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la feuille volante

Sur la dune

La Feuille Volante n° 1318

 

Sur la dune - Christian Oster- Éditions de Minuit.

 

Ça commence un peu comme dans tous les romans de Christian Oster une manière banale, le narrateur, Paul, célibataire, désireux de s'installer à Bordeaux, rend visite à ses amis, Jean et Catherine, à Saint-Girons-Plage pour les aider à dégager leur maison secondaire menacée d'ensablement. En réalité il ne les trouve pas et se loge dans un hôtel si bondé qu'il doit partager sa chambre avec un inconnu, Charles Dugain-Liedgester, dont l'épouse, Ingrid, dort dans une autre chambre et dont il apprendra par la suite qu'ils ne se supportent pas. En fait d'amis le narrateur a pris ses distances avec eux d'autant plus qu'il a été l'amant de Catherine quelques années avant son mariage avec Jean, mais ils se sont momentanément séparés à la suite d'une dispute.

Suivent de nombreuses pages qui ne sont que des réflexions un peu oiseuses sur la présence du narrateur dans la salle de bains, sa lecture avant de dormir, ses échanges oraux éphémères avec Charles, sa façon de s'habiller et de prendre son petit déjeuner et la composition de celui de son compagnon de chambre le lendemain, puis, en faisant son office de manœuvre bénévole, les souvenirs qui lui reviennent à la mémoire, comme une sorte d'introspection obsédante… Que des choses passionnantes ! J'ai eu l'impression de m'ensabler dans ma lecture comme le narrateur dans sa dune. En dehors de pelleter du sable pour dégager la porte d'entrée de la maison de ses amis, ce qui n'a rien de particulièrement exaltant, surtout en leur absence, il avait un autre centre d'intérêt en la personne d'Ingrid, aperçue la veille et à la beauté de qui il ne semble pas insensible. Les relations de Paul avec les femmes sont compliquées, mais les événements semblent le servir dans la mesure où il propose à Charles de lui servir de chauffeur pour aller aux obsèques de Jean-Marc, leur voisin à Chartres, Ingrid, pour qui il nourrit de plus en plus de fantasmes secrets, rentrant seule dans sa propre voiture. Pendant le voyage aussi long et monotone que la forêt landaise, il apprend que le couple que formait Jean-Marc avec Brigitte ne s'entendait pas. Dans l'entourage de Paul et pendant ce bref laps de temps, cela fait beaucoup de couples en difficultés.

Comme c'est souvent le cas des célibataires qui sont invités par hasard dans un couple, Paul observe plus attentivement Ingrid et le drôle de couple qu'elle forme avec Charles, et aussi Brigitte qui devient pour lui une opportunité, peut-être consentante… L'éventualité de trouver une place parmi eux a sûrement dû l'effleurer. L'auteur ne nous dit rien de Paul, ni de son métier ni de son apparence physique, mais je l'imagine bel homme, attirant un peu malgré lui ces deux femmes. Pourtant lui semble être un cérébral, l'inverse en tout cas de l'amoureux fou ou du froid Don Juan. Il réfléchit, hésite en présence d'une femme sur la conduite qui doit être la sienne… A moins bien sûr qu'il ne soit, tout bonnement, maladivement timide.

Oster met à profit le récent veuvage de Brigitte pour renouer avec son thème favori de la solitude. Il est vrai que cela tombe plutôt bien dans le cadre du décès de Jean-Marc, mais il noircit un peu trop le trait en prêtant ce sentiment à Paul qui ne l'a jamais vu auparavant. C'est pourtant lui qui, la cérémonie passée, prend l'initiative de réunir les rares amis venus accompagner le défunt. Pire peut-être, l'auteur y ajoute celui de l'abandon de l'être aimé. Bizarrement, alors que c'est Jean-Marc qui vient de mourir et qu'on s'apprête à enterrer, c'est Brigitte qui le quitte, symboliquement il est vrai, puisqu'elle choisit de partir avant la fin de la cérémonie des obsèques et de disparaître définitivement. C'est un geste lourd de sens de sa part qui témoigne de l'attachement tout relatif qu'elle éprouvait pour son époux. L'épilogue vient conclure d'une manière finalement pas si inattendue que cela, ce thème de l'abandon.

Au terme des différentes et nombreuses lectures que j'ai faites des romans de Christian Oster, j'ai parfois noté mon ennui, parfois ma désapprobation, notamment au regard de son style et de ses trop longues phrases, mais pour une fois, le thème qu'il choisit de la solitude à l’intérieur de mariage me paraît pertinent. Pour des raisons religieuses, mais pas uniquement, on a trop longtemps voulu faire perdurer une institution en la présentant comme un des piliers de la société, alors qu'on faisait bon ménage de l'hypocrisie qui allait forcément avec comme elle va avec toutes les activités humaines qu'on déguise à l'envie avec de la moralité. Le tableau qu'il nous brosse ici me paraît judicieux parce que, l'amour, à supposer qu'il existe au début d'une union, n'en reste pas moins une valeur consomptible et ne dure pas toute la vie.

 

©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com

 

 

 

 
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