la feuille volante

Arthur Upfield

  • LES VIEUX GARCONS DE BROKEN HILL- Arthur UPFIELD

    N°647– Mai 2013.

    LES VIEUX GARCONS DE BROKEN HILL- Arthur UPFIELD - 10/18

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Décidément, l'inspecteur Napoléon Bonaparte qui préfère de loin qu'on l'appelle Bony, aime parler de lui comme étant le meilleur flic d'Australie. C'est un peu vrai puisque, une fois encore il doit quitter sa circonscription du Queensland pour venir élucider, pendant 15 jours, en Nouvelle-Galles du Sud un double assassinat au cyanure que la police locale peinait à résoudre. Ce délai peut paraître court, mais notre policier, sûr de lui, se fait entière confiance pour mener à bien cette mission dont il "consent" à s'occuper. Il n'envisage même pas l'ombre d'un échec. Unique, il l'est à plus d'un titre et entend une nouvelle fois être à la hauteur de sa réputation. Pour plus d'efficacité, il œuvrera encore une fois incognito et donc sous un faux nom dans cette ville de Broken Hill, petite ville minière calme et prospère. Il se met donc à la disposition du chef de la police locale, le commissaire Pavier, qui favorisera ses recherches en lui adjoignant le personnel commandé par le sergent Crome.

    Lors de la précédente enquête menée par l'inspecteur Stillman venu de Sidney, ce dernier avait, dans son rapport, pointé les insuffisances du sergent, rudoyer quelque peu les témoins et même laissé dans son sillage un mauvaise image, mais sans pour autant élucider l'affaire. Cet inspecteur était à l'évidence incompétent mais avait le talent de rejeter ses propres carences sur les autres comme cela se voit souvent dans le monde du travail en pareilles circonstances. Les choses se présentent donc mal pour tout le monde, mais Bony s'attache d'abord à rassurer le sergent. Pour autant les deux meurtres sont apparemment sans mobile, sans témoins, les deux victimes n'ont aucun lieu de parenté et aucun point commun entre elles si ce n'est qu'ils sont tous les célibataires, âgés, bien en chair et mangeant salement, des vieux garçons donc ! Une affaire comme il les aime : compliquée !

    Pourtant, il y a urgence car les deux meurtres pourraient bien être suivis d'autres tout aussi mystérieux. Effectivement, d'autres crimes sont perpétrés, un autre par empoisonnement au cyanure et un dernier sur la personne de la secrétaire du commissaire, poignardée. Heureusement Bony, bien qu'il n'ait aucune parenté avec Socrate et qu'il soit conscient de la fragilité des témoignages, a une façon très personnelle de s'adjoindre l'aide de la population et même de la presse locale, ainsi que d'accoucher les esprits et sa maïeutique se révèle bigrement efficace.

    Dans cette petite ville, Bony rencontre aussi Jimmy Nimmo, dit le Casseur, une veille connaissance, un petit malfrat et un cambrioleur notoire, retiré à Broken Hill parce qu'il est tombé amoureux d'une femme qu'il souhaite épouser mais celle-ci n'y consentira que s'il rentre dans le rang et obtient un emploi régulier dans une mine. Pour lui qui est un as dans sa spécialité, c'est presque une déchéance. Tout l'art de Bony sera de le recruter pour que, encore une fois, il mette en œuvre ses talents... mais exclusivement au service de la Police !. Notre inspecteur déploie donc ses talents d'enquêteur, à la satisfaction de ses collègues, de la hiérarchie locale et même de la population qui ne regrette pas le sinistre inspecteur Stillman. Bony, avec son traditionnel thé et ses cigarettes horriblement mal roulées, traîne derrière lui une réputation de mauvais flic, non parce qu'il échoue dans ses enquêtes, mais bien au contraire parce qu'il n'est que trop indépendant voire marginal et que ses méthodes sont des plus originales et peut-être un peu en marge de la procédure légale. Il n'est pas dans le moule, ce qui lui vaut régulièrement d'être licencié de son poste... pour y être immédiatement réintégré !. Cette fois encore, il n'échappe pas aux bassesses dont le monde du travail est si friand et qui met régulièrement en scène les incompétents, les flagorneurs et les arrivistes, ces défauts se retrouvant souvent dans les mêmes personnes. Sur ordre de sa hiérarchie, il va être dessaisi du dossier qu'il avait pourtant bien contribué à faire évoluer dans le sens de la vérité. C'est Stillman qui n'a guère digéré son échec précédent qui débarque à nouveau dans l'affaire mais Bony n'entend pas en rester là. Un peu comme à chaque fois, et au dernier moment, les choses reviennent à leur vraie place, pour le plus grand plaisir du lecteur, même si cette fois épilogue est un peu inattendu.

    © Hervé GAUTIER - Mai 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LA MORT D'UN TRIMARDEUR - Arthur Upfield

    N°645– Avril 2013.

