Créer un site internet
la feuille volante

Eric Vuillard

  • Congo

    N°1686 – Octobre 2022

     

    Congo – Eric Vuillard – Actes sud.

     

    Dans ce récit, Eric Vuillard remonte le temps et évoque la conférence de Berlin en 1884 où les occidentaux se partagent l’Afrique au nom sans doute de le supériorité de la race blanche. On crée donc l’État indépendant du Congo, façade trompeuse qui permet au roi des Belges Léopold II de s’approprier à tire personnel ces terres et surtout les richesses qui vont avec. Bien entendu, une telle entreprise ne va pas sans flagorneries par souci de reconnaissance mais surtout sans exactions, pillages et atrocités commises par des aventuriers avides de richesses et de célébrité qui sont au surplus couverts par l’impunité. Leurs noms, attachés le plus souvent à une anecdote bien souvent fausse, cachent des faits que l’histoire n’a pas retenu ou simplement voulu occulter pour ne maintenir qu’une sorte de légende lénifiante et trompeuse. Le seul nom de Congo qui sert de titre à ce court ouvrage est à la fois un territoire et un fleuve, un paradis transformé en enfer pour le seul bénéfice de quelques-uns.

    Comme il en a l’habitude, notre auteur détricote l’histoire officielle, ici celle du colonialisme, énumère des faits, les appuie de preuves et suscite l’esprit critique de son lecteur qui sans doute ne s’attendait pas à de telles révélations tant elles sont abominables. Ce genre de période qui revient régulièrement dans l’histoire de l’humanité à l’occasion des bouleversements et des guerres dont les hommes sont friands, met en lumière une facette bien peu reluisante de l’espèce humaine dans ce qu’elle a de plus abject et que le rachète pas tous les Coluche et les abbé Pierre. Les hommes, jusqu’au plus haut sommet de l’État, sont bien plus sensibles à l’argent et au pouvoir qu’aux grandes et généreuses idées si hypocritement proclamées. L’auteur termine cette sordide énumération par une invocation à un Dieu à la fois muet et absent de tout cela, une sorte d’image mensongère pourtant admise et entretenue depuis des générations comme un recours, un espoir, une caution et surtout un prétexte accompagnant les pires choses humaines.

    Le style de Vuillard est volontiers brut et sans complaisance derrière une ironie de bon aloi et lire un de ses ouvrages est toujours pour moi un bon moment passé en sa compagnie à cause de ce qu’il dit et de la façon dont il le dit.

     

  • Une sortie honorable

    N°1684 – Octobre 2022

     

    Une sortie honorable – Eric Vuillard – Acres sud.

     

    Sous ce titre très classique et convenu, il s’agit rien moins que de sortir la France de la guerre coloniale perdue d’avance d’Indochine mais qui aura duré de 1946 à 1954. Ce pays riche servait surtout aux importants banquiers et industriels français à s’enrichir sur le dos des coolies exploités dans les plantations d’hévéas et des soldats venus des autres colonies de l’empire pour y mourir au combat. Cette « sortie honorable » était réclamée par des hommes politiques plus enclins à assurer leur avenir dans la valse des ministères dont la IV° république avait la spécialité, devant l’issue inévitable de cette guerre lointaine dont personne ne parlait vraiment dans l’opinion. Pourtant il fallait tenir le terrain face au Viêt-minh qui chaque jour avançait dans sa reconquête, face à des généraux incompétents plus soucieux de leur avancement ou des décorations qu’on épinglait sur leurs poitrines. Il fallait frapper un grand coup et ce fut la construction du camps retranché de Diên Biên Phu pour lequel on sacrifia cette vallée paisible et agricole, on brûla des récoltes, on déplaça des populations, une cuvette entourée de collines auxquelles on donna des prénoms de femme et bordée par la jungle où l’ennemi ne manqua pas de se retrancher et d’attaquer sans relâche jusqu’à l’encerclement complet. Sa victoire fut d’autant plus facilement acquise que le camp manquait de tout, qu’il fallait organiser une résistance économique, autant dire au rabais, malgré la livraison du matériel des américains et leur projet atomique inspiré par hiroshima. Cependant la défaite militaire avec ses morts n’en fut pas une pour tout le monde et spécialement pour les banquiers.

