Joan Didion
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Une saison de nuits
- Par hervegautier
- Le 21/08/2019
- Dans Joan Didion
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La Feuille Volante n° 1373 – Août 2019.
Une saison de nuits – Joan Didion - Grasset.
Traduit de l'anglais par Philippe Garnier.
C'est le premier roman paru en 1963 de cette auteure américaine née en 1934.
Nous sommes dans les années 1960, une banale histoire sentimentale, un trio presque ordinaire doublé, il est vrai d'un meurtre, ce qui l'est moins. Everett Mac Clellan, le mari, tue l'amant de sa femme Lilly
L'auteure remonte le temps pour nous présenter l'histoire de chacun de ces deux époux avant leur rencontre. Pour Lilly, c'était la Californie avec ses parents qui vivaient d'une grande exploitation agricole dans l'esprit des pionniers américains, la douceur de vivre mais aussi pour elle, l'ennui. Pour Everett, c'est la culture du houblon qui monopolise son attention. C'est un peu de l'histoire de l'Amérique qui est évoquée ici, avec les fantasmes qu'elle suscite, la fièvre de la "ruée vers l'or," l'illusion de l' "el dorado", mais la réalité a changé, des mutations s'opèrent dans la société et face à cela ce couple tente d' exister maladroitement dans ce "rêve américain".
Entre 1938 et 1959 deux enfants naissent, Julie et Knight mais ce n'est pas cela qui ressoude les deux époux dont les relations sont empreintes de non-dits et d'incompréhensions, si bien qu'Everett part pour la guerre qui fait rage en Europe. C'est une sorte de fuite avec au bout peut-être la mort, une manière d'échapper à cette cohabitation devenue un peu trop lourde malgré les apparences. En son absence Lilly le trompe, avorte, s'enfonce doucement dans la dépression et la solitude qu'elle partage d'ailleurs avec sa belle-sœur Martha et ce malgré la présence de Ryder Channing qui rôde autour des deux femmes. Cet homme deviendra l'amant de Lilly et Everett, de retour de la guerre, malgré son couple à la dérive, refuse le divorce et trouvera une autre solution plus radicale. C'est effectivement un coup de feu qui débute ce roman, suivi d'un long analepse, puis un autre qui le conclut, comme la seule solution à cette union manquée que l'adultère de Lilly n'a fait que compliquer. Malgré les années passées Lilly entend toujours ces deux coups de feu qui obsèdent sa mémoire et qui sonnent le glas de tout ce qu'elle a perdu par sa faute, même si cet échec était inscrit en creux dans sa vie bien avant eux La douceur de la Californie n'y fait rien pas plus d'ailleurs que la vaine recherche de la jouissance avec des amants de passage.
Il y a certes le contexte américain qui donne à ce roman un décor tout à la fois grandiose et utopique mais je retiens surtout l'histoire de ce couple qui ressemble à un château de cartes édifié dans un courant d'air, de cet homme attaché à sa famille mais à qui tout échappe sans qu'il y puisse rien et de cette femme qui ne l'aime pas et qui finalement se croit autorisée à tout détruire autour d'elle. Ils se sont unis en faisant semblant de croire qu'ils étaient faits l'un pour l'autre et que c'est un hasard bienveillant qui les a fait se rencontrer parce qu'il ne pouvait pas en être autrement. Comme dans bien des ménages la réalité s'impose qui est bien différente, avec l'usure du temps et l'espoir que chacun peut inverser le cours des choses, un gâchis presque ordinaire dans un rêve social devenu cauchemar, la dramatique histoire d'un homme et d'une femme qui n'auraient sans doute jamais dû se rencontrer, se marier et fonder une famille. Si Everett aimait sa femme, cet amour n'était pas partagé et Lilly n'avait aucun état d'âme à rechercher ailleurs ce qu'elle avait chez elle et ruiner ainsi les espoirs d'un homme qui ne méritait pas cette trahison.
Je ne suis rentré que très tardivement dans ce roman et malgré cette histoire bien écrite et malheureusement bien proche de la réalité quotidienne, à l'exception peut-être des deux coups de feu, je garde de cette lecture une impression mitigée.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com