la feuille volante

Evénements

Il s'agit ici de billets d'humeur exceptionnels que l'actualité, culturelle ou non, m'a inspiré.
  • FABRIQUÉ A NIORT - MÉMOIRES OUVRIÈRES (W2).

    N°628– Février 2013.

    FABRIQUÉ A NIORT - MÉMOIRES OUVRIÈRES (W2).

    Spectacle du vendredi 15 février 2013 par la Compagnie des Hommes.

    Je ne suis niortais que d'adoption, je n'ai donc aucune racine ici et pas non plus de famille. J'y suis venu un peu par hasard parce que le travail m'y a amené, il y a bien longtemps et j'y suis resté au mépris d'une promotion qui m'en eût éloigné, pour la qualité de vie notamment... et je ne le regrette pas.

    Il y a cependant ici une chose qui m'a frappé et même un peu désolé, c'est l'oubli du passé ouvrier de cette ville. Avant d'y poser mes valises, son nom était pour moi associé à l'angélique et aussi à celui de grandes entreprises qui dépassaient largement le cadre local, c'était Brivin, Marot, Rougier, la chamoiserie... Il y avait, certes, et ce depuis la Libération, les mutuelles d'assurance et, plus tard le secteur bancaire qui s'y étaient développé ce qui permettait à Niort non seulement de limiter la pollution inhérente à la production industrielle mais aussi de générer un niveau de vie et un environnement exceptionnels dont évidemment personne ne se plaignait. On en parlait alors comme d'une "planète", comme "d'une ville à la campagne", c'est à dire comme d'un endroit un particulier, un lieu unique... mais, quand on n'était pas de la région, il était difficile de la situer sur la carte de France.

    Niort est donc devenue une ville de "cols blancs" sauf qu'il n'y a finalement pas très longtemps, il y a eu ici un contexte industriel bien implanté mais qu'on s'est dépêché d'oublier, de laisser se dégrader jusqu'à la disparition, sans que la gouvernance locale, pourtant d’obédience socialiste, s'en soit beaucoup ému. Il est vrai que, du point de vue politique, le secteur tertiaire génère moins de mouvements sociaux que le secteur industriel et les heurts sont moins violents. Cette ville s'est donc progressivement enfoncée dans une torpeur qui lui a fait perdre, sans qu'on en parle vraiment, les Transports Brivin, les usines Rougier et différents ateliers de confections et il a fallu, il y a quelques années, la fermeture de la Camif et la dimension médiatique qu'on y a donné pour qu'on prenne conscience véritablement que Niort est une ville comme les autres et que les licenciements et le chômage y existent aussi.

    On a du mal actuellement à s'imaginer que cette ville, au XIX° et dans la première moitié du XX° siècle a été industrielle. Il existait ici une forte implantation d'ateliers d'imprimeurs; on y produisait des voitures automobiles, des cycles, des chaussures, des trieurs pour l'agriculture, on y transformait le bois et, bien entendu, et ce depuis longtemps, la chamoiserie faisait vivre toute une population d'ouvriers et de gantières... Pour autant, quand on fait des recherches sur ce thème, on a beaucoup de mal à trouver, même au musée ou dans les bibliothèques, des traces de ce passé laborieux. C'est étonnant car, si on veut bien s'en souvenir, nos parents ou nos grands-parents ont bien souvent été ouvriers ou paysans même dans cette ville ou le secteur tertiaire est désormais roi.

