Le cercle
- Par hervegautier
- Le 17/02/2021
- Dans Bernard Minier
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N° 1528- Février 2021
Le cercle– Bernard Minier - Pocket
Il est des affaires qui sortent de la routine administrative. Celle qui a occupé deux ans plus tôt le commandant Martin Servaz du SRPJ de Toulouse le hante encore puisque un tueur en série, Julian Hirtmann, qu’il poursuivait a réussi à s’échapper (« Glacé » du même auteur). Une professeure de langues anciennes au lycée de Marsac, Claire Diemar, est retrouvée assassinée chez elle dans des circonstances étranges et tout accuse un de ses élèves, Hugo, présent sur les lieux. Le commandant, tout auréolé de son succès dans l’affaire précédente, est chargé de l’enquête, mais, cet Hugo est le fils de Marianne, une ancienne conquête que Martin retrouve avec passion, ce qui le met quelque peu dans l’embarras et constitue pour lui un défi dans l’exercice de son métier de policier, d’autant que cette mort est entourée de mystères. Ce fils que tout accuse est en effet dangereusement impliqué dans cette enquête.
Je ne connais évidemment pas Bernard Minier mais plus je le lis plus j’ai l’intuition qu’il y a beaucoup de lui-même dans le personnage du commandant, à travers son regard posé sur la société qui l’entoure et les remarques qu’elle lui inspire. Elles ne sont pas seulement réservées au domaine judiciaire et sont bien souvent pertinentes. Hirtmann est pour Martin un être à la fois fascinant et repoussant, un pervers manipulateur, un tueur en série qui l’obsède mais avec qui il partage le goût de la musique de Mahler qui accompagne souvent ses crimes, une sorte de double qui le traque sans relâche, mais qui lui échappe sans cesse, prenant même plaisir à le narguer. Il s’invitera à nouveau dans cette enquête, à tout le moins le croit-il. Cette présence n’est pas uniquement justifiée par les investigations policières, elle me paraît révélatrice d’une quête d’une autre nature, à la fois une lourde obsession et même un jeu entre eux, Hirtmann prenant plaisir à se manifester et même à s’en prendre physiquement au policier, tout en l’épargnant cependant, mais en menaçant aussi sa propre fille. Même s’il est épaulé dans sa tâche par ses fidèles adjoints, il retrouvera des protagonistes de cette ancienne affaire dont Irène Ziegler, une capitaine de gendarmerie en disgrâce, mais qui l’aidera non sans prendre des risques, inscrivant ainsi ce roman dans une sorte de continuité littéraire. Son passé lui éclate donc à la figure avec ses erreurs, échecs, ses remords, ses trahisons aussi, pollue son indépendance d’enquêteur et l’amène à prendre des libertés avec la procédure face à des meurtres en chaîne, camouflés en accidents qui pourraient bien être liés à celui de Claire Diemar. Cette femme représente un trait d’union entre la vie actuelle du commandant et sa jeunesse, mais ceux qu’il croise, qui ont également été ses amis à l’époque où il était lui-même élève dans ce lycée, des collègues de la victime et aussi parfois ses amants, et aussi ceux de Marianne, viennent brouiller les choses. Cette enquête s’égare un peu au début faute de pistes, autant à cause de la mise en scène un peu surréaliste du meurtre de Claire que de l’obsession de Martin. Pourtant elle lui en révèle long sur la victime, ses relations professionnelles et surtout intimes, sur l’amour fou, l’égoïsme, les mensonges, l’hypocrisie, la trahison, la lâcheté, la vengeance, la veulerie, les drames, les règlements de compte, les secrets trop lourds et les remords dont est friande l’espèce humaine et ce d’autant qu’elle implique Lacaze, un député non dénué d’ambition nationale ce qui, à l’évidence, ne facilitera pas ses investigations.
Je n’ai pas beaucoup d’imagination mais je vois Martin comme un bel homme, la quarantaine, amoureux des femmes et de leur beauté, ce qui donne des évocations érotiques qui ne gâchent en rien la lecture mais qui contrastent avec l’atmosphère de violence, de vengeance, de drogue, d’espionnage et de pression hiérarchique qui est l’ordinaire d’un thriller. C’est un être tourmenté par des fantômes de sa jeunesse et qui tente désespérément de se protéger sous une couche faite d’érudition, de solitude et d’exercice de son métier même si celui-ci l’amène à tutoyer la mort ou à y songer tant il est fatigué de vivre. Et puis il y a ce cercle, un rituel de mémoire face à l’oubli ou un instrument de représailles , allez savoir
Roman bien documenté,bien écrit, avec un suspense savamment entretenu sur fond de match de foot.
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