     

    J’ai déjà lu avec plaisir et attention Eric Vuillard et son « Ordre du jour » où il dévoile les dessous de l’Anschluss. J’ai retrouvé ici la même plume incisive, le même humour subtil et les mêmes précisions documentaires détaillées, avec des portraits de personnages emblématiques et célèbres dont il bouscule la légende, se glissant même fictivement dans leur peau, bref tout ce que l’histoire officielle a pris soin de nous cacher ou d’oublier.

    Malheureusement pour les Vietnamiens, ce n’était pas terminé.

    Pertinent, impertinent et passionnant, comme toujours !

     

  • Conquistadors

    N°1629 - Mars 2022

     

    Conquistadors – Eric Vuillard – Éditions Leo Scheer.

     

    Avec un luxe de détails et un style poétique et érudit, Eric Vuillard renoue avec le roman épique historique en racontant l’histoire de la conquête du Pérou par Francisco Pizarro, enfant naturel et pauvre d’un noble espagnol qui décide de tenter sa chance dans le nouveau monde. Après deux expéditions désastreuses, il retourne au Pérou où il trouve l’or tant convoité au prix de trahisons et de la destruction de l’empire inca, un génocide perpétré avec la complicité et la bénédiction de l’Église catholique.

    Chef d’une petite armée en guenille qui massacre, pille et viole, il ne fait que répandre la mort autour de lui et, un temps, jouant sur les oppositions entre les peuplades, la chance lui sourit, il est reconnu comme gouverneur du Pérou mais la violence qu’il a lui-même semée se retournera contre lui. Devant tant de richesses, de pouvoir et d’arrogance, ces conquistadors, notamment Almagro, qui n’étaient rien en Espagne que des analphabètes pauvres et souvent des batards, fomentent des luttes fratricides qui se se solderont par la mort de Pizarro.

    C’est un roman dur, un peu long à lire mais qui est l’image d’une facette de la nature humaine dans ce qu’elle a de pire, fascinée par le pouvoir et l’argent et capable de tout pour les obtenir.

     

  • La guerre des pauvres

    N°1628 - Février 2022

     

    La guerre des pauvres – Eric Vuillard – Actes sud.

     

    Ce petit livre passionnant refermé, j’ai à nouveau l’impression que Thomas Munster a été comme de nombreux prédicateurs religieux la victime de sa foi. Devant le spectacle de la société saxonne de cette fin du Moyen-Age, il s’est insurgé contre l’Église et les puissants, come d’autres avant lui en Europe. C’est vrai qu’il y avait de quoi tant la société était inégalitaire et les prélats beaucoup plus occupés à amasser des richesses et du pouvoir qu’à diffuser la parole de Dieu et à respecter les préceptes de l’Évangile. C’est donc de bonne foi, au nom des prophètes de la Bible et logiquement qu’il a sermonné ses fidèles, les incitant à la révolte.

    Il y a été aidé par l’imprimerie qui vulgarisa ses écrits, se mit à la portée du peuple, des paysans, des ouvriers, des pauvres, traduisant la bible, disant la messe en allemand et replaçant le latin par la langue vulgaire, ce qui permet la compréhension et donc la contestation. Son appel à la révolte le fait expulser des villes où il officie, fait des émules et, paradoxalement, le transforme en chef de guerre. Mais un prêtre n’est pas un stratège militaire et il est facilement défait face aux puissants sans que Dieu pour qui pourtant il se battait ne fasse rien pour lui. Il terminera sur le gibet.

    Eric Vuilllard reprend sa belle plume d’historien pour un épisode peu connu mais significatif de l’espèce humaine avec son hypocrisie, sa violence, son mysticisme, son utopie, le con servatisme face au progressisme.

     

  • Tristesse de la terre

    N°1627 - Février 2022

     

    Tristesse de la terre – Eric Vuillard – Actes sud.

