Florent Oiseau
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Les fruits tombent des arbres
- Par hervegautier
- Le 01/12/2021
- Dans Florent Oiseau
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N°1611- Décembre 2021
Les fruits tombent des arbres – Florent Oiseau- Allary Editions.
Paris à la période de Noël, près d’un arrêt de bus, un homme meurt subitement, c’est l’occasion pour Pierre, le narrateur, la cinquantaine, divorcé, vaguement écrivain et surtout solitaire, de se livrer à des réflexions sur la brièveté de la vie, sur son caractère transitoire, sur la soudaineté de la mort… C’était un de ses voisins, Jean-Luc, un inconnu comme le sont tous les voisins de palier dans les grandes villes. Puis viennent les réflexions sur le réveillon solitaire et la conversation avec des prostituées....
C’est aussi une déambulation dans les rues de la capitale et sur la ligne dans ce bus n°69, un compte rendu de tous les gens qu’il croise, ce qui inspire à Pierre des souvenirs personnels. Il participe d’une manière originale aux obsèques du mort de l’aubette, rencontre une jeune fille qui accompagne sa marche solitaire dans la nuit. Elle aussi écrit des livres et rencontre des hommes comme lui et il deviendra peut-être un personnage de son prochain roman. Lui-même prend conscience qu’il devient de plus en plus misanthrope, fantasme beaucoup sur son travail d’écrivain, collationne les petits détails de sa vie au quotidien et repense à son ex-femme qu’il aime encore.
C’est écrit avec une jubilation certaine et l’auteur manie fort bien l’aphorisme et les bons mots, ce qui m’a bien plu. Il décrit les situations avec un luxe de détails mais aussi avec une distanciation qui ne m’a finalement pas étonné.
Le livre refermé, il me reste une drôle d’impression, pas mauvaise d’ailleurs malgré l’apparente légèreté du texte, peut-être celle de m’être laissé embarqué dans un roman qui se voulait drôle par les descriptions et autres maximes définitives mais ne l’était pas tant que cela. Il y avait bien ces pérégrinations dans Paris, cette fille qui écrit des romans, cette ligne de bus et son aubette, la vie de Pierre en pointillés, mais le plus important sans doute, derrière la mise en scène des obsèques vélocipédiques de Jean-Luc, c’est la vie de ce dernier avec son épouse et le secret qu’il tisse autour de lui, les fantasmes de cette femme. A l’enterrement, elle donne hypocritement tous les signes du deuil puis plus tard du souvenir entretenu, mais se dépêche, le caveau à peine refermé, de changer de vie et de profiter du temps qui fuit. Ce sont ces années qu’on peut passer dans l’intimé de quelqu’un sans se douter de ce qu’il vous cache parce qu’il le fait naturellement, qu’on lui fait confiance ou qu’on s’attache à de fausses idées à son sujet. C’est la certitude qu’au sein même du couple où on est censé tout se dire, demeurent des secrets inavouables qui détruisent petits à petit une union parce que un doute un jour s’y est insinué. Le mensonge dans lequel on s’installe le dispute aux idées fausses qui s’incrustent et qu’on entretient. Il est aussi question de fidélité au-delà de la mort, un sorte de devoir de mémoire ou quelque chose qui ressemble à de l’amour pour un être disparu et la mise en scène qu’on se croit obligé d’assurer mais au-delà de tout cela il m’a semblé sentir une certaine lassitude de vivre, combattue sans conviction à coup de canettes de bière, de cigarettes ou de verres de lait glacé, et surtout une grande solitude, une volonté de vivre au jour le jour une existence sans grand intérêt.