James Salter
N°796 – Août 2014.
BANGKOK- James Salter – Éditions des 2 terres.
Traduit de l'américain par Anne Rabinovitch.
Un recueil de nouvelles est parfois composé de textes disparates réunis sous un même titre mais pas forcement avec un thème commun. Ici, avec ces six textes, l'auteur reprend des sujets favoris, l'amour, la perte, le gâchis qui caractérisent la vie. Il met en scène souvent des hommes, parfois des militaires comme il l'a été pendant une partie de sa vie, qui ont été trahis par leurs épouses (l'inverse est évidemment vrai) et qui souhaitent non pas oublier cette triste époque mais en tourner la page en évitant de pardonner à celle-là même qui vient le solliciter. Mais refait-on réellement sa vie après un échec, après l'opprobre intime de la tromperie, peut-on refaire confiance à l'autre, qu'il soit le même ou qu'il soit différent sans penser que cette histoire peut parfaitement bégayer ?
Les relations intimes hommes-femmes sont au centre de ce recueil. Le couple est en effet examiné par l'auteur à un moment critique où tout est devenu possible pour chacun de ses membres, malgré les années de vie passées ensemble. L'amour, la confiance ont certes existé entre eux mais le temps a passé qui les a modifiés. La routine s'est installée, les illusions se sont dissipées pour laisser place aux regrets, aux remords et parfois aussi à la rancœur et la poursuite du bonheur s'est arrêtée presque naturellement : Un couple est sur le point de se séparer à cause d'une relation homosexuelle de l'un des deux, une ancienne maîtresse refait soudain surface et aguiche son amant maintenant marié à une autre, un homme aide sa femme, gravement malade à mourir mais se laisse aller avec sa maîtresse pendant l'agonie supposée de son épouse, dans la pièce à côté... C'est comme cela, l'amour qui a été si intense au début n'existe plus mais se reporte sur un autre ou une autre... Ils sont parfois restés ensemble pour sauver les apparences ou les convenances et parfois non. Ce sont de petits accommodements avec la vie, des mensonges, des hypocrisies qui peuvent passer pour de la tolérance mais c’est assurément de silences, de souffrances qu'il s’agit. Ce sont « ces petits riens qu'on ignore au début mais qui, à la longue vous exaspèrent ». Salter passe le couple à la fois à l'épreuve du quotidien et du temps. Les femmes sont toujours belles d'une beauté discrète mais attirante. Il les habille sobrement et cette sobriété ajoute à leur charme mais il fait naître des désirs secrets et bien souvent inassouvis, fantasmes ordinaires. Ses textes nous renvoient assurément une image de nous-mêmes pas forcément flatteuse. Son écriture est directe, simple, dépouillée, agréable à lire.
Salter a passé une partie de sa vie dans l’armée américaine comme pilote de chasse. Il a quitté l'uniforme pour se consacrer à l'écriture. Ses nouvelles ne cachent rien de la vie, de l'amour, de la séparation des couples, de la mort, de la vie en société, une vérité de chaque jour, de chaque instant. Je découvre l’œuvre de Salter à l'occasion de ce recueil pris au hasard. Je pense que je vais poursuivre.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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AMERICAN EXPRESS-
- Par hervegautier
- Le 01/09/2014
- Dans James Salter
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N°797 – Septembre 2014.
AMERICAN EXPRESS- James Salter – Éditions de l'olivier.
Traduit de l'américain par Lisa Rosenbaum.
Les nouvelles de James Salter ont un goût de nostalgie, celle du temps qui passe inexorablement et sans que nous y puissions rien, ce même temps qui impose à chacun son rythme et sa marque. Les choses se font et se défont malgré nous ainsi dans « vingt minutes » le drame que connaît Jane Vare ou le mystère qui entoure la baby-sitter d' « Autres rivages », l'escapade nocturne de Fenn dans « Akhnilo » ou encore la solitude de Mrs Chandler face à un ancien amant. C'est une atmosphère de passage inexorable qui s'impose à travers ces textes, la nuit succède au jour, l'âge adulte à l'adolescence, la mort à la vie... L'ambiance qui gouverne ce recueil est plutôt mélancolique et tient à peu de choses, des situations en demi-teinte, des détails, une image furtive vite remplacée par une autre qui va combler le vide laissé par la précédente, des traces de sueur sous les aisselles, des relents du cuisine, une odeur de transpiration un peu forte, les vêtements négligés d'un homme, les seins d'une femme, des détails d'un visage ou la certitude d'une absence d'avenir dans la vie. C'est la solitude qui prédomine dans ces nouvelles. Pour souligner ce vide, les chutes sont étonnantes, déconcertantes même et pour le moins inattendues. « Am stende von Tanger » se termine par la mort d'un canari, « vingt minutes » par celle d'une cavalière, « Via negativa » par une appréciation portée sur les seins d'une femme rencontrée par hasard, « Akhnilo » par l'évocation d'une douloureuse insomnie solitaire que les mots ne parviennent pas à soulager, autant d'échecs, d'espoirs déçus.[« En fait pour lui l'échec était romantique. Il en avait presque fait son but »] qu'on perçoit aussi dans « La destruction du Goeotheanum ».