    LA MORT D'UN TRIMARDEUR - Arthur Upfield - 10/18

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    La muraille de Chine n'existe pas uniquement dans l'Empire du Milieu. Elle est présente au sud-est de la Nouvelle Galles du Sud, en Australie, mais c'est une formation géologique naturelle. C'est à l'ombre de celle-ci qu'a été retrouvé mort un gardien de troupeaux. Ce crime, parce que c'en est un, a attiré ici l’inspecteur Napoléon Bonaparte, dit Bony, qui laisse dire avec une certain détachement qu'il est le meilleur flic du pays, et ce d'autant plus que la police locale a quelque peu peiné dans le déroulement de l'enquête. Il ne conçoit sa présence sur place que dans la mesure où une affaire est comme il les aime : compliquée ! Selon sa bonne habitude, et pour être plus efficace dans ses investigations, il évite de se recommander de sa qualité de policier, se fond dans la population en buvant de petits verres de gnôle au bar et en fumant des cigarettes effroyablement mal roulées. Ici, il se fera passer pour un ouvrier agricole qui cherche du travail. Les policiers locaux sont tellement abusés par sa mise en scène qu'ils l'enferment au poste, mais pour quelques temps seulement. Pour faire bonne mesure et pour donner le change à la population, il va même jusqu'à se faire condamner par le tribunal local à une peine de principe cependant. Sa présence tombe plutôt bien puisqu'on vient de découvrir, après une autre mort fort suspecte, dans la même cabane que précédemment, un deuxième cadavre, celui d'un trimardeur, apparemment sans rapport avec le premier mais les constations du médecin légiste concluent à un meurtre déguisé en suicide : tout à fait une affaire pour Bony qui va ainsi profiter de son stratagème pour enquêter plus librement et recueillir les commentaires de la population.

    Bony est un homme avisé et un policier intelligent et surtout atypique qui s'en tient rarement aux évidences et sait tout aussi bien lire dans "le grand livre de la brousse" que de faire parler les moindres indices. Ici, c'est un banal jeu de morpion qui retient son attention mais lui y voit bien autre chose qui pourrait bien fournir une explication à cette série de meurtres. Bizarrement peut-être, il a une philosophie assez originale au regard du crime et prétend que le mal ne triomphe jamais. Il est vrai que, selon ses dires, il n'a jamais connu l'échec ! Il sait aussi, de part son expérience et sa faculté de déduction, que ce double meurtre est forcément le fait d'un habitant de ce village et a déjà, grâce à la chance ou, comme il le dit, à la Providence, compris les grands traits de son caractère. Il sait aussi que lui, Napoléon Bonaparte, n'est pas le seul à pouvoir changer de nom et d’apparences et que les plus flagrantes sont parfois trompeuses. Il n'y a en effet pas que les policiers d'élite qui peuvent se cacher derrière une fausse identité. La société peut, elle aussi, offrir aux criminels un décor dans lequel ils peuvent aisément disparaître et ainsi se dérober à la vigilance de tous. Mais cela non plus n'a pas échappé à Bony !

    Il est par ailleurs certain que notre inspecteur n'a aucune parenté avec Don Quichotte, mais cette histoire de moulins à vent le tracasse d'autant que la fille du sergent qui l'a accueilli, c'est à dire qui a été de connivence avec lui pour son incarcération, a été enlevée et laissée pour morte dans la cabane où les victimes ont été retrouvées. Tout cela complique un peu cette enquête qui traîne en longueur mais finalement, et comme à l'accoutumée notre fin limier parviendra a expliquer tout cela et à confondre le coupable.

    La lecture d'un roman d'Upfield est toujours pour moi un bon moment de lecture.

    © Hervé GAUTIER - Avril 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LE MONSTRE DU LAC FROME - Arthur Upfield

    N°643– Avril 2013.

    LE MONSTRE DU LAC FROME - Arthur Upfield 10/18

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Dans une exploitation du sud de l'Australie, près du lac Frome, un visiteur, Éric Maidstone, s'était présenté comme professeur en vacances et passionné de photographie. Il souhaitait réaliser un reportage sur les animaux de la région, le lac lui-même et les puits artésiens qui entourent l'exploitation de Quinambie. Cette dernière est située du côté de la clôture qui sert de protection contre les chiens sauvages et aussi sur la frontière qui sépare trois états de l'Australie méridionale. Pendant son temps de vacances il souhaitait habiter temporairement la maison du lac Frome, c'est à dire loin de tout. Pourtant, l'éloignement, le désert, n'étaient pas les seuls problèmes puisque les aborigènes parlaient d'un monstre qui hantait les lieux, un chameau meurtrier, mais ce n'était peut-être qu'une légende ! Les autochtones le craignaient parce que, disait-on, il s'attaquait à tout ce qui ressemblait à un homme. On suivit les traces de Maidstone qui devinrent de moins en moins visibles et on retrouva son cadavre percé d'une balle. Cette mort ne pouvait donc accréditer la fable du chameau mais il s'agissait bien d'un crime !

    L'inspecteur Napoléon Bonaparte qui souhaite surtout se faire appelé Bony, fut donc chargé de cette enquête, mais, pour être plus efficace dans la recherche des indices, et pour mieux pénétrer ce milieu des travailleurs de la clôture, il va se faire embaucher comme l'un d'eux, mais sous le nom de Ed Bonnay, c'est à dire cacher sa fonction de policier. S'il s'était annoncé de cette manière il aurait été repoussé voire éliminé parce que, il s'en rend vite compte, les flics ne sont pas les bienvenus dans cette région d’Australie. Pour autant, l'affaire se présente mal, pas d'indices, pas de mobile et évidemment pas de témoins mais c'est là une enquête difficile, comme Bony les affectionne, d'autant que la police locale n'était pas vraiment parvenue à l'élucider.

    Il a beau être à moitié aborigène, savoir lire les traces laissées sur le sable, connaître les légendes et les coutumes des autochtones, il n'est pas forcement accepté dans ce milieu très fermé de ces hommes durs à la tâche, souvent marginaux, plus ou moins repris de justice et surtout friands de leur liberté. Il a beau s'être fait passer pour un travailleur, ceux qui redoutent la présence des étrangers le soupçonnent de n'être pas exactement ce qu'il prétend être. Bony n'oublie pas non plus que les aborigènes sont un peuple mystérieux qui pratiquent des rites magiques comme la technique de "l'os pointé" qui est chez eux une véritable condamnation à mort et d'autres aussi comme notamment la transmission de pensée que les blancs ont depuis longtemps oubliée. Il se peut que le professeur ait vu ou fait quelque chose de contraire à leurs traditions pour avoir mérité la mort mais la présence d'une balle n'est pas vraiment dans leur culture. Et puis le désert rend fou ceux qui y restent trop longtemps !