    Il était donc urgent de remettre à l'honneur la mémoire ouvrière. Elle nous a été restituée à travers le témoignage de travailleurs maintenant à la retraite qui sont venus nous parler de leur métier, qui nous ont dit combien le travail manuel apportait une valeur ajoutée à la matière, que, grâce à lui, elle devient un objet, un élément qui s'intègre dans un produit destiné à faciliter la vie de l'homme. Ils nous ont montré leurs outils, nous ont parlé de l'amour qu'ils portaient à leurs fonctions, nous ont raconté leur histoire individuelle, leur parcours, la nécessité, parfois, de s'adapter à un nouveau métier ou d'affronter le chômage. Ils n'ont pas manqué de mentionner la nécessité de gagner son pain, la dureté de leur labeur, les relations difficiles avec la hiérarchie et les inévitables "petits chefs", les conflits sociaux, les cadences et le rendement... Mais j'ai aussi entendu le message de cette femme qui a évoqué ses parents travaillant aux usines Rougier. Elle nous a parlé de son père pour qui son métier à l'usine "était toute sa vie" et pour qui la retraite avec son inactivité a été fatale. Elle a évoqué Roger Rougier, cet emblématique patron niortais que ses ouvriers appelaient presque amicalement "Monsieur Roger". Il les connaissait tous individuellement et les respectait parce que, bien souvent, ils avaient été à l'école ensemble. Il savait qu'il leur devait la richesse de son entreprise et avait à cœur de les récompenser. A sa mort, ils lui ont rendu un hommage digne et émouvant. C'est vrai que "les trente glorieuses" ont correspondu à une période de plein emploi, que le patronat a toujours été tenté par la paternalisme mais, à travers ce témoignage, il m'a semblé qu'à l'époque on respectait encore l'ouvrier en tant que personne humaine quand, actuellement, la déshumanisation et le mépris sont la règle et qu'on n'hésite plus, au nom de le rentabilité, à licencier, à précipiter au chômage, dans la précarité et parfois même dans la rue des hommes et des femmes qui ne demanderaient qu'à travailler et à vivre normalement.

    Ce qui m'a frappé c'est que cette parole ainsi redonnée à des gens qu'on entend jamais en dehors des revendications salariales ou des grèves a été spontanée, authentique. Certes, il y a eu une mise en scène minimale pour les besoins de ce qui était malgré tout un spectacle et qu'il fallait bien organiser, mais rien n'était vraiment récité. Ces gens n'ont pas délivré leur message comme l'auraient fait des comédiens professionnels et c'est ce qui m'a plu.

    ©Hervé GAUTIER – Févrer 2013.http://hervegautier.e-monsite.com

  • La Feuille Volante à 32 ans

     

    N°570– Mai 2012.

    La Feuille Volante à 32 ans !

    Pendant ces 32 années de parution plus ou moins régulière, j'avais un peu tendance, chaque année, à me réjouir de la continuation de cette chronique. Las, je dois bien me rendre à l'évidence, je n'ai pas réussi à intéresser mes contemporains. Même sa transformation en « blog » et sa publication sur internet n'ont pas suffi à la sortir de l'anonymat. Son existence a toujours été confidentielle.

    Au fur et à mesure des années, quand je décomptais le temps de son existence et que je notais une année de plus, j'étais saisi par une sorte de vertige, surtout quand on connaît la durée de vie plus que limitée de ce genre de revue. Cette longévité est sans doute due au fait que j'ai toujours été seul pour en assurer la rédaction et tout le reste, ce qui ne se faisait pas, évidemment, sans imperfections.

    Ma vie personnelle cabossée et pleine de bleus a favorisé pendant de nombreuses années la lecture et l'écriture, l'une nourrissant l'autre. Elles m'ont permis de ne pas faire prévaloir ma descente et mon basculement inexorables vers le néant, de supporter les vicissitudes de cette vie. Pourtant, j'avais, à plusieurs reprises [La Feuille volante n° 110-154-187-189-220...], exprimé mes états d'âme et mes doutes à mes hypothétiques lecteurs.

