la feuille volante

Dans la cathédrale

La Feuille Volante n° 1325

 

Dans la cathédrale Christian Oster – Éditions de Minuit.

 

Paul, 35 ans, vit à Paris chez Jean, le narrateur qui a 20 ans de moins. Officiellement Paul cherche un appartement mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il ne met pas dans cette recherche une énergie débordante, tout comme dans la quête d'un travail pour la découverte duquel nous savons depuis peu qu'il suffit de traverser la rue. Il s'agit donc d'une cohabitation qui, de la part de Jean, est plus motivée par la charité que par l'attachement à la personne de son ami. Puis, tout d'un coup Paul disparaît pour aller rejoindre une femme. Jean se retrouve seul et il se souvient de différentes compagnes qui ont fait partie de sa vie. L'une d'elles y débarque en prétendant l'avoir connu alors qu'il n'en a aucun souvenir. Est-ce à cause de tous ces fantômes qui font irruption dans sa mémoire ou à la disparition subite de Paul qu'il choisit de partir, toujours est-il qu'il disparaît à son tour. Il choisit la Beauce, près de Chartres, peut-être par le plus grand des hasards, peut-être parce que c'est le siège social du journal où il travaille. Il y retrouve un collègue qu'il connaît à peine, Andrieu, qui va se marier, qui tombe malade et dont Jean va s'occuper.

 

L'auteur renoue avec son thème favori qu'est celui de la solitude, avec une variante ici, la solitude entre les hommes et les femmes. C'est un peu toujours la même chose avec Christian Oster. Ici Jean est tellement seul qu'il prend la décision un peu surréaliste de tout abandonner de ce qui fait sa vie, son appartement et son travail parisien, sans pour autant avoir le moindre projet de remplacement. Il part en se disant qu'il verra bien et que le hasard décidera pour lui. Les relations entre les hommes et les femmes sont également évoquées à l'aune de la solitude et Jean repense à toutes ses compagnes qu'il a eues auparavant et pour qui il n'a jamais éprouvé une vraie passion. Certaines retiennent un peu son attention alors que d'autres lui sont à ce point indifférentes qu'il a complètement oublié leur passage dans sa vie et on peut même supposer qu'il s'agit d'une erreur sur la personne. Physiquement je n'imagine pas Jean comme un « latin lover » et encore moins comme un « donnaiollo » comme disent si joliment nos amis Italiens, Je le vois comme un homme ordinaire, si seul cependant qu'il est capable de tomber amoureux d'une femme dont il sait qu'elle sera pour lui inaccessible, comme c'est le cas d'Anne, la fiancée d'Andrieu, même si on sent que cet amour, qui n'est peut-être qu'un désir fugace, ne durera pas. Un peu comme si cette femme juste entraperçue était moins l'objet de son amour que de son fantasme, justement parce qu'il est seul. Je l'imagine plutôt vivant dans la fidélité d'un chien ou le mystère d'un chat. Le titre du roman évoque la cathédrale de Chartres où se déroule la mariage d'Andrieu et d'Anne mais qui n'est qu'un lieu de transit, un moment éphémère dans la vie de Jean. Est-ce à dire que l'amour n'existe pas et qu'on se rapproche de quelqu'un un peu par hasard ou pour exorciser la solitude, en comptant sur la chance pour nous aider ? J'avoue que cette explication m'agrée un peu et, pour être personnelle, cette intuition éclaire pour moi l’œuvre de notre auteur au regard de notre société.

 

Les romans d'Oster sont pour moi, plus que les autres, l'objet d'une question que leur seul titre ne suffit pas à résoudre. Ici l'action, si on peut la qualifier ainsi (ce n'est que le déroulement d'une série de faits qu'on pourrait attribuer au hasard), se développe principalement aux alentours de Chartres. Depuis Péguy, nous savons que cette ville est indissociable de sa cathédrale or, de cet édifice, il n'est question en filigrane qu'à la fin, un peu comme le roman de Boris Vian « l'automne à Pékin » qui ne se passe ni en automne ni à Pékin. Les romans de notre auteur se lisent bien et même rapidement. Ils sont parfois écrits avec des phrases démesurées ce qui en rend la lecture difficile mais ce n'est pas le cas ici. Leur agencement est aussi quelque peu haché par une architecture peu conventionnelle. Le style est malgré tout fluide, agréable, l'usage des imparfaits du subjonctif ont un côté vintage et original qui ne me gêne pas du tout, bien au contraire et je trouve même que cela se marie bien avec l'ambiance du roman.

 

J'ai abordé sa lecture par hasard, en prenant, par curiosité un de ses romans sur les rayonnages d'une bibliothèque publique. Je l'ai lu, je me suis posé des questions sur ce que je venais de lire et aussi sur moi, mais finalement, je ne sais exactement pourquoi, j'ai résolu d'explorer plus avant son univers créatif. D'après ce que j'ai pu lire, il me semble que cela renvoie assez bien l'image de notre société contemporaine, que cela en est le miroir. En tout cas je m'y reconnais un peu. Il m'a sans doute fallu longtemps et de nombreuses hésitations pour appréhender cet auteur et peut-être le comprendre.

©Hervé GAUTIER – Février 2019. http://hervegautier.e-monsite.com

 

 

 

 

 

 
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