    Fidèle à ses habitudes, et surtout après avoir réfléchi posément, longuement et observé les choses et les gens, Bony en arrive à la conclusion logique que les aborigènes savent qui a tué le professeur, mais n'en diront rien puisqu’ils détiennent un secret. Il craint aussi pour sa vie puisqu'il pourrait bien, lui aussi être leur prochaine victime mais, heureusement sait comment se libérer de leur emprise. Il sait aussi que la mort de Maidstone peut n'être qu'un simple accident puisqu'on ne lui a rien volé et que son matériel est intact, mais la région désertique favorise également le vol de bétail qui est fréquent mais difficile à empêcher.

    Tel est le thème de ce roman d'Arthur Upfield, passionnant, dépaysant, fort bien écrit et chargé en suspens, comme toujours ! J'ai découvert cet auteur il y a peu et j'avoue ne rien regretter. La lecture d'un de ses romans est à chaque fois une découverte ainsi qu'en atteste les nombreux articles que cette revue lui a consacrés.

    © Hervé GAUTIER - Avril 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LA LOI DE LA TRIBU - Arthur Upfield

    N°642– Avril 2013.

    LA LOI DE LA TRIBU - Arthur Upfield 10/18

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Nous sommes dans le nord de l'Australie, à la frontière du désert. Dans "le lit de Lucifer" , c'est à dire dans un cratère creusé dans la bush par un météorite voilà de nombreuses années, on vient de retrouver le cadavre d'un homme blanc, un étranger. Bien entendu, l'inspecteur Napoléon Bonaparte, autrement dit Bony, est désigné par le gouvernement fédéral pour faire toute la lumière sur cette affaire criminelle. Pourtant aucun étranger n'a été signalé dans les exploitations les plus proches et le mystère s'épaissit avec le silence qui entoure cette affaire. La seule hypothèse avancée est qu’il serait tombé d'un avion, mais elle ne tient pas et le policier devra déterminer ce qu'il faisait avant sa mort et surtout la raison pour laquelle cet homme a pu pénétrer le territoire de la tribu sans que personne ne s'en rende compte. Bony est un sang-mêlé et à ce titre connaît bien les aborigènes et les noirs sauvages du désert et il sait donc que cet homme n'a pu traverser la région sans que les autochtones le sachent. Tout son talent va donc être de leur faire dire ce qu’ils savent, interpréter leur silence, lire les traces laissées sur le sable du désert... et il est sûrement le seul à pouvoir le faire.

    Dans ce roman, les relations parfois difficiles entre les communautés, blancs et aborigènes, sont juste esquissées. Ici, la ferme où se passe l'intrigue est tenue par un couple de blancs et les aborigènes semblent avoir du mal à les accepter. De plus, au cours du récit, le lecteur a un peu l'impression que la recherche de la vérité à propos de ce cadavre est parfois un peu oubliée .

    Dans ce récit, notre inspecteur donne toute sa mesure de la connaissance du pays profond, des tribus, de leurs lois, de leurs légendes, de leurs coutumes et de leurs habitudes autant qu'il se révèle un fin connaisseur de la psychologie des blancs et un audacieux joueur de poker puisque sa démarche d'enquêteur inclue aussi le pari. Bony démêle donc ce mystérieux meurtre et détermine sans difficulté les auteurs de ce crime lié à la politique expansionniste des pays voisins. Sans oublier bien sûr "l'amour qui fait marcher les étoiles et le soleil".

    Arthur Upfield quant à lui, établit une nouvelle fois, qu'il est le talentueux auteur de romans policiers ethnologiques. Il distille jusqu'à la fin le suspens avec des descriptions poétiques toujours appréciées.

    D'ordinaire, j'aime bien les romans d'Arthur Upfield mais ici, je dois avouer que le dénouement m'a un peu déçu. Cependant je reste attentif à l'atmosphère si particulière des romans d'Upfield.

    © Hervé GAUTIER - Avril 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LA BRANCHE COUPEE - Arthur Upfield

    N°641– Avril 2013.

    LA BRANCHE COUPEE - Arthur Upfield - 10/18

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Cela fait trois années que la sécheresse sévit dans cette région désolée de la Nouvelle Galles du sud. Les Downer père et fils tentent d'y survivre avec un troupeau de plus en plus diminué et songent même à cesser leur activité d'éleveurs. En rentrant chez eux, après leur traditionnelle soûlerie annuelle, ils trouvent un inconnu mort et constate que leur employé, Carl Brandt a disparu. Rapidement, il apparaît que la première victime est Dickson, un prisonnier évadé et et Brandt a, lui aussi, été retrouvé mort apparemment assassiné. Devant ce double meurtre, Bony se perd en conjectures d'autant que les circonstances et les indices qu'il constate épaississent le mystère qui les entoure. Il doit faire appel à sa connaissance du terrain autant qu'à celle des hommes. En cela il est aidé, si on peut dire, par les toiles peintes par Robin Pointer, une jeune fille voisine des Downer qui souhaite épouser Eric, le fils, et aussi l'aider dans son combat contre la sécheresse. L'observation et surtout la compréhension de son art lui seront d'un grand secours dans la conclusion de son enquête. Comme l'endroit est quasiment désert, l'inspecteur Bony va s'installer chez Les Pointer et observer les lieux.

