Créer un site internet
la feuille volante

14 Juillet

La Feuille Volante n° 1205

14 Juillet – Eric Vuillard – Actes sud.

 

Avec un titre pareil, je me suis dit que j'allais lire, sous la plume de cet auteur, tout ce que je savais déjà, la vérité officielle sur la Révolution et la fin de la royauté, bref tout ce qui avait encombré les manuels scolaires depuis des générations. Que nenni, et heureusement ! L'histoire n'est pas faite que des agissements des plus grands et dans le déroulé des événements on oublie volontiers le peuple qui crève de faim ou meurt sur les champs de batailles quand le roi festoie ou dépense en frivolités l'argent des impôts toujours plus lourds, mène des combats inutiles et meurtriers pour les soldats. Sous l'ancien régime la dette publique croît en même temps que la spéculation pendant que le peuple trime. Tout se passe évidemment à Paris où on sent bien que les choses vont changé, qu'on est au bord d'un monde finissant et qu'il faut être de ce mouvement qui enfantera autre chose, sans qu'on sache très bien quoi. Alors, de la France entière tous les gueux, les miséreux, les vagabonds affluent vers la Capitale, se retrouvent dans la rue, viennent grossir cette foule anonyme et aveugle qui maintenant menace la couronne. Il y a des hommes et peu de femmes, des jeunes, des vieux mais ils parlent tous un patois différent, ne se connaissent pas, n'ont pas de nom, pas de lignage prestigieux, mais partagent ensemble la misère et la faim. Avec ces débordement et ces pillages, cette populace constitue un risque, on va faire donner l'armée, celle du roi, mais, même si on ne connaît rien aux combats ni à la stratégie, on s'arme de bric et de broc, les désertions se multiplient, on a le ventre vide et il fait chaud. Les révolutions accompagnent toujours la faim et les beaux jours…

 

A ce peuple grossier et innombrable, il faut des représentants instruits qui présentent bien et qui savent parler et il s'en présente, braves gens qui voudraient bien que tout cela se calme, authentiques révolutionnaires qui souhaitent que ça change vraiment ou opportunistes qui sentent le vent tourner et qui veulent tenter leur chance. Certains y laisseront leur vie et d'autres survivront à ce grand chambardement et à coups de palinodies et de trahisons finiront par prendre la place de ceux qu'ils combattent présentement. Ainsi va l'espèce humaine !

 

Dans un style passionné, vivant et riche, l'auteur raconte ce qui s'est passé mais, mieux peut-être, ce qu'il suppute, et imagine de ces journées périlleuses et, tragiques où le monde a basculé. Sous sa plume à la fois imaginative et érudite, il fait revivre un Paris populaire, celui des faubourgs et des ruelles, celui des cabaretiers, des artisans et des putains, ce Paris révolutionnaire où tout se joue ici, comme toujours. Alors on improvise tout, les combats comme les soins aux blessés, des hommes apparaissent et disparaissent, simples fantômes vite évanouis ou figures qui deviendront emblématiques, des destins se font et se défont, d'aucuns ont leur moment de gloire qui ne dure qu'un instant et d'autres commencent ici une ascension sociale qui sera fulgurante, certains s'apprêtent à porter leur croix de bois, d'autres devront à la Révolution naissante leurs étoiles de général et d'autres, à l'empire qui n'existe pas encore, leur bâton de maréchal. L'auteur refait avec force détails, certes inventés, mais qui paraissent authentiques tant ils sont bien rendus, la prise de cette citadelle-prison dont notre histoire retiendra plus tard la date et la symbolique nationale. Il multiplie les intervenants, de simples noms d'hommes, curieux, incrédules ou fanfarons, venus ici voir ce qui se passait, entre indignation, impatience et autorité. Eric Vuillard est un génial conteur et quand il évoque le quotidien et la mort d'un de ces quidams, le lecteur ne peut qu'être attentif au récit et révolté contre l'injustice de la camarde qui frappe aveuglément, compatissant à la douleur de ceux qui restent. Il sait aussi rendre la liesse populaire qui s'empare des rue de Paris à la suite de cet événement symbolique en même temps que la volonté populaire de conserver cet acquis et aussi l'anonymat. Les choses étaient effectivement en train de changer.

 

J'ai passé un bon moment à la lecture de ce court roman

 

 

© Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire