainsi aux réalités représente pour lui une thérapie et il va remonter méthodiquement les pistes. Ce qu’il découvre dépasse largement ce à quoi il s’attendait, entre une aventure spatiale, un prédateur sexuel, la folie de Christine qui grandit à force de harcèlements dans une atmosphère kafkaïenne, la violence, la dépression, la vengeance, la haine, la duplicité, la trahison... Au rythme de « Madame Butterfly » et autres morceaux de grande musique notre auteur mène une intrigue un peu lente au début, avec quelques longueurs, des détails assez difficilement crédibles et une fin peut-être un peu trop « Happy end ».
J’avais été séduit lors de la lecture de « Glacé » et de « Le cercle » du même auteur. Sans minimiser la satisfaction que j’ai eue à découvrir ce roman, je l’ai trouvé un peu en retrait par rapport aux deux précédents. Pourtant j’apprécie comme toujours qu’un polar soit bien écrit, plein de suspense et érudit, lire un roman de Bernard Minier est toujours pour moi un bon moment.
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Le cercle
- Par hervegautier
- Le 17/02/2021
- Dans Bernard Minier
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N° 1528- Février 2021
Le cercle– Bernard Minier - Pocket
Il est des affaires qui sortent de la routine administrative. Celle qui a occupé deux ans plus tôt le commandant Martin Servaz du SRPJ de Toulouse le hante encore puisque un tueur en série, Julian Hirtmann, qu’il poursuivait a réussi à s’échapper (« Glacé » du même auteur). Une professeure de langues anciennes au lycée de Marsac, Claire Diemar, est retrouvée assassinée chez elle dans des circonstances étranges et tout accuse un de ses élèves, Hugo, présent sur les lieux. Le commandant, tout auréolé de son succès dans l’affaire précédente, est chargé de l’enquête, mais, cet Hugo est le fils de Marianne, une ancienne conquête que Martin retrouve avec passion, ce qui le met quelque peu dans l’embarras et constitue pour lui un défi dans l’exercice de son métier de policier, d’autant que cette mort est entourée de mystères. Ce fils que tout accuse est en effet dangereusement impliqué dans cette enquête.
Je ne connais évidemment pas Bernard Minier mais plus je le lis plus j’ai l’intuition qu’il y a beaucoup de lui-même dans le personnage du commandant, à travers son regard posé sur la société qui l’entoure et les remarques qu’elle lui inspire. Elles ne sont pas seulement réservées au domaine judiciaire et sont bien souvent pertinentes. Hirtmann est pour Martin un être à la fois fascinant et repoussant, un pervers manipulateur, un tueur en série qui l’obsède mais avec qui il partage le goût de la musique de Mahler qui accompagne souvent ses crimes, une sorte de double qui le traque sans relâche, mais qui lui échappe sans cesse, prenant même plaisir à le narguer. Il s’invitera à nouveau dans cette enquête, à tout le moins le croit-il. Cette présence n’est pas uniquement justifiée par les investigations policières, elle me paraît révélatrice d’une quête d’une autre nature, à la fois une lourde obsession et même un jeu entre eux, Hirtmann prenant plaisir à se manifester et même à s’en prendre physiquement au policier, tout en l’épargnant cependant, mais en menaçant aussi sa propre fille. Même s’il est épaulé dans sa tâche par ses fidèles adjoints, il retrouvera des protagonistes de cette ancienne affaire dont Irène Ziegler, une capitaine de gendarmerie en disgrâce, mais qui l’aidera non sans prendre des risques, inscrivant ainsi ce roman dans une sorte de continuité littéraire. Son passé lui éclate donc à la figure avec ses erreurs, échecs, ses remords, ses trahisons aussi, pollue son indépendance d’enquêteur et l’amène à prendre des libertés avec la procédure face à des meurtres en chaîne, camouflés en accidents qui pourraient bien être liés à celui de Claire Diemar. Cette femme représente un trait d’union entre la vie actuelle du commandant et sa jeunesse, mais ceux qu’il croise, qui ont également été ses amis à l’époque où il était lui-même élève dans ce lycée, des collègues de la victime et aussi parfois ses amants, et aussi ceux de Marianne, viennent brouiller les choses. Cette enquête s’égare un peu au début faute de pistes, autant à cause de la mise en scène un peu surréaliste du meurtre de Claire que de l’obsession de Martin. Pourtant elle lui en révèle long sur la victime, ses relations professionnelles et surtout intimes, sur l’amour fou, l’égoïsme, les mensonges, l’hypocrisie, la trahison, la lâcheté, la vengeance, la veulerie, les drames, les règlements de compte, les secrets trop lourds et les remords dont est friande l’espèce humaine et ce d’autant qu’elle implique Lacaze, un député non dénué d’ambition nationale ce qui, à l’évidence, ne facilitera pas ses investigations.