    Comme nous sommes en Australie, il y a aussi des aborigènes qui campent à proximité des habitations des éleveurs. Ils sont censés détenir le secret de la pluie et donc du renouveau de la région et c'est effectivement ce qui se produit. La pluie en tombant va aussi révéler des traces que la poussière du désert cachait jusqu'à présent. Bony n’oublie pas qu'il est un aussi sang-mêlé et donc qu'il détient au moins une partie de la clé de ce mystère dans la mesure où il peut lire dans la psychologie de ce peuple auquel il appartient. Il en connaît les rites et les coutumes et sait interpréter utilement un détail qui se révèle essentiel mais à côté duquel un enquêteur blanc passerait sans le voir. Mais il sait aussi lire, bien mieux qu'un blanc, dans le grand livre de la Brousse et comprendre ce peuple que les colons ont un peu trop tendance à considérer comme de arriérés ou des primitifs. Il est aussi réceptif à l'esprit des lieux, et apparemment, il est bien le seul. Héritier de deux cultures, il sait comprendre les éleveurs, leur psychologie, leurs aspirations, leur fierté aussi, le sens du moindre de leurs gestes. Comme le fait dire l'auteur à l'un des personnages, Bony est réellement quelqu'un qui est "hors du commun", un policier capable de démêler efficacement les fils compliqués d'une affaire criminelle.

    Cela donne encore une fois un roman fort bien écrit [les descriptions poétiques ont toujours retenu mon attention surtout quand elles s'inscrivent dans le cadre d'un roman policier], plein de rebondissements et qui tient, dans un dépaysement complet son lecteur en haleine jusqu'à la fin. Je n'oublierai pas non plus l'amour sans lequel aucun bon roman n'est possible. Comme nous le révèle la 4° de couverture reprenant un article de presse : "On commence à lire et, doucement, le récit tisse autour de vous une aura paisible, le bonheur dans la lecture"..

    © Hervé GAUTIER - Avril 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • Quelques mots sur Arthur Upfield (1888- 1964)

    N°640– Avril 2013.

    Quelques mots sur Arthur Upfield (1888- 1964)

    Drôle d'existence que celle d'Arthur Upfield. Né dans un milieu bourgeois aisé d'Angleterre, mais ayant échoué dans ses études, il est envoyé par ses parents en Australie à l'âge de 19 ans. Là, il découvre l'île-continent, les grands espaces et la vie sauvage. Pendant dix années, coupé de ses racines familiales il va voyager dans le pays et pour subsister, exerce divers petits métiers comme trappeur, manœuvre, chercheur d'or. Cela lui permet de se familiariser avec la culture aborigène, ce qui lui servira par la suite...En 1914 il part pour la guerre, combat en France et en Égypte et se marie. Il revient en Australie à la fin du conflit mondial.

    Alors qu'il était cuisinier en Nouvelle-Galles du Sud, il rencontre Tracker Léon, un métis avec qui, quelques années auparavant, il avait sillonné la côte. L'histoire de cet homme a quelque chose d'original : Fils d'un colon blanc et d'une aborigène exclue de sa tribu, il a fini par trouver un emploi dans la police du Queensland. Il est ainsi l'héritier de deux cultures mais a parfaitement assimiler l'apport occidental au point d'avoir une véritable passion pour la lecture. Au moment de se quitter, les deux hommes échangent des livres et Arthur hérite d'une biographie de l'empereur Napoléon 1°. Upfield qui avait déjà fait des débuts littéraires sans succès sut, à ce moment-là quel serait son véritable métier : Il deviendra écrivain ! D'après la biographie d'Upfield que sa compagne publia après sa mort, le personnage de l'inspecteur Bony lui a été inspiré par un authentique pisteur rattaché à la police et qu'il aurait rencontré lors de ses errances. Ainsi est né, probablement vers 1929, son personnage emblématique nommé Napoléon Bonaparte qui se fait appeler par tous Bony même s'il est en réalité la synthèse de différents aborigènes qu'il a rencontrés au cours de sa vie errante. Avec le publication de ses premières enquêtes en 1928, le succès est au rendez-vous.

    Tout l'art d'Upfield réside dans l’intrication étroite entre fiction et réalité. En 1931, Upfield avait écrit un roman "Les Sables de Windee". Il avait en effet travaillé long d'une clôture anti-lapins qui protégeait les champs de blé de ce prédateur. Son travail consistait à l'inspecter à cheval. Autour de cette expérience, Upfield avait imaginé un roman où on ferait disparaître un cadavre sans laisser de trace et un éleveur itinérant s'en servit pour perpétrer un crime. Cet épisode assura à Upfield une relative notoriété.

    Il tenta de vivre de sa plume, devint journaliste, ses romans policiers étant publiés sous forme de feuilletons. Ce n'est qu'en 1943 et après son divorce et la publication de ses romands aux États-Unis qu'il connut réellement la notoriété et une relative aisance financière. Ensuite, de retour en Australie, il devint scientifique et se consacra à l'exploration du nord et de l’ouest de l'île. Il se retira en Nouvelle-Galles du Sud où il mourut en 1964.

    Il est un personnage qui apparaît dans la plupart de ses romans à partir de 1920; c'est l'inspecteur Napoléon Bonaparte qui préfère qu'on l'appelle Bony. C'est certes un personnage de fiction mais il doit son existence à un ou plusieurs policiers bien réels et mérite de figurer parmi les grands détectives. tels que Sherlock Holmes, Hercule Poirot et le juge Ti [Mon lecteur pourra se référer au nombreux articles de cette revue au sujet de ce dernier enquêteur emblématique].

    Upfield a écrit une trentaines de romans qui sont publiés en langue française.

    Écrire des romans policiers et bel et bon mais l’originalité d'Upfield réside sûrement dans le fait qu'il a su tirer partie de son expérience pour mettre en œuvre un style policier particulier basé sur l’ethnologie. En effet, Bony qui est un sang-mêlé, ne manque jamais de faire référence à ses origines aborigènes et de s'en servir dans ses enquêtes.

