la feuille volante

Gomorra

N°1965– Février 2025.

 

Gomorra - Dans l’empire de la camorra– Roberto Saviano – Folio.

 

Roberto Saviano est un journaliste italien et c’est dans un style journalistique qu’il a écrit ce livre bien documenté, un peu comme un reportage. Il est aussi né à Naples et c’est presque naturellement qu’il enquête sur cette ville (et sur sa région) à laquelle on associe la Camorra ou plus exactement « le Système », organisation criminelle qui tire ses revenus de la drogue, des déchets toxiques illégalement enfouis au mépris des règles de l’environnement, des armes, des contrefaçons de qualité, sur fond de guerres de clans, de balles perdues, avec blanchiment de l’argent sale, trahisons, exécutions, liens avec le milieu politique et celui des affaires, violence, corruption, réglements de compte… Il révèle aussi l’importance des Chinois immigrés, du trafic dans le BTP et les marchés publics, dans les produits alimentaires, les tissus, du travail clandestin des pauvres exploités, employés dans la confection des vêtements et accessoires de luxe de grandes marques italiennes. Son livre a aussi une dimension sociologique puisqu’il évoque la vie de la population napolitaine vivant au cœur du système mafieux.

Il décrit avec moult détails les différents assassinats, en décrypte la mise en scène pour en révéler la signification, les codes. Il explique le rôle qu’y tiennent certaines femmes qui, en ce sens, sont l’égal des parrains au point d’être elles-mêmes exécutées contrairement à la tradition qui veut qu’on épargne les femmes. En revanche quant une jeune femme choisit, souvent par intérêt, de vivre avec un mafieux, l’organisation lui verse un salaire ou une aide si son compagnon vient à être tué ou emprisonné. Même les prêtres n’échappent pas au massacre quand ils sont une gêne pour le « Système », malgré les marques de religiosité affichées par les parrains de la Camorra. Il n’y a donc ni morale ni charité dans ce monde qui ne vit que pour le business, à part peut-être le code d’honneur entre membres. Ses investigations l’amènent à affirmer que cette organisation étend ses tentacules jusqu’en Espagne dans le domaine du tourisme et évidemment du narcotrafic d’Amérique du Sud. Et ce malgré le travail de la police, des juges anti-mafia et des révélations de repentis. L’auteur livre même un long chapitre sur la Kalachnikov, son usage par les mafieux, la signification de ses impacts sur leurs victimes, histoire de rappeler qu’ils sont sur leur territoire et qu’on leur doit le respect. Il rappelle que Naples est « un lieu où le mal est le mal absolu, où le bien est le bien absolu » et je comprends maintenant le dicton qui dit que c’est une ville où, quand on se réveille le matin on n’est pas sûr d’être en vie le soir. On est donc loin des traditionnelles cartes postales, du soleil, de la Dolce Vita, des « Gelati » des pâtes, des pizzas ou du cappuccino...

Avec de telles révélations qui résultent d’un travail à la fois précis et courageux, grâce à l’exceptionnelle audience de son livre traduit en de nombreuses langues et adapté au cinéma par Matteo Garrone (Grand prix du jury au Festival de Cannes en 2008), il a obtenu des prix et distinctions prestigieuses mais a un « contrat » sur sa tête et vit en permanence sous protection policière depuis 2006, date de la publication de son livre en Italie. Ce coup de pied dans la fourmilière mérite bien une lecture. C’est passionnant !

 

 

 

 
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