     

    Quel petit garçon de ma génération n’a pas rêvé d’incarner, le temps d’une récréation, Buffalo Bill ou un héros de bandes dessinées de cette époque vouée à la lutte cinématographique entre les cow-boys et les Indiens ou demandé une telle panoplie à ses parents? Ce personnage représentait le ranger blanc, incarnation du bien et du courage, citoyen d’un pays parfait et mythique qui luttait contre les sauvages et, bien entendu, était vainqueur. L’auteur choisit de nous révéler le vrai visage du véritable William Cody, ancien employé des chemins de fer en qualité de chasseur de bisons, d’où son surnom, puis héros de roman à quat’sous, devenu organisateur de spectacles populaires mettant en scène des Indiens que les États-Unis étaient par ailleurs en train d’exterminer sur leur propre territoire. Dans une ambiance de carton-pâte, il donne l’illusion aux spectateurs venus en masse pour assister à son Wild West show à partir de 1870, de revisiter en la falsifiant, avec la complicité temporaire de Sitting-Bull, un authentique chef de tribu et de quelques rescapés indiens ravalés au rang de figurants, l’histoire de ce massacre dans un pays qui se veut le chantre de la liberté. Tout cela n’était évidemment qu’une image de l’Ouest américain, le mythique Far West, que du grand spectacle qu’on donnera également en Europe et en Russie, que le décor de pacotille d’un triste épisode derrière lequel se cache ce mythomane devenu célèbre grâce à cette mise en scène grandiose. C’est un divertissement, une parodie qui falsifie l’Histoire, transformant sciemment la défaite américaine controversée de Little Bighorn (1876) en victoire de la cavalerie. Cela cache mal cette volonté de montrer la suprématie de l’homme blanc, sa supériorité sur les sauvages qu’il doit exterminer au nom de la civilisation. Pour les Américains, la vie n’est qu’un spectacle que rien ne peut interrompre et qui doit impérativement se poursuivre, comme le veut leur phrase emblématique « the show must go on ». Cette démarche était de nature à mettre en valeur Buffalo Bill et la recherche du profit mais répondait aussi à une demande d’exotisme de la part du public et illustrait aussi cette habitude de l’espèce humaine qui vit dans l’illusion et le mensonge permanent qu’elle choisit d’ignorer naïvement ou d’accepter par commodité.

    L’auteur ajoute à un texte fort bien écrit, des photos d’époque. C’est précisément ici que tout bascule puisque derrière le grand spectacle ainsi donné aux spectateurs, qui se veut l’incarnation de la réconciliation de deux peuples, les visages fixés sur la pellicule trahissent ce qu’on voulait leur cacher. Derrière les coiffes emplumées, les stetsons et les bannières étoilées, on y lit la solitude et la résignation des indiens pour leur liberté perdue, leur humiliation de devoir rejouer leur propre destruction aux côtés de ceux qui en étaient les auteurs, la certitude des rangers d’avoir imposé l’ordre politique et militaire et d’avoir contribué à la marche du progrès, dans un pays qui se construisait sur l’élimination des indésirables.

    Les temps et les goût du public changent et petit à petit on se désintéressa d’un spectacle dans lequel Buffalo Bill avait mis toute sa vie, avait joué inlassablement son propre rôle, avec lequel il avait connu un succès mondial, qui lui avait rapporté beaucoup d’argent et avait fait de lui un mythomane et un mégalomane. Dans l’indifférence générale, il redevint William Cody, pauvre et abandonné de tous, à l’image de ces indiens dont il s’était abondamment servi toute sa vie. Il avait 70 ans.

    Est-ce pour souligner la relativité et la vanités des choses de ce monde que l’auteur évoque dans l’épilogue la figure de Wilson Bentley (1867-1931), le photographe des éphémères flocons de neige ?

     

    J’avais déjà lu « L’ordre du jour » où Eric Vuillard s’était fait l’historien des débuts bluffeurs destructeurs du nazisme face aux atermoiements des démocraties et qui donneront ce qu’on sait.

     

     

     

  • L' ordre du jour

    La Feuille Volante n° 1207

    L'ordre du jour - Eric Vuillard – Actes sud. Prix Goncourt 2017.

     

    Nous sommes le 20 février 1933 et Allemagne nazie s’apprêtent à recevoir l'hommage, sous forme de millions de deutschemarks, des industriels allemands, Krupp, Opel , Siemens, Bayer... vingt quatre capitaines d'industries qui plus tard puiseront dans les camps de concentration la main- d’œuvre nécessaire à leur essor. L'argent est le nerf de la guerre, comme on le sait et la guerre, les nazis ne demandent qu'à la faire, elle assurera la fortune de ces généreux donateurs !