Je n’ai pas beaucoup d’imagination mais je vois Martin comme un bel homme, la quarantaine, amoureux des femmes et de leur beauté, ce qui donne des évocations érotiques qui ne gâchent en rien la lecture mais qui contrastent avec l’atmosphère de violence, de vengeance, de drogue, d’espionnage et de pression hiérarchique qui est l’ordinaire d’un thriller. C’est un être tourmenté par des fantômes de sa jeunesse et qui tente désespérément de se protéger sous une couche faite d’érudition, de solitude et d’exercice de son métier même si celui-ci l’amène à tutoyer la mort ou à y songer tant il est fatigué de vivre. Et puis il y a ce cercle, un rituel de mémoire face à l’oubli ou un instrument de représailles , allez savoir
Roman bien documenté,bien écrit, avec un suspense savamment entretenu sur fond de match de foot.
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Glacé
- Par hervegautier
- Le 06/02/2021
- Dans Bernard Minier
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N° 1527- Février 2021
Glacé – Bernard Minier - Pocket
Dans les Pyrénées, en plein hiver, en haut d’une remontée mécanique, on a retrouvé un corps. C’est déjà étonnant, mais le plus étrange c’est que ce cadavre est celui... d’un cheval décapité, dans une mise en scène macabre, détail suffisant pour que le commandant Servaz, par ailleurs en charge d’un autre affaire de meurtre sur la personne d’un SDF, soit désigné pour cette enquête de concert avec la capitaine de gendarmerie Irène Ziegler. Le cheval, un pur sang, appartient à Eric Lombard, notable voisin et capitaine d’industrie et il ne fait pas de doute que ce fait est lié à cette personne. Il ne fait pas de doute non plus que cet homme, de part sa fortune et sa position, a des appuis en haut lieu ce qui compliquera les choses pour les enquêteurs. Il y a un centre pénitentiaire psychiatrique, l’institut Warnier, à proximité de la scène « de crime » où vient d’arriver Diane Berg, une jeune psychologue suisse. Les investigations révèlent la présence in situ de Julian Hirtman, ex-procureur et tueur redoutable, pensionnaire de l’institut, mais cette information pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses aux enquêteurs et ce d’autant que d’autres meurtres tout aussi mystérieux ont lieu dans la région avec toujours ses traces ADN. Cette suspicion remettrait en cause l’existence même de cet institut unique en son genre et craint par les habitants de cette vallée parce qu’elle réveille une histoire macabre vieille de quinze ans. Il y a des cadavres dans les placards des archives patiemment constituées et ressuscitées par un juge à la retraite, de vieille histoires qui mettent en lumière toute la turpitude dont est capable l’espèce humaine, un parfum nauséabond de règlement de comptes anciens, les apparences qui sont parfois trompeuses et qui polluent le jugement le plus sensé, des fausses pistes et des vrais indices, une dimension rituelle dans les modus operandi, un rappel de l’adage que la vengeance est un plat qui se mange froid, et au cas particulier plutôt faisandé, qu’il ne faut faire confiance à personne, que l’hypocrisie fait toujours partie du quotidien…
L’institut Warnier où travaille Diane Berg, la nouvelle psychologue, est suffisamment mystérieux pour que cette dernière s’intéresse à ce qui s’y passe, notamment en matière de traitements médicamenteux. Elle mène son enquête personnelle qui, sans qu’elle s’en doute, rejoindra les investigations policières et les éclaireront.
J’ai aimé la personnalité et les remarques teintées d’humour de Servaz, policier de terrain et consciencieux, notamment à propos de la hiérarchie policière calfeutrée dans les bureaux, bien plus occupée par son avancement et par l’entretien de son incompétence que par sa mission de service public. Ces commentaires pertinents sont de portée générale! C’est un flic solitaire, cultivé, sensible à la beauté des femmes, bien loin de cette catégorie de fonctionnaires flagorneurs et arrivistes.
J’ai apprécié que ce texte bien écrit, émaillé de belles descriptions de cet écrin de montagnes en hiver, bien construit, érudit, bien documenté et lu avec gourmandise, soit associé à la musique de Gustav Malher . L’auteur y règle quelques comptes notamment au sujet de la psychiatrie et tient en haleine son lecteur jusqu’à la fin avec force rebondissements où les différents personnages à la personnalité parfois compliquée sont entraînés dans une sorte de maelstrom meurtrier. La littérature policière est un terrain propice à l’exploration des méandres délétères de l’âme humaine et ce roman les analyse avec pertinence et talent. Publié en 2011 ce roman passionnant est le premier d’une série écrite par Bernard Minier. Il a fait l’objet d’une adaptation télévisée et a été couronné par de nombreux prix. Moi, simple lecteur, je n’ai aucun mérite à me joindre à la cohorte de louanges qui a accompagné la publication de ce thriller et je pense que je vais m’intéresser à l’ œuvre de cet auteur.