Simone van der Vlugt
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Bleu de Delft
- Par hervegautier
- Le 07/06/2019
- Dans Simone van der Vlugt
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La Feuille Volante n° 1355 – Juin 2019.
Bleu de Delft – Simone van der Vlugt - 10/18.
Traduit de néerlandais par Guillaume Deneufbourg.
Catrijn est une jeune veuve qui quitte son village natal après la mort suspecte de son mari. Ce fut un mariage bref mais malheureux et l’important héritage qu’elle fait entraîne ragots et soupçons de meurtre de la part de sa belle-famille. Elle a toujours rêvé de vivre en ville et arrive à Amsterdam où elle trouve une place d’intendante dans une riche famille patricienne, membre de la compagnie des Indes. Elle a toujours été passionnée par la peinture et aide la maîtresse de maison à parfaire son apprentissage mais les circonstances de la mort de son mari lui reviennent sous la forme d’un chantage auquel bizarrement elle accepte de se soumettre sans broncher. Cet épisode de sa vie la poursuivra sans trêve sous l’apparence de Jacob, son ancien valet de ferme à la solde de la famille de son défunt mari, avec toute la culpabilité que cela entraîne et le châtiment divin que cela implique pour elle. Ce personnage est ambigu, il accepte de la surveiller, la fait chanter, la rançonne mais ne manque jamais de lui dire son attachement alors, au fil de ses apparitions, on se demande quel est exactement le jeu qu’il joue. Cela évoque à Catrijn l’ombre du gibet et motive sa constante volonté de disparaître. Cet homme est pour elle comme une présence obsédante pour sa réussite professionnelle et son bonheur personnel, une menace omniprésente aussi, intéressé qu’il est par son argent. Elle n’a plus qu’à quitter Amsterdam et cette fuite s’accompagne de la chance d’une rencontre, d’ailleurs assez éphémère avec Vermeer, un peintre encore inconnu, puis plus tard avec Rembrand. Elle est admise dans une faïencerie où elle terminera sa formation et mettra au point le fameux « Bleu » qui a fera la fortune de la ville et de sa famille.
J’ai un peu de mal à imaginer qu’au XVII° siècle une jeune femme, même si c’est un personnage ayant réellement existé, puisse ainsi voyager seule, s’affranchissant aussi facilement des contraintes sociales et parvienne à se faire une place dans une société gouvernée par les hommes. Je la trouve quand même très chanceuse, peut-être un peu trop, pour que son histoire soit vraiment crédible, et l’ambiance religieuse de l’époque ramène cela à une protection divine. J’ai notamment trouvé que son voyage de retour vers Delft, à pied, seule et enceinte, dans une région où a sévi la peste, est un peu surréaliste! C’est aussi une séductrice, une gourgandine et une femme certes travailleuse, mais qui sait ce qu’elle veut, ce qu’elle vaut et surtout que rien n’arrête. Elle ne perd jamais de vue son intérêt. J’ai noté un important travail de documentation sur les coutumes de l’époque, les techniques de la faïencerie et l’inévitable peste, cette maladie mystérieuse qui était surtout considérée comme un châtiment divin et qu’on soignait bizarrement. Elle tuait à peu près la moitié de la population et épargnait l’autre moitié et on ne manquait pas à l’époque d’y voir la main de Dieu ! On n’avait à l’époque aucun traitement sérieux si ce n’est les recherches du chirurgien français Guy de Chauliac (1298-1368) et les différents essais empiriques en usage dans certaines régions (à Niort on la combattait avec l’angélique). Catrijn, qui use d’une thérapie étonnante mais apparemment efficace pour l’éviter ou la guérir, fait évidemment partie des survivants ; elle prend des risques inconsidérés face à l’épidémie et échappe à la mort alors qu’autour d’elle les disparitions se multiplient.
Je ne connaissais pas cette auteure et j’ai lu avec plaisir ce roman fort bien écrit et qui s’attache son lecteur jusqu’à la fin sans que l’ennui s’insinue dans sa lecture, même si cette histoire, qui met en scène certains personnages réels insérés dans un contexte historique, m’a paru par moments un peu trop romancée. Je veux bien que nous soyons dans une fiction mais les aventures de Catrijn pour être passionnantes m’ont semblé être trop dans l’irréalité.
©Hervé Gautier.http://hervegautier.e-monsite.com