    Des écrivains ont salué l'apport d'Upfiel à la littérature policière et l'Américain Tony Hillerman [1925-2008] a reconnu avoir été inspiré par l'Australien notamment par son travail sur l'ethnologie.

    © Hervé GAUTIER - Avril 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • BONY ET LA BANDE A KELLY - Arthur Upfield

    N°639– Avril 2013.

    BONY ET LA BANDE A KELLY - Arthur Upfield - 10/18

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Dans une région connue sous le nom de Cork Valley, en Nouvelle-Galles du Sud, les autorités ont depuis longtemps constaté nombre d'activités illicites sans pour autant pouvoir y mettre de l'ordre. Cette vallée toute entière dédiée aux clans irlandais vivait donc en vase clos et entendait bien continuer ainsi. Aussi bien était-elle soumise, par ses habitants eux-mêmes, au contrôle constant de tous les intrus qui étaient systématiquement soupçonnés de venir troubler leurs petits trafics. Cette communauté était foncièrement attachée à sa liberté et aux idéaux de ses ancêtres, se rebellait en permanence contre le monde politique et administratif composé à leurs yeux de profiteurs et de parasites. Le refus des taxes était leur manière à eux d'y manifester leur opposition. Il y avait eu différentes disparitions et notamment le meurtre d'un contrôleur des contributions qui traquait la production et le trafic d'alcool clandestin et les fraudes aux redevances de télévision. Il s'était fait passer pour un géologue. L'inspecteur Bony fut donc désigné pour enquêter mais à sa manière, c'est à dire en immersion complète dans ce milieu et sans lien avec l'extérieur. Pour cela et surtout pour se faire accepter dans cette vallée habitée par des Irlandais, les Kelly et les Conway, il se fait passer pour Nat Bonney, un voleur de chevaux en fuite et réussit à se faire engager comme ramasseur de pommes de terre dans une ferme habitée par les Conway, retors à tout ce qui est légal et spécialement aux impôts et taxes. Bien que loin du bush qu'il connaît bien, Bony parvient à se faire accepter par cette communauté et c'est plutôt favorable au succès de sa mission.

    Il joue même tellement bien son rôle, il entretient tellement régulièrement l'illusion qu'il est un voleur de chevaux en délicatesse avec la loi et la police qu'il est carrément adopté par les Conway et qu'il est regardé comme l'un des leurs, bien qu'il ne soit pas Irlandais. Son entreprise de séduction auprès des différents membres de cette communauté est telle qu'il participe volontairement à des activités de contrebande pour mieux donner le change. De fait, personne ne semble se méfier de lui d'autant qu'il a donné à plusieurs reprises des marques d'attachement à ces Irlandais. Son enquête ne peut que profiter de cette ambiance de confiance.

    Le 1° juillet approchait et cette date anniversaire célébrée par la communauté allait aussi attirer du monde dans cette vallée. Cette fête qui devait durer 3 jours retraçait la disparition de "la bande à Ned Kelly" en 1880. Elle avait été exterminée dans le "Glenrowan hotel" par la police à la suite d'une erreur 'appréciation, mais c'était d'autant plus inacceptable pour eux que ces policiers étaient d'origine irlandaise ! Certes, Bony se sentait bien au sein de cette communauté, mais, en bon policier, ne perdait pas de vue sa mission : faire toute la lumière sur la disparition du contrôleur des contributions. Les préparatifs de la fête allaient immanquablement relâcher quelque peu l'attention, l'alcool délier les langues et favoriser les confidences et donc les investigations de Bony. Malheureusement pour les Irlandais, l'histoire bégaie .

    Je suis toujours attentif aux enquêtes de Bony, à la fois bien menées, bien écrites et ménageant le suspens jusqu'à la fin, mais là, j'avoue que ce roman manque un peu de souffle et s'égare un peu dans des détails un peu inutiles.

    © Hervé GAUTIER - Avril 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • THE MELBOURNE CUP MYSTERY – Arthur Upfield

    N°637– Mars 2013.

    THE MELBOURNE CUP MYSTERY – Arthur Upfield - Éditions de l'Aube.

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Le festival de course de printemps d'Australie est un événement international en matière de courses de pur-sang. La coupe de Melbourne en est le moment le plus attendu et les courses de chevaux font partie intégrante de la culture australienne. Ce roman connu sous le nom du "Pari fou à la course de Melbourne" met en scène deux amis, Roy Masters et Dick Cusack, qui sont amoureux de la même femme, la belle Diana Ross. Diana est non seulement jeune et jolie, mais elle est aussi l'héritière d'une immense fortune bâtie sur le commerce avec la Chine. Cette dernière, ne voulant choisir entre eux, avoue leur préférer un homme exceptionnel comme un constructeur de ponts ou un homme politique célèbre. Or l'un est éleveur et l'autre commerçant. Elles leur laisse cependant une chance infime : elle épousera celui des deux dont le cheval gagnera la Melbourne Cup. Tout cela est bel et bon, mais si ses deux prétendants sont effectivement propriétaires, ils ne possèdent que des chevaux de fiacre. Pour ne pas paraître ridicules, ils acceptent donc tout en se disant que la solution de leur problème réside peut-être dans le dopage de leurs champions, mais ils ont du mal à accepter cette éventualité. Malheureusement il y a un troisième larron, l'argentin José Alvery, un homme riche et beau qui va concourir pour Diana dans les mêmes conditions que Dick et Roy, sauf que son cheval à lui est un crack ! Pour autant rien n'est sûr et la jeune femme laisse planer un doute quant à son éventuel mariage que son tuteur ne souhaite pourtant pas pour des raison affectives.