    Il est vrai aussi que je ne suis qu'un simple lecteur à qui personne n'a rien demandé et surtout pas son avis sur les livres des autres. J'ai longtemps entretenu l'illusion qu'il pouvait néanmoins intéresser quelques-uns. Je me suis trompé ! D'autre part, je n'ai pas l'obsession de la performance ou du dépassement du nombre d'articles par rapport à ceux du mois précédent. Je pense ne pas avoir de record à battre en matière de nombre de connexions sur mon site, je n'ai pas les yeux rivés sur le compteur censé mesurer l'hypothétique intérêt pour cette chronique, aussi bien cette feuille paraît-elle à son rythme, c'est à dire sans aucune contrainte et en toute liberté puisqu'elle est gratuite et ne comporte pas d'abonnés.

    Je m'étais aussi imaginé que cette chronique qui tirait son concept et son nom d'une phrase et d'une idée de Montesquieu [« J'ai mille fois jeté aux vents les feuilles que j'avais écrites »] pourrait contribuer à nouer des liens avec d'autres lecteurs autour d'un livre, d'un écrivain ou d'un film, qu'elle pourrait provoquer des discussions, un échange d'idées... Je ne suis pas un collectionneur d'autographes ni un fanatique des carnets d'adresses et encore moins de la polémique, mais j'avais aussi supposé que mon avis pouvait susciter, de leur part, des réactions ou des courriels. Malgré la convivialité supposée d' internet, je me suis trompé et ce partage qui aurait sûrement été enrichissant n'a jamais vraiment eu lieu. Si peu de lecteurs ont réagi à mes articles ainsi publiés, les auteurs quant à eux ont, au mieux montré leur indifférence, au pire leur mépris. Je précise que j'envoie systématiquement la Feuille Volante aux attachés de presse des éditeurs en espérant qu'ils font leur travail de transmission. Comme l'a très bien et très simplement formulé l'écrivain espagnol Alfons Cervera lors d'un entretien autour de son œuvre « Écrire n'est rien s'il n'y a personne de l'autre côté de cette écriture ». Modestement et à mon niveau, j'ai voulu être cette sorte de miroir des écrivains que j'avais lus ! Il y eu quelques échanges épistolaires rarissimes et que je n’avais pourtant pas suscités, puis, sans aucune raison, plus rien ! J'ai toujours cru, béatement sans doute, que des relations fructueuses pouvaient se nouer entre eux et leurs lecteurs, que certains auteurs affectionnaient ces échanges qui peuvent nourrir leur écriture... Après tout, c'est, en principe pour eux qu'ils écrivent et ils leur doivent leur notoriété et parfois même un peu de leurs revenus. Là aussi je me suis fourvoyé.

    Les improbables lecteurs de cette revue peuvent en témoigner, sans être laudatifs et encore moins flatteur, mes papiers ont toujours tenté de rechercher ce qui, dans un roman, pouvait accrocher le lecteur et mériter son attention. Je pars en effet du principe, à cause sans doute de mon expérience personnelle en la matière, que si quelqu'un fait la démarche d'écrire et de publier ses écrits, de se livrer dans ses mots, il mérite de l'attention et, même s'il se met ainsi en situation d'être jugé « par le premier venu », il est en droit d'attendre autre chose qu'une avalanche de critiques gratuites et destructrices. J'ai toujours eu pour règle de ne pas porter gratuitement préjudice à quelqu'un au seul motif que je n'avais pas aimé son ouvrage. Je crois deviner, derrière la couverture d'un livre, tout ce qu'il a demandé d'efforts, d'hésitations, de recherches, de doutes... Même s'il m'est arrivé d'être parfois enthousiaste à la lecture d'un livre, je n'ai jamais ici été ni thuriféraire ni inquisiteur.

