Le chevalier inexistant
- Par hervegautier
- Le 30/12/2024
- Dans Italo Calvino
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N°1952– Décembre 2024.
Le chevalier inexistant – Italo Calvino – Le Seuil.
Sous un titre assez sibyllin, c ‘est une drôle d’histoire qui nous est contée par une nonne, sœur Theodora, celle d’un chevalier, Agilulhe, au nom complet démesurément long qui prétend avoir été sacré à la suite de son intervention pour sauver l’honneur d’une femme. Son titre est remis en question et pour faire la preuve de sa bonne foi, il entreprend une pérégrination au long cours et quelque peu déjantée, cherchant, en compagnie de son écuyer un peu folklorique, Gouidoulou, à démontrer la virginité de cette dame. Au cours de cette quête, il croise différents personnages alternativement burlesques, animés d’un idéal chevaleresque ou simplement amoureux. Cette histoire est d’autant plus incroyable que, plus elle écrit plus sœur Theodora se sent dépassée par son récit, un peu comme si elle en devenait prisonnière ou bien qu’il lui échappait complètement. Une manière de montrer un des paradoxes de l’écriture, d’illustrer la solitude de l’écrivain face à la feuille vierge, celle des personnages, poursuivants et poursuivis, esclaves autant de leurs recherches que de leur parole donnée et de leur idéal. Mais l’incroyable ne s’arrête pas là et ce chevalier ne se présente que constamment revêtu de son armure, visière baissée, pour la seule raison qu’elle est vide !
Italo Calvino clos avec ce roman publié en 1959 sa « trilogie héraldique » intitulée « Nos ancêtres », un peu dans le même esprit quelque peu surréaliste du «Vicomte pourfendu »(1952) et du « Baron perché » (1957). Il associe l’idéal chevaleresque, l’errance, la chanson de geste, l’amour courtois, le respect des femmes, la quête du Graal, la soumission aux rituels religieux, la recherche d’un idéal matérialisé par la poursuite de quelque chose ou de quelqu’un, à une histoire un peu folle où pourtant s’impose l’idée de la solitude et la recherche de soi-même. Quant à l’homme idéal tel que nous est décrit le chevalier dans la littérature médiévale, il ne peut s’agir que d’une satire, ce genre de personnage étant bien éloigné de l’espèce humaine, pas plus que, à l’époque, l’abolition des privilèges des nobles. Quant à cette idée de parenté, entre inceste supposé et filiation naturelle, c’est carrément dément ou peut-être simplement oulipien. Ce n’est que lors de l’épilogue qu’on réussit à savoir qui est qui. Goudoulou me paraît être beaucoup plus terre à terre et en ce sens, bien plus humain.
J’ai retrouvé ici le fabuliste plein d’humour mais aussi l’auteur d’une sorte de conte philosophique qu’a été Italo Calvino (1923-1985).
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