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la feuille volante

Qui a tué mon père

N°1956– Janvier 2025.

 

Qui a tué mon père – Édouard Louis- Seuil.

 

Avec ce roman autobiographique paru en 2018, Édouard Louis retrace la figure de son père. Après des années de séparation, l’auteur revient chez son père qui vit dans une petite ville du Nord, grise et froide avec une autre femme que sa mère. Il retrouve un homme diminué par la souffrance et la maladie dont la vie peut s’échapper à tout instant. Ce sera sans doute la dernière visite de ce fils pourtant rejeté par ce père à cause de sa sensibilité, de sa fragilité, de son homosexualité et qui, devenu adulte, a réussi par son talent à briser la moule familial de la pauvreté, de l’alcoolisme, du chômage, de la précarité en embrassant une carrière d’homme de Lettres reconnu qui fait quand même la fierté de son père.

Cette rencontre est pour lui l’occasion de remonter le temps, de se remémorer les relations difficiles qu’ils a eues avec lui, entre violence, incompréhension, regrets et peut-être amour mais compte tenu du contexte culturel, des préjugés sociaux, du rejet de son orientation sexuelle, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu entre eux véritablement de l’amour. Ce que je retiens c’est surtout cette opposition constante entre eux, cette ambiance familiale délétère où les coups de gueule, les larmes, les cris étaient plus fréquents que les rires et les moments de complicité. Cette entrevue a été l’occasion de se parler, un peu comme une ultime tentative d’explication voire de rédemption

Reste la question posée (sans point d’interrogation). Sans aucune ambiguïté, Édouard Louis accuse les hommes politiques, de Chirac à Macron qu’il juge responsables de l’abandon des plus déshérités. Son père, victime d’un accident du travail est devenu un assisté, un oublié de la société, un humilié, capable seulement de subir des décisions qui lui sont défavorables. C’est peut-être cette injustice qui le rapproche de son père, davantage que les souvenirs personnels quelque peu délétères qu’il évoque. Cette détresse, cette révolte ainsi exprimées me paraissent même bien plus importantes que le récit biographique. Au moment où les politiciens, chargés de représenter le peuple à qui ils doivent leur situation avantageuse, nous donnent l’image de gens plus préoccupés par leur réélection et donc leur carrière que par l’intérêt général qu’ils sont censés défendre, ces remarques exprimées dans la 3° partie de ce court ouvrage m’ont paru des plus pertinentes. La démagogie, le mensonge, la mauvaise foi, la trahison, les flagorneries et les palinodies des politiciens ne plaident évidemment pas en leur faveur. Ils sont à ce point coupés des réalités quotidiennes, des difficultés de ceux dont ils régentent la vie par leurs décisions qu’il est possible d’y voir de l’incompréhension, l’indifférence, du désintérêt. Au fil du temps ils sont devenus des profiteurs, des parasites de la société. La politique est une chose passionnante, ceux qui la font le sont nettement moins.

Les motivations de l’écriture sont diverses entre la conservation de la mémoire, la volonté de porter témoignage, de régler des comptes, celle de partager des réflexions personnelles et ainsi d’aider d’éventuels lecteurs, voire celle d’augmenter son œuvre personnelle en occupant le terrain médiatique… Pourquoi, depuis que le suis le parcours créatif d’ Édouard Louis, ai-je souvent l’impression, comme ici, que l’auteur recherche dans les mots une sorte de rédemption pour ses romans précédents écrits sur sa famille ?

 

 
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