    La lecture a toujours fait partie de ma vie. Elle constitue pour moi un réel plaisir et cette chronique tire son existence de cette envie irrésistible de répondre à l'invitation d'un auteur, d'enter dans son univers surtout quand celui-ci sert correctement notre si belle langue française. Cette habitude de lire, tout comme ma participation à quelques jurys littéraires m'ont montré que, dans ce domaine aussi, le pire côtoie le meilleur. A force d'accumuler chez moi mes propres tapuscrits, j'ai fini par m'imaginer que, moi aussi, je pourrais faire entendre ma voix et être publié par un éditeur. C'était après tout parfaitement légitime ! Là aussi ce fut un échec à cause de ma malchance proverbiale ou peut-être mon absence de talent. J'avais aussi espéré, un peu naïvement, que cette chronique m'entrebâillerait peut-être les portes de maisons d'édition et favoriserait la publication de mes poèmes, de mes nouvelles et d'un « roman fleuve » auquel pour des raisons personnelles j'attache beaucoup d'importance, le tout a pourtant été refusé par de nombreux professionnels. Las, les sagas ne sont plus à la mode et je n'ai peut-être pas le talent requis. Quant à mes romans policiers, s'ils ont été publiés, ils sont de plus en plus destinés à rester dans mes tiroirs. Et puis, la recherche d'un éditeur n'est, à mon âge, plus vraiment de mise. Hélas !

    La Feuille Volante n'a sans doute jamais été un authentique organe de « critique littéraire ». J'en ai bien conscience. D'ailleurs, en 32 ans, on ne m'a jamais sollicité comme intervenant extérieur pour donner mon avis et c'est heureux (J'ai parfois reçu quelques ouvrages en service de presse mais tous les livres que je lis sont empruntés à la bibliothèque municipale). Il m'est, il est vrai, arrivé de la qualifier ainsi dans un but pratique et statistique, parce qu'il fallait bien caractériser son activité. Je ne suis jamais cependant fait d'illusion sur ce qualificatif qui a toujours correspondu pour moi à un abus de vocabulaire. Quand je l'ai créée, en 1980, avec la complicité du regretté Marjan, le dessinateur Arfoll de « La Revue Indépendante » avait spontanément salué cette initiative d'une série de bandeaux que j'ai gardés. Elle était surtout destinée à parler de ceux dont on ne parle jamais, les poètes inconnus et qui avaient toutes les chances de le rester parce que la grande presse en ignorait jusqu'à l'existence. Ceux-là publiaient, souvent à grands frais et avec leurs propres deniers, leurs poèmes qui ne seraient jamais étudiés dans les écoles, dont les recueils circuleraient sous le manteau dans le plus grand anonymat, ou resteraient sur leurs étagères. Par la suite, aimant lire, j'y ai adjoint des notes de lecture dont j'ai, avec le temps, tenté d'améliorer la présentation. Là non plus, il n'y avait pas de volonté « critique ». C'était un peu ce que, au collège, mes professeurs de français successifs avaient tenté, vainement, de me voir rédiger. J'ai peut-être ainsi cherché à me rattraper et ainsi à leur donner raison... avec quelques dizaines d'années de retard ! De plus, l'âge venant, et avec lui la perte progressive de la mémoire, ces articles avaient au moins l'avantage personnel de garder trace de mon avis sur un livre que j'avais lu. Chaque article était donc seulement un jalon dans mes lectures. J'ai quand même épuisé les joies de cette activité et, ce n'est pas là un simple jeu de mot, elle m'a elle-même épuisé ! Je dois donc reconnaître que cette Feuille Volante s'achemine vers sa fin parce que je n'ai plus vraiment le goût de la faire perdurer. Elle continuera sans doute encore pendant quelques temps puis s'arrêtera de paraître sans que personne s'en aperçoive. Elle n'aura guère marqué de son empreinte le « paysage » comme j'ai pu, dans un moment d'inconscience ou de vanité, l'espérer, mais, au vrai, cela n'a guère d'importance.

    ©Hervé GAUTIER – Mai 2012.http://hervegautier.e-monsite.com

  • La méthode Werber

     

     

    N°353– Juillet 2009.

    La méthode Werber – Article de Jacques Drillon – Le Nouvel Observateur n°2331 du 9 au 15/7/2009 p 89.