     

    Dans ce court récit Eric Vuillard se fait l’historien de cette période qui va de 1933à 1938 au terme de laquelle sera enfin réalisé le rêve d'Hitler d'unifier sous son autorité les pays de langue allemande, l'Allemagne et l'Autriche et tant pis si, pour en arriver là, on bouscule un peu le droit, la diplomatie, le respect des frontières et même les gouvernants puisque le chancelier autrichien Schuschnigg est remplacé manu militari par le nazi Seyss-Inquart. Pourquoi se gênerait-il, le caporal autrichien devenu chancelier d'Allemagne, puisque la France et l'Angleterre semblent se désintéresser de tout cela. D'ailleurs, plus tard, lors d'un dîner au 10 Downing Street, l'ambassadeur Ribbentrop qui allait devenir ministre du Reich, amusa Churchill,Chamberlain et Lord Catogan avec ses exploits sportifs pour mieux masquer cette information et retarder la réponse britannique à l'invasion de l'Autriche. C'était le début d'un processus qui se terminerait en septembre 1938 par les accords de Munich, l'annexion des Sudètes tchécoslovaques et la Deuxième Guerre Mondiale. Le plus étonnant sans doute fut que les Autrichiens accueillirent les envahisseurs nazis dans la liesse, à grands renforts de saluts fascistes et à leur tête Hitler, même si tout ne s'est pas aussi bien passé que prévu. Après tout, le dictateur était un enfant du pays qui revenait chez lui ! Quant à l'allégresse qui a accompagné cette entrée du Führer, il ne faut tout de même pas exagérer, on avait avant bien préparé le terrain et l'ombre des SA s'étendait déjà depuis quelques temps sur le pays, quant à l'appui des panzers prévu pour accompagner ce qui est une véritable prise de pouvoir, c'est plutôt à une panne mécanique générale à laquelle on a assisté. On nous a montré des films de propagande des images sélectionnées comme toujours pour faire illusion, mais quand même !

     

    L'auteur nous donne des détails par forcément retenus par l'Histoire, insiste sur le bluff qui a présidé à tout cela et l'incroyable crédulité du monde qui, à ce moment-là, a plié devant l'ahurissant culot d'Hitler, un peu comme si le conflit qui s'annonçait devenait inévitable Il l'évoque d'ailleurs à propos « Les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas ». Cela rappelle l'invasion de la Rhénanie, pourtant démilitarisée par Hitler en mars 1936, un véritable coup de poker qui, s'il avait été contré par la France comme cela eût été logique aurait sans doute changé le cours de l'histoire. Devant l'apathie générale, le Führer avait décidé d'agir parce que c'était pour lui le moment favorable à ses visées destructrices, une occasion de plus de bafouer le traité de Versailles et de s'imposer face aux atermoiements franco-britanniques. Cela a si bien fonctionner que Daladier et Chamberlain ont été acclamés à leur retour de Munich comme les sauveurs de la paix !

     

    Hitler n'a cessé de délivrer un discours pacifique alors qu'il préparait et développait la guerre, n'a cessé d'affirmer aux Allemands eux-mêmes l'état impeccable de l'armée alors qu'il n'en était rien, a délivré contre les Juifs un discours de haine et de mort. Cela a si bien fonctionné que l’Église catholique s'en est mêlée, les curés appelant en chaire à voter pour le parti nazi lors du référendum en faveur de l’Anschluss, parant les églises de drapeaux à croix gammées. Le résultat fut sans appel, un véritable score digne d'une république bananière ... et des suicides massifs de Juifs. Cela annonçait sans doute la connivence et le silence assourdissant du pape Pie XII face à la Shoah, un peuple toujours considéré à l'époque comme déicide.

     

    J'ai rencontré l’œuvre d'Eric Vuillard par hasard et même si le thème traité rappelle un moment peu glorieux de l'histoire de l'humanité, c'est écrit avec conviction et talent et cela procède aussi du devoir de mémoire.