Dans « Fils perdu », il se souvient avec nostalgie qu'il a été officier de l'armée de l'air et c'est sans doute un peu de son expérience personnelles qu'il livre à son lecteur de même qu'il note ses observations sur les écrivains dans « Via negativa ». De toute manière et malgré une prose fluide, il reste une sorte de silence pesant qui peu à peu s'installe entre poésie et mysticisme. [« Couché dans son lit tel un étudiant pauvre - combien la vie changeait peu depuis le début jusqu'à la fin - il s'endormit, agrippé à ses rêves. Les fenêtres étaient ouvertes. L'air froid se déversait sur lui comme la mer sur un marin aveugle, le trempant jusqu'aux os, inondant la pièce. Il était allongé, les chevilles croisées comme un martyr, le visage tourné vers Dieu ».] Il a aussi été scénariste, en évoque le métier, l'ambiance qui règne sur les plateaux de tournage et au sein de la profession, la vie des acteurs dans « le cinéma » et à cette occasion il se révèle un peu voyeur. De Mrs Chandler il dit « C'était une femme... qui avait de belles jambes ». Il y a souvent des figures de femmes qui elles aussi passent et qui sont évoquées à travers une image érotique « Elle a de petits seins et de grands mamelons. Et aussi, comme elle le dit elle-même un assez gros postérieur ».
Il n'a pas de lieu privilégié pour l'auteur et il place ses « actions » (je devrais dire ses inactions tant les scènes qu'il évoque semblent banales) dans des villes emblématiques comme Barcelone ou Paris, des contrées d'Italie, d'Amérique du nord ou les bords du Rhin.
De toute cela résulte une atmosphère un peu dérangeante.
©Hervé GAUTIER – Septembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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BANGKOK
- Par hervegautier
- Le 31/08/2014
- Dans James Salter
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N°796 – Août 2014.
BANGKOK- James Salter – Éditions des 2 terres.
Traduit de l'américain par Anne Rabinovitch.
Un recueil de nouvelles est parfois composé de textes disparates réunis sous un même titre mais pas forcement avec un thème commun. Ici, avec ces six textes, l'auteur reprend des sujets favoris, l'amour, la perte, le gâchis qui caractérisent la vie. Il met en scène souvent des hommes, parfois des militaires comme il l'a été pendant une partie de sa vie, qui ont été trahis par leurs épouses (l'inverse est évidemment vrai) et qui souhaitent non pas oublier cette triste époque mais en tourner la page en évitant de pardonner à celle-là même qui vient le solliciter. Mais refait-on réellement sa vie après un échec, après l'opprobre intime de la tromperie, peut-on refaire confiance à l'autre, qu'il soit le même ou qu'il soit différent sans penser que cette histoire peut parfaitement bégayer ?
Les relations intimes hommes-femmes sont au centre de ce recueil. Le couple est en effet examiné par l'auteur à un moment critique où tout est devenu possible pour chacun de ses membres, malgré les années de vie passées ensemble. L'amour, la confiance ont certes existé entre eux mais le temps a passé qui les a modifiés. La routine s'est installée, les illusions se sont dissipées pour laisser place aux regrets, aux remords et parfois aussi à la rancœur et la poursuite du bonheur s'est arrêtée presque naturellement : Un couple est sur le point de se séparer à cause d'une relation homosexuelle de l'un des deux, une ancienne maîtresse refait soudain surface et aguiche son amant maintenant marié à une autre, un homme aide sa femme, gravement malade à mourir mais se laisse aller avec sa maîtresse pendant l'agonie supposée de son épouse, dans la pièce à côté... C'est comme cela, l'amour qui a été si intense au début n'existe plus mais se reporte sur un autre ou une autre... Ils sont parfois restés ensemble pour sauver les apparences ou les convenances et parfois non. Ce sont de petits accommodements avec la vie, des mensonges, des hypocrisies qui peuvent passer pour de la tolérance mais c’est assurément de silences, de souffrances qu'il s’agit. Ce sont « ces petits riens qu'on ignore au début mais qui, à la longue vous exaspèrent ». Salter passe le couple à la fois à l'épreuve du quotidien et du temps. Les femmes sont toujours belles d'une beauté discrète mais attirante. Il les habille sobrement et cette sobriété ajoute à leur charme mais il fait naître des désirs secrets et bien souvent inassouvis, fantasmes ordinaires. Ses textes nous renvoient assurément une image de nous-mêmes pas forcément flatteuse. Son écriture est directe, simple, dépouillée, agréable à lire.
Salter a passé une partie de sa vie dans l’armée américaine comme pilote de chasse. Il a quitté l'uniforme pour se consacrer à l'écriture. Ses nouvelles ne cachent rien de la vie, de l'amour, de la séparation des couples, de la mort, de la vie en société, une vérité de chaque jour, de chaque instant. Je découvre l’œuvre de Salter à l'occasion de ce recueil pris au hasard. Je pense que je vais poursuivre.
©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com