     

    Dans la série « Nous vivons une époque formidable », mon attention a été attirée par l'article de Jacques Drillon. Bernard werber qui n'est pas un inconnu pour cette revue [La Feuille Volante n° 317 – Octobre 2008] avait convié 400 de ses lecteurs à L'institut Océanographique de Paris pour un « atelier d'écriture ».

     

    Personnellement, j'ai toujours pensé [en le vérifiant] qu'une telle activité [l'atelier d'écriture] ressemblait beaucoup à une arnaque et qu'il fallait se garder de tomber dans le panneau. Cela avait pour effet, sinon pour but, d'apprendre aux « stagiaires » ce qu'ils savaient déjà faire, tout en les ponctionnant largement au passage... avec leur consentement et leur satisfaction et surtout en leur donnant l'impression qu'ils sont meilleurs « écrivants », sinon écrivains, qu'avant leur passage dans cet atelier!

     

    C'est peut-être un signe des temps, la preuve que la crise n'est pas pour tout le monde, mais, n'ayant pas été invité et surtout ayant des moyens limités [25 euros quand même pour participer à la séance!], je n'y ai pas assisté et je me suis donc contenté des propos du journaliste.

     

    Si j'en juge d'après le texte du Nouvel Observateur, cette intervention du maître s'est transformée en une opération de promotion personnelle pour un écrivain à succès qui n'en n'a pas vraiment besoin, l'occasion de pratiquer l'autosatisfaction, sorte d'explication de texte de l'auteur lui-même sur ses propres ouvrages, un sondage « in situ » sur l'œuvre... Après tout c'est de bonne guerre, même si les questions posées par werber, si elles l'on effectivement été telles qu'elles sont relatées, ne font pas vraiment preuve d'un sens accompli de l'expression française!

     

    Vient en suite l'objet de la rencontre. Au moins l'auteur met en garde son auditoire et indique que si l'écriture est un plaisir, ce n'est pas une chose facile parce que le travail fait aussi partie du processus[Pourtant, je me m'explique pas sa remarque précisant « l'écriture est un métier de feignant »!], que, même si on est convaincu de son propre talent, le succès ne sera pas forcément au rendez-vous. Il rappelle avec raison que si l'écriture peut être jubilatoire, le livre est souvent un univers douloureux, même si la folie, et même l'audace, font un peu partie du décor et que l'observation du quotidien est finalement une bonne école, que l'inspiration réserve parfois de bonnes surprises à l'auteur lui-même parce que l'imagination reste la plus forte face à la feuille blanche.

    Ce sont là beaucoup de banalités, distillées pour un prix manifestement exorbitant, alors que la meilleure façon d'écrire, c'est certes de s'entrainer à le faire, mais surtout de lire les bons auteurs!

    En revanche, je ne m'explique pas que l'auteur des « Fourmis » puisse affirmer que « tout roman peut se résumer à une blague » et je ne suis pas bien sûr que les participants aient été capables, avec de tels conseils, d'écrire ensuite leur propre best-seller!

     

    Je suis pour autant d'accord avec Jacques Drillon, une telle intervention à quelque chose d'édifiant!

     

    © Hervé GAUTIER – Juillet 2009.http://hervegautier.e-monsite.com

     

     

     

     

     

     

  • 31° anniversaire de « la Feuille Volante » et « Le rendez-vous de St Pezenne »

     

     

         

    N°528 – Juin 2011.

     

    31° anniversaire de « la Feuille Volante » et « Le rendez-vous de St Pezenne » - Éditions du Petit Pavé.