    Pourtant, ce qui n'est qu'un pari ridicule va prendre des proportions inattendues, le cheval de Roy est victime d'un dopage criminel visant à le détruire et il y a même une tentative nocturne de même nature dans les jours qui suivent. Alvery, quant à lui, semble en savoir beaucoup sur Diana. A mesure que le cheval de Roy s'améliore grâce à son jockey et menace de gagner, les ennuis continuent. Le jour de la Melbourne Cup, les événements se précipitent, des chevaux de Roy et de Dick sont tués et de vielles histoires qu'on croyaient oubliées depuis longtemps refont surface mais aussi des questions d'intérêt et de gros sous où la pègre a, bien entendu, sa place.

    Je ne sais pas pourquoi mais le thème du départ, à savoir ce pari dont une femme était, de sa propre volonté, l'enjeu ne m'a pas accroché. Je le trouvais un peu artificiel. D'autre part, la première partie du roman qui tourne autour de l’entraînement des chevaux de courses et des inévitables trafics qui s'ensuivent m'a un peu rebuté. Ce n'est que vers la fin que ce roman prend sa véritable dimension policière et donc aussi son intérêt, même si le happy-end amoureux, toujours un peu convenu, m'a aussi un peu déçu.

    Ce roman a été inspiré par la mort, en 1932, de Phar Lap, un des plus célèbres chevaux de course australien, à la suite de l'absorption d'une grande quantité d'arsenic. En 1930, il avait remporté la Melbourne Cup et on tira sur lui sans que la police puisse identifier le coupable. Ce roman date de 1933 et fut écrit pour être publié en feuilleton et ne fut édité en France qu'en 1996, soit trente ans après la mort de son auteur. A cette époque Upfield était employé comme rédacteur au journal "The Herald", à Melbourne et avait déjà commencé à publier quelques romans dont "Les sables de Windee" qui lui avait, un peu malgré lui, apporté la notoriété puisqu'un meurtrier s'était inspiré de cette œuvre policière.

    "The Melbourne Cup mystery" est le premier roman d'Arthur Upfield que je lis où Bony, l'emblématique inspecteur Napoléon Bonaparte, n'est pas mis en scène. J'avoue que j'aime mieux l'ambiance du bush, que je ne connais cependant pas, et la personnalité singulière de ce policier. Il reste que l'écriture de Upfield est originale et sa manière de distiller le suspense est unique.

    © Hervé GAUTIER - Mars 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • L'EMPREINTE DU DIABLE – Arthur Upfield

    N°636– Mars 2013.

    L'EMPREINTE DU DIABLE – Arthur Upfield - 10/18.

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Parce que le "Chalet du Panorama" offre le calme d'une belle pension dans l'état du Victoria, l'inspecteur Bony s'y rend pour une courte période de vacances. Est-ce lui qui attire les ennuis, en tout cas on découvre au matin le cadavre en robe de chambre de M. Grumann, un autre pensionnaire. Le même jour, l'officier de police local venu faire les premières constations est assassiné par un homme qui se prétend l'ami de M. Grumann et qui, après son forfait, prend la fuite. Cela fait un peu beaucoup et surtout que ce n'est pas une bonne publicité pour cette petite pension réputée calme et dirigée par Mlle Jade.

    En réalité, si Bony est sur place, c'est moins pour prendre des vacances que pour surveiller, et ce pour une fois pour le compte de l'armée, ce M. Grumann qui en réalité est un général allemand, officiellement mort à la fin de la 2° guerre mondiale, et qui détient des secrets militaires. Pour corser le tout, les bagages de ce général ont disparu et celui qui l'a assassiné, Marcus, s'avère être un dangereux trafiquant de drogue international. Bony évoque même à son sujet un auteur de romans policiers local.

    A la suite de péripéties, notre limier finit par récupérer ce que détenait l'ex officier allemand sous forme de micro-films. Sa mission officielle est donc terminée. Bony reste cependant un policier et bien qu'il n'en soit pas chargé et qu'il ne soit pas dans sa circonscription, souhaite éclaircir le mystère de la mort de ce général. Dans ce but, il revient au chalet terminer ses "vacances" tant le séjour lui est agréable, à moins que ce ne soit le charme de son hôtesse ! Le battage fait autour de ce double meurtre a attiré d'autres pensionnaires et, avec la collaboration active de Bisker, un homme à tout faire du chalet, il entreprend des recherches qui tournent autour d'empreintes laissées par un homme qui chausse... du 46 et qu'il soupçonne d'être pour quelque chose dans le meurtre de Grumann. Les empreintes laissées sur la pelouse sont attribuées ... au diable, tant elles sont étranges.

    Pour autant Bony ne perd pas de vue son idée et son histoire de chaussures devient presque obsédante au point qu'il observe maintenant tous ceux qu'il croise... et la dimension de leurs pieds ! Je ne parle même pas des traces qu'ils laissent sur le sol en se déplaçant puisque ce détail n'échappe pas au demi-aborigène qu'il est aussi. Au cours de ses investigations, il apprend que Clarence Bagshott, l'écrivain local, par ailleurs bien bizarre dans son comportement et dans son histoire, chausse du 46 !

    Tout cela finira par s’éclaircir, mais laborieusement quand même et les explications fournies ramène le lecteur à la Seconde Guerre mondiale et ses activités d'espionnage.

    Comme toujours, j'ai trouvé ce roman passionnant du début à la fin non seulement à cause du suspense lentement distillé mais je n'ai pas été insensible non plus aux descriptions des paysages..

    © Hervé GAUTIER - Mars 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • CRIME AU SOMMET – Arthur Upfield

    N°635– Mars 2013.

    CRIME AU SOMMET – Arthur Upfield - 10/18.

