la feuille volante

Bristol

N°1966– Février 2025.

 

Bristol – Jean Echenoz – Les éditions de Minuit. .

 

Bristol, ce n’est ni une ville d’Angleterre, ni le nom d’un grand hôtel,ni un carton d’invitation mais celui d’un petit homme sans grande envergure, plutôt couleur muraille, obscur producteur de cinéma de son état, dont la journée commence plutôt mal. En ce matin d’automne parisien l’occupant du cinquième étage de son immeuble vient, dans le plus simple appareil, de se défenestrer. Cela ne le perturbe pas et il passe son chemin parce qu’il a en tête un film dont on comprend très vite qu’il ne figurera pas dans les annales du cinéma d’auteur, une vraie panouille. Nous le retrouverons plus tard dans une séquence amoureuse avec Geneviève, en Afrique pour l’incertain tournage de scènes ratées mais qui mettent en exergue à la fois une imagination fertile quoique incertaine et une opportune volonté de falsification des comptes trop dispendieux au goût de la production. Echenoz aime faire voyager ses personnages. Mais cette affaire bien mystérieuse de défenestration se trouve être le départ, non d’une instruction judiciaire comme on pouvait s’y attendre, mais d’aventures aussi inattendues qu’entremêlées, d’où il ressort un parfum d’échec, de solitude et de mélancolie déjà ressenti dans ses autres romans.

Il est bien digne de l’Oulipo (ouvroir de littérature potentielle) dont il fut l’invité d’honneur en 2001 tant son style est original. Non seulement son écriture est parfois minimaliste, parfois à ce point précise qu’on peut aisément y voir une volonté de son auteur de pratiquer l’hypotypose qui est l’art de décrire une scène d’une façon tellement réaliste qu’on à l’impression d’y assister au moment même où elle est décrite, ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion de multiplier les digressions qui peuvent égarer le lecteur. Elle empreinte beaucoup au cinéma dans son architecture même, multipliant les « gros plans » exprimés par des formules d’une étonnante précision, parlant du « nacré des cirro-cumulus », du « piqué des infrutescences », mais qui sonnent bien et des images parfois étonnantes voire incongrues qui révèlent une grande richesse de vocabulaire et un sens percutant de la formule. Il pousse même la complicité jusqu’à s’adresser directement à son lecteur, à lui confier ses remarques personnelles! Bref, comme je l’ai déjà dit dans cette chronique, j’aime bien son humour.

Je continue à découvrir l’œuvre d’Echenoz, toujours avec le même plaisir à cause du style, peut-être aussi du suspens et de la faculté qu’il a d’étonner son lecteur, même si ici l’épilogue m’a un peu déçu.

 
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