Andrés BARBA
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ET MAINTENANT DANSEZ - Andrés BARBA
- Par hervegautier
- Le 14/03/2010
- Dans Andrés BARBA
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N°403 – Mars 2010
ET MAINTENANT DANSEZ – Andrés BARBA – Bourgois Éditeur.
Les personnages tout d'abord. Inès la mère qui autrefois a été belle, Pablo, le mari, ancien employé de Chemins de Fer espagnols dont l'emploi était toute sa vie. Il voue une affection attachante à son épouse qui n'est pourtant plus que l'ombre d'elle-même, Santiago, le fils préféré, qui a de plus en plus honte de ses parents mais qui prend conscience qu'il est incapable d'aimer une autre femme que sa mère, Barbara, la fille, 40 ans, qui a souffert d'être un peu mise à l'écart et qui s'aperçoit que sa vie d'épouse et de mère de famille devient de jour en jour plus morne. Elle se découvre des penchants homosexuels pour Eléna, son employée de maison. Il y a aussi Béatriz, la petite sœur anormale, morte à trois mois. Personne ne parvient vraiment à faire le deuil de ce fantôme.
Inés, mère jadis sévère et un peu bigote, à presque soixante dix ans, perd la tête et s'enfonce de jour en jour dans les affres de la vieillesse et de la sénilité. Elle perd de plus en plus la mémoire, oublie jusqu'aux prénoms de ses proches, agit d'une manière désordonnée dans les gestes les plus quotidiens, perd jusqu'au sens du langage. Pablo prend conscience que sa femme est condamnée, se révèle maladroit, coupé de la réalité depuis son départ en retraite, et paradoxalement, dépendant de sa femme. Chacun, à cette occasion, se remet en question, s'interroge sur lui-même, sur son avenir, sous l'ombre tutélaire d'Ines qui n'est déjà plus là mais qui reste étonnamment présente, même si chacun pense à sa mort prochaine... Il en résulte une ambiance angoissante.
Ce roman sans grands dialogues, sans beaucoup de descriptions non plus, offre le ton assez pathétique des monologues intérieurs (sauf celui d'Inès qui n'existe pas). C'est aussi une série un peu délétère de portraits juxtaposés, avec seulement entre eux des liens artificiels. Je ne suis pas bien d'accord avec la quatrième de couverture qui annonce un texte « sans pitié ni misérabilisme ». Je serais plutôt de l'avis contraire (Les évocations d'Inés et de sa maladie sont affligeantes, les réflexions de Pablo sont un mélange de craintes, de fausse complicité et de navrante subordination, il y a une sorte de diabolisation de la beauté féminine, de la nudité, du plaisir sexuel, une volonté de transformer tout cela en tabou, l'impression un peu bizarre que chacun d'eux n'est pour l'autre qu'un étranger ).
Il me paraît que ce roman un peu lugubre donne à voir des personnages malgré tout un peu lisses, sans grand relief et incrustés dans le quotidien. Il marque un bouleversement réel des choses, une tentative peut-être manquée de briser des interdits et de formuler des non-dits, une peinture sans concession d'êtres face à leurs contradictions, une sorte de lente agonie d'un foyer jadis stable qui maintenant part à vau l'eau, une évocation de l'impossibilité pour les enfants, Barbara et Santiago, de s'unir à leur tour sous l'égide de l'amour, la consécration de la solitude. C'est un roman de la défaite face à la vie, l'image un peu délétère de la vieillesse, de la mort annoncée et de la triste condition humaine.
Ces quatre mouvements me paraissent peu convaincants et je ne suis pas bien sûr de vouloir poursuivre la lecture de l'œuvre de ce jeune auteur.
© Hervé GAUTIER – Mars 2010.