     

    Depuis de nombreuses années, j'ai pris l'habitude de signaler à mon hypothétique lecteur la date anniversaire de cette revue devenue « blog », tout en étant étonné d'être encore là. Trente et un ans de parution, cela ne me rajeunit pas et marque ainsi le temps qui passe inexorablement. Cet anniversaire est un non-événement et je serai sans doute le seul à en parler. Cela fait en effet longtemps que j'ai choisi de commenter les œuvres des autres, leurs poèmes, leurs romans ... parce que la lecture est pour moi un plaisir. Mais celui de l'écriture n'est jamais très loin et j'ai souvent envie d'exprimer avec des mots ce que j'ai pensé d' un livre que je viens de refermer, non seulement pour en laisser une trace dans ma mémoire, mais aussi pour le faire éventuellement partager. Il en va de même pour les films, les émissions de télévision, les pièces de théâtre... Je le fais seulement parce que cela m'a plu, m'a ému, mais surtout parce que personne ne me demande rien. Et ce, même si mon avis de simple lecteur, de simple témoin [je ne serai jamais que cela], est indifférent aux personnes qui me lisent... Je ne regrette pas ce choix, il m'a apporté la joie d'échanges épistolaires, la désillusion de quelques déconvenues aussi, mais peu importe !

     

    Alors, pour la première fois et sûrement pour la dernière, et parce que c'est aussi le but de cette revue, je vais parler de mes livres puisque personne n'en n'a rien dit [j'aurais pu le faire sous couvert d'un pseudonyme mais j'aime mieux que les choses soient claires]. Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes de parler de moi et c'est un exercice dans lequel je n'excelle pas vraiment. Je vais donc faire une exception.

    Tout d'abord ces livres ne sont pas si nombreux parce que j'ai toujours fait prévaloir le plaisir d'écrire à cette auto-flatterie de l'ego qui consiste à avoir son nom sur la couverture d'un ouvrage et ainsi de pouvoir se dire « écrivain ». Et d'ailleurs, j'ai toujours banni ce mot de mon vocabulaire, préférant, pour moi-même seulement, celui « d'écrivassier » dont j'assume et même revendique l'aspect péjoratif.

     

    Je dois dire aussi que l'édition n'a jamais été vraiment une fin en soi, à tout le moins pour moi. Cela explique sans doute le petit nombre de parutions... Et puis, l'âge venant, la retraite aussi, j'ai fini par me décider. Soyons juste, plus jeune et plein d'illusions, il m'est bien arrivé de chercher dans le domaine de l'édition quelqu'un qui me ferait confiance. Ce fut vainement ! Faute de chance, de parrainage, de connaissance du milieu, de talent peut-être ? J'ai donc renoncé, sans pour autant cesser d'écrire, au contraire ! Mes tiroirs sont maintenant pleins de nouvelles, de romans (saga, romans à énigme, poèmes) et, cela me surprend parfois, la recherche d'un éditeur reprend le dessus, mais pour un temps seulement !

     

    Puis internet est arrivé qui m'a permis de mieux faire connaître cette revue, « la Feuille Volante » et d'avoir accès à une liste plus complète d'éditeurs. C'est vrai aussi que, malgré mes démarches, si je n'ai jamais pu intéresser un grand éditeur parisien, ma quête en province ne m'a guère été plus favorable. Pourtant, l'un d'eux (Éditions du Petit Pavé – St Jean des Mauvrets - 49320 Brissac-Quincé www.petitpave.fr) m'a fait confiance une fois et a renouvelé l'expérience cette année. Ce n'est pas (encore ?) la notoriété, mais je lui sais gré de m'avoir non seulement tiré de l'anonymat, mais surtout de m'avoir incité à écrire encore davantage, à faire partager mon écriture. Tout en faisant honnêtement et professionnellement son travail d'éditeur, c'est à dire de « découvreur », il privilégie le livre imprimé, aime qu'il soit d'abord un bel objet. J'ai déjà dit dans cette chronique mon attachement à la forme traditionnelle du livre, l'odeur de l'encre, le grain du papier, le plaisir du toucher ...Et puis ces rencontres, aux solstices d'hiver et d'été où se tissent des liens amicaux dans la « douceur angevine »... Il n'est bien entendu pas le seul à faire ce choix, mais actuellement, avec la politique de profit, de rentabilité, un auteur inconnu ne peut raisonnablement pas espérer que ses écrits soient publiés autrement qu'à ses frais, ce qui est bien souvent pour lui, rédhibitoire. Il faut rappeler une évidence, l'auteur n'est rien sans son éditeur, ils partagent ensemble cette grande aventure qu'est l'écriture et la publication d'un livre.