     

     

    © Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

  • 14 Juillet

    La Feuille Volante n° 1205

    14 Juillet – Eric Vuillard – Actes sud.

     

    Avec un titre pareil, je me suis dit que j'allais lire, sous la plume de cet auteur, tout ce que je savais déjà, la vérité officielle sur la Révolution et la fin de la royauté, bref tout ce qui avait encombré les manuels scolaires depuis des générations. Que nenni, et heureusement ! L'histoire n'est pas faite que des agissements des plus grands et dans le déroulé des événements on oublie volontiers le peuple qui crève de faim ou meurt sur les champs de batailles quand le roi festoie ou dépense en frivolités l'argent des impôts toujours plus lourds, mène des combats inutiles et meurtriers pour les soldats. Sous l'ancien régime la dette publique croît en même temps que la spéculation pendant que le peuple trime. Tout se passe évidemment à Paris où on sent bien que les choses vont changé, qu'on est au bord d'un monde finissant et qu'il faut être de ce mouvement qui enfantera autre chose, sans qu'on sache très bien quoi. Alors, de la France entière tous les gueux, les miséreux, les vagabonds affluent vers la Capitale, se retrouvent dans la rue, viennent grossir cette foule anonyme et aveugle qui maintenant menace la couronne. Il y a des hommes et peu de femmes, des jeunes, des vieux mais ils parlent tous un patois différent, ne se connaissent pas, n'ont pas de nom, pas de lignage prestigieux, mais partagent ensemble la misère et la faim. Avec ces débordement et ces pillages, cette populace constitue un risque, on va faire donner l'armée, celle du roi, mais, même si on ne connaît rien aux combats ni à la stratégie, on s'arme de bric et de broc, les désertions se multiplient, on a le ventre vide et il fait chaud. Les révolutions accompagnent toujours la faim et les beaux jours…

     

    A ce peuple grossier et innombrable, il faut des représentants instruits qui présentent bien et qui savent parler et il s'en présente, braves gens qui voudraient bien que tout cela se calme, authentiques révolutionnaires qui souhaitent que ça change vraiment ou opportunistes qui sentent le vent tourner et qui veulent tenter leur chance. Certains y laisseront leur vie et d'autres survivront à ce grand chambardement et à coups de palinodies et de trahisons finiront par prendre la place de ceux qu'ils combattent présentement. Ainsi va l'espèce humaine !

     

    Dans un style passionné, vivant et riche, l'auteur raconte ce qui s'est passé mais, mieux peut-être, ce qu'il suppute, et imagine de ces journées périlleuses et, tragiques où le monde a basculé. Sous sa plume à la fois imaginative et érudite, il fait revivre un Paris populaire, celui des faubourgs et des ruelles, celui des cabaretiers, des artisans et des putains, ce Paris révolutionnaire où tout se joue ici, comme toujours. Alors on improvise tout, les combats comme les soins aux blessés, des hommes apparaissent et disparaissent, simples fantômes vite évanouis ou figures qui deviendront emblématiques, des destins se font et se défont, d'aucuns ont leur moment de gloire qui ne dure qu'un instant et d'autres commencent ici une ascension sociale qui sera fulgurante, certains s'apprêtent à porter leur croix de bois, d'autres devront à la Révolution naissante leurs étoiles de général et d'autres, à l'empire qui n'existe pas encore, leur bâton de maréchal. L'auteur refait avec force détails, certes inventés, mais qui paraissent authentiques tant ils sont bien rendus, la prise de cette citadelle-prison dont notre histoire retiendra plus tard la date et la symbolique nationale. Il multiplie les intervenants, de simples noms d'hommes, curieux, incrédules ou fanfarons, venus ici voir ce qui se passait, entre indignation, impatience et autorité. Eric Vuillard est un génial conteur et quand il évoque le quotidien et la mort d'un de ces quidams, le lecteur ne peut qu'être attentif au récit et révolté contre l'injustice de la camarde qui frappe aveuglément, compatissant à la douleur de ceux qui restent. Il sait aussi rendre la liesse populaire qui s'empare des rue de Paris à la suite de cet événement symbolique en même temps que la volonté populaire de conserver cet acquis et aussi l'anonymat. Les choses étaient effectivement en train de changer.

     

    J'ai passé un bon moment à la lecture de ce court roman

     

     

    © Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

×