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Cinq mois plus tôt, deux randonneuses ont disparu dans les montagnes australiennes du Grampians et le jeune inspecteur Price, parti à leur recherche, a été retrouvé mort, tué par balle. Napoléon Bonaparte, alias Bony, inspecteur de police de son état, va donc mener son enquête mais, pour protéger sa vie se fait passer pour John Parkes un éleveur modeste d'une autre région qui prend des vacances pour la première fois de sa vie. Il descend bien entendu dans l’hôtel de Baden Park, là où les deux jeunes filles ont été vues avant leur disparition.

    L’hôtel est à peu près désert à cette période de l'année et Bony y rencontre le patron, Jim Simpson et sa sœur, le père de ces derniers, infirme, alcoolique et un peu malveillant qui parle un peu trop au goût de ses enfants et notamment d'un cadavre qui serait dans le cellier. Le policier y rencontre aussi un perroquet bien bavard et quelque peu irrespectueux. L'esprit toujours en éveil de Bony ne manque pas d'être impressionné par le patron, Jim, et sa curieuse habitude de jouer de l'orgue mais surtout de porter des vêtements élégants, de rouler dans une voiture luxueuse, ce qui est plutôt surprenant dans ce coin perdu. Toujours à l’affût, il sympathise avec le père du patron qui lui parle d'un employé, Ted O'Brien, viré parce qu'il fréquentait d'un peu trop près le cellier, mais seulement après la disparition des deux jeunes filles. Il a été remplacé par Glen Shraron, un américain, accessoirement lanceur de couteaux.

    Bony ne manque pas de mener discrètement des investigations dans les alentours de l'établissement mais le vieux Simpson se révèle plus matois et hâbleur qu'il ne l'aurait cru. Le policier remarque cependant qu'il existe des contradictions et même des zones d'ombre dans le rapport d'enquête et ne laisse d'être intrigué par les voisins de l'hôtel mais aussi par Jim qu'il découvre vantard et menteur et par son employé américain. Apparemment tous les deux s'intéressent à lui et notre policier subodore un trafic de moutons, de pierres précieuses et s'interroge sur la raison de cette clôture qui protège la propriété des voisins de l'hôtel. Puis les choses s'accélèrent et Bony doit quitter l'hôtel en catastrophe, prié de déguerpir par le patron lui-même. L'enquête que Bony a entamée ayant ainsi quelque peu été contrariée, il n'est pas homme à se laisser décourager et, pour mener à bien sa mission, il opéra une transformation au terme de laquelle, en se fondant dans la nature, il renouera en quelque sorte avec ses gènes. Il est en effet un métis qui a vécu dans sa jeunesse chez les aborigènes du bush et sait parfaitement maîtriser une telle situation. Il sera secondé par la chance qui lui procurera un allié inattendu, vivra bien des rebondissements et parviendra à reconstituer le cheminement criminel et, bien entendu, par mener à bien sa mission qui est de libérer les deux jeunes filles.

    Bony est vaniteux, très conscient de sa supériorité qu'il tient d'un mélange de logique occidentale et de bon-sens aborigène, mais cela ne le rend pas antipathique pour autant. Je note cependant que dans ce roman, il est mis en présence d'un cadavre, ce qui suffit à la déstabiliser durablement. C'est sans doute très étonnant dans le cas d'un inspecteur de police de sa qualité mais, sur le plan de l'écriture, j'ai particulièrement apprécié l'évocation de cette scène autant que la description des paysages grandioses. J'ai goûté ce roman qui se lit facilement grâce au style agréable, au découpage en courts chapitres et à la subtile distillation du suspense. En outre, je ne dirai jamais assez l’importance de la traduction qui, ici offre un texte fluide et un grand confort de lecture. L'intrigue, même si elle évoque à la fin un trésor de guerre et prend donc une dimension internationale, a au moins l'avantage de solliciter l’imagination du lecteur.

    Je suis volontiers entrer de plain-pied dans l'univers de cet auteur que je ne connaissais pas. Je ne regrette pas !

    © Hervé GAUTIER - Mars 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LE MEANDRE DU FOU – Arthur Upfield

    N°634– Mars 2013.

    LE MEANDRE DU FOU – Arthur Upfield - 10/18.

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Une maison isolée, au centre d'une grande propriété dédiée à l'élevage des ovins, celle de Madden, est construite sur le méandre d'un fleuve maintenant à sec à cette saison. Nous sommes dans la région de Quennsland (Australie). Cette maison est habitée par Bill Lush, le second mari de Mme Madden, ancien ouvrier devenu éleveur par son mariage, par sa femme et par Jill, 19 ans, sa belle-fille.

    Un soir où Bill rentre soûl comme à son habitude, un drame se joue dans cette maison et Mme Madden meurt le lendemain des mauvais traitements qui lui ont été infligés par son mari pour une sordide question d'argent. Le lendemain, Bill est introuvable, ce qui inquiète les autorités. L'inspecteur Napoléon Bonaparte, Bonny pour ses amis qui sont nombreux, et qui se préparait à partir en vacances se charge lui-même de cette enquête. John Lucas, le gendarme local sera son adjoint. Il y a peu d'indices, la porte d'entrée, neuve, a été remplacée en catastophe par une plus ancienne puis brûlée, à la demande de sa mère pour éviter le scandale. Jill avait tiré dans sa direction avec sa carabine pour éloigner Bill qui commençait à la défoncer avec une hache et menaçait ses occupantes. De plus, il y a un trou dans le plafond qui correspond au calibre de l'arme de Jill et c'est à peu près tout. Bony envisage toutes les hypothèses depuis le fuite de Lush ou un banal accident jusqu'à son assassinat par Jill qui a d'ailleurs pas mal de raisons pour cela. Au cours de son enquête il apprend à mieux la connaître ce qui tranche avec son impression première.