     

    Après « Un été niortais » paru en 2008, c'est « Le rendez-vous de St Pezenne » qui introduit, à partir de cette année, le cycle des « enquêtes du commissaire Martineau ». Beaucoup d'autres romans de la même inspiration restent encore inédits.

     

    Ce ne sont pas des polars au sens commun du terme, mais des romans à énigme, c'est à dire des fictions policières écrites comme un roman. Je mêle à l'enquête classique sur un meurtre, des descriptions de la ville de Niort (Deux-Sèvres), des évocations, mais aussi de l'histoire locale et parfois des légendes, le Poitou étant une terre à la fois mystérieuse et mythique. Dans ces textes, point de violence, de sexe ou de sang, rien que des démarches psychologiques, des investigations parfois hasardeuses, rien qu'une histoire imaginée et que j'essaie de restituer aussi agréablement que possible. Je suis en effet un lecteur impénitent et je cherche toujours à faire que mes livres soient, pour ceux qui me consacrent un peu de leur temps et aussi de leur argent, un bon moment de lecture !

     

    C'est vrai que je l'aime bien ce commissaire Martineau. C'est un solitaire qui fonctionne à l'intuition, parfois aux fulgurances, mais c'est plus rare. Il est aussi chanceux. Il ne boit que de l'eau minérale ( à condition qu'elle soit d'une bonne année !), roule dans une vieille 4 L et parle volontiers à son chat avec qui il a des conversations le plus souvent silencieuses mais quand même enrichissantes. Il s'est domicilié un peu par hasard à Niort après une longue errance administrative sur le territoire national consécutive à un divorce qu'il n'a jamais vraiment accepté. Il est amoureux des femmes, mais de leur beauté seulement parce que, même s'il voudrait bien que les choses fussent différentes, il reste un solitaire. C'est pour moi aussi l'occasion de faire découvrir à mon lecteur une ville finalement peu connue, dont je ne suis pourtant pas originaire, mais qui, à mes yeux, cache un intérêt certain, pas mal de belles choses. Chaque roman n'est pas pour autant un guide touristique mais un prétexte à une balade niortaise (ou dans les environs – ici le quartier de St Pezenne est à la fois pittoresque et plein de surprises), une découverte, par petites touches, à la fois de la ville, de son histoire, de la culture qu'elle porte.

     

    Il y a d'autres choses, bien sûr, une longue saga, des nouvelles, des poèmes et d'autres romans à énigme, et puis cette « chronique » qui n'en finit pas parce que j'aime dire aux auteurs que je ne connais pas et que je ne verrai jamais tout le plaisir que j'ai eu à les lire.

     

    ©Hervé GAUTIER – Juin 2011. http://hervegautier.e-monsite.com



     



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     





     

     

     



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     





     

     

     



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     





     

     

     



  • Monsieur Zinedine Zidane - Une sortie très honorable.

     

     

     

    N°256 Juillet 2006

     

     

    Monsieur Zinedine Zidane – Une sortie très honorable.

    Que mon improbable lecteur me pardonne, mais l’actualité me fait réagir comme tout le monde et je me permets donc de sortir du créneau que j’ai moi-même choisi pour cette revue qui se veut littéraire. Je veux évidemment parler du geste de Zinédine Zidane.

     

    Quelques remarques d’abord. J’ai fait, il y a bien longtemps mes humanités, comme on disait alors, et dans les textes, on faisait l’éloge des champions grecs et latins que la victoire aux jeux, du stade ou du cirque, consacrait à l’égal des dieux. A l’époque, je me souviens m’en être étonné. Je me rassure aujourd’hui, notre époque est semblable et nous n’avons rien à envier aux romains qui réclamaient « du pain et des jeux ».

     

    Mais j’en viens à mon propos et je veux apporter ma part de réflexion à ce qui a été un événement national. Zidane avait fait part de son intention de quitter la compétition après cette coupe du monde et chacun d’y voir un heureux présage, une deuxième étoile d’or sur le maillot bleu, une consécration pour notre héros national, la coupe du monde revenue chez nous… Au lieu de tout cela, tout à fait autre chose, un joueur expulsé, un peu désabusé, regagnant seul les vestiaires, passant sans le regarder devant le trophée doré qu’il ne brandira pas, à dix minutes de la fin du match…preuve que rien n’est jamais écrit à l’avance et qu’Aragon avait bien raison de proclamer «  Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son cœur, et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d’une croix, sa vie est un étrange et douloureux divorce… »

     

    Nous connaissions un peu l’homme, parce qu’il s’était, à l’occasion, dévoilé au cours de sa vie publique. Il avait lui-même parlé de sa part d’ombre… mais nous garderons tous l’image de ce dieu du stade, adulé et célèbre à la fois pour son talent mais aussi pour son esprit de tolérance, sa simplicité, son calme, ses qualités humaines. C’est pour tout cela que nous l’aimons. Mais voilà que sa part d’ombre est réapparue en pleine lumière, et devant les caméras de télévision du monde entier… Et chacun de déplorer la chute de cette icône, la statue du commandeur qui devient subitement impulsive, c’est à dire humaine, tout simplement !

     

    Zidane s’est expliqué et alors les choses se sont éclairées. Materazzi, l’a insulté par trois fois pendant le match, s’en prenant à ce qu’il a de plus précieux au monde, sa famille. Au passage, le joueur italien a bien opportunément oublié les sacro-saintes valeurs du sport, celles qu’on enseigne aux enfants et qu’on répète à l’envi. Le but du jeu, si je puis dire, était de déstabiliser Zidane pour le faire expulser du terrain et ainsi priver l’équipe de France de son meneur de jeu. Cela a fonctionné ! Et chacun de s’étonner que cela puisse se produire sur un terrain de football, à ce niveau de compétition. Ce déplorable incident a donc été aussi un révélateur. Malgré toutes les idées reçues, toutes les valeurs dont nous aimerions bien qu’il fût porteur, le monde du sport n’est ni meilleur ni pire que les autres, il en est l’exacte réplique, le miroir. Il est très précisément semblable au monde du travail où la compétition est quotidienne, la réussite est la règle incontournable sinon l’unique but, même s’il faut pour cela déstabiliser l’autre, l’écraser pour prendre sa place et ainsi le détruire… Tout cela pour l’illusoire impression de la reconnaissance, de la valorisation personnelle.

     

    Zidane a résisté aux lazzis de l’Italien et tout à coup a craqué, parce que sa réaction a suivi les provocations. Le dieu est tout à coup redevenu humain, ce qu’il n’a jamais cessé d’être, en réalité : un homme qui a su faire passer son honneur avant son intérêt et qu’il l’a défendu.

     

    On peut dire ce qu'on veut de ce geste et Zidane s’est excusé auprès des enfants qui sont ses meilleurs supporters parce qu’il est leur modèle. Il a précisé toutefois, qu’il ne le regrettait pas parce que cela aurait été donner raison aux provocations. Eh bien, je n’ai pas peur d’affirmer ici qu’il est effectivement un modèle pour nous tous, celui d’un homme qui n’a pas eu peur de briser publiquement son image et aussi peut-être nos rêves de victoire parce qu’on avait porté atteinte à son honneur et à celui de sa famille ! Le geste de Zidane est peut-être un mauvais exemple pour les jeunes, mais pour nous, adultes, je proclame ici qu’il y a de la noblesse dans cette réaction.

     

    Même si ce n’est pas exactement ce que nous attendions tous, c’est une très honorable sortie que celle de Zidane et son geste mérite admiration et respect.

     

     

     

    © Hervé GAUTIERhttp://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg