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la feuille volante

Eux sur la photo

N°1976– Avril 2025.

 

Eux sur la photo - Helène Gestern - Arlea.

 

Ce roman débute par une petite annonce passée par Hélène Hivert, trente huit ans, qui n'a plus de famille et aucun souvenir de sa mère, Nathalie, décédée en 1972. Cette annonce est accompagnée d'une photo représentant deux hommes et une femme, sa mère, tous jeunes et un article de presse précisant qu'ils ont gagné ensemble un petit tournoi de tennis. Un biologiste anglais, Stéphane Crüsten lui répond qu'il se trouve être le fils d'un de ces hommes, Pierre, et c'est le début d'un échange épistolaire, y compris par mails, complété par des textes extérieurs, au cours duquel une histoire se dévoile malgré les disparitions, les mémoires qui s'effacent ou qui parfois s'éclairent, les secrets familiaux, les longs silences, les mensonges.

Au fil des lettres, des photos, des rencontres et des documents échangés, des voiles se lèvent et les relations entre Hélène et Stéphane deviennent de plus en plus amicales et amoureuses avec cependant un long usage du voussoiement, comme pour retarder quasi volontairement cet épilogue personnel. Cette liaison due au hasard, cette correspondance, réveillent des fantômes et éclairent des zones de l'histoire de cet homme et de cette femme restée dans l'ombre qui se sont connus jadis mais se sont mariés chacun de leur côté avec un conjoint différent. Jusque là, ils n'étaient que des quasi inconnus et cette correspondance d'une année révèle leur parcours commun et intime et éclaire le peu que Hélène et Stéphane savaient d'eux, ce qui n'autorise pas pour autant les supputations les plus fantasques. Cela m'a semblé, au fil des pages, être pour eux une recherche éperdue de ces deux êtres avec la crainte de découvrir quelque chose de dérangeant, à cause peut-être du destin, de l'amour, du hasard et de la vie qui se livrent parfois, au détriment des pauvres humains, à un jeu bien cruel. Au terme de ces lentes et parfois hésitantes investigations, faites de photographies découvertes dans les archives familiales, de suppositions parfois démenties, il en résulte des chocs face au passé et surtout un long questionnement assorti de décevantes certitudes et de prégnantes culpabilités nées de convenances sociales d'un autres temps, une volonté aussi de pardonner aux morts et d'aller ensemble de l'avant parce que l'amour est avant tout le domaine des vivants.

La quête de ses origines est légitime, surtout dans ce contexte très particulier. L’émotion que distille ce texte ne m'a pas quitté tout au long de ma lecture. A titre personnel, je suis toujours intrigué par le mystère que les photographies portent en elles, l'histoire intime des personnages qui y figurent et que la mort a emportés, leurs joies et leurs drames, leurs lâchetés, les secrets, les silences et les failles qu'elles cachent, les injustices imposées par les autres, l’hypocrisie et la solitude derrière les sourires et les visages momifiés dans les sels d'argent, le temps qu'elles figent, le souvenir qu'elles perpétuent sur un fragile support. D’ordinaire je n'aime guère les romans épistolaires. Je ferai volontiers une exception pour celui-ci.

Cet ouvrage est noté comme un roman, c'est à dire une fiction et je m'interroge toujours sur l'aspect biographique, personnel ou emprunté de la démarche surtout quand les détails de nature photographiques, visages et paysages sont si précis et poétiques, au point qu'on peut parler d'une forme d'hypotypose.

Je l'ai déjà dit dans cette chronique, j'apprécie le style fluide de cette auteure qui s'attache son lecteur au fil des pages et ça a été pour moi un vrai plaisir de la lire. J'ai déjà lu d'autres romans d'Hélène Gestern, je ne regrette pas d'avoir découvert celui-ci qui est son premier.

 

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com

 
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