    D'autre part, ses investigations lui apprennent que Lush était un sale type que beaucoup aimeraient voir mort, ce qui multiplie les suspects. Il n'en manque pas parmi tous ceux, trimardeurs ou gens du coin, tous avec un casier judiciaire plus ou moins chargé, qui, le soir de la disparition de Bill, étaient dans le coin. Malheureusement pour lui, le mobile lui échappe et semble même inexistant. Bony s'installe donc dans cette maison dans l'attente éventuelle venue de Bill qu'il veut arrêter pour le meurtre de sa femme puis dans celle des voisins, les Cosgrove. Dehors la crue du fleuve menace et la pluie s'est mise à tomber. Tout cela va faire disparaître les rares traces qui subsistent encore. Le temps presse donc d'autant que le lit du fleuve, maintenant plein d'eau, entrave son enquête. Elle prend un tour nouveau par la découverte du corps de Bill atteint d'un balle mortelle mais qui cependant pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.

    Décidément, je le trouve bien ce Bony ! C'est une sorte d'Hercule Poirot qui prend son temps pour démêler le nœud gordien d'une enquête compliquée, fait bon marché de la procédure et des règlements, méprise la hiérarchie. Bref, c'est un enquêter un peu atypique, qui agit à son rythme et selon ses méthodes, accepte de se remettre en question et combat autant les évidences que ses inclinations naturelles. Il est têtu, tenace et même, à l'occasion un peu joueur. Ici le lecteur sent qu'il aime bien Jill et qu'il la soupçonne fortement d'être la meurtrière de son beau-père. L'important est que tout cela débouche sur une réponse satisfaisante. Malheureusement ici, son allié traditionnel qu'est le temps lui fait faux bon et il n'aura pas trop de son talent, de sa capacité de déduction et surtout de son indéfectible chance pour conclure.

     

    ©Hervé GAUTIER – Mars 2013.http://hervegautier.e-monsite.com

  • LA MAISON MALEFIQUE - Arthur Upfield



    N°633– Mars 2013.

    LA MAISON MALEFIQUE - Arthur Upfield - 10/18.

    Traduit de l'anglais par Michèle Valencia.

    Étrange affaire dont le titre rappelle un peu un "Agatha Christie" pour le non-moins étrange inspecteur Napoléon Bonaparte, Bony pour les amis, qui s'est volontairement chargé de cette enquête. De quoi s'agit-il donc ? On a retrouvé, flottant sur l'étendue d'eau qui entoure la magnifique maison des Answerth, le cadavre étranglé de la mère, 69 ans, seconde épouse de Jacob Answerth qui s'est lui-même suicidé d'une balle dans la tête, il y a quelques années alors que sa situation financière était prospère et qu'il n'avait aucune raison particulière pour cela. Ce n'est pas la première mort suspecte constatée dans le coin puisque un boucher du nom de Ed Carlow a subi le même sort quelques mois auparavant et il y aura même, durant l'enquête, une tentative avortée suivie d'un autre meurtre.

    Dans la maison-île vivent les trois héritiers de cette famille : Mary, 44 ans, la terreur de la maison, aussi hommasse et violente que Janet, sa sœur de 41 ans est douce et artiste, et Morice, 27 ans, leur demi-frère, attardé mental mais athlétique et demeuré en enfance. Avec eux vivent deux employés, le cuisinier et ancien chef des gardiens de troupeaux, Albert Blaze et Mrs Leeper, également cuisinière et dédiée à la bonne tenue de cette grande maison. Elle a cependant a été infirmière en chef dans un hôpital psychiatrique et rêve d'ouvrir son propre établissement.

    Il reste donc à notre fin limier, venu tout exprès de Brisbane (Australie), à enquêter et découvrir l'origine de la fortune, semble-t-il douteuse de Ed Carlow qui aurait peut-être un rapport avec le meurtre de Mrs Answerth d'autant que cette famille s'est enrichie pendant des générations en massacrant les aborigènes, spoliant les gens et détruisant la nature. Il y sera aidé par ses origines puisqu'il est un métis australien, élevé dans une tribu du bush qu'il connaît bien et qu'il partage avec ces peuplades l'amour de la nature. Il témoigne d'une bonne dose de pragmatisme, use de psychologie, de patience, de méthode, met en œuvre des idées originales qui, à ses yeux, justifient un meurtre et recherche inlassablement dans le passé, dans les secrets de famille, ce qui peut l'expliquer. Il a décidément beaucoup de flair et cela ne s'applique pas uniquement à sa capacité de déduction et à son sens des réalités.

    Il se moque de la hiérarchie, de la bureaucratie et de la "politique du résultat", assemble patiemment tous les morceaux du puzzle, remettant sans cesse en question les évidences et les apparences. Il obtient souvent des renseignements là où d'autres échouent. Il en conçoit même une certaine suffisance, ce qui ne le rend pas antipathique pour autant.

    Reste cette "Maison Maléfique" où règne une atmosphère étrange. Elle tire son surnom du malheur qui s'accroche à elle et à ses habitants ou peut-être à cause de "l'os pointé" par les aborigènes sur ceux qui les ont exterminés, une sorte de malédiction dont l'eau qui entoure ce manoir n'est que la marque visible...

    J'ai trouvé ce roman passionnant du début à la fin, le suspense y étant lentement distillé au rythme des investigations de cet inspecteur décidément attachant.

    J'avoue que je ne connaissais pas Arthur Upfield [1888-1964], reconnu comme le père du polar ethnologique et qui est un auteur prolifique puisqu'il a publié 33 romans. J'ai apprécié l'ambiance de ce roman, la manière tout en nuances de procéder de Bony autant que le dépaysement né des évocations poétiques de ces paysages. Cet ouvrage est pour moi l’invitation à explorer davantage l'univers de cet auteur.

    ©Hervé GAUTIER – Mars 2013.http://hervegautier.